Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Auteur/autrice : Laurent Page 1 of 353

Pogacar intouchable

Je vois mal comment le Tour de Lombardie ce week-end pourrait encore échapper à Tadej Pogacar.

Ce dernier rejoindrait Fausto Coppi dans le livre d’histoire de cette course, avec cinq succès. On pourrait même dire qu’il ferait mieux que le « Campionissimo », car ses cinq succès seraient consécutifs, ce que n’a pas pu faire Coppi.

Pogacar a remporté hier les Tre Valle Varesine – une course que le Québécois David Veilleux a déjà remporté, j’aime le rappeler! – comme s’il s’était payé une sympathique sortie d’entrainement décontractée.

Payez-vous les images! (il s’échappe du groupe à 21,6km de l’arrivée, sur le vidéo c’est à la 55e minute). Pogacar semble simplement passer son relais, il appuie un peu et il prend quelques mètres qui, en fait, ne seront jamais bouchés.

Réalisant le danger, on a un Quinn Simmons qui semble bien appuyer sur les pédales, mais il ne rentre jamais. Écoeuré probablement, l’Américain a dit « basta » et termine 69e, à plus de 5min!

Hallucinant!

L’effort de Pogacar pour s’échapper n’était ni dans une bosse, ni dans un col. Au train, au bas d’une descente, à un endroit très roulant.

C’est vrai que Simmons a manqué de soutien pour rentrer sur le coureur slovène, alors qu’il ne restait plus que quelques longueurs de vélo à boucher.

L’aisance de Pogacar face aux autres est quand même exceptionnelle, nous sommes chez les professionnels.

Belle 2e place d’un jeune de 19 ans que je ne connais pas vraiment, le Danois Albert Withen Philipsen, vainqueur plus tôt cette saison de Paris-Roubaix espoirs.

Alaphilippe 3e, on lui souhaite un bon Tour de Lombardie ce week-end avec son équipe Tudor. Son compatriote Lapeira est 4e, ce qui confirme la bonne fin de saison des AG2R-Decathlon qui seront à surveiller ce week-end en Italie.

Décidément, ce cyclisme moderne est difficile à expliquer… mais le spectacle, lui, demeure d’intérêt et il ne faudra pas manquer ce Tour de Lombardie, la der de der.

Seixas, tout de même!

Magnifique 3e hier aux Championnats d’Europe, le Français Paul Seixas a célébré ses… 19 ans le 24 septembre dernier.

Ouf!

Devant lui, deux noms: Tadej Pogacar et Remco Evenepoel (bis repetitas de Kigali oui).

C’est très simple: ce que Paul Seixas a fait hier est tout à fait exceptionnel. Il s’est battu comme un chiffonnier pour se débarrasser de l’Italien Christian Scaroni dans le final, ce dernier étant pourtant dans la forme de sa vie.

Quel mental de Seixas dans la dernière ascension du Val d’Enfer!!! Je n’ai pas compté combien de fois il a accéléré pour lâcher l’Italien, mais probablement 6-7 fois. Sur les premières accélérations, Scaroni ne lâchait rien – ou très peu – pour revenir dans la roue du Français. Loin de se décourager, ou de céder au défaitisme, Seixas a trouvé la force mentale de se dire « je ré-essaie » à chaque fois.

L’Italien n’a pas cédé facilement: mètre par mètre! Il faut avoir un sacré mental pour faire ce que Seixas a fait hier. Parce que forcément, vient un moment, tu doutes.

C’est pas compliqué, je ne me rappelle pas d’avoir vu chez un coureur français un talent aussi précoce et aussi grand au cours des trois dernières décennies.

Salué voire porté au triomphe partout en France depuis hier, c’est bien mérité. Espérons seulement que Seixas pourra vivre le tout sereinement, la pression pouvant être négative lorsque trop grande pour de jeunes épaules. On ne compte plus les jeunes coureurs qui se sont brûlés les ailes trop vite.

Seixas sera du départ du Tour de Lombardie avec Pogacar et Evenepoel, on aura encore droit à une belle bagarre sur fond de revanche des deux dernières courses, les Mondiaux et les Championnats d’Europe. Ca risque d’être très intéressant pour la dernière grande course de la saison 2025.

Confirmer, Seixas l’a fait hier: rappelons qu’il a remporté en septembre le Tour de l’Avenir, quand même une très belle référence quant on regarde le palmarès de cette épreuve et ce que la plupart des vainqueurs ont réalisé par la suite. Seixas a aussi été 3e du chrono des Championnats de France, et 8e du Dauphiné, à 18 ans.

Pas besoin de « confirmer » donc en Lombardie, juste se faire plaisir en appuyant le plus fort possible sur les pédales.

