Depuis 30 ans, je ne manque pas grand chose du monde du vélo, passionné que je suis pour ce sport.
Avec les années, l’expérience, forcément, tu peux davantage comparer les époques, les évolutions, les modes, et y déceler d’éventuels cycles, ou des tendances plus macro.
Je me pose beaucoup de questions actuellement sur l’évolution de la technologie en cyclisme.
Par exemple, je ne comprends toujours pas pourquoi les coureurs pros risquent de perdre un Monument sur crevaison parce que le temps requis pour changer une roue a été multiplié par 6 avec les « thru-axles ». On avait pourtant inventé les déblocages rapides pour changer une roue en 10 secondes!
Autre évolution que je n’explique pas, l’absence de toute référence au poids des vélos, des composantes, sur la vaste majorité des sites Internet des compagnies, alors qu’il y a 15 ans, c’était partout.
Il n’y a pas si longtemps, n’importe quel cycliste aurait tué pour avoir d’installé sur son vélo un pédalier Clavicula.
Aujourd’hui, on verse dans ce que j’appelle la tyrannie des vélos aéros, et forcément, le poids, ca fâche car ces vélos peinent, une fois entièrement équipés, à descendre en deçà des 7,5 kilos, la norme étant souvent 8.
À une certaine époque, un vélo de 8 kilos, on appelait ça une enclume…
Et les premiers perdants dans cette nouvelle réalité, ce sont les coureurs light comme moi, car sur 63 kilos, un vélo de 8 kilos représentent une proportion beaucoup plus élevée de l’ensemble vélo-cycliste que pour un coureur de 80 kilos.
Je ne vous parlerai pas des pneus de 28mm, que dis-je de 32mm en cyclisme sur route, alors qu’on voyait ces sections en cyclo-cross seulement il y a deux décennies. Idem pour le boyau, aujourd’hui quasiment disparu chez les amateurs, tellement que des mécanos de certaines boutiques ne savent même pas ce que c’est (ca m’est arrivé récemment). Pourtant, on a disputé 100 Paris-Roubaix sur boyaux « service course » Dugast…
Enfin, et c’est le sujet principal aujourd’hui, je me demande souvent, considérant toutes ces évolutions, si on a en fait atteint les limites de la technologie actuelle et qu’on verse donc dans le marketing pur.
Un exemple me vient des pédales Time X Pro12 SL, lancées récemment par la compagnie Time qui appartient désormais au groupe SRAM.
Cela faisait des années que les XPresso puis les XPro n’avaient pas évolué; étant moi-même un adapte de ces pédales depuis 20 ans, j’avais hâte à une nouvelle évolution.
Alors? Rien de bien nouveau en 2024: la 12 SL est quasi-identique aux XPresso et XPro 15 lancées il y a des années.
Ces pédales restent certes du très haut de gamme et d’un intérêt certain: axe titane, roulements céramiques, poids de 87 grammes par pédale en faisant les plus légères du marché, c’est le nec-plus-ultra, et à… plus de 600$ pour la paire, on ne s’attend à rien de moins.
Mais force est d’admettre que côté technologie, aucune innovation; on ne gagne rien de nouveau. Pas de nouveau mécanisme de déclenchement, pas d’ajustements supplémentaires, pas de réduction de poids significative, on stagne, même au niveau du design.
Dans d’autres registres comme les groupes, a-t-on aussi atteint les limites de la technologie? À voir les maigres évolutions depuis quelques années une fois le sans fil 12 vitesses intégrés, on pourrait le croire.
Alors on joue sur des effets de mode: actuellement, il faut monter des manivelles de 165mm, parce que Pogacar le fait, et que 175mm ca serait beaucoup trop long.
Sous Miguel Indurain ou Bernard Hinault voire Jacques Anquetil, donc pendant des décennies, c’était l’inverse: 17omm on riait de toi, 172,5 la norme, 175mm fréquent, et on montait facilement à 177,5 voire 180mm pour les chronos et les étapes de montagne, même chez les amateurs.
Je passe le débat sur la largeur des guidons… et j’allais oublier: si vous ne « waxez » (lire « cirez ») pas votre chaine au bain marie (la recette est chez Ricardo…) toutes les semaines, vous n’êtes pas un « vrai »…
Une chose demeure: il faut vendre, et les compagnies, bien épaulées par le monde du cyclisme pro, demeurent très inventives pour cela, en l’absence de réels progrès technologiques récents.