Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Auteur/autrice : Laurent Page 1 of 345

Kikkan Randall: True inspiration

Le phénomène Nordhagen

Joergen Nordhagen.

Retenez bien ce nom!

Le jeune (19 ans tout juste) prodige norvégien a remporté le titre mondial au 20km style libre des Mondiaux U23 et Junior de ski de fond hier à Planica, en Slovénie. Dans la catégorie des juniors.

Avec la manière puisqu’il termine plus de deux minutes devant son plus proche poursuivant.

Payez-vous les images de sa course, absolument parfaite. Au passage, il faudra montrer à Nordhagen à faire du offset, il n’a pas utilisé cette technique de toute la course!

On s’est régalé de son style fluide, constant, léger, presque sans effort. Pas loin de la perfection sur ski. Watch, and learn.

Nordhagen le cycliste

Si je vous parle de Nordhagen, c’est surtout que le jeune phénomène est avant tout… cycliste pro!

Vainqueur l’an dernier de la Course de la Paix, l’équipe Visma-Lease a Bike a vite fait de le faire signer dans son équipe de développement cette saison, avec le plan de le faire passer en WorldTour en 2025.

Le voilà donc équipier de Wout Van Aert, Jonas Vingegaard et Sepp Kuss, pour ne nommer qu’eux.

Excellent grimpeur et rouleur, Nordhagen a le potentiel de devenir un redoutable coureur de courses par étape. À 19 ans, son potentiel semble encore illimité.

Dire qu’il fait du ski de fond « pour son plaisir » ! De quoi écoeurer tous ses adversaires.

Beaucoup (trop) d’enjeux dans le ski de fond…

Je me passionne pour le ski de fond depuis quelques années déjà et je continue d’avoir bien du mal à saisir ce sport au plus haut niveau.

Les enjeux semblent en effet s’accumuler depuis des mois voire des années, plombant cette discipline merveilleuse.

Audience en chute libre

D’après ce que je peux lire, les audiences télé du ski de fond sont en chute libre, même en Norvège. Selon une récente étude de la télé norvégienne NRK, raportée par l’excellent site engagé ski-nordique.net, c’est -41% (presque la moitié!) du public télé du ski de fond qui a été perdu depuis six ans.

Ouch!

Évidemment, l’exclusion des fondeurs russes, et donc de l’intérêt du public de ce pays, explique en partie la dégringolade, mais pas que. Ca dérape de partout, et le public ne s’y retrouve plus, même dans les pays scandinaves, ou les sponsors lâchent l’équipe nationale et force à des choix difficiles. Klaebo lui-même s’entraine désormais hors équipe nationale, faute d’un budget conséquent pour accueillir tout le monde comme l’an dernier.

Distances harmonisées

La FIS a harmonisé les distances hommes-femmes en Coupe du Monde cette année, mais en s’alignant sur le standard… féminin. Ainsi, le mythique skiathlon masculin, traditionnellement de 30 km, n’en comporte désormais plus que 20. Idem pour les épreuves de relais, ou encore les 15km hommes, désormais des 10kms. Chez les hommes, 10km c’est à peine plus de 25min d’effort… un peu léger je trouve.

Il fallait selon moi faire l’inverse: aligner les femmes sur les distances des hommes. Elles en sont largement capables, et cela aurait eu le mérite de préserver une certaine tradition en ski de fond, c’est à dire les références au passé glorieux de la discipline. En WorldLoppet, les femmes font bien les 50km comme les hommes…

Sur ce coup-là, je n’ai pas compris la FIS.

Absence des fondeurs russes

Tout le monde est contre la guerre en Ukraine, il ne va sans dire.

Ceci étant, que les sportifs russes soient admis dans un vaste spectre de disciplines sportives mais pas en ski de fond nuit considérablement au sport lui-même depuis deux ans.

Seuls les fondeurs russes, Bolshunov en tête, ont actuellement la puissance pour rivaliser avec les Norvégiens, de loin supérieurs au reste du peloton. Sans Russes au départ, quel intérêt pour le sport? Les 12 premières places de chaque épreuve sont dominées par les fondeurs norvégiens, à quelques exceptions près… qui cette année s’appelle surtout Andrew Musgrave.

Chez les femmes, on se prive également d’un beau spectacle avec les Nepryaeva, Stepanova et la jeune prodige Faleeva.

