Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Auteur/autrice : Laurent Page 3 of 349

Julien Gagné, à l’aventure comme D’Artagnan!

Il arbore la moustache, comme les mousquetaires du temps de Louis XIV.

L’oeil romantique, la tignasse au vent, sans complexe aucun et dans une certaine désinvolture que lui donne assurément l’assurance d’un talent cycliste confirmé, il part à l’aventure comme D’Artagnan le faisait en son époque.

Et l’aventure pour Julien, ca veut dire 100 bornes d’échappée solo – là où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir! – pour aller gagner avec presque trois minutes d’avance sur son dauphin un certain… Nikki Terpstra la récente course de gravel bike Locos à Hico au Texas.

Et sur la même course, deux autres mousquetaires de sa patrie terminent respectivement 3e et 8e, soit Adam Roberge et Alexis Cartier.

Une compagnie autoproclamée « la Poutine Mafia »!

Bref, plus motivé que jamais, Julien Gagné poursuit ses rêves, roule toujours et gagne! On fait le point avec lui, à quelques jours du Unbound Gravel Race, peut-être la plus prestigieuse course de gravel aux États-Unis et qui verra à son départ outre les habitués, des certains Daniel Oss, Nicholas Roche, Greg Van Avermaet et même le champion du monde en titre, Matej Mohoric, qui y sera en pensant à sa prochaine participation au… Tour de France.

La Flamme Rouge: Julien, ta première grande victoire sur une course de gravel au Texas!

Julien Gagné: Oui, content, une belle étape de franchie! Ca prouve qu’en gravel je peux tirer mon épingle du jeu parmi les meilleurs du moment, et je m’impose en solitaire après une échappée qui a duré 100 kilomètres. Un peu ma signature!

LFR: Avant la Locos, tu as également eu d’excellents résultats, très constants.

Julien: J’ai une bonne saison oui. Ma première course a été au Texas, la Valley of Tears, ou je termine 6e après une chute durant la course. Un peu plus tard, sur la Mid-South en Oklahoma, je suis mal positionné à l’entrée d’un single tract, et je ne peux faire mieux qu’une 9e place. L’expérience de gravel qui rentre! Enfin, j’ai terminé 4e à la Belgium Waffle Ride en Utah, sur cette course j’avais de très bonnes jambes mais il m’a manqué un peu de confiance pour partir de loin en solo.

LFR: Tu as aussi pris le départ de la fameuse Rasputitsa.

Julien: Quelle journée! Je casse ma chaine dès le départ des élites à 8h. On m’en remet une, mais trop courte et je ne peux pas passer les vitesses les plus faciles. Je prends le second départ à 8h30, je vise faire un bon entrainement, je me retrouve rapidement solo et comme ca, je réalise le 3e meilleur temps de la journée! Dommage que je n’étais pas dans le peloton des élites mais bien tout seul devant le 2e peloton du jour.

LFR: Quels sont tes prochains objectifs?

Julien: Certainement la première édition de la Bromont Gravelooza, prévue le 8 juin prochain, un parcours de 140 kilomètres en Estrie, ma région. La course est notamment organisée par le Centre National de Cyclisme de Bromont, alors c’est l’fun de voir le vélo gravel se développer au Québec. Ensuite ce sera les Canadiens à Calgary mi-juin, puis la Belgium Waffle Ride en Caroline du Nord les 21 et 22 juin.

LFR: Des chances de te voir en Outaouais lors de la Big Red à Greenville-sur-la-Rouge?

Julien: À voir Laurent, je n’ai jamais fait cet événement, mais on m’en a parlé en bien.

LFR: Et la Unbound en fin de semaine prochaine?

Julien: Ca n’a pas fonctionné cette année, vraiment dommage car je suis en bonne condition en ce moment. Je me suis pris un peu tard, c’est aussi un budget mais c’est définitivement une course qui est à mon programme l’an prochain, un beau 320 kilomètres, le genre de truc que j’aime beaucoup et sur lequel je peux bien faire.

LFR: Tu t’es converti au gravel bike après une carrière en cyclisme sur route.

Julien: Oui, pour moi désormais c’est du gravel bike à temps plein, et je trouve ca plus l’fun, en gravel tu es dans la nature, dans des prairies, je préfère ca désormais à me faire frôler par des voitures pendant 250 kilomètres à l’entrainement.

