On a rarement vu victoire sur le Tour de France faire autant l’unanimité!
Avec Romain Bardet vainqueur d’étape et maillot jaune, à son 11e et dernier Tour de France, tout le monde est content.
Qui plus est, la victoire a été acquise grâce à un bel élan de solidarité: il fallait voir s’employer son coéquipier Frank Van Den Broek dans les 10 derniers kilomètres, trop heureux de jouer le collectif et d’être acteur d’une si belle histoire.
Derrière, la chasse m’est apparue comme bien désorganisée, tantôt la Jumbo Lease a Bike, tantôt Lidl-Trek, tantôt Ineos, trop peu UAE, bref, c’était pas clair pour qui ont roulait derrière. Je demeure convaincu que les Movistar ont raté une belle occasion avec Aranburu… qui était probablement le seul à pouvoir rivaliser avec Pedersen.
Pour le reste, tous les favoris – ou presque – ont terminé dans le premier paquet, à une poignée de secondes du vainqueur du jour. Rien n’est joué, mais les organismes ont certainement souffert hier.
À noter la présence, dans ce premier groupe, d’un certain Derek Gee…
Le grand perdant du jour s’appelle sans l’ombre d’un doute la FDJ de Marc Madiot: Gaudu à la trappe, de même que Lenny Martinez, 29 minutes dans la vue tous les deux. De quoi revoir les priorités, et se poser de sérieuses questions sur la préparation de ces deux-là au cours du dernier mois. Pas normal…
Bardet, supporte pas la pression
Drôle de coureur que ce Romain Bardet.
Sympathique, mais pas plus qu’il ne faut, sa 2e place sur le Tour 2016 puis, l’année suivante, sa 3e place au général, ont été, au final, des cadeaux empoisonnés. Comme si à partir de 2018, promu grand leader de l’AG2R-La Mondiale de l’époque, ce fut le début de la fin.
Supportait pas la pression je pense, M. Bardet. Ca existe, et ce n’est pas une honte, loin s’en faut.
Bardet, c’est le coureur qui brille quant il n’a pas de pression pour bien faire, sauf peut-être sur ce Mondial 2018 qu’il termine 2e derrière Alessandro Valverde et devant un certain Michael Woods.
Pour le reste, c’est le type qui marche bien lorsqu’il n’y a pas d’attente, pas de « aujourd’hui je dois bien faire », comme si le poids des responsabilités le bloquait alors qu’il est évidemment capable de les assumer.
Bardet prendra sa retraite l’an prochain au lendemain du Critérium du Dauphiné.
En attendant, il fait un bien beau maillot jaune, et il pourrait s’avérer plus coriace que prévu à le rendre!
Le Tour de France s’élance aujourd’hui de Florence en Italie.
Un Tour plus ouvert qu’il n’y parait.
Depuis des semaines, tout le monde parle de Pogacar comme l’épouvantail de ce Tour. Marc Madiot lui-même a déclaré que le Tour pourrait être plié après les quatre premières étapes, il est vrai difficile avec le redoutable Galibier à franchir lors de la 4e étape.
Sauf que.
Sauf que Pogacar, il a eu la Covid-19 il y a 10 jours. À ce niveau, l’équipe UAE ne va pas s’étendre sur le sujet, mais il pourrait y avoir eu du dégât. On sera vite fixé.
Idem pour Vingegaard: si son équipe a pris la décision de lui faire prendre le départ, c’est certainement qu’elle a eu des garanties à l’entrainement. « Vinge » n’est peut-être pas à 100%, mais il n’en est peut-être pas très loin. Chez Jumbo-Lease a Bike, on mise assurément sur la 3e semaine, sachant que Vinge est frais et probablement encore en progression.
Mais surtout, c’est la profondeur du plateau de ce Tour de France qui le rend si exceptionnel: c’est pas compliqué, ils sont tous là! Toutes les plus grandes stars du peloton international est au départ.