On pourrait admettre les fondeurs russes à mon sens, en les obligeant par exemple à courir avec des vêtements d’une équipe neutre, en blanc par exemple, symbole de paix.

Compliqué de suivre les Coupes du monde sur Internet

Lueur d’espoir au Canada fin novembre dernier, avec la retransmission de la 1ere et de la 2e épreuve de Coupe du Monde en direct sur YouTube (Ruka et Gallivare). Les deux suivantes, rien, à la surprise de tout le monde (Trondheim par exemple, qu’on trouve depuis sur YouTube).

Par chance, c’est de retour pour le Tour de Ski, et je ne rate aucune épreuve, me permettant notamment de suivre les progrès de notre skieur local, Antoine Cyr.

Il serait vraiment génial que les amateurs canadiens de ski de fond puissent suivre plus régulièrement les Coupes du Monde voire les autres événements majeurs de la saison en direct, et pouvoir ainsi soutenir nos athlètes présents, les Antoine Cyr, Olivier Léveillé et Katherine Steward-Jones en premier lieu.

Le bordel du fluor

Pour ajouter de la complexité, première année sans fluor en ski de fond: un joyeux bordel selon moi, et pas nécessaire du tout!

Il faut désormais tester les skis pour le plus haut niveau, et mettre en place des protocoles de fartage contrôlés pour les épreuves nationales au niveau inférieur, compléxifiant le sport à outrance. Ceux qui ont préparé cette transition ont un avantage, et les différences de glisse sont parfois frappantes. Dommage, car cela nuit encore à l’attractivité du ski de fond pour le public qui ne s’y retrouve plus.

Des athlètes capricieux

Venant du monde du cyclisme, habitué de voir des coureurs pros repartir ensanglantés après les pires chutes car en vélo, on n’abandonne tout simplement jamais, je trouve les fondeurs de la Coupe du Monde un peu capricieux voire irrespectueux envers leur sport, en particulier les Norvégiens.

Fait un peu trop froid, comme à Ruka en 2022? Les Norvégiens déclarent forfaits pour « préserver leur santé ». Bon, d’accord. Séance de manucure pour tous alors?

On a un petit rhume? Forfait. 10 des 15 fondeurs mondiaux sont absents du Tour de Ski cette année, Klaebo, Krueger, Nyskanen et Jouve en tête. On abandonne à gogo, la dernière en date Ebba Andersson après les trois premières étapes du Tour de ski. Vraiment dommage. Pourtant, z’ont pas 6h à passer sur un vélo pendant trois semaines, les épreuves sont habituellement moins d’une heure tous les deux jours à tout casser…

Je trouve ca un peu léger, pour tout vous dire.

Les traditions non respectées

On apprend hier que le mythique Holmenkollen 50km serait retiré du calendrier FIS en 2025. Impensable!

Imaginez une saison cycliste sans un Tour des Flandres… n’importe quoi!

Ben en ski de fond depuis quelques années, c’est un peu n’importe quoi. On fait fi des traditions, on bafoue le calendrier et la compétitivité du sport, et tout dégringole, les sponsors et les audiences en point d’orgue. Désolant de voir ce si beau sport péricliter.

Les stars du peloton sont elles-mêmes outrées. Andrew Musgrave a déclaré « Ne pas faire le 50km d’Oslo est la chose la plus idiote qui soit jamais arrivée dans l’histoire du ski de fond. » (rapporté par ski-nordique.net). Frida Karlson ainsi que son petit copain, chanceux celui-là, ont également exprimé leur frustration en public face à la décision concernant l’Holmenkollen, grande fête populaire du ski de fond norvégien.

Une situation déplorable.

Compliqué le ski de fond, même au Québec!

Le ski de fond, je trouve ca compliqué même au Québec. Quel défi que les inscriptions aux courses!

En cyclisme, très simple: tu achètes en début d’année une licence FQSC, option UCI, et basta. Les inscriptions aux courses se terminent habituellement 48h avant l’épreuve, tu peux souvent t’inscrire sur place, tu présentes la-dite licence FQSC, on te remet ton dossard et tu prends le départ. Simple.

En ski de fond, c’est le merdier.

Tu as besoin d’une licence Nordiq Canada, pour laquelle tu dois obligatoirement donner le nom d’un entraineur affilé, ainsi que d’un club/équipe affilié(e). Recommandé, une licence FIS. Tu peux alors courir? Non! Au Québec, tu as aussi besoin d’une licence Ski de Fond Québec… flute.