Pour la suite, je rappelle aussi que Paul Seixas sait également faire du cyclo-cross…

Faudra suivre sa progression la saison prochaine avec grand intérêt.

Un chiffre pour hier: 17 classés, pour 101 au départ… ca témoigne de la difficulté de la course et de la portée de la 3e place de Seixas hier, dont on ne connaît pas les limites.

La revanche de Remco?

C’est rare dans le cyclisme qu’on a droit à un vrai match revanche à une semaine d’intervalle, pour un titre prestigieux dans notre sport.

Dimanche, Remco Evenepoel et son équipe nationale belge auront la chance de faire oublier la journée difficile dimanche dernier sur les Mondiaux de Kigali, et d’aller chercher le titre de champion d’Europe.

De l’autre côté du ring, Tadej Pogacar et son équipe slovène, apparemment Primoz Roglic en moins, pour entrer dans l’histoire et réaliser un doublé inédit, champion du monde et champion d’Europe à une semaine d’intervalle.

Je pense que ces deux coureurs vont se surveiller étroitement, et à ce petit jeu, un troisième larron pourrait bien en profiter.

Et plusieurs jokers pourraient foutre la pagaille, dont un certain Jonas Vingegaard, récent vainqueur d’une Vuelta très perturbée. Le « Vinge » cherchera forcément à exister durant cette course face aux deux autres, à ce niveau l’orgueil est présent. Le Danois est capable de rouler vite, s’il attaquait dans la dernière bosse il pourrait peut-être tenir jusqu’à l’arrivée située à peine six bornes plus loin.

Joao Almeida, Juan Ayuso, Pavel Sivakov, Romain Grégoire, Alberto Bettiol, Mattias Skjelmose et Paul Seixas seront les autres coureurs à surveiller.

Avec plusieurs coureurs en forme, l’équipe de France de Thomas Voeckler a un beau coup à jouer, même en l’absence de Julian Alaphilippe. Il faut y croire.

Rappelons que le tenant du titre, le belge Tim Merlier, n’est pas au départ, pour des raisons évidentes.

Au menu côté parcours, quand même 203 kilomètres de course casse-pattes, avec ce fameux « Val d’Enfer », une bosse de 1,6km à 9,7% de moyenne, ouch. Les coureurs devront se la farcir six fois, dont quatre dans les 100 derniers kilomètres.

Beau temps annoncé et pas trop chaud, de bonnes conditions pour les coureurs.

Remco et l’heure?

En remportant le chrono des Championnats d’Europe une semaine après son titre de champion du monde de la discipline, et en battant nul autre que Filippo Ganna le détenteur du record de l’heure, la question brûle: Remco Evenepoel peut-il faire mieux que 56,792 km sur 60 minutes?

Je suis d’avis que le belge va sentir la pression augmenter au cours des prochaines semaines pour s’attaquer au défi ultime en cyclisme. À quelque part, s’il réussissait bien, un parallèle serait presque automatique avec la performance d’un autre belge, Merckx celui-là… et ca, ca doit trotter dans la tête de Remco.

Surtout qu’il a déjà déclaré en juillet dernier qu’il y avait moyen de battre le record de Ganna, et signalé son intention à l’UCI, sans fixer d’échéance.

Personnellement, je n’ai aucun doute qu’il peut le faire, mais il devra régler de nombreux défis avant de s’élancer sur une piste quelque part.

Un record de l’heure aujourd’hui, ca m’apparait en effet une sacrée entreprise.

Les sponsors, premièrement, qui doivent non seulement allonger le budget, mais aussi fournir l’équipement le plus pointu: vélo sur mesure, développement aérodynamique, combinaison, usage de l’imprimerie 3D, recherche des coefficients de friction les moindres, étude posturale en soufflerie, tout le bataclan.

Remco change d’équipe en 2026, se dirigeant vers Red-Bull Bora Hansgrohe, une autre équipe aux gros moyens financiers. Red Bull, en particulier, aime les défis de tous genres, finançant de par le monde toutes sortes d’activités « extrêmes » dans une vaste sphère d’activités. Je les vois bien « embarquer » dans pareille aventure d’un record de l’heure, médiatisation tout azimut bien entendu.

La nouvelle équipe de Remco est également équipée par Specialized, un monde donc familier au coureur belge. La compagnie américaine a probablement les moyens de cette ambition, tout comme BioRacer la compagnie de vêtements. Ses autres sponsors, dont Esso, sont aussi des joueurs non-négligeables.

Avec une telle association et un tel exploit dans la poche, Specialized pourrait possiblement dorer encore plus son image publique, et donc mieux rivaliser avec son concurrent Trek, un des leaders européens du vélo.

