L’intérêt suprême de ce 104e Giro d’Italia, ca se résume à un nom: Remco Evenepoel.
Souvent présenté comme le nouvel Eddy Merckx, le jeune prodige belge a jusqu’ici impressionné la galerie, vainqueur en 2020 de toutes les courses professionnelles à étapes où il a pris le départ.
Jusqu’à ce virage manqué dans la descente de Sormano sur le Giro di Lombardia.
Depuis, convalescence.
Et préparation en vue de son grand objectif 2021, le Giro. Je pense que son équipe Deceuninck l’a volontairement gardé à l’écart de toute compétition jusqu’ici, et à l’abri des médias ; on sait très peu de choses sur sa condition actuelle. Je soupçonne que tout cela soit savamment orchestré, question de frapper un grand coup dès son retour sur la scène.
On sera vite fixé, ce Giro débutant par un chrono de 8,6 kilomètres dans les rues de Turin. Rappelons qu’Evenepoel s’est déjà offert à la fois Ganna et Dennis sur la discipline, pourtant les deux spécialistes actuels.
Merckx a gagné son premier Tour en 1969, mais pas son premier Grand Tour en carrière, puisqu’il a terminé 9e du Giro 1967.
Evenepoel mieux que Merckx? Ca commencerait par une victoire à son premier Grand Tour. S’il réussissait, il ferait même mieux que… Tadej Pogacar, l’autre surdoué du moment, vainqueur de son premier Tour de France l’an dernier à 21 ans et 11 mois, et 3e de la Vuelta 2019, son premier Grand Tour en carrière. Remco, lui, est âgé de 21 ans et 3 mois.
Je suis certain qu’Evenepoel est motivé devant tous les succès des Roglic, Pogacar, VDP, Van Aert et Pidcock cette saison: il veut montrer qu’il est dans une ligue à part. Le Giro lui donne un terrain à la hauteur de ses ambitions.
Et puis, une victoire d’Evenepoel sur ce Giro voudrait dire qu’il aurait battu Egan Bernal, l’autre star de l’épreuve, vainqueur du Tour de France 2019 à l’âge de 22 ans et 6 mois.
De quoi mettre la table pour un grand clash Pogacar-Evenepoel sur le Tour 2022…
104e édition du Giro
Au menu de Messieurs les coureurs, 3 488 kilomètres entre Turin et Milan, répartis en 21 étapes, selon la formule consacrée.
Quatre étapes font plus de 200 kilomètres.
Deux courts chronos, le premier (8,6 kms) et le dernier (30,4 kms) jour.
Six étapes de montagne, huit arrivées en altitude.
Un juge de paix, le redoutable Monte Zoncolan – il mostro! – qu’on abordera au km 192 de la 14 étape. Ca va faire mal. Fait particulier, on monte cette année le mostro via son côté Sutrio, emprunté une seule fois sur le Giro à ce jour, en 2003 (vainqueur d’étape et du Giro cette année-là, Gilberto Simoni).

Une belle grande étape de montagne (210 kms) aussi lors de la 16e étape entre Sacile et Cortina d’Ampezzo, par delà les fameux Fedaia, Pordoi et Giau. 5 500m de dénivelé dans la journée, et paysages magnifiques garantis! Et puis, le Giau n’est pas facile (10 kms à 10% de moyenne), j’en sais quelque chose pour y avoir beaucoup souffert sur un Marathon des Dolomites.

Une autre belle étape le lendemain entre Canazei et Sega di Ala, encore 194 kilomètres et deux ascensions redoutables dans le final, le Passo San Valentino et la montée finale inédite sur le Giro, longue de 11 bornes à une pente moyenne de 9,6%. On dit cette montée très irrégulière, propre à casser les coureurs.