Et les inscriptions se terminent souvent des plombes avant l’épreuve, faut quasiment prendre un(e) adjoint(e) administratif pour gérer ce bordel si tu cours souvent… pas l’fun.

Je ne vous parle même pas du protocole de fartage sans fluor cette année. Juste pour comprendre ce que tu dois faire, ca prend trois doctorats d’État.

Me semble qu’on pourrait simplifier, rendre ce merveilleux sport plus accessible.

Une seule licence, tu présentes le truc le matin, on te remet un dossard et basta. Pas plus compliqué que ca. Surtout pour les mass start. Mais même pour les poursuites.

Le fluor ? Pour 98% du peloton amateur, ca ne changera strictement rien d’être ou non sur du fluor. En Coupe du Monde je comprends, mais pour le reste… L’environnement? Oui, très toxique le fluor. Je comprends. Mais j’ai cherché, je n’ai trouvé aucune étude crédible pour le moment sur les effets des fondeurs sur les pistes de ski, à cause des skis fartés au fluor.

Bref, c’est parfois compliqué le ski de fond je trouve. Mais je persiste et signe, un très beau sport que j’adore pratiquer… de plus en plus vite.

J’oubliais: inscrivez-vous à la Gatineau Loppet! Ca sera génial cette année encore.

Bientôt la Coupe du Monde de ski de fond 23-24, sur fond de crise

Ca commence le 24 novembre prochain du côté de Ruka en Finlande, pour une nouvelle saison de Coupe du Monde de ski de fond.

J’ai très hâte!

Trois jours de course à Ruka, des sprints en classique le premier jour, le lendemain un 10km classique et enfin un 20km style libre le dernier jour.

Douze autres étapes seront au programme, soit:

2 décembre – Gallivare (Suède) – 10km style libre

9-10 décembre – Ostersund (Suède) – sprints classique et 10km style libre

15-16-17 décembre – Trondheim (Norvège) – sprints style libre – 20km skiathlon – 10km classique

30 décembre au 7 janvier – Tour de ski à Toblach, Davos et Val di Fiemme. La spectaculaire ascension de la piste de ski alpin aura lieu lors de la dernière étape, le 7 janvier prochain.

19-20 janvier – Oberhof (Allemagne) – sprints et 20km classique (mass start)

27-28 janvier – Goms (Suisse) – sprints et 20km style libre (mass start)

9 au 13 février – Canmore (Canada) – 10km et sprints style libre, 20km et sprints classique

17-18 février – Minneapolis (USA) – sprints et 10km style libre

2-3 mars – Lahti (Finlande) – 20km classique et sprints style libre

10 mars – Oslo (Norvège) – 50km classique (mass start)

12 mars – Drammen (Norvège) – sprints classique

15-17 mars – Falun (Suède) – sprints et 10km classique, 20km style libre

Trois épreuves par relais, toujours spectaculaires, auront lieu cette saison, soit à Gallivare, Oberhof et Lahti, tant chez les hommes que chez les femmes.

Le relais mixte aura lieu à Goms le 26 janvier, à la fois en classique et en style libre.

Le ski de fond en crise?

Il sera très intéressant de suivre l’équipe canadienne cette saison, qui poursuit actuellement sa préparation du côté de Davos.

Le gatinois Antoine Cyr est désormais « à maturité » et vise à capitaliser sur une excellente saison 2022-2023. Souvent plus fort en classique qu’en style libre, il faudra surtout le surveiller lors des épreuves de 10, 15 ou 20km dans ce style. Et son mentor est un certain Alex Harvey, jamais inutile pour profiter de l’expérience du fondeur le plus titré au Canada!

À ses côtés, il faudra aussi surveiller la progression du talentueux Olivier Léveillé, plus jeune mais qui progresse chaque saison. Je suis de ceux qui croient que personne ne connait vraiment ses limites, pas même lui!

L’équipe pourra aussi compter sur le solide Graham Ritchie, pas mal d’expérience en Coupe du Monde, mais aussi sur la machine Rémi Drolet, sur Xavier McKeever, sur Pierre Grall-Johnson et sur l’autre sherbrookois de l’équipe à côté de Léveillé, soit Léo Grandbois.