LFR: En course, c’est très différent de la route?

Julien: En gravel, c’est plus honnête dans le sens que ca se joue vraiment à la pédale, tu peux vraiment exprimer le moteur que tu as. Le gravel, c’est souvent plus diesel que la route. Autre point, tu ne peux pas vraiment te cacher comme sur la route, et puis il y a moins de stratégie en gravel. Enfin, je trouve ca généralement plus ludique, tu as plus de pilotage à gérer, le temps passe vite même si les vitesses moyennes sont généralement moins élevées que sur la route.

LFR: Tu roules avec une équipe cette saison?

Julien: J’ai la chance de pouvoir compter sur la boutique Qui Roule à Sherbrooke, notamment leurs vélos Trek. Et puis, d’autres partenaires de la région de Sherbrooke m’aident également, comme la microbrasserie Siboire et la compagnie Fino, qui aide les compagnies à mieux servir leurs clients.

LFR: Tes partenaires s’appellent aussi Adam Roberge et Alexis Cartier…

Julien: Oui, on n’est pas vraiment dans la même équipe mais on voyage ensemble le plus souvent possible, on s’aide, on partage la logistique lorsque nous sommes sur des courses à l’étranger, ca aide beaucoup. Et puis, ca divise aussi la facture!

LFR: Un pour tous et tous pour un…

Julien: C’est exactement ca!!!

LFR: Ce passage au gravel a entrainé un changement dans ton entrainement?

Julien: Disons que j’évolue. Aujourd’hui, je fais moins de très haute intensité comme de l’anaérobie, que je réserve en course seulement. Je fais davantage de zone 1 et de zone 2, ainsi que pas mal de volume. Ca été spécial la semaine dernière, 41h de vélo! (le Strava de Julien est ici).

LFR: De la musculation?

Julien: J’aimerais en intégrer davantage, l’an prochain j’espère pour bien faire cette transition. Je fais cependant du core, du gainage.

LFR: Et tu avais préparé ta saison comment?

Julien: Juste du home-trainer cet hiver Laurent, souvent deux séances par jour, matin et soir avec Zwift. Un peu de fat bike dans le Mont Bellevue à Sherbrooke aussi, pour prendre l’air. Je n’ai pas fait de camp d’entrainement, la saison de gravel commençait tôt.

LFR: Tu as modifié ta position sur le vélo pour passer au gravel?

Julien: Peu d’ajustement en fait. Je roule sur un vélo un peu plus grand, et j’ai adopté une position un peu plus moderne disons, guidon assez étroit et position peut-être un peu plus avancée. La prochaine étape est de réviser la longueur des manivelles, la tendance est d’aller actuellement vers du plus court, comme sur la route.

LFR: Ce sont des gros budgets maintenant le vélo…

Julien: À qui le dis-tu! Mais je veux continuer de mettre l’emphase sur le gravel en 2024 et plus encore en 2025, car je crois pouvoir y faire de très belles choses. Il faut trouver les moyens de poursuivre, de performer encore mieux sur les grands événements du calendrier, car le moteur est là et ne demande que ca. Comme souvent, les moyens financiers sont cruciaux!

Pogacar, l’année de tous les records?

Le phénomène Tadej Pogacar s’est donc imposé sur un Giro sans course ni suspense (je vous l’avais annoncé avant le départ) tant le Slovène a dominé son sujet de bout en bout, ré-écrivant même des parties de l’histoire moderne du cyclisme.

Jamais un vainqueur n’y avait roulé aussi vite, plus de 42 de moyenne sur les trois semaines de course.

Six victoires d’étape. Ca faisait un bail qu’on n’avait pas vu ca sur un grand tour, même chez un sprinter.

Presque 10 minutes d’avance sur le dauphin, qui a eu l’air d’un coureur junior pendant ces trois semaines.

Et surtout, une insolente facilité, capable d’accélérer et de lâcher tous ses adversaires pratiquement bouche fermée là et quand il le voulait. Il s’est même offert Ganna sur le long chrono de ce Giro, le détenteur du record de l’heure!

D’après ce que j’ai lu, Pogacar n’aurait jamais vraiment « forcé » sur ce Giro, et en aurait donc garder sous la pédale en prévision du Tour.

Je ne sais quoi vous dire d’autre! C’est tout simplement stupéfiant.