Une foule d’autres étapes montrent un profil intéressant et casse-pattes, susceptible de piéger les favoris dans la course au maillot rose.
6e étape:

12e étape:

19e étape (les trois derniers kms de l’Alpe di Mera sont à 11%):

20e étape, 4000m de dénivelé dans la journée:

Bref, un Giro usant et difficile à maitriser, qui tiendra les leaders sur la corde raide pendant les trois semaines de l’épreuve.
Les favoris
Outre Remco Evenepoel, un favori selon moi: Simon Yates chez Team BikeExchange. Il vient de s’imposer sur le Tour des Alpes, de façon convaincante. Au départ de ce Giro, c’est lui qui offre le plus de garantie. Et le vainqueur de la Vuelta 2018 a déjà prouvé pouvoir tenir trois semaines. Il a certainement soif d’une nouvelle victoire sur un Grand Tour et il pourra compter autour de lui sur Mikel Nieve et Tanel Kangert pour l’épauler en montagne.
Evenepoel, pour sa part, s’aligne avec Joao Almeida, James Knox et Fausto Masnada (3e du Tour de Romandie) pour l’aider. De quoi contrôler.
Le troisième favori, ben c’est Egan Bernal car tu ne peux pas oublier un ancien (mais jeune!) vainqueur du Tour. Bernal veut montrer que ses problèmes de dos causés par une jambe plus courte que l’autre sont derrière lui, et il s’amène bien entouré au sein de son équipe Ineos qui aligne également Ganna, Castroviejo, Martinez, Moscon et surtout Pavel Sivakov qui pourrait être l’autre coureur à causer une surprise.
Bernal n’a pas été revu en compétition depuis mars, après un début de saison prometteur et notamment cette 3e place sur les Strade Bianche et cette 4e place sur Tirreno-Adriatico.
Sur le papier, cette équipe Ineos est à mon sens la plus forte du lot.
D’autres coureurs peuvent espérer un podium, Mikel Landa (Bahrain-Victorious) par exemple, ou Marc Soler (Movistar, auteur d’un beau Tour de Romandie), Alexandr Vlasov (Astana), Dan Martin (Israel-Start Up Nation), Hugh Carthy (EF), George Bennett (Jumbo-Visma) voire Romain Bardet et Jai Hindley (Team DSM), 2e l’an dernier du Giro.
Bardet, en particulier, sera intéressant à suivre en l’absence de Thibault Pinot ou David Gaudu. On pourra notamment voir l’effet du changement d’équipe chez Bardet, dont ce Giro est l’objectif important de sa saison.
Vicenzo Nibali a pu se remettre rapidement de sa chute à l’entrainement et prend le départ. Si c’est très courageux de sa part, je ne vois pas le Requin de Messine rivaliser sur ce Giro, vu la qualité du plateau présent. Chez Trek-Segafredo, vaudra mieux miser Bauke Mollema ou encore Giulio Ciccone je pense.
Sur les chronos, deux hommes se livreront un mano à mano, soit Filippo Ganna et Rémi Cavagna, ce dernier venant de s’imposer sur le dernier chrono du Tour de Romandie.
Le toujours intéressant baroudeur Thomas de Gendt est de la partie, et se lancera surement dans des raids dont seul lui a le secret.
Dans les sprints, le match s’annonce très intéressant avec un Peter Sagan à la hausse, la présence du revenant Dylan Groenewegen, Caleb Ewan en forme, Fernando Gaviria, Patrick Bevin, Elia Viviani ainsi que Tim Merlier. Ouf!
Un seul coureur canadien au départ, le Québécois Antoine Duchesne. Il devait y épauler un Thibault Pinot, finalement l’équipe Groupama-FDJ débarque avec des baroudeurs jouant les étapes, on peut penser que cela donnera des opportunités à Antoine s’il se sent bien un jour. Ca peut le faire, il faut y croire! Pourquoi ne pas tenter la chance en suivant au départ d’une étape accidentée la moto De Gendt ?!
Sur ce Tour d’Italie, je veux voir une équipe combative, qui va de l’avant et qui prend des risques dans les échappées pour aller jouer des victoires d’étapes. On leur demande maintenant de jouer leurs cartes, ils doivent saisir cette opportunité. Tous auront leur chance, ça ne sera pas un Giro facile mais nous pouvons vivre de belles choses avec ce groupe!
Philippe mauduit, directeur-sportif groupama-FDJ, 5 mai 2021 (today cycling)
À la télé
En France, fini le Giro sur L’Équipe TV, cette année c’est Eurosport.
Au Québec, pas de FloBikes. Ca sera donc GCN TV, si possible avec la géolocalisation. Sinon, les sites de streaming gratuits comme Tiz-cycling ou Steephill.tv sont une autre option, mais il faut vivre avec les désagréments possibles.
On ne les oublie pas
Ils font aussi du bien.