Chez les femmes, l’équipe sera amenée par Katherine Stewart-Jones, elle aussi ayant obtenu d’excellents résultats en Coupe du Monde l’an dernier. On attend logiquement plus cette saison.

On surveillera attentivement la progression de la jeune Liliane Gagnon et des autres talents comme Jasmine Lyons, Sasha Masson ou encore Jasmine Drolet, la soeur de l’autre. Dans la famille, la VO2max est plutôt bonne…

Côté adversaires, l’équipe archi-dominante côté hommes c’est évidemment l’équipe de Norvège, amenée par Johanes Hosflot Klaebo et Simen Hegstad Krueger. Je l’ai déjà écrit, le plus dur pour un fondeur norvégien, c’est de se hisser sur l’équipe nationale. Et on surveillera la progression cette saison du jeune prodige Iver Tildheim Andersen, déjà auteur d’une belle perf sur le difficile Holmenkollen 50km skate en mars dernier.

À l’occasion, Italiens (Pellegrino, De Fabiani), Français (Jouve, Lapalus, Parisse, Chanavat, Lapierre, Chappaz), Suédois (Poromaa, Halfvarsson) et Allemands (Moch) voire Anglais (Musgrave) sont capables de briller face à l’armada norvégienne.

Chez les femmes, les Suédoises (Karlson, Andersson, Ribom, Dahlqvist, Sundling) dominent actuellement un peloton qui semble tout de même plus homogène que chez les hommes. En effet, Américaines (Diggins, Brennan, Kern, Swirbul), Finlandaises (Niskanen, Parmakoski), Suissesses (Faehndrich) et Allemandes (Hennig, Gimmler, Fink) ne sont jamais très loin.

De leur côté, les Novégiennes sont toujours en « reconstruction » après la retraite, il y a deux ans, de la super-championne Therese Johaug, et miseront sur les Kalvaa, Oestberg et les soeurs Weng en attendant que Helene Marie Fossesholm remplisse enfin les attentes logées en elle il y a quelques années.

Tout n’est par ailleurs pas au beau fixe dans le ski de fond ces temps-ci.

D’une part, hommes et femmes skient désormais sur les mêmes distances, une décision controversée de la FIS compte tenu par exemple du légendaire 30km skiathlon, aujourd’hui disparu. C’est Simen Hegstad Krueger qui est le plus déçu!

D’autre part, les fondeurs russes ont cette saison encore été totalement bannis de la Coupe du Monde de ski de fond, une décision qui ne fait pas l’unanimité et qui montre à quel point les hauts dirigeants du sport sont noyautés par les scandinaves, très entiers dans leur principe.

Nombre d’athlètes russes peuvent en effet prendre part à des compétitions internationales dans de nombreuses disciplines, mais pas en ski de fond. Compte tenu que les fondeurs russes sont bien souvent les seuls à pouvoir vraiment rivaliser avec les fondeurs scandinaves – norvégiens chez les hommes, suédoises et norvégiennes chez les femmes – le ski de fond se prive là d’un spectacle intéressant, susceptible d’attirer l’intérêt du public.

Pour tout vous dire, je suis de ceux qui m’ennuie d’Alexandr Bolshunov.

Sans les fondeurs russes cette saison, on risque fort de voir la saison 2022-2023 se répéter sur plusieurs épreuves ou on enregistrait à l’arrivée 11 fondeurs norvégiens aux… 12 premières places.

Cette décision malheureuse a des impacts même en Norvège, ou les sponsors désertent désormais le sport pour investir ailleurs, notamment en biathlon qui a le vent dans les voiles. Le bugdet de l’équipe norvégienne de ski de fond a été sérieusement amputé à l’inter-saison, du coup Klaebo a décidé d’oeuvrer hors équipe nationale, pour permettre à d’autres fondeurs ayant moins de moyens de pouvoir rejoindre la Coupe du Monde.

On ne reverra plus Hans Christer Holund en compétition, le spectaculaire fondeur norvégien de longue distance ayant pris sa retraite après une saison longue de 14 ans.

Enfin, l’interdiction du fluor en compétition cette saison risque de créer un joyeux bordel.

Déjà, c’est le cas dans les premières compétitions de biathlon où des écarts entre nations au niveau du fartage sont désormais stratosphériques, l’avantage étant une fois de plus aux fondeurs scandinaves qui ont les moyens financiers et techniques de tester les nouveaux farts, donc de continuer d’être efficaces en course. Derrière, pour les autres nations, c’est la galère, et les différences de glisse sont flagrantes, presque gênantes.