Un lieu devra être trouvé: Mexico et son indice de pénétration dans l’air moindre n’ayant plus trop la cote étant donné les défis de l’altitude, Ganna s’était élancé de Granges en Suisse, tout comme son prédécesseur Bigham, reconverti quelques mois plus tard en « ingénieur de course » pour le record de Ganna. Quoi de mieux que de tester « live » quelques mois plus tôt?! Le vélodrome de Manchester serait-il une option? Celui de Granges, au coeur de l’Europe, comporte de nombreux avantages.

La question du braquet sera épineuse. Pour rouler à 57 km/h, Ganna avait utilisé un 64-14, alignement de chaine oblige. Ca veut aussi dire une cadence d’environ 98 tours par minute, qu’il faut supporter en position couchée sur une heure de course. Ouf!

Que choisira Remco Evenepoel? Les possibilités sont grandes, selon son style, sa cadence, etc.

La longueur des manivelles est également à étudier.

Remco Evenepoel pourra compter sur un atout de taille par rapport à Ganna, celui de son coefficient de pénétration dans l’air, exceptionnel. Couché sur son vélo, capable de « fermer » ses bras contre son visage, capable aussi de rouler avec une tête très basse, il aura besoin de moins de watts que Ganna pour se porter à vue du record, puis le battre.

Après, il faudra travailler le spécifique, le coup de pédale de la piste certes, le passage répété des virages, ainsi que la capacité de maintenir la ligne idéale de course, avec la fatigue qui inévitablement s’installe en cours d’effort.

Il devra aussi régler le moment de la saison, les saisons de Remco Evenepoel étant souvent assez remplies. Ayant observé un break après le Tour cette saison, il a repris au Tour de Grande-Bretagne pour ensuite se concentrer sur les Mondiaux de Kigali, puis les Championnats d’Europe. Préparation idéale?

Bref, on n’y est pas encore, mais gageons que nous verrons Remco Evenepoel au départ du test ultime en cyclisme dans un horizon de 12 à 24 mois.

Merckx, hors norme

À l’heure où certains(nes) se demandent si Tadej Pogacar est le nouveau Merckx, une question à mes yeux futile et dénudée d’intérêt, j’ai adoré ce reportage sur Eddy, coureur hors norme et à ce jour, le plus grand cycliste de tous les temps.

À ne pas manquer pour découvrir le Cannibale, et mesurer toute l’étendue de ses exploits qui sont, à mes yeux, intouchables aujourd’hui.

Produit par ARTE, excellente chaine culturelle européenne qui, dans un monde de désinformation et de contenus médiocres, devient de plus en plus une bouffée d’oxygène.

Mag championne du monde!!!

Dément, c’est dément!

Magdeleine Vallières-Mill, « notre » Mag, est devenue aujourd’hui la championne du monde sur route élite femmes.

Une victoire resplendissante, solo, pleine de maitrise durant toute la course, une course parfaite de Mag, attaquant chaque fois au bon moment et finissant solo. Cela ne faisait aucun doute pour personne voyant live les images: elle était clairement la plus forte aujourd’hui. D’une jambe!

Incroyable. J’ai eu du mal à contenir mes émotions sur ce dernier kilomètre interminable pour nous ses fans.

Cette victoire couronne une fille dédiée, qui travaille fort souvent dans l’ombre, le triomphe de la discipline, du travail, de la constance à l’entrainement, et aussi d’une bonne tête équilibrée, notamment grâce à un entourage sain.

Pour le cyclisme canadien, québécois, pour Sherbrooke, c’est formidable également. Pendant un an, nous aurons le bonheur de voir Mag avec le maillot de championne du monde et ca, ca sera un plaisir sans cesse renouvelé.

Bravo Mag!!!! Respect, et chapeau bien, bien bas!

La dangereuse politisation du sport

Comme plusieurs d’entre vous, j’ai suivi avec attention les événements de la Vuelta, alors que des manifestants pro-palestiens ont perturbé la course tous les jours, visant notamment l’équipe Israel-PremierTech pour des raisons évidentes.

Ma surprise n’a pas été les manifestations en soi, mais bien la durée de celles-ci: les manifestants étaient présents tous les jours, et ont réussi à perturber de façon très significative de nombreuses étapes du Tour d’Espagne, jusqu’à la toute dernière. Avec, à la clef, certains événements déplorables puisque la sécurité en course des coureurs a été, par moment, compromise.

Ces événements sont significatifs dans la mesure où ils sont susceptibles de faire boule de neige: à Montréal dimanche dernier, tout près de la ligne départ/arrivée, une manifestation du même type était présente, fort heureusement dans le respect de l’événement et des coureurs.