Après un court repos, Pogacar rempile avec un camp d’entrainement en altitude du côté d’Isola, question de refaire des globules, puis ca sera le Tour avec la pancarte d’archi-favori dans le dos.

Isola je connais, j’peux vous dire que ce col de la Lombarde n’est pas facile du tout, notamment parce qu’il culmine à plus de 2300m d’altitude.

S’il maintient voire augmente sa condition, il n’y aura que Jonas Vingegaard pour rivaliser avec lui, puisque le Danois est le seul à l’avoir vaincu. « Vinge » soigne toutefois ses blessures subies sur le Tour du Pays Basque, la récupération est longue et forcément, à un tel niveau, pas sûr que Vinge pourra revenir à 100% à temps pour le Tour. La Vuelta est probablement plus réaliste pour lui.

On ne connait certes pas les limites sur un grand tour de Remco Evenepoel, mais ses tentatives jusqu’ici n’ont pas été concluantes. À 24 ans, il n’a probablement pas encore toute la « caisse » pour tenir trois semaines durant face à Tadej Pogacar.

Reste le compatriote Primoz Roglic, le grand discret de cette saison jusqu’ici puisque n’ayant disputé que Paris-Nice (sans impact) et le Tour du Pays Basque, qu’il a abandonné suite à la fameuse chute. Prévu sur le prochain Dauphiné, c’est là qu’on aura une idée de sa condition actuelle. À 34 ans, il n’y a plus de temps à perdre pour gagner le Tour!

Chose certaine, Pogacar jouit actuellement de conditions très favorables pour réaliser son pari sur cette saison 2024, celle de remporter Giro et Tour de France, avec comme possible prime les Mondiaux fin septembre. Rappelons que seuls deux coureurs ont réalisé l’exploit de ces trois victoires la même saison, soit Merckx (deux fois) et Stephen Roche en 1987.

Sympathique Pogacar

Pour moi, et c’est peut-être la grande révélation de ce Giro, Pogacar devient un bon ambassadeur du cyclisme.

On l’a vu en effet très accessible et sympathique à l’égard du public, tantôt donnant un bidon (et un gel!) à un jeune enfant sur le bord de la route, tantôt dansant avec son équipe dans le bus, tantôt pédalant avec une meute de cyclistes amateurs lors de la journée de repos à Livigno, bref, Pogacar est décomplexé, drôle, et semble ne pas trop se prendre au sérieux.

Je vous avoue que je trouve ca très bien, mieux en tout cas que la froideur fréquente de Mathieu Van Der Poel, que la réserve naturelle de Wout Van Aert, sans parler de Jonas Vingegaard qui passe moins bien, malgré ses meilleurs efforts.

Giro, un invité surprise, le mauvais temps

Pogacar a course gagnée, sauf incident, sur ce Giro.

Sa domination sur la Foscagno a été sans appel: il est dans une classe à part. Le rapproché sur Quintana en l’espace de quelques kilomètres était monstrueux; il devait rouler 4-5 km/h plus vite que le coureur colombien, ancien vainqueur du Giro.

Sur le chrono samedi, il a fallu un Ganna revanchard pour le priver d’un deuxième succès contre-la-montre. Les autres sont loin.

Mais la course n’est pas terminée, et un invité surprise apparait: la météo!

Pluie et températures fraiches annoncées pour le reste de la semaine sur le nord de l’Italie.

Du coup, ca peut compliquer les choses. D’une part, les risques de chute dans les descentes sont multipliés.

Les gommes étant plus tendres sous la pluie, les risques de crevaison sont aussi plus grands. Gageons que toutes les équipes ont profité de la journée de repos pour revoir les pneumatiques en prévision des prochains jours.

Enfin, il ne faut pas négliger les risques de maladies pulmonaires, voire de tendinites lorsque les organismes sont sollicités sous cette météo compliquée. Le chaud, le froid dans les descentes, l’altitude, voire la neige, ca peut rapidement compliquer une course.

Les exemples sont légion, à commencer par ce pauvre Luis, victime d’un orage alors qu’il avait le Tour 1971 gagné.

Gageons que les UAE voudront garder Pogacar bien au chaud dans les roues le plus loin possible, en roulant le plus constant possible, régulier, sans à-coups.

Pour les plus téméraires, l’occasion peut être belle d’affoler la course dans ces circonstances climatiques incertaines.