Bref, même si j’ai vraiment très hâte à cette nouvelle saison de ski de fond en Coupe du Monde, je suis en même temps très inquiet pour l’avenir de cette si belle discipline, compte tenu des enjeux actuels dans le sport. Le ski de fond international ne peut pas se permettre une autre saison d’archi-dominance de la Norvège, cette année avec le fartage comme avantage supplémentaire.

On sera vite fixé avec Ruka dans deux semaines.

Que du Jumbo-Visma!

Alors que la fin de saison arrive vite, je m’interroge encore sur les performances dont j’ai pu être le témoin sur les trois grands tours de l’année.

Ca se résume à « que du Jumbo-Visma »!

L’équipe néerlandaise a remporté les trois grands tours avec Roglic en Italie, Vingegaard en France et Kuss en Espagne.

Du jamais vu.

Et souvent, avec une facilité déconcertante. J’ai encore les images du chrono de St-Gervais en tête. Ce jour-là, y’avait Vingegaard et les autres, Pogi compris.

Plus encore, Sepp Kuss, un coureur que j’aime bien, a fait le triplé cette saison: 14e au Giro, 12e au Tour et 1er sur la Vuelta. 63 jours de course au plus haut niveau. Fort vous dites?! Sepp Kuss, une grosse grosse santé en tout cas!

Parlant triplé, outre les trois grands tours, la Jumbo termine aux trois premières places de cette Vuelta.

Certains ont récemment crié au dopage mécanique; je n’en crois rien, même si ca demeure possible.

Mais le recours à des formes de dopage sanguin modernes, récentes et indétectables pour le moment, je le crois plus que possible.

Si j’écris moins sur La Flamme Rouge depuis plusieurs mois en raison d’une charge de travail professionnelle stratosphérique, je continue de suivre l’actualité cycliste et de me poser des questions. Et j’apprécie les échanges que je peux avoir avec de nombreux autres suiveurs passionnés du cyclisme, dont Marc Kluszczynski. Je diffuse aujourd’hui un premier article de plusieurs qu’il m’a gentiment fait parvenir, et le remercie chaudement de ces nouvelles contributions.

Vuelta : les Jeux du Cycle (par Marc Kluszczynski)

Au moment où Olav Kooij écrasait la concurrence sur le Tour de Grande-Bretagne avec quatre victoires d’affilée grâce à un Wout van Aert équipier de luxe, l’hydre à trois têtes (pour l’instant) de la Jumbo-Visma planait sur la Vuelta.

Trois têtes ?

Peut-être davantage, selon la réponse un tant soit peu provocatrice de Primoz Roglič à un journaliste de la RTBF après la 8ème étape (Xorret de Cati). Alors qu’il s’aligne sur son 3ème grand Tour cette année, l’américain Sepp Kuss devenait leader malgré lui. Après un démarrage qui lui fera prendre 20 m d’un coup, il avait dû attendre ses deux leaders, Roglič et Vingegaard. Le grimpeur de Durango, pas vraiment spécialiste des CLM plats, étonnera même lors de la 10ème étape, un CLM individuel de 26 km à Valladolid avec juste une petite côte de 100 m de dénivelé. Il finira 13ème à 1 min 29 du vainqueur Filippo Ganna et pas si loin de Vingegaard, 10ème à 1 min 18. Des consignes d’équipe (garder le maillot amarillo) peuvent-elles expliquer cette performance ? Lors du Giro en mai, sur le CLM plat de la 1ère étape, Kuss avait terminé 68ème. Mais la Vuelta nous réserve souvent des performances étonnantes. Cette année, elle pourrait être le feu d’artifice d’une saison que l’on qualifierait de Jeux du Cycle.

Avec la bénédiction de l’ubiquitaire David Lappartient et de l’agence indépendante (?) ITA, créée et payée par le CIO, il n’y a pas eu de contrôle positif en World Tour l’année dernière. Cette année, on n’a qu’à se mettre sous la dent un contrôle positif chez… Jumbo-Visma, avec un diurétique retrouvé chez Michel Hessmann le 14 juin : qu’avait -t-il à éliminer 15 jours avant le Tour de France? Alors que Jumbo-Visma n’a jamais été aussi dominatrice, l’équipe hollandaise va gagner les trois grands Tours pour la 1èrefois dans l’histoire du cyclisme moderne.