Sauf peut-être cinq coureurs de premier plan, Julian Alaphilippe, Benoit Cosnefroy, Sepp Kuss, Filippo Ganna et Ben O’Connor. Comique, les deux premiers misent sur le titre olympique plus tard en juillet. Manque de chance, ils sont tous deux français, donc il faudra s’entendre… Sepp Kuss a eu la Covid sur le Dauphiné, un maux qui court actuellement dans le peloton, et qui pourrait être un invité surprise de ce Tour.
Pour le reste, ils sont tous là: outre Pogi et Vinge, Van Der Poel le champion du monde, Van Aert, Roglic, Evenepoel, Pidcock, Hindley, Carapaz, Bernal, Thomas, Gaudu, Mas, Bardet, Almeida, Ayuso, Rodriguez, les frères Yates, Jorgenson, on fait difficilement mieux!
Du coup, je suis d’avis qu’on pourrait avoir des surprises sur les trois prochaines semaines, car tout ce beau monde va créer du mouvement. Si l’équipe UAE Team Emirates a très certainement la capacité de bien maîtriser la course si Pogacar devait s’emparer tôt du maillot jaune, il y a beaucoup d’équipes avec des intérêts pour ce classement général: Jumbo bien sûr, Ineos, Bora-Red Bull, Soudal Quick Step, Groupama, EF Education, Movistar, Cofidis et Team DSM.
J’aime bien la position « sans pression » de Remco Evenepoel, qui découvre cette année le Tour. Il n’a rien à perdre, aucune pression si ce n’est celle d’un leader d’une grande formation cycliste, et peut se permettre de prendre des initiatives puisque personne ne sait s’il pourra tenir pendant trois semaines, et notamment en haute montagne dans les Alpes en dernière semaine.
Dans ce contexte, bien difficile de vous donner un pronostic pour le podium, outre Pogacar et Vingegaard! Primoz Roglic? J’aimerais vous dire que j’y crois cette année, mais « l’autre » slovène est tellement malchanceux sur le Tour, notamment avec les chutes, que je me garde une petite gêne!
Les chasseurs d’étape
Plusieurs équipes débarquent avec comme seul intérêt celui de gagner des étapes.
On pense évidemment en premier lieu à Israel-Premier Tech, l’équipe des trois coureurs canadiens engagés sur ce Tour: les vétérans Hugo Houle et Guillaume Boivin, ainsi que Derek Gee qui découvre le Tour à 26 ans.
Je suis de ceux qui croient que Gee pourrait être une des révélations de ce Tour de France. Wait and see, mais je le sens bien.
Alpecin-Deceuninck voudra aussi jouer les étapes et les sprints avec leurs deux grands leaders Van Der Poel et Philipsen. L’équipe trouvera sur son chemin les Lidl-Trek, les Bahrain-Victorious, les Jayco-Alula et Astana pour leur tirer la bourre.
Le journal du Tour
D’autres nouvelles d’intérêt à l’amorce de ce Tour de France.
1 – 3600m de dénivelé pour la première étape de ce Tour, du costaud et un record pour une première étape. On entre rapidement dans le vif du sujet!
2 – 90 000 euros pour être ville départ du Tour, et 130 000 euros pour être ville d’arrivée. Le gigantisme, ca donne ca.
3 – Plusieurs équipes y vont d’un maillot spécial sur ce Tour: Jumbo, Alpecin, Cofidis par exemple, mais surtout Bora-Hansgrohe qui introduit un nouveau sponsor iconique, Red Bull.
4 – L’étape reine? Peut-être le chrono du dernier jour autour de Nice. Un chrono le dernier jour peut influencer la course dès la première étape, et on se rappellera 1989…
5 – Oreillettes: on vous en parle depuis des années, et enfin, l’UCI va tester des alternatives dans les prochaines semaines, notamment des oreillettes unidirectionnelles ne permettant pas aux coureurs de communiquer avec les directeurs sportifs, ainsi qu’un nombre limité d’oreillettes, par exemple à seuls deux coureurs de l’équipe. Ca ne sera pas encore pour ce Tour, mais ca va dans la bonne direction pour retrouver un cyclisme moins robotisé et moins… dangereux.
6 – Suivre le Tour à la télé depuis le Québec. Pour moi, le bon plan c’est de toujours suivre le Tour via France Télévision et les Alexandre Pasteur, Nicolas Geay, Laurent Jalabert, Marion Rousse, Frank Ferrand, Thomas Voeckler et Yoann Offredo. J’utilise l’application FilmOn qui permet un abonnement mensuel pour regarder le Tour en direct. Seul pépin, on ne peut pas enregistrer les étapes.
7 – Jumbo-Lease a bike disposera d’une « van technique » sur ce Tour de France, question d’avoir de nombreuses informations en direct sur les coureurs et les conditions de course, notamment météo. Cette van, une première, vise à mieux informer les directeurs sportifs « en direct » de la course, ceci afin d’anticiper au mieux.
Quelques vidéos ont retenu mon attention ces derniers jours.
D’une part, ce vidéo présentant Hugo Houle, vidéo produit dans le cadre de la série « Le rêve olympique » par la Société Radio-Canada. Très touchant par moment, authentique, ce vidéo nous permet de découvrir qui est Hugo, sa vie, ses rêves, ses succès aussi. J’ai beaucoup aimé.
Par ailleurs, Netflix diffusait hier 11 juin la série II « Au coeur du peloton » mettant en scène quelques uns des meilleurs cyclistes professionnels au monde.
Cette année, Tadej Pogacar est de la série, tout comme Julian Alaphilippe et Thibault Pinot, qui a pris sa retraite au terme de la dernière saison.
Images chocs parce qu’intimes, vie des équipes « derrière la caméra », la deuxième série promet, fort du succès de la première série diffusée l’an dernier. Ca fait partie de re-dorer l’image du cyclisme professionnel, qui souffre parfois de bien des soupçons.
Pour les fans de Tadej, les vidéos produits par UAE Team Emirates sont à regarder, même si désormais, presque toutes les équipes pro font des vidéos similaires afin de rejoindre leur public.
Sinon, pour ceux qui ne l’auraient pas vu, Road to Résilience par l’équipe Jumbo-Lease a Bike.
Alexandr Vlasov 6e à 2min06 de Primoz Roglic, vainqueur de ce Dauphiné Libéré.
Remco Evenepoel, 7e à 2min25.
Giulio Ciccone, 8e à 2min54.
Mikel Landa, 10e à 4min13.
David Gaudu, Marc Soler, Guillaume Martin, Warren Barguil sont à plus de 10min.
Devant tout ce beau monde et 3e de ce Dauphiné, le Canadien originaire d’Ottawa-Gatineau, Derek Gee, 36 petites secondes derrière Primoz.
Extraordinaire!
Pas eu telle performance d’un coureur canadien depuis un moment, et Derek Gee s’inscrit désormais dans la foulée de Steve Bauer et Mike Woods avec les plus belles performances « ever » du cyclisme canadien.
Et à trois semaines du départ du Tour de France, ca donne le droit de rêver!
Avec une telle performance, Gee ne peut plus être écarté de la sélection de l’équipe Israel-Premier Tech pour le Tour. Non seulement une sélection, mais également un statut de coureur protégé, sinon LE leader de l’équipe, faute de mieux.
Surtout, Gee progresse, c’est évident, et on imagine mal à ce stade-ci ses véritables limites, surtout en haute montagne. Il s’accroche chaque fois un peu plus loin, et est capable d’accélérer dans le dernier kilomètre des arrivées en altitude pour suivre les tous meilleurs.
Jusqu’où ira-t-il ?!
Bref, Derek Gee, c’est la meilleure nouvelle pour le cyclisme canadien, et je me répète. À 26 ans, il progressera encore un peu, et je suis d’avis qu’il est capable d’une place dans les dix premiers du Tour une fois à Nice fin juillet. S’il gère bien les trois prochaines semaines, s’il récupère adéquatement et s’il loge peut-être un petit camp d’entrainement en altitude, je pense que la grande condition n’est plus très loin.