Ca pourrait conduire à une dernière semaine plus intéressante qu’elle ne paraissait. Le mauvais temps fait partie du cyclisme. Et j’ai déjà donné dans ce registre, pas plus tard qu’en septembre dernier sur les deux premières étapes de la Haute Route Dolomites, ou il a fallu modifier le parcours de la 1ere étape et éviter comme aujourd’hui le Stelvio, trop enneigé et trop froid pour y passer.

Alaphilippe: putain, ca fait plaisir!!!

Magnifique victoire de Julian Alaphilippe hier sur la 12e étape du Giro.

Payez-vous les images, ca vaut la peine.

Entreprenant loin de l’arrivée (125 kilomètres d’échappée, quand même…), Alaf nous a donné, l’espace d’une étape, tout ce qu’on aime dans le cyclisme.

D’une part, le panache d’un coureur qui n’a jamais baissé les bras, malgré une longue disette ces deux dernières années.

Et puis, la manière durant l’étape, surtout avec l’entraide affichée avec son compagnon d’échappée, le modeste Mirco Maestri de Polti-Kometa, une équipe invitée sur ce Giro puisqu’en Continentale.

À toi Mirco les primes durant l’étape, pas de soucis je t’attends par moment dans les bosses parce que j’ai besoin de toi pour aller au bout, c’est entendu, et tout le monde y trouve son compte.

L’accolade entre les deux coureurs à l’arrivée en disait long du respect qu’ils ont eu l’un pour l’autre durant l’étape. Alaf confiait à Maestri qu’il n’oublierait jamais cette journée.

Bref, un cyclisme humain, emprunt d’une camaraderie et d’un respect qui fait du bien. À l’ère des robots, de la gestion de l’image et du message, du rouleau-compresseur et des sprints à la limite trop souvent de l’éthique, ce cyclisme me fait du bien.

Premier critérium 2024 à Drummondville: c’est ce soir!

La Bataille de la 55 commence ce soir à Drummondville, avec le premier de huit critériums en alternance, une semaine dans cette ville, l’autre à Sherbrooke.

Tous les détails sont ici, et on s’inscrit ici. Des inscriptions sur place seront possibles également. Le tarif maximum est de 40$, un tarif qui inclut une belle soirée avec, pour le réconfort, la formule BBQ et bière qui fait la signature conviviale de ces critériums.

L’événement se déroule entre 18h et 20h15, et on annonce beau temps!

Je serai derrière le micro à Sherbrooke la semaine prochaine, question de jazzer un peu la soirée. Si je ne suis pas encore Daniel Mangeas, j’y travaille…

Ce premier critérium de Drummondville est sous l’égide de Studio Vélo, avec comme organisateurs hors pair l’infatigable André Lamarche, aussi derrière La Classique Jules Béland, et l’intense Jonathan Boisvert, très focus sur le développement du cyclisme dans sa région et au Québec.

Giro: l’ennui?

Tadej Pogacar s’est offert Filippo Ganna vendredi dernier sur le long chrono de 40 bornes du Giro.

Pogacar, 176cm pour 66 kilos. Ganna, 193cm pour 83 kilos.

En tout cas, on a hâte de voir le Slovène s’attaquer au record de l’heure, Merckx style si possible!!

Ganna a été le seul sur ce chrono à résister à Pogi un tant soit peu. Les autres ont déboursé. Mention quand même très bien au jeune Antonio Tiberi, dans sa spécialité: 6e de l’étape à 1min20 de Pogi, très bien.

Pogi nous a remis ca le lendemain à Prati di Tivo, confortant son maillot rose en remportant l’étape au terme d’une belle montée de 12 kilomètres. Presque du cannibalisme…

Au pied, je croyais au duo Bardet-Paret-Peintre et puis non. Paret-Peintre a fait un bel effort, partant au bon moment, mais ce ne fut pas suffisant face au rouleau-compresseur UAE qui voulait l’étape.

Mais c’est bien d’essayer: on ne sait jamais, sur un malentendu, ca peut marcher.

Après une étape au sprint dimanche, journée de repos hier et on remet ca pour six jours de course.

Intéressante arrivée aujourd’hui à Cusano Mutri, en altitude. Mais on voit mal qui pourrait battre Pogacar, même si c’est roulant ; les UAE ont la puissance pour assurer le train, avec Majka qui termine le travail pour Pogi dans les trois derniers kilomètres.