D’autres manifestations sont probablement prévisibles sur les prochaines courses du calendrier cycliste professionnel, par exemple sur le Tour de Lombardie qui est l’un des cinq grands monuments.

Dans tout cela, je déplore depuis un petit moment déjà la politisation du sport.

Voyez un peu: pour la première fois à ma connaissance, on a pas moins de quatre équipes de premier plan au sein du peloton qui battent pavillon d’un état ou d’une ville dont la réputation n’est pas des meilleures sur la scène internationale, que ce soit à l’égard du respect des droits de l’Homme, de positions ou régîmes politiques, ou de comportement envers d’autres pays: UAE Team Emirates (Émirats Arabes Unis), Bahrain-Victorious (Bahrein), Astana (Kazakhstan) ainsi qu’Israel-PremierTech (Israel).

Je ne me souviens pas d’une autre époque dans le vélo où cela s’est produit, aussi loin que ma mémoire me permet de remonter.

Manifestement, ces états utilisent le cyclisme pour améliorer leur image internationale, faisant du coup oublier les défis et enjeux parfois importants derrière.

Je le déplore, car on assiste à une politisation du cyclisme, une dérive à mon sens très dangereuse.

Le sport de façon générale est un des rares endroits, peut-être avec l’art, où la politique devrait être totalement absente. Bien sûr, on se souviendra de l’histoire des Jeux Olympiques, ponctuée de liens entre sport et politique, mais globalement, en sport, une devise prévaut: que le meilleur gagne. Point barre.

Le sport devrait être un lieu de rencontre et de respect entre adversaires, dans le seul but de la recherche de la performance et de la victoire, tout en respectant les règles bien sûr.

Au lieu de ca, on assiste à la dangereuse hausse de l’instrumentalisation du sport qui a certes toujours existé, mais qui prend de l’ampleur dans le monde selon moi. Le cyclisme en est un exemple. Le ski de fond aussi d’ailleurs, avec l’exclusion des fondeurs russes des épreuves de Coupe du Monde, un des seuls sports à continuer d’appliquer une telle règle.

Il y a pourtant d’autres solutions. Les états ou les millionnaires derrière certaines équipes peuvent soutenir le vélo sans pour autant en faire un véhicule politique; rien n’empêche l’homme d’affaire Sylvan Adam de soutenir le vélo sans pour autant promouvoir l’état d’Israel sur un maillot.

On va en venir au point où les autorités comme l’UCI n’auront d’autre choix que d’intervenir pour fixer des règles claires sur le sponsoring, surtout si les manifestations actuelles devaient perdurer dans le temps, par exemple sur la saison 2026.

Avec, bien sûr comme défi majeur, celui de l’argent, on n’y échappe pas. L’équipe UAE Team Emirates n’est-elle pas la plus riche du peloton actuel?

Chose certaine, je comprends et surtout je respecte la décision de certains coureurs pro actuels de ne pas courir au sein de certaines équipes, par principe.

Le beau dimanche des UAE

Peut-être piqués au vif suite à leur manque de cohésion dans le final du GP de Québec vendredi, les UAE Team Emirates se sont payés un beau dimanche à Montréal, sous le thème « démonstration de force ».

En gros, ils ont tout écrasé, tout maîtrisé, la course a été d’une limpidité hors norme et au final, on se paye même le luxe de pouvoir choisir peinards le vainqueur du jour.

Y’a des images Mapei sur Paris-Roubaix ou Gewiss-Ballan sur la Flèche Wallonne qui me sont revenues…

Quoi vous dire de plus? Tadej a bien fait d’attendre Brandon à la fin de l’avant-dernier tour, il pouvait le faire sans problème et montrer son esprit d’équipe ne fait que renforcer sa place de leader.

Idem pour la gagne, il a bien fait de laisser son coéquipier gagner. Ce dernier avait quand même su rouler plus vite que tous les autres sauf son leader, il était donc méritant.

Mention très bien à Quinn Simmons, un sacré moteur lui mais ca on le savait aussi déjà, qui a maintenu sans faiblir son effort durant tout le dernier tour, préservant ainsi sa place sur le podium. Une belle récompense pour le coureur américain qui rejoignait ainsi son compatriote sur le podium. Pour la petite histoire, c’était une belle journée pour le cyclisme américain hier avec Neilson Powless 4e… donc trois coureurs américains dans les quatre premiers!

Hugo Houle encore premier Canadien à l’arrivée, mention très bien pour une grosse journée de travail, mais loin de la tête de course.

Tous les autres à la trappe, dont Julian Alaphilippe, décroché avant même de voir les deux derniers tours. Aie. Les UAE ont tout fait exploser hier sur le GP de Montréal, ca été un véritable rouleau-compresseur laissant peu de place à une course de mouvement.