Chaque mois de mai, on déneige le col du Galibier (2 642m) à l’aide d’équipements adéquats pour cette opération délicate, ceci afin de permettre l’ouverture du col et, souvent, que le Tour de France y passe en juillet.
Les images sont toujours spectaculaires et nous rappelle que la haute montagne n’a rien d’équivalent. Caracoler à ces altitudes sur un vélo durant les mois d’été demeure un exercice difficile, ne l’oublions pas, et qu’on peut faire notamment grâce à ces personnes qui assurent notre sécurité.
La 36e édition – 36e ! – du Tour de Beauce s’élance mercredi prochain le 12 juin, pour cinq étapes et se conclura dimanche le 16 dans le centre-ville de Saint-Georges.
Après les perturbations de la pandémie, ce fleuron du cyclisme nord-américain revient en force cette année, et il faut s’en réjouir. Le Tour de Beauce est une épreuve phare, permettant à de jeunes coureurs prometteurs de s’illustrer, de se faire remarquer au plus haut niveau, et donc d’avoir des opportunités pour développer leur carrière aux étages supérieurs.
Le Tour de Beauce est la plus ancienne course internationale pour Élites hommes en Amérique du Nord.
Louis Barbeau, directeur général de la fédération quebecoise des sports cyclistes
On est ravi de voir la mythique étape du Mont Mégantic revenir cette année encore, et cette étape aura lieu vendredi prochain le 14 juin. Gagner au sommet du Mont Mégantic, ben ca équivaut à remporter l’étape de l’Alpe d’Huez sur le Tour de France, et la montagne estrienne a couronné de nombreux coureurs prestigieux au fil des ans. Et pour la petite histoire, plusieurs coureurs de la région de l’Outaouais y ont fait bonne figure ces dernières années en remportant cette étape, je pense à Carlson Miles l’an dernier, ainsi qu’à Mateo Dal-Cin il y a quelques années, sans oublier Mike Woods et son ascension exceptionnelle après avoir chuté au pied (un signe du destin?!) au milieu des années 2010.
Un beau plateau au départ
Au menu de Messieurs les coureurs, 725 kilomètres répartis en cinq étapes dont un critérium le quatrième jour, situé dans la ville de Québec comme à l’habitude des dernières éditions.
En l’absence d’un chrono (pourquoi?), la troisième étape vers le Mont Mégantic apparait comme le passage critique de l’épreuve, les écarts pouvant être grands au sommet de la montagne.
On annonce près de 150 coureurs au départ de ce Tour de Beauce, répartis en 21 équipes.
Pour la petite histoire, les rumeurs indiquent que Bruno Langlois – le Bruno Langlois! – prendra le départ de son… 23e Tour de Beauce. Mieux que Sylvain Chavanel et ses… 18 participations au Tour de France!
L’organisation annonce parmi les coureurs à surveiller les Carlson Miles, Arthur Liardet, les québécois Félix Bouchard, Laurent Gervais, David Drouin, William Goodfellow et Francis Izquerdo Bernier, un excellent fondeur celui-là puisque vu à des places de prestige sur plusieurs épreuves de ski de fond cet hiver, et notamment l’American Birkebeiner au Wisconsin. Je le sais, j’y étais!
Parmi les coureurs étrangers à garder à l’oeil, les Conn McDunphy, George Radcliffe, Blayde Blas, Hugo Lutz-Atkinson mais aussi Thomas Peyroton-Dartet et Guillaume Soula, annoncés sur l’épreuve. Ce sont tous des coureurs avec un bon niveau en cyclisme.
J’espère être sur le Mont Mégantic le vendredi pour voir ce spectacle, toujours une belle sortie aller-retour de 200 bornes depuis Sherbrooke pour aller virer au sommet de la montagne. De quoi préparer les grandes cyclosportives alpestres qui s’en viennent vite désormais!
Ce n’est pas si souvent qu’un coureur canadien s’impose en World Tour.
Ces douze dernières années, il y a eu bien sûr Ryder Hesjedal sur le Giro 2012 et sur une étape de la Vuelta 2014, David Veilleux sur les Trois Vallées Varésines en 2012 et une étape du Dauphiné en 2013, Hugo Houle sur une étape du Tour de France 2022, et les victoires de Mike Woods: une étape sur la Vuelta 2018, Milan-Turin 2019, une étape du Tour de Romandie 2021, la Route d’Occitanie 2022 et 2023, ainsi qu’une étape du Tour de France l’an dernier.
Hier, Derek Gee a ajouté son nom à ce palmarès en remportant la 3e étape du Dauphiné Libéré grâce à une solide double-accélération à quelques hectomètres de la ligne.
Sa première accélération lui a permis de se dégager avec le coureur français Romain Grégoire. Du coup, je pensais alors que Gee avait course perdue.
Et bien non: Gee en a remis une deuxième couche, après une ou deux respirations dans la roue du coureur français. Magnifique!
Y’a pas à dire, c’est le plus fort qui a gagné hier.
Gee confirme enfin son excellent Giro 2023, où il avait été très offensif et où il était allé chercher pas moins de… quatre places de deuxième sur une étape.
Cette performance l’an dernier avait été suffisante pour que son équipe Israel-Premier Tech lui fasse signer un contrat jusqu’en… 2028. Ses dirigeants savent qu’ils tiennent là l’avenir du cyclisme canadien en World Tour.
Le Tour en point de mire
Pour Gee, cette victoire tombe à pic. Âgé de 26 ans, il arrive à pleine maturité et cette victoire boostera sa confiance en lui, à quelques semaines du départ du Tour de France, LE grand rendez-vous de l’année. Gageons que Gee bénéficiera de quelques bons de sortie au sein de son équipe pour tenter d’aller chercher la gagne.
De toute façon, Israel-Premier Tech n’a pas vraiment de leader pour le classement général ni sur ce Dauphiné, ni pour le Tour. Chris Froome agonise et traine sa misère, lâché tous les jours sur ce Dauphiné. Mike Woods est dans la région d’Ottawa-Gatineau actuellement, prévu sur la Vuelta plutôt que sur le Tour.
La controverse a frappé l’équipe ces derniers jours avec des rumeurs de mésententes entre Woods et Froome. Ragots ou faits avérés? Difficile de dire, l’équipe et les coureurs démentent, mais ce n’est pas le genre de truc qu’on veut débattre en public non plus.
Quoi qu’il en soit, Gee a répondu de la plus belle manière qui soit hier permettant de détourner l’attention sur du vrai positif au sein de son équipe, porte aujourd’hui le maillot jaune de leader et qui sait jusqu’où il peut aller? Personne ne semble connaître ses réelles limites…
Derek Gee? La meilleure nouvelle pour le cyclisme canadien depuis des lunes.
Le plateau du Critérium du Dauphiné Libéré qui commence ce dimanche est ma foi bien plus intéressant que celui du récent Giro.
Et la course est d’un intérêt particulier en prévision du prochain Tour de France qui débute fin juin, car certains coureurs présents sur ce Dauphiné y font une rentrée capitale.
En premier lieu Primoz Roglic au sein de sa nouvelle équipe Bora-Hansgrohe. Pris dans la chute du Tour du Pays Basque, le coureur de 34 ans voudra faire le point sur sa condition physique, et se testera probablement sur le chrono de 34 kilomètres lors de la 4e étape, puis en montagne le week-end prochain.
Il sera également épaulé par une bonne équipe avec Jay Hindley et Alexandr Vlasov comme coéquipiers, tous deux aussi vu comme des coureurs de premier plan pour le prochain Tour de France.
Outre Roglic, l’autre intérêt de ce Dauphiné, c’est évidemment Remco Evenepoel, lui aussi en rentrée et lui aussi qui voudra se tester, notamment sur le chrono. Evenepoel a consenti à de gros entrainements au cours des trois dernières semaines, et pour lui, il est temps de livrer la marchandise sur un grand tour. Il a la pression.
Roglic-Evenepoel, le match de ce Dauphiné!
Il faudra également suivre nombre d’autres coureurs pouvant jouer un rôle important en juillet.
Je pense à Mikel Landa, coéquipier d’Evenepoel, et surtout Sepp Kuss, vainqueur l’an dernier de la Vuelta. Si jamais Jonas Vingegaard (actuellement à l’entraînement du côté de Tignes) ne pouvait participer au Tour, Kuss serait probablement le leader remplaçant de la Jumbo-Lease a Bike en juillet. Il doit rassurer, et surtout gagner la confiance de ses coéquipiers. Son chantier sur ce Dauphiné est de limiter la casse sur le chrono, pour ensuite viser faire la différence lors des deux arrivées en altitude.
Kuss sera épaulé par Jorgenson sur ce Dauphiné, lui aussi intéressant à suivre car on ne connait pas vraiment ses limites.
Chez UAE, équipe d’un certain Pogacar, on surveillera Juan Ayuso, Pavel Sivakov et Marc Soler, tous les trois pouvant prétendre être sur l’équipe pour le Tour.
Surprenant, on annonce Chris Froome au départ de ce Dauphiné pour Israel-Premier Tech. Vous y croyez vous?
Je surveillerai aussi les performances de Warren Barguil, Giulio Ciccone, Tao Geoghegan, Rémi Cavagna, David Gaudu, Valentin Madouas, Guillaume Martin, Rigoberto Uran ainsi que Fred Wright la semaine prochaine.
À noter qu’Antonio Tiberi, récent 5e du Giro, est annoncé au départ de ce Dauphiné. Grosse santé!!
Les étapes
L’intérêt pour ce Dauphiné sera d’abord et avant tout la 4e étape chrono sur 34 kilomètres, le premier gros test qui établira clairement les forces en présence.
Les trois dernières étapes en montagne seront les autres véritables tests de ce Dauphiné, surtout les arrivées au Collet d’Allevard et à Samoens lors des deux dernières étapes le week-end prochain.
Il arbore la moustache, comme les mousquetaires du temps de Louis XIV.
L’oeil romantique, la tignasse au vent, sans complexe aucun et dans une certaine désinvolture que lui donne assurément l’assurance d’un talent cycliste confirmé, il part à l’aventure comme D’Artagnan le faisait en son époque.
Et l’aventure pour Julien, ca veut dire 100 bornes d’échappée solo – là où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir! – pour aller gagner avec presque trois minutes d’avance sur son dauphin un certain… Nikki Terpstra la récente course de gravel bike Locos à Hico au Texas.
Et sur la même course, deux autres mousquetaires de sa patrie terminent respectivement 3e et 8e, soit Adam Roberge et Alexis Cartier.
Une compagnie autoproclamée « la Poutine Mafia »!
Bref, plus motivé que jamais, Julien Gagné poursuit ses rêves, roule toujours et gagne! On fait le point avec lui, à quelques jours du Unbound Gravel Race, peut-être la plus prestigieuse course de gravel aux États-Unis et qui verra à son départ outre les habitués, des certains Daniel Oss, Nicholas Roche, Greg Van Avermaet et même le champion du monde en titre, Matej Mohoric, qui y sera en pensant à sa prochaine participation au… Tour de France.
Julien Gagné: Oui, content, une belle étape de franchie! Ca prouve qu’en gravel je peux tirer mon épingle du jeu parmi les meilleurs du moment, et je m’impose en solitaire après une échappée qui a duré 100 kilomètres. Un peu ma signature!
LFR: Avant la Locos, tu as également eu d’excellents résultats, très constants.
Julien: J’ai une bonne saison oui. Ma première course a été au Texas, la Valley of Tears, ou je termine 6e après une chute durant la course. Un peu plus tard, sur la Mid-South en Oklahoma, je suis mal positionné à l’entrée d’un single tract, et je ne peux faire mieux qu’une 9e place. L’expérience de gravel qui rentre! Enfin, j’ai terminé 4e à la Belgium Waffle Ride en Utah, sur cette course j’avais de très bonnes jambes mais il m’a manqué un peu de confiance pour partir de loin en solo.
LFR: Tu as aussi pris le départ de la fameuse Rasputitsa.
Julien: Quelle journée! Je casse ma chaine dès le départ des élites à 8h. On m’en remet une, mais trop courte et je ne peux pas passer les vitesses les plus faciles. Je prends le second départ à 8h30, je vise faire un bon entrainement, je me retrouve rapidement solo et comme ca, je réalise le 3e meilleur temps de la journée! Dommage que je n’étais pas dans le peloton des élites mais bien tout seul devant le 2e peloton du jour.
LFR: Quels sont tes prochains objectifs?
Julien: Certainement la première édition de la Bromont Gravelooza, prévue le 8 juin prochain, un parcours de 140 kilomètres en Estrie, ma région. La course est notamment organisée par le Centre National de Cyclisme de Bromont, alors c’est l’fun de voir le vélo gravel se développer au Québec. Ensuite ce sera les Canadiens à Calgary mi-juin, puis la Belgium Waffle Ride en Caroline du Nord les 21 et 22 juin.
LFR: Des chances de te voir en Outaouais lors de la Big Red à Greenville-sur-la-Rouge?
Julien: À voir Laurent, je n’ai jamais fait cet événement, mais on m’en a parlé en bien.
LFR: Et la Unbound en fin de semaine prochaine?
Julien: Ca n’a pas fonctionné cette année, vraiment dommage car je suis en bonne condition en ce moment. Je me suis pris un peu tard, c’est aussi un budget mais c’est définitivement une course qui est à mon programme l’an prochain, un beau 320 kilomètres, le genre de truc que j’aime beaucoup et sur lequel je peux bien faire.
LFR: Tu t’es converti au gravel bike après une carrière en cyclisme sur route.
Julien: Oui, pour moi désormais c’est du gravel bike à temps plein, et je trouve ca plus l’fun, en gravel tu es dans la nature, dans des prairies, je préfère ca désormais à me faire frôler par des voitures pendant 250 kilomètres à l’entrainement.
LFR: En course, c’est très différent de la route?
Julien: En gravel, c’est plus honnête dans le sens que ca se joue vraiment à la pédale, tu peux vraiment exprimer le moteur que tu as. Le gravel, c’est souvent plus diesel que la route. Autre point, tu ne peux pas vraiment te cacher comme sur la route, et puis il y a moins de stratégie en gravel. Enfin, je trouve ca généralement plus ludique, tu as plus de pilotage à gérer, le temps passe vite même si les vitesses moyennes sont généralement moins élevées que sur la route.
LFR: Tu roules avec une équipe cette saison?
Julien: J’ai la chance de pouvoir compter sur la boutique Qui Roule à Sherbrooke, notamment leurs vélos Trek. Et puis, d’autres partenaires de la région de Sherbrooke m’aident également, comme la microbrasserie Siboire et la compagnie Fino, qui aide les compagnies à mieux servir leurs clients.
LFR: Tes partenaires s’appellent aussi Adam Roberge et Alexis Cartier…
Julien: Oui, on n’est pas vraiment dans la même équipe mais on voyage ensemble le plus souvent possible, on s’aide, on partage la logistique lorsque nous sommes sur des courses à l’étranger, ca aide beaucoup. Et puis, ca divise aussi la facture!
LFR: Un pour tous et tous pour un…
Julien: C’est exactement ca!!!
LFR: Ce passage au gravel a entrainé un changement dans ton entrainement?
Julien: Disons que j’évolue. Aujourd’hui, je fais moins de très haute intensité comme de l’anaérobie, que je réserve en course seulement. Je fais davantage de zone 1 et de zone 2, ainsi que pas mal de volume. Ca été spécial la semaine dernière, 41h de vélo! (le Strava de Julien est ici).
LFR: De la musculation?
Julien: J’aimerais en intégrer davantage, l’an prochain j’espère pour bien faire cette transition. Je fais cependant du core, du gainage.
LFR: Et tu avais préparé ta saison comment?
Julien: Juste du home-trainer cet hiver Laurent, souvent deux séances par jour, matin et soir avec Zwift. Un peu de fat bike dans le Mont Bellevue à Sherbrooke aussi, pour prendre l’air. Je n’ai pas fait de camp d’entrainement, la saison de gravel commençait tôt.
LFR: Tu as modifié ta position sur le vélo pour passer au gravel?
Julien: Peu d’ajustement en fait. Je roule sur un vélo un peu plus grand, et j’ai adopté une position un peu plus moderne disons, guidon assez étroit et position peut-être un peu plus avancée. La prochaine étape est de réviser la longueur des manivelles, la tendance est d’aller actuellement vers du plus court, comme sur la route.
LFR: Ce sont des gros budgets maintenant le vélo…
Julien: À qui le dis-tu! Mais je veux continuer de mettre l’emphase sur le gravel en 2024 et plus encore en 2025, car je crois pouvoir y faire de très belles choses. Il faut trouver les moyens de poursuivre, de performer encore mieux sur les grands événements du calendrier, car le moteur est là et ne demande que ca. Comme souvent, les moyens financiers sont cruciaux!
Le phénomène Tadej Pogacar s’est donc imposé sur un Giro sans course ni suspense (je vous l’avais annoncé avant le départ) tant le Slovène a dominé son sujet de bout en bout, ré-écrivant même des parties de l’histoire moderne du cyclisme.
Jamais un vainqueur n’y avait roulé aussi vite, plus de 42 de moyenne sur les trois semaines de course.
Six victoires d’étape. Ca faisait un bail qu’on n’avait pas vu ca sur un grand tour, même chez un sprinter.
Presque 10 minutes d’avance sur le dauphin, qui a eu l’air d’un coureur junior pendant ces trois semaines.
Et surtout, une insolente facilité, capable d’accélérer et de lâcher tous ses adversaires pratiquement bouche fermée là et quand il le voulait. Il s’est même offert Ganna sur le long chrono de ce Giro, le détenteur du record de l’heure!
D’après ce que j’ai lu, Pogacar n’aurait jamais vraiment « forcé » sur ce Giro, et en aurait donc garder sous la pédale en prévision du Tour.
Je ne sais quoi vous dire d’autre! C’est tout simplement stupéfiant.
Après un court repos, Pogacar rempile avec un camp d’entrainement en altitude du côté d’Isola, question de refaire des globules, puis ca sera le Tour avec la pancarte d’archi-favori dans le dos.
Isola je connais, j’peux vous dire que ce col de la Lombarde n’est pas facile du tout, notamment parce qu’il culmine à plus de 2300m d’altitude.
S’il maintient voire augmente sa condition, il n’y aura que Jonas Vingegaard pour rivaliser avec lui, puisque le Danois est le seul à l’avoir vaincu. « Vinge » soigne toutefois ses blessures subies sur le Tour du Pays Basque, la récupération est longue et forcément, à un tel niveau, pas sûr que Vinge pourra revenir à 100% à temps pour le Tour. La Vuelta est probablement plus réaliste pour lui.
On ne connait certes pas les limites sur un grand tour de Remco Evenepoel, mais ses tentatives jusqu’ici n’ont pas été concluantes. À 24 ans, il n’a probablement pas encore toute la « caisse » pour tenir trois semaines durant face à Tadej Pogacar.
Reste le compatriote Primoz Roglic, le grand discret de cette saison jusqu’ici puisque n’ayant disputé que Paris-Nice (sans impact) et le Tour du Pays Basque, qu’il a abandonné suite à la fameuse chute. Prévu sur le prochain Dauphiné, c’est