Après, ben rendez-vous vendredi pour le 2e chrono, 30 bornes cette fois. Seul enjeu, Ganna pourra-t-il y tenir sa revanche?

L’étape de montagne du lendemain n’est pas très dangereuse pour le maillot rose: le Mortirolo est escaladé par son côté le plus facile (et de loin!) et seule la Foscagno vers Livigno représente une menace, quelques belles rampes quand même.

Bref, ce Giro va être encore long pour les spectateurs, et possiblement ennuyeux. Si Pogacar n’a évidemment pas course gagnée, on ne sait jamais, il est actuellement dans un fauteuil et on ne voit pas où et quand il peut être menacé. Les étapes 17 (vers le Passo Brocon) et 20 (le circuit du Monte Grappa) seront les deux points d’intérêt selon moi, qui vaudront la peine d’être regardés. Pour le reste…

… pour le reste, on se tourne vers le Tour, en espérant que la présence possible de Mathieu, de Jonas et de Remco dynamise la course. Wout Van Aert a déjà annoncé que ses objectifs seront ailleurs, notamment la Vuelta.

Merci Paleni!!!

Final intéressant, et leçon de cyclisme professionnel 101 hier, sur la 5e étape du Giro.

L’échappée partie avec un peu moins de 80 kilomètres à faire dans la journée est allée au bout, fait assez inusité dans le cyclisme moderne et sur une étape à priori promise aux sprinters.

Bref, ils étaient quatre à se disputer la victoire, le plus expérimenté – et logiquement le favori – étant le Danois Michael Valgren.

Le coureur Polti-Kometa Andrea Pietrobon, le seul d’une équipe ne faisant pas partie du WorldTour dans cette échappée, a bien joué ses cartes en leur servant le coup du kilomètre – un classique – pour surprendre tout le monde.

Ca a failli fonctionner, si ce n’avait été du jeune (21 ans) coureur de la FDJ Enzo Paleni, qui s’est fait servir une belle leçon de cyclisme selon moi ou… qui a littéralement perdu les nerfs dans ce dernier kilomètre.

C’est en effet Paleni qui a chassé à bloc Pietrobon devant, pourtant parti très solidement. Paleni a chassé sans se retourner, et Valgren comme Thomas ont dû être éberlués de profiter de pareille aubaine à l’approche d’une ligne d’arrivée d’une étape du Giro.

Ca n’a pas loupé: Paleni a sauté, Pietrobon a été rattrapé et le sprint s’est joué sur la fraicheur probablement, Valgren se faisant dépasser par le sympathique Benjamin Thomas qui signe là son plus beau succès chez les professionnels.

Thomas ne doit pas encore en revenir!

Et Paleni est évidemment 4e et dernier de l’échappée sur la ligne.

Cela montre que chez les pros, tu ne peux pas courir de la sorte, car tu es certain de perdre à chaque fois. Bien sûr, on dira que sans l’effort de Paleni, c’est l’Italien Pietrobon qui aurait gagné, et c’est très certainement ce qui se serait produit.

Mais Paleni n’a pas gagné, et du point de vue de son directeur sportif ou de son équipe, il a perdu la course et le podium en agissant de la sorte. On peut lui en vouloir, sachant que de précieux points n’ont pas été marqués.

Ce qu’il fallait faire? Certes passer avec un relais appuyé pour signifier aux deux autres qu’il fallait chasser vigoureusement Pietrobon devant, mais se relever après 150 mètres pour que les autres prennent aussi un relais, et témoignent donc de leur volonté eux-aussi à ne pas laisser ainsi la victoire leur échapper…

Les limites de la technologie

Depuis 30 ans, je ne manque pas grand chose du monde du vélo, passionné que je suis pour ce sport.

Avec les années, l’expérience, forcément, tu peux davantage comparer les époques, les évolutions, les modes, et y déceler d’éventuels cycles, ou des tendances plus macro.

Je me pose beaucoup de questions actuellement sur l’évolution de la technologie en cyclisme.

Par exemple, je ne comprends toujours pas pourquoi les coureurs pros risquent de perdre un Monument sur crevaison parce que le temps requis pour changer une roue a été multiplié par 6 avec les « thru-axles ». On avait pourtant inventé les déblocages rapides pour changer une roue en 10 secondes!