Soulignons en terminant la belle perf du Français Louis Barré de Intermarché, remarquable de volonté hier dans l’ascension de la voie Camilien Houde. Il s’est battu comme un chiffonnier pour rester au contact des avions de chasse devant, et termine avec une belle 6e place à l’arrivée.

La grande victoire d’Alaphilippe

Point rageur sur la ligne d’arrivée, cri primal lancé au passage, c’est trois ans de frustration que Julian Alaphilippe a évacué hier en gagnant « signature Alaphilippe » le Grand Prix cycliste de Québec.

Solo. La plus belle façon de gagner qui soit, et celle qu’il a souvent adopté notamment lors de ses deux titres mondiaux.

Beaucoup de panache également, en s’envolant notamment dans la dernière ascension de la côte de la Montagne. Où et quant il le fallait.

Une magnifique victoire, acquise avec les jambes d’abord bien sûr, mais aussi la tête. C’est peut-être là qu’Alaphilippe a gagné hier, sachant s’économiser une fois sorti dans un groupe de contre à près de 80 kilomètres de l’arrivée, car c’était se dévoiler tôt dans le final. Son directeur sportif l’a avisé de demeurer calme et concentré, c’est ce qu’il a fait et ca a payé. Quitte à jouer « quitte ou double ».

D’autres coureurs avec lui dans le contre ont pu être irrités de la non-collaboration du Français. Ce dernier a certainement pu leur servir l’argument du sous-nombre, les Astana étant deux, et de la présence d’un UAE Team Emirates, qui préparait certainement le terrain pour Tadej. Du coup, ce n’était pas à Alaphilippe de rouler, car il n’avait pas de stress à voir l’entreprise échouer.

Avec cette victoire, Alaphilippe relance sa carrière en quelque sorte, venant de prouver aux yeux du (petit) monde WorldTour qu’il peut encore gagner des courses de ce niveau, devant des pointures comme Pogacar et Van Aert. Bettiol hier en avait visiblement sous la pédale, et c’est donc un excellent Alaf qui a dû se mobiliser pour la gagne. Il sera logiquement un favori des Mondiaux au Rwanda fin septembre et c’est tant mieux.

UAE la désorganisation

Pour le reste, scénario très classique sur ce GP de Québec: une échappée matinale avec deux excellents coureurs canadiens (Philippe Jacob et Félix Bouchard) qui sont allés loin dans la course, et loin dans la souffrance, le peloton qui met en route après la mi-course, et un final explosif dans les trois derniers tours, notamment sous l’impulsion d’un excellent Tim Wellens, à l’ouvrage pour préparer le terrain pour Tadej.

C’est dans les deux derniers tours que je n’ai pas compris la stratégie de l’équipe UAE: après l’attaque de Tadej dans l’avant-dernière ascension de la côte de la Montagne, ce dernier voulait visiblement remonter dans l’échappée Alaf devant.

Pourquoi ne pas avoir demandé à Sivakov – présent devant – d’aller chercher Pogi derrière? À un moment, moins de 20 secondes séparaient les deux groupes!

Plus encore, le manque de cohésion entre Pogi et son coéquipier Brandon McNulty présent lui-aussi dans son groupe m’a laissé dubitatif: pourquoi? En travaillant tous les deux sur le boul. Champlain avant la dernière ascension de la côte de la Montagne, ca pouvait probablement rentrer sur le groupe Alaf, et là on aurait peut-être eu une toute autre course. Voir à trois si Sivakov s’était retourné pour aller chercher ses deux coéquipiers.

Sinon, les Visma ont semblé débordé dans ce dernier tour, pris à contre-temps et sans pouvoir réellement s’exprimer. Les sprinters Arnaud deLie et Michael Matthews étaient également trop isolés pour pouvoir faire quelque chose.

Les Canadiens: mention très bien!

Très belle course des coureurs de l’équipe canadienne hier, même si c’est Hugo Houle qui arrive premier Canadien à l’arrivée.

Philippe Jacob et Félix Bouchard ont longtemps résisté dans l’échappée devant, il fallait voir leur rictus dans la côte de la Montagne à quelques tours de la fin pour comprendre toute leur motivation du jour. Beau à voir!

Surtout, mention très bien à Jérome Gauthier qui est allé au bout de la course, étant officiellement classé. 18 ascensions de la côte de la Montagne tout en roulant souvent très vite sur le reste des 12 kilomètres au tour, fallait l’encaisser hier.

Ca faisait plaisir à entendre: la foule était sensiblement plus bruyante au passage des coureurs canadiens, même sur les trois derniers tours alors que plusieurs étaient lâchés.