 Avec ses trois grands tours en une saison, Sepp Kuss fait un triplé peu commun et réalisé à ce jour par trois espagnols, Eduardo Chozas (en 1991, 6, 10 et 11ème sur les trois grands tours), Alejandro Valverde (3, 6 et 12ème en 2016) et Carlos Sastre (8, 20 et 7ème en 2010). Mais il se pourrait bien que la police allemande, ayant perquisitionné au domicile d’Hessmann, détienne les clés dans cette mascarade à laquelle on assiste depuis trois ans.

Deux triplés et des miettes

Outre la victoire sur les trois grands tours, l’équipe Jumbo-Visma assurera le triplé sur le podium de cette Vuelta, un triplé acquis lors de 13ème étape du Tourmalet. Il faut remonter à la Flèche Wallonne 1994 et Paris-Roubaix 1996 pour observer une telle domination avec la Gewiss- Ballan de Moreno Argentin, Giorgio Furlan et Evgueni Berzin (préparée à l’EPO par le Dr Michele Ferrari) et la Mapei de Johan Musseuw, Gianluca Bortolami et Andrea Tafi. On assistera à un 2ème triplé sur une étape par l’équipe néerlandaise lors de la 17ème étape de l’Angliru (12,4 km à 9,8% de moyenne, avec des passages à 24%). Malgré la victoire de Jonas Vingegaard la veille, dédiée à Nathan Van Hooydonck accidenté (victime d’un malaise cardiaque lorsque l’on sait que de nouveaux produits dopants – certaines hémoglobines de synthèse – peuvent être responsables de troubles cardiaques, voire d’infarctus), les positions resteront figées avec la victoire finale de Sepp Kuss devant Vingegaard et Roglic.

Le patron de la Jumbo, Richard Plugge, expliquera cette domination de ses huit coureurs par la diététique et l’entraînement en altitude pratiqué à un niveau jamais atteint en cyclisme. Il balaiera les insinuations de dopage mécanique lancées par Jérôme Pineau, directeur de la défunte équipe B&B Hôtel. Ce qui fait passer les autres équipes au rang d’amateurs alors qu’elles s’entraînent aussi sérieusement que la Jumbo-Visma. Les espagnols devront se contenter des 4, 5 et 6èmes places avec Juan Ayuso (à 3 min 44), Mikel Landa (à 4 min 03) et Enric Mas (à 4 min 14) alors qu’ils brillent toujours sur leur Tour national. Jamais un grand Tour n’a jamais été aussi énervant ! La critique est interdite, l’omerta omniprésente, et Remco Evenepoel en est réduit au rôle de bouffon des rois (sifflés par une partie du public à l’arrivée de la 20ème étape), avec son beau maillot à pois bleu, alors qu’il a perdu 27 min dans le Tourmalet. Le World Tour se rapproche de la Formule I et des sports spectacles.

L’Aigle de Tolède (1928-2023)

Frédérico Bahamontès n’est plus.

L’Aigle de Tolède.

Le premier grand grimpeur de l’histoire du cyclisme, vainqueur du Tour de France 1959 et aussi à six reprises de son grand prix de la montagne.

À l’aise dans les ascensions, il ne l’était pas dans les descentes.

Le Tour de France 2023 est retourné sur le Puy de Dôme ; Bahamontès y forgea sa victoire sur le Tour 1959 en étant brillant ce jour là, un chrono de 13 bornes se terminant au sommet. Charly Gaul est à 1min26, Henri Anglade à 3min, Roger Rivière à 3min37 et un certain Jacques Anquetil à 3min41.

La photo nous montre Bahamontès à l’oeuvre en montagne sur le Tour 1963, flanqué de Jacques Anquetil et Raymond Poulidor.

Son petit-fils Mathieu a été sacré champion du monde de cyclisme sur route dimanche dernier à Glascow, dans ce qui restera peut-être comme la plus difficile course cycliste des 10 dernières années.

Immensément populaire dans sa ville de Tolède, premier espagnol vainqueur du Tour, Bahamontès était un géant du cyclisme.

« Ca dépasse le sport »

À ne pas manquer, ce vidéo sur le virage Thibault Pinot dans le Petit Ballon. Ceux qui connaissent l’endroit pour y être passé en vélo apprécierons surtout l’ampleur de la foule.

Dément!