Autre évolution que je n’explique pas, l’absence de toute référence au poids des vélos, des composantes, sur la vaste majorité des sites Internet des compagnies, alors qu’il y a 15 ans, c’était partout.

Il n’y a pas si longtemps, n’importe quel cycliste aurait tué pour avoir d’installé sur son vélo un pédalier Clavicula.

Aujourd’hui, on verse dans ce que j’appelle la tyrannie des vélos aéros, et forcément, le poids, ca fâche car ces vélos peinent, une fois entièrement équipés, à descendre en deçà des 7,5 kilos, la norme étant souvent 8.

À une certaine époque, un vélo de 8 kilos, on appelait ça une enclume…

Et les premiers perdants dans cette nouvelle réalité, ce sont les coureurs light comme moi, car sur 63 kilos, un vélo de 8 kilos représentent une proportion beaucoup plus élevée de l’ensemble vélo-cycliste que pour un coureur de 80 kilos.

Je ne vous parlerai pas des pneus de 28mm, que dis-je de 32mm en cyclisme sur route, alors qu’on voyait ces sections en cyclo-cross seulement il y a deux décennies. Idem pour le boyau, aujourd’hui quasiment disparu chez les amateurs, tellement que des mécanos de certaines boutiques ne savent même pas ce que c’est (ca m’est arrivé récemment). Pourtant, on a disputé 100 Paris-Roubaix sur boyaux « service course » Dugast…

Enfin, et c’est le sujet principal aujourd’hui, je me demande souvent, considérant toutes ces évolutions, si on a en fait atteint les limites de la technologie actuelle et qu’on verse donc dans le marketing pur.

Un exemple me vient des pédales Time X Pro12 SL, lancées récemment par la compagnie Time qui appartient désormais au groupe SRAM.

Cela faisait des années que les XPresso puis les XPro n’avaient pas évolué; étant moi-même un adapte de ces pédales depuis 20 ans, j’avais hâte à une nouvelle évolution.

Alors? Rien de bien nouveau en 2024: la 12 SL est quasi-identique aux XPresso et XPro 15 lancées il y a des années.

Ces pédales restent certes du très haut de gamme et d’un intérêt certain: axe titane, roulements céramiques, poids de 87 grammes par pédale en faisant les plus légères du marché, c’est le nec-plus-ultra, et à… plus de 600$ pour la paire, on ne s’attend à rien de moins.

Mais force est d’admettre que côté technologie, aucune innovation; on ne gagne rien de nouveau. Pas de nouveau mécanisme de déclenchement, pas d’ajustements supplémentaires, pas de réduction de poids significative, on stagne, même au niveau du design.

Dans d’autres registres comme les groupes, a-t-on aussi atteint les limites de la technologie? À voir les maigres évolutions depuis quelques années une fois le sans fil 12 vitesses intégrés, on pourrait le croire.

Alors on joue sur des effets de mode: actuellement, il faut monter des manivelles de 165mm, parce que Pogacar le fait, et que 175mm ca serait beaucoup trop long.

Sous Miguel Indurain ou Bernard Hinault voire Jacques Anquetil, donc pendant des décennies, c’était l’inverse: 17omm on riait de toi, 172,5 la norme, 175mm fréquent, et on montait facilement à 177,5 voire 180mm pour les chronos et les étapes de montagne, même chez les amateurs.

Je passe le débat sur la largeur des guidons… et j’allais oublier: si vous ne « waxez » (lire « cirez ») pas votre chaine au bain marie (la recette est chez Ricardo…) toutes les semaines, vous n’êtes pas un « vrai »…

Une chose demeure: il faut vendre, et les compagnies, bien épaulées par le monde du cyclisme pro, demeurent très inventives pour cela, en l’absence de réels progrès technologiques récents.

Pogacar déjà bien en selle

45 secondes.

C’est l’avance dont dispose Tadej Pogacar, déjà maillot rose du Giro, sur Geraint Thomas, actuel 2e.

Après seulement deux étapes.

Rappelons que l’an dernier, Primoz Roglic a remporté le Giro avec une avance de… 14 secondes sur Thomas, après 21 étapes…

Autant vous dire que c’est bien parti pour le Slovène, malgré le fait que rien ne soit encore joué pour le moment.

45 secondes, c’est même pas le temps requis pour un changement de roue dans le cyclisme moderne, celui qui a oublié l’utilité des déblocages rapides. Quant je vois les mécanos arriver avec leur perceuse pour dévisser les axes et les coureurs prendre tout de suite une minute dans la vue, je me marre.

Enfin bref, le propos n’en est pas là, revenons au Giro.

L’enseignement du week-end, c’est Romain Bardet selon moi, qui a déjà perdu pas mal de temps. Le coureur français doit être déçu, et espérons qu’il a l’explication. Bardet pointe déjà à 2min31 du maillot rose, aie.

Pour le reste, Geraint Thomas semble dans le coup comme l’an dernier, tout comme Daniel Felipe Martinez, actuel 3e et qui confirme le début de Giro tonitruant des coureurs colombiens, avec Narvaez vainqueur de la première étape, et le surprenant Einer Rubio chez Movistar, qui pointe à la 5e place du général.

J’aime bien aussi le comportement de Cian Uijtdebroeks jusqu’ici, il est 4e du général pour le moment.

Le prochain rendez-vous c’est vendredi prochain pour le chrono de 40 bornes du côté de Pérouse dans la région de l’Ombrie. 40 bornes, c’est long dans le cyclisme moderne, et de quoi faire des écarts plus conséquents que ce à quoi on nous a habitué ces dernières années.

Jumbo-Lease a Bike: Road to Resilience

Question de passer un bon week-end, je vous propose un petit vidéo très récent et très intéressant faisant état de l’expérience de l’équipe Jumbo-Lease a Bike sur les récentes Classiques d’avril, Tour des Flandres et Paris-Roubaix inclus.

Vu de l’intérieur, c’est toujours surprenant de voir à quel point il peut y avoir des similitudes avec notre vie de tous les jours.

Critériums Sherbrooke-Drummondville: La Bataille de la 55 de retour!

Ca commence le jeudi 16 mai prochain à Drummondville: la Bataille de la 55 est de retour!

Comme l’an dernier, cette série de huit critériums se déroulera comme suit:

16 mai: Drummondville

23 mai: Sherbrooke

6 juin: Drummondville

13 mai: Sherbrooke

20 juin: Drummondville

27 juin: Sherbrooke

4 juillet: Drummondville

11 juillet (finale): Sherbrooke

Comme l’an dernier, deux épreuves sont organisées chaque soir: une première épreuve « sport » à 18h15 (35min + 3 tours), plus accessible car la vitesse y est moins élevée. Parfait pour des cyclistes qui ont moins l’habitude des critériums, ou qui commencent les courses.

La deuxième épreuve (19h15 – 50min + 3 tours) est dite « open », et regroupera les cyclistes les plus rapides. Ca roulait vite l’an dernier, des moyennes proches des 50km/h pour une heure de course.

Aussi comme l’an dernier, un classement général sur l’ensemble des huit critériums sera un enjeu majeur de la Bataille de la 55. C’est là qu’intervient le travail d’équipe, et ce qui rend cette série si excitante! Rappelons que l’an dernier, c’est Mathieu Gabriel de Premier Tech qui avait remporté les honneurs de la série.

Le guide technique est ici.

Les critériums de Sherbrooke et Drummondville vous sont offerts par les équipes cyclistes Club Cycliste de Sherbrooke ainsi que Studio Vélo à Drummondville, ainsi que les commanditaires GFT, le Siboire, Castelli Agence Marco Daigle, Qui Roule ainsi que Café Hubert Saint-Jean. Étienne Couture, Samuel Blanchette, André Lamarche et Jonathan Boisvert ont tout particulièrement été les chevilles ouvrières de cette série 2024. Avec quelques autres, ils ne sont pas si nombreux, ils font le cyclisme sur route au Québec!

On s’inscrit ici, au tarif entre 15 et 30$ pour la course Sport, et entre 20 et 40$ pour la course Open.

Giro: Pogacar sans opposition?

Le Giro 2024 s’élance samedi prochain pas très loin de Turin, la… 107e édition de ce grand tour mythique.

Comme d’hab, 21 étapes qui totalisent 3 400 kilomètres et… 44 600m de dénivelé.