La photo de la victoire d’Alaf est signée Grégoire Crevier, un ami.

Le vidéo de la course est ici.

GP cyclistes: Pogacar l’épouvantail

Un seul et unique archi-favori pour les Grands Prix cyclistes de Québec et Montréal, Tadej Pogacar.

Il aura la pancarte dans le dos.

Pour plusieurs raisons.

D’abord, il est déjà un double vainqueur du GP de Montréal, preuve qu’il sait bien maitriser cette course particulière, avec la voie Camilien Houde à gravir de nombreuses fois. Surtout, il sait contrôler ses nerfs, sachant que son équipe est solide et que la course est longue à Montréal.

Ensuite, parce qu’il n’a jamais réalisé le doublé, et ca devient agaçant à la fin. C’est pour cela que je pense qu’il faudra le surveiller de près à Québec ce vendredi, Pogi est un orgueilleux qui voudra laisser sa marque.

Enfin, parce qu’il prépare les Mondiaux du Rwanda, et qu’il est le champion du monde en titre. Ca donne des responsabilités. Les deux courses en sol québécois sont une occasion de se tester sur des parcours moins longs et moins difficiles que celui des Mondiaux.

Pogi s’amène au Québec avec une belle armada à son service: McNulty, Narvaes, Adam Yates, Sivakov, Wellens, Politts capable d’abattre un boulot incroyable pour contrôler une échappée, bref, les UAE Team Emirates ne sont pas venus pour faire de la figuration.

Les autres

Outre Pogi, y’a quand même du beau monde au départ, capable de faire mordre la poussière aux UAE, surtout à Québec.

Wout Van Aert, bien évidemment. Son accélération dans Montmartre alors qu’il a lâché « à la pédale » Pogi lors de la dernière étape du Tour de France en juillet dernier nous est tous restée en mémoire. Pourquoi ne pas refaire le coup dans la côte de la Montagne à Québec lors du dernier tour? Il débarque lui-aussi avec une belle équipe Visma, et notamment Simon Yates vainqueur du Giro rappelons-le. Il sera intéressant de suivre la jeune sensation norvégienne Jorgen Nordhagen, un champion du monde de… ski de fond!

Michael Matthews, toujours lui, est de retour, bien épaulé chez Jayco-AlUla. Il sait se faire oublier, M. Matthews, pour ne surgir qu’au bon moment. Il a déjà réalisé, lui, le doublé sur les GP cyclistes de Québec et Montréal, c’est le spécialiste.

Je mets quelques sous sur Julian Alaphilippe, dont le parcours de Québec lui convient à merveille. Une victoire vendredi du coureur français si populaire serait un baume sur une saison très respectable, mais sans grande victoire à ce jour. Son punch pourra lui servir à merveille dans la bosse.

Attention également à Quinn Simmons chez Lidl-Trek, très remuant et volontaire sur le Tour et dans un bon jour, d’une énergie inépuisable. Son coéquipier Mattias Skjelmose sera également à garder à l’oeil.

Arnaud de Lie a son équipe Lotto à son service, mais saura-t-il rester au contact dans les deux dernières ascensions de la côte de la Montagne et jusqu’à la ligne pour faire le sprint? Et si oui, dans quel état? Nul doute qu’ils seront nombreux dans le peloton à ne pas vouloir lui laisser la moindre chance de se pointer aux 400m.

Idem pour Biniam Girmay, que je vois mieux placé que De Lie ce vendredi. Pour dimanche, vous oubliez ca!

Beaucoup d’autres coureurs pourront surprendre à Québec, une course toujours plus imprévisible que celle de Montréal. On pense aux Oscar Onley, Florian Lipowitz, Pello Bilbao, Matej Mohoric, Fred Wright, Nelson Powless, Alberto Bettiol, Einer Rubio, ou encore aux frères Johannessen et Jonas Abrahamsen.

Dix coureurs canadiens au départ, dont Hugo Houle, Guillaume Boivin chez Israel-Premier Tech et Michael Leonard chez Ineos. Pour ceux évoluant sous le maillot de l’équipe du Canada, on est essentiellement là pour se faire voir, et prendre de l’expérience à ce niveau de compétition. Le jeune Philippe Jacob, vainqueur des Mardis cyclistes de Lachine, ainsi que Félix Hamel, seront ceux à surveiller pour se distinguer.

Non, pas de Mike Woods. Il sera possiblement de l’effectif Israel-Premier Tech sur le GP de Montréal dimanche prochain.

GP de Québec: un parcours plus facile et une arrivée plus… dangereuse

Dans une semaine, nous y serons: le Grand Prix cycliste de Québec, première course d’un duo québécois complété par le GP de Montréal, le dimanche suivant.