Vingegaard façon Indurain

Plus de 4 secondes au kilomètre.

Stratosphérique.

1min38 : c’est la facture de Pogacar par rapport à l’extra-terrestre Vingegaard hier sur ce chrono de 22 bornes. 22 petits kilomètres!

Personne n’a fait mieux dans l’histoire (moderne) du cyclisme selon moi.

Et jamais je n’aurais cru de tels écarts au départ.

On parle aujourd’hui encore de la performance de Miguel Indurain sur l’étape chrono de Luxembourg durant le Tour 1992.

Ce jour-là, Indurain avait créé un séisme sur le Tour en reléguant son co-équipier De La Cuevas à 3 minutes, sur 65 kilomètres. Bugno était 3min41, LeMond, encore la plus grosse cylindrée mesurée du cyclisme à ce jour, à plus de 4 minutes.

Ben hier, les 1min38 en 22 kilomètres de Vingegaard, c’est encore mieux!!

On a su par la suite que la victoire d’Indurain sur le(s) Tour était surtout celle de Sabino Padilla, lui-même disciple à la bonne école de Francesco Conconi.

Vinge hier, c’est en tout cas encore mieux que les 1min21 prise par Pogacar sur Tom Dumoulin dans le chrono de la Planche des Belles Filles sur le Tour 2020, sur 36 kilomètres et une ascension crissement plus longue qu’hier.

En d’autres mots, je suis sans mot.

Peut-être LA performance chrono de l’histoire du Tour de France. LeMond avait repris 58 secondes à Fignon sur le dernier chrono du Tour 1989, Versailles-Champs Élysées, 24,5 kilomètres.

Indurain, LeMond, Pogacar, out.

Vingegaard a fait beaucoup mieux hier. Il ré-écrit l’histoire.

Ne lisez plus ce site, je ne connais plus le cyclisme: je vous avoue franchement ne pas comprendre.

Seule chose qui me rassure, même Vingegaard a déclaré à l’arrivée hier s’être surpris lui-même… Hallucinant… je vous dis pas à quel point j’ai hâte que mon Garmin qui affiche mes watts me surprenne…

Devant une telle performance qui relègue tous les concurrents, Pogacar compris, à de vulgaires figurants sur ce Tour de France, l’humour reste la meilleure explication. Et la palme revient à ce twitt d’un observateur inspiré du cyclisme:

Et c’est vers la fin de Domancy que je me suis aperçu que j’avais gardé mes tongs à la place de mes chaussures de vélo, c’est cocasse.

Jonas vingegaard, facon erwann Mingam

Rien à ajouter. Apprécions le spectacle. La Loze? Un vulgaire ruban tout plat pour Vinge aujourd’hui.

Le mec fait 60 kilos (avec les tongs), et il y a encore trois ans, y’avait que sa mère qui le connaissait. Vinge, un vrai extra-terrestre. D’ailleurs, y’a un petit quelque chose du sourire de Venom dans celui du Vinge, non?!

C’est dans la Loze que se jouera le Tour!

C’est un Tour de France très serré jusqu’ici cette année, 10 petites secondes d’écart au classement général entre les deux monstres des courses par étape, Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, et ce après 15 étapes.

On peut trouver beaucoup, beaucoup d’analyses, de vidéos, de commentaires évoquant ce qui pourrait se passer d’ici à l’arrivée à Paris. Vingegaard ? Pogacar? J’ai pu lire et écouter tout et n’importe quoi hier.

On peut même entendre des analyses sur le port des gants par Pogacar, c’est dire… que voulez-vous, faut meubler le vide…

Pour moi, c’est très simple: contrairement à ce que beaucoup disent, le Tour ne se jouera pas aujourd’hui sur le chrono entre Passy et Combloux: trop court (22 kms), et la côte de Domancy n’est à la fois pas assez longue et pas assez sélective pour faire de grands écarts.

Bien sûr, avec 10 petites secondes à combler, Pogacar pourrait prendre le maillot jaune aujourd’hui. Mais il n’aura pas course gagnée pour autant, sauf accident bien sûr.

Pour moi, et certainement pour ceux qui l’ont déjà monté sur un vélo, le Tour de France se jouera ce mercredi entre Saint-Gervais Mont Blanc et Courchevel, sur les pentes cruelles du col de la Loze.

Une tuerie. Vraiment.