Particularité intéressante de ce Giro, deux chronos individuels plutôt longs, soit 41 et 31 kilomètres, pour un total de 72 kilomètres contre-la-montre. Pas beaucoup de grands tours avec une telle distance chrono au cours des dernières années…

Pour le reste, ca se jouera très certainement sur les étapes 14, 15, 16 et 17, soit quatre jours et quatre grands rendez-vous, soit le dernier chrono lors de la 14e étape suivi de trois étapes de haute montagne dans les Alpes-Dolomites, et trois arrivées en altitude consécutives, dont une à Livigno après avoir escaladé le Mortirolo par son côté le plus facile (Monno).

L’archi-favori de ce Giro, c’est Tadej Pogacar, première participation. Le coureur slovène s’est donné le défi cette saison de faire le doublé Giro-Tour, pas simple à réaliser. Rappelons-le que le dernier à avoir réalisé pareil exploit est Marco Pantani en 1998, mais c’était une autre époque.

Le défi de Pogacar pourrait cependant être facilité par une… faible opposition selon moi au départ de ce Giro.

J’ai beau chercher, je ne vois personne capable de rivaliser avec lui s’il est dans la condition physique qu’il a montré sur Liège-Bastogne-Liège.

Le défi de Pogacar pour gagner ce Giro sera donc de 1) rester sur son vélo et donc éviter les chutes, plus nombreuses que jamais et 2) ne pas tomber malade si jamais la météo devait être moins clémente. Si ces deux conditions sont remplies, le rose lui est promis à Rome le 26 mai prochain selon moi.

Les autres protagonistes

L’opposition viendra d’une petite poignée de coureurs, Juan Pedro Lopez (Lidl-Trek) et Ben O’Connor (Decathlon-AG2R La Mondiale) en premier lieu, ces deux coureurs ayant terminé respectivement 1er et 2e du récent Tour des Alpes. Ils ont tous deux de belles dispositions contre-la-montre et une équipe à leur service.

L’Anglais Geraint Thomas, 2e l’an dernier sur ce Giro derrière Primoz Roglic, portera cette année le dossard #1, et l’Italie en cette saison lui réussit bien habituellement. Thomas n’a cependant pas beaucoup couru cette saison, et ne donne donc aucune garantie quant à sa condition.

J’ajoute à cette (très courte) liste Romain Bardet bien sûr, excellent 2e de la Doyenne et qui a la caisse pour un tel Giro. Un Daniel Felipe Martinez chez Bora-Hansgrohe également, ainsi que Hugh Carthy chez EF.

Trois jeunes auront également toute mon attention, soit Cian Uijtdebroeks chez Jumbo-Lease a Bike, Florian Lipowitz chez Bora-Hansgrohe ainsi qu’Antonio Tiberi chez Bahrain – Victorious. Âgés de 21, 22 et 23 ans, ils sont certes très jeunes, mais ont tous les trois montré de belles dispositions. Rappelons que Tiberi a été champion du monde du chrono en 2019 dans les rangs junior.

Nairo Quintana? Je n’y crois pas une seconde, mais une victoire d’étape demeure probablement possible pour le Colombien dans la tourmente depuis 12 mois.

Deux coureurs canadiens au départ: Riley Pickrell, 22 ans, qui découvre le cyclisme pro cette saison. Être à l’arrivée sera déjà très bien dans son cas.

L’autre, c’est Mike Woods, désormais un vétéran du peloton à 37 balais. Woods a peu couru cette saison, mais semblait en bonne condition mi-avril alors qu’il a terminé 13e du Tour du Jura cycliste. Je pense que Woods voudra se concentrer sur une belle victoire d’étape et les six arrivées en altitude seront très certainement son terrain de chasse privilégié.

Les autres classements

D’autres coureurs d’intérêt sont au départ de ce Giro pour jouer les victoires d’étape, chronos compris: Julian Alaphilippe, Filippo Ganna, Damiano Caruso, Christophe Laporte, Davide Cimolai, Biniam Girmay, Esteban Chaves, les frères Paret-Peintre et Alexey Lutsenko par exemple.

C’est peut-être pour les sprints que ca sera le plus intéressant, et six étapes au minimum devraient se terminer par un emballage massif.

On a en effet les Tim Merlier, Jonathan Milan, Fabio Jakobsen, Caleb Ewan, Fernando Gaviria, Kaden Groves, Olav Kooij et Phil Bauhaus dans ce registre.

Réponse le 26 mai prochain à Rome, mais on aura déjà des indications claires en première semaine vu le parcours.

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