Cette année, le parcours, jusqu’ici inchangé en 13 éditions, fait « presque » peau neuve. Exit la côte des Glacis, exit la côte de la Fabrique, une fois en haut de la côte de la Montagne les coureurs prendront gauche au lieu de droite, remonteront direct vers le Chateau Frontenac, monteront la rue Saint-Louis mais pas jusqu’en haut comme avant, tourneront sur les Plaines juste après la porte St-Louis, puis ce sera l’arrivée 400m plus loin.

Malgré ce que plusieurs ont voulu faire croire ces dernières semaines, ce parcours est plus facile que lors des éditions antérieures selon moi.

Les nombres, d’abord: près de 3000m de dénivelé pour l’ancien parcours, contre 2600m pour le nouveau.

Surtout, on aura moins de « stop and go » comme avant, et les « stop and go », c’est usant à la longue même pour des coureurs pros. Imaginez un peu: sitôt le haut de la côte de la Montagne, vous aviez l’an dernier quelques secondes seulement de répit (et encore, la descente des Remparts, rapide, exigeait de la concentration) avant de ré-attaquer la côte des Glacis, abrupte, vers le Carré d’Youville, et rebelotte, quelques secondes de répit dans la courte descente de St-Jean avant de rempiler sur la côte de la Fabrique, puis le long faux plat de la rue St-Louis puis de Grande Allée. Ca faisait un enchainement infernal!

Au lieu de ca, les coureurs devront cette année affronter une seule bosse sur le parcours, mais un peu plus longue. Une fois en haut de la côte de la Montagne au terme de la première partie pentue de cette longue bosse, direction le Chateau, ca monte encore, puis deuxième partie, la rue St-Louis et son faux plat, mais pas jusqu’en haut comme l’an dernier.

Je suis d’avis que pour les coureurs plus « diesels », ce sera plus facile à encaisser, surtout qu’après, on aura droit à une longue récupération pour ceux qui seront dans les roues. Sur une plus longue bosse dont la 2e partie est beaucoup moins difficile puisqu’un simple faux plat, on peut prendre plus facilement son rythme, et la puissance peut être plus lissée que si on a à passer trois raidards consécutifs.

La distance un peu plus longue cette année (216km au lieu de 202km) n’aura aucun impact à ce niveau de professionnalisme.

L’arrivée

L’arrivée a été déplacée de Grande Allée aux Plaines d’Abraham, au terme de la courte descente après le petit raidard de l’entrée des Plaines, une fois qu’on quitte la rue Saint-Louis.

Autrement dit, au lieu d’une ligne d’arrivée située au terme d’un long faux plat ascendant tout droit sur la rue Saint-Louis puis à côté du Parlement, on aura droit à une arrivée ponctuée, dans les 500 derniers mètres, d’un virage 90 degrés sur la gauche, d’un petit raidard pour une grosse relance, et d’une courte descente en virage sur la droite, puis l’arrivée.

Je peux déjà vous prédire des chutes sur ce dernier kilomètre où ca va frotter comme jamais à Québec. Voyez un peu: 215km de course moins sélective propre à générer un plus gros paquet à l’entrée du dernier kilomètre, une grosse bataille sur St-Louis pour virer à gauche à l’entrée des Plaines, puis un sprint en jouant du dérailleur puisque la ligne est au terme d’une courte montée immédiatement enchainée d’une courte descente.

Aie.

Les arrivées solo ou en petit comité étant rares à Québec, les équipes organisées qui disposeront d’un bon sprinter à l’entrée du dernier kilomètre auront l’avantage, c’est clair. Parfait pour un Michael Matthews, champion sortant et déjà triple vainqueur de l’épreuve, qui peut se débrouiller avec ou sans coéquipiers. Arnaud de Lie, annoncé, sera aussi à surveiller sur ce GP de Québec mais seulement s’il est bien entouré. Deux autres épouvantails, Wout Van Aert bien sûr, mais aussi Biniam Girmay, 2e l’an dernier et 3e en 2022, récent 5e de la Bretagne Classic et qui doit « sauver » sa saison, n’ayant pas encore levé les bras en 2025.

Super Record 13v: le retour de Campagnolo

Depuis une dizaine d’années, il était difficile de suivre la stratégie marketing de Campagnolo, la mythique compagnie italienne de composantes haut de gamme.

Selon moi, seul le relatif succès du groupe gravel Ekar sauvait les meubles de cette compagnie qui, pourtant, est au coeur de l’histoire du cyclisme. Le groupe Super Record 12v wireless sans le fameux « thumb shifter » lancé il y a quelques années s’est avéré un échec cuisant.