Du moment que vous quittez le haut de Méribel et entrez sur la piste cyclable qui monte au sommet de la Loze, c’est un enfer: 8 km atroces, des pentes très irrégulières, avec des ruptures de pente sans arrêt, un coup à 22%, un coup à 3%, et allez que ca recommence…

Dans un tel contexte, il est très, très difficile de trouver un rythme. Et le sommet est à 2300m d’altitude!

Sur mon 34-29 l’an dernier sur la Haute Route, j’ai souffert le martyr, comme tous les participants ce jour-là. Je compte sur les doigts d’une seule main les fois où j’ai eu envie de vomir sur une ligne d’arrivée, en 25 ans de compétition cycliste ; au col de la Loze, c’est passé très près.

Je vous prie de me croire, ce col est une tuerie. Les écarts seront conséquents: pour preuve, retournez voir les résultats de la 17e étape du Tour de France 2020, gagnée par Superman Lopez.

Je vous rappelle que mercredi, on abordera la Loze après les Saisies, le Cormet de Roseland, puis la longue montée depuis Moutiers vers LePraz, 149 kms pour laminer les organismes déjà fatigués puisque dans la 3e semaine du Tour, avant d’attaquer ces pentes terribles de la Loze. Il faudra être fort mentalement pour ne pas craquer dans le final ce jour-là!

Rendez-vous mercredi soir pour connaître le vainqueur du Tour 2023. L’étape du Markstein samedi prochain ne changera plus rien.

Marc Madiot

J’ai beaucoup aimé ces deux entrevues (une série) tournées récemment avec Marc Madiot.

Parce que ca rebranche aussi avec le cyclisme d’hier, tout en étant de façon réaliste dans le cyclisme d’aujourd’hui. Marc Madiot, c’est ca.

Gino Mäder (1997-2023)

FQSC: une très belle initiative

C’est une très belle initiative de la Fédération Québécoise des Sports Cyclistes: la Campagne de sensibilisation sur l’intégrité et la sécurité dans les sports cyclistes.

Hier, la Fédé a diffusé la troisième capsule qui porte sur le sujet du dopage dans le cyclisme. Les témoignages vidéo de William Goodfellow et Christiane Ayotte sont saisissants, et c’est à ne pas manquer.

Deux capsules ont été diffusées précédemment, la première sur les différences formes de violence, la deuxième sur les troubles alimentaires.

Alors que Louis Barbeau vient d’envoyer par courriel à tous les coureurs maitres un formulaire de sensibilisation sur le dopage à compléter au plus tard le 22 juin prochain, alors que le Tour de Beauce s’est élancé tout récemment, alors que se profile la Grande Messe de juillet sur les routes de France et que la saison de course sur route bat son plein au Québec, le moment est opportun pour chacun d’entre nous de prendre quelques minutes et de (re)penser à notre éthique sportive.

Et surtout de rejeter l’éthique sportive de ceux qui pensent que « tous les cyclistes sont dopés« , ou que l’on triche « seulement si on est le seul à le faire« .

Dans la capsule vidéo, William apporte un élément qui résonne chez moi: l’acceptation de soi.

Il y a quand même une façon d’avoir de la performance avec l’acceptation de soi.

william goodfellow

La non-acceptation de soi, de son niveau physique, peut en effet être un élément menant facilement au dopage.

Personnellement, j’aurais aimé être un champion cycliste mais je n’ai pas tiré le gros lot à la loterie génétique. Et j’ai rapidement compris que la plus grande satisfaction qui soit n’est pas de battre les autres, mais bien de se battre soi-même.

Aujourd’hui, je lutte le plus souvent contre mes propres KOM, en privé; rien ne me fait plus plaisir que de rouler plus vite aujourd’hui, à 50 balais passés, qu’à 30 ou 40 ans. Évidemment, aussi propre aujourd’hui qu’il y a 10, 20 ou 30 ans.

Alors que les cas de dopage sont quasi-inexistants en World Tour depuis plusieurs années (voir ici le récent article de notre ami Marc Kluszczynski sur le sujet) alors même que les vitesses n’ont jamais été aussi élevées dans les cols, ce rappel de la FQSC n’est pas inutile, loin s’en faut. Car il nous rappelle aussi qu’à la base, la lutte contre le dopage est une affaire d’éducation, de sensibilisation, et de bon encadrement dès les premiers coups de pédale.

Et pendant ce temps, Cyclisme Canada…

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