Ouf, quelle course hier!
On s’en souviendra longtemps. Notamment parce qu’une page de l’histoire du cyclisme s’y est écrit, comme on s’en doutait.
Méga-performance de Julian Alaphilippe. C’EST UN GÉANT!
Pour les livres, « Alaf » est devenu le premier coureur français à conquérir deux fois le titre mondial sur route. C’est le 7e coureur de l’histoire à réaliser l’exploit de défendre avec succès le titre acquis un an plus tôt.
Alaf a surtout gagné avec panache. Solo d’une part, en faisant tout péter à la pédale d’autre part. Pas une victoire à l’économie, ca c’est clair!
Il a surtout couru à l’instinct, faisant même fi des consignes du DTN Thomas Voeckler dans le final.
Il a attaqué plusieurs fois tout seul, c’est son instinct qui a parlé. Mais il m’a fait peur le con.
Thomas voeckler, 26 septembre 2021, journal le monde
Il m’a fait peur à moi-aussi.
Sur ses deux premières attaques à 58 et 49 kms de l’arrivée, j’ai cru à la grosse erreur, surtout qu’il sortait chaque fois isolé. Trop tôt, trop loin, trop de beau monde derrière… Il a eu le mérite de ne pas insister trop longtemps, voyant qu’il ne creusait pas.
Il a remis ca au km 21 (bien assisté à ce moment par un excellent Valentin Madouas), avant de porter la dernière estocade à 17 kms de la ligne. Ces deux dernières attaques étaient parfaites compte tenu du déroulement de la course juste avant. Il était alors clairement le plus fort et gagne un peu de la même façon que sur les Mondiaux 2020.
Remarquable équipe de France, discutable équipe de Belgique…
Selon moi, la victoire d’Alaf hier est aussi celle de toute l’équipe de France, qui a peut-être réalisé la course parfaite, se jouant de l’équipe de Belgique très habilement.
Cosnefroy a mis le feu aux poudres à… 180 kms de l’arrivée, créant du mouvement parmi les formations favorites. Evenepoel n’a pas pu résister à se porter devant sur cette accélération, et entre ce moment et le km 26 où il a finalement rendu les armes, il a prouvé son manque d’expérience au plus haut niveau: rouler comme un dingue devant fonctionne chez les amateurs, pas chez les pros!
Mais respect quand même pour la démonstration d’Evenepoel: quelle force!! C’est hallucinant ce coureur. On entendra beaucoup parler de lui encore, surtout s’il perfectionne ses trajectoires en descente de col et apprend un peu plus les rudiments de la tactique de course chez les professionnels.
Remco devant, les Français ont chaque fois laissé faire, profitant habilement du travail des autres et les laissant user de leurs forces.
Et chaque fois qu’une phase de course se terminait, qui relançait? Les Français! Cosnefroy, Madouas… et Alaphilippe bien sûr. Bien joué!
Les Belges se sont dispersés, surtout Evenepoel: imaginez une minute s’il avait gardé ses forces pour les 20 derniers kilomètres pour épauler Van Aert, plutôt que de se dépenser à amener comme une brute le groupe de tête pendant de nombreux kilomètres (en gros, entre les kms 45 et 26) dans le final? Ca servait à quoi? Éviter un retour du groupe de derrière? On s’en foutait, lâchés une première fois, ces coureurs l’auraient été une seconde fois!
Dans les 15 derniers kms, derrière Alaphilippe parti et les quatre coureurs intercalés, ne restait plus personne pour rouler dans le groupe Van Aert – Colbrelli – Van Der Poel. Un Evenepoel efficace dans ce groupe aurait stimulé la chasse, et aurait probablement incité les deux Italiens (Colbrelli, Nizzolo) qui restaient à ce moment à contribuer avec les deux Belges.
L’autre erreur des Belges, c’est une fois Evenepoel rangé, pourquoi Van Aert n’a-t-il pas marqué à la culotte Alaf? Il savait ce dernier en jambes, il avait attaqué trois fois plus tôt! Et si Van Aert jouait la carte de l’arrivée au sprint, c’était très risqué: Colbrelli était bien présent, et lui aussi disposait d’un équipier (Nizzolo) pour l’amener.