Début juin dernier, Campagnolo a signé son grand retour dans la course aux groupes haut de gamme pouvant équiper les vélos des plus assidus d’entre nous en lançant le premier groupe 13 vitesses, le Super Record.

Pour la petite histoire, rappelons que Campagnolo avait été le premier à lancer un groupe 10 vitesses (2000), 11 vitesses (2008) et 12 vitesses (2018).

Preuve de la volonté de Campagnolo de revenir dans la course, la compagnie italienne est également revenue en World Tour en 2025 avec l’équipe Cofidis dont elle équipe les vélos.

Ce nouveau Super Record 13 vitesses est un tour de force remarquable de la part des Italiens.

D’une part, et peut-être le plus important, un prix nettement revu à la baisse par rapport au groupe Super Record 12v. J’ai pu trouver des prix tournants autour de 6500$CAN pour ce groupe, soit environ 1000 à 1200$ de moins que la version précédente, ce n’est pas rien.

En comparaison, un groupe Sram Red tourne autour de 5500$ et un Shimano Dura Ace autour de 5800$.

Outre un prix en baisse, on gagne évidemment un braquet, qui sera utile surtout pour ceux pratiquant le cyclisme en terrain très accidenté voire en montagne, le 13e pignon pouvant être vu comme celui de la « réserve », pratique quand vous rencontrez la sorcière aux dents vertes au km 168 de la Marmotte…

Surtout, c’est le choix de braquets possibles qui est un bon coup de Campagnolo sur ce groupe tant les combinaisons possibles sont grandes: à l’avant, choix de 55-39, 54-39, 53-39, 52-36, 50-34, 48-32, 45-29, excusez-du-peu!

À l’arrière, quatre cassettes possibles: 10-29, 10-33, 11-32 et 11-36.

Pour nous cyclosportifs, la combinaison 52-36 et 10-33 sera sérieusement à considérer, permettant d’évoluer entre un braquet de 52-10 (5,2m par coup de pédale!) et 36-33 (1,1m), pour les passages les plus pentus des grands cols.

Combiné à une 11-36, le 52-36 vous permet d’aller jusqu’au rapport de 1, pour le braquet 36-36. Avec ça, vous pouvez grimper aux arbres.

Ni Shimano, ni Sram ne propose une gamme aussi évolutive et des étagements aussi progressifs.

Mode oblige (ou Tadej oblige?), Campagnolo offre aussi le pédalier en manivelles de 165mm, outre les classiques 170, 172,5 et 175mm.

Autre tour de force, le poids. Malgré un 13e pignon, le nouveau Super Record est plus léger que son prédécesseur en 12v, près de 100 grammes en moins. Poids total annoncé du nouveau groupe, 2445 grammes en freins à disque, la seule option.

Petit clin d’oeil aux amateurs de la marque, Campagnolo est revenu avec ce groupe au fameux « thumb shifter » situé à l’intérieur de la manette de frein, permettant de descendre les vitesses. Caractéristique unique de Campagnolo, certains, comme moi, ne peuvent plus s’en passer, d’autres n’ont jamais pu s’y faire.

L’introduction aussi d’un petit bouton sur l’avant de la manette de frein, petit bouton appelé « smart button » qui peut être programmable pour lui faire faire ce que vous voulez. Bien pensé!

Le groupe est évidemment sans fil, les batteries rechargeables sur le vélo comme détachées du vélo, une option pédalier intégrant un capteur de puissance (fait par SRM!) est disponible, et une application pour téléphones intelligents permet de régler le fonctionnement du groupe, tout en indiquant l’usure des batteries bien sûr.

Bref, du très beau matos selon moi, à prix plus compétitif en comparaison à la concurrence. Toutes les analyses critiques crédibles – c’est à dire indépendantes – que j’ai pu trouver à ce jour m’indiquent un groupe fiable, bien conçu, répondant aux besoins et, sur le terrain, ultra-efficace. Le changement de vitesse, annoncé le plus rapide sur le marché, livre la marchandise concrètement, pour une douceur de fonctionnement inégalée. Campagnolo fabrique le groupe entièrement en Europe, un détail important.

Terminons en mentionnant que Campagnolo sortira cet automne d’autres versions de ce nouveau groupe Super Record: un groupe en transmission un plateau (1x13v), un groupe chrono et deux groupes gravel, soit 2x13v et 1x13v. Ces groupes gravel seront d’un intérêt particulier considérant la popularité de ce type de cyclisme actuellement.

Couplé aux nouvelles roues Hyperon Ultra, bien pensées pour notamment des parcours de haute montagne mais pas que, vous obtiendrez une machine au rendement redoutable, une machine également versatile, polyvalente, et d’une fiabilité absolue.

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