Bref, les Belges, qui n’ont aucun coureur sur le podium – qui l’eu crû avant le départ?! – n’ont qu’eux à blâmer selon moi. Ils ont été bien aveuglés par l’équipe de France qui signe un Mondial collectif exceptionnel. Les Belges ont voulu contrôler la course façon « rouleau compresseur », ca n’a pas fonctionné.
Enfin, on dira encore que Mathieu Van Der Poel était clairement un ton en dessous de son niveau habituel hier, ne pesant en rien sur la course. Dans sa forme habituelle et avec son tempérament d’attaquant, je pense qu’un MVDP n’aurait pas laissé filer Alaf aussi facilement.
Tom Pidcock, lui, nous a tous surpris, étant un actif du final. Lui aussi paye probablement son inexpérience tactique dans ce genre de course chez les pros ainsi que son isolement, l’équipe du Royaume-Uni ayant été décimée tôt dans la course.
Probable révélation de ces Mondiaux, l’Américain Neilson Powless, 25 ans, devant quasiment toute la journée et ne ménageant pas ses efforts. J’ai été soufflé par le niveau du vainqueur plus tôt cette saison de la Classica San Sebastian. Et mine de rien, avec Valgren, les Education First occupent les 3e et 5e places de ces Mondiaux hier!
Guillaume Boivin, une course de ouf!
Pour les fans de cyclisme canadiens et québécois, on se souviendra longtemps de ces Mondiaux en raison de l’exceptionnelle 17e place de Guillaume Boivin qui confirme ainsi son excellente saison 2021.
En gros, notre nouveau champion canadien termine dans le premier groupe de chasse derrière l’échappée avant qu’Alaf n’en sorte. Imaginez le niveau!
Je n’en revenais pas de voir un maillot canadien présent dans ce final si difficile, après une course si usante. Sur une telle course, tu peux pas mentir sur ton niveau.
Des coureurs comme Roglic, Pogacar, Mollema, Almeida, Matthews, Sagan, même Cosnefroy terminent derrière Guillaume à l’arrivée.
Très fort. Très inspirant.
Guillaume Boivin s’alignera sur Paris-Roubaix la semaine prochaine, avec sa condition actuelle il peut tout faire sur cette course, il faut y croire. Solide coureur, rapide au sprint, endurant, et probable coureur protégé chez Israel-Start Up Nations, un grand résultat n’est pas loin!!!
Petite mention moins bien au public des Flandres
Ca s’entendait à la télé: en échappée dans le final, Alaf a souvent fait l’objet de huées du public très nombreux massé sur le bord de la route, et qui a contribué bien évidemment à mettre l’ambiance de la journée.
On peut comprendre: le public flamand était venu voir la victoire d’un coureur belge bien sûr, et flamand de préférence on peut supposer.
Après l’arrivée et devant les journalistes, Alaf a eu ces mots intelligents qui ont rapidement mis un terme à la situation sans provoquer de controverse, lui qui court pour une équipe belge. Une autre victoire d’Alaf hier!
Beaucoup de supporters qui étaient pour la Belgique et pour Wout Van Aert, dans le dernier tour, me demandaient de ralentir, ils n’avaient pas des mots très sympas. Je tiens à les remercier, car ca m’a donné envie d’appuyer encore plus fort.
Julian alaphilippe
Et toc!
Paris-Roubaix, la suite
Un autre beau week-end de courses professionnelles nous attend la semaine prochaine, avec le 2 octobre la première édition de Paris-Roubaix féminin, ca sera super-intéressant de voir comment le peloton féminin négociera les divers secteurs pavés.
Le 2 octobre également, le difficile Giro dell’Emilia pour les coureurs qui n’iront pas à Paris-Roubaix. Je pense qu’on y verra notamment Mike Woods.
Dimanche 3 octobre, la Reine des Classiques, 118e édition de Paris-Roubaix. Un autre très grand rendez-vous de la saison cycliste, et une course qui marque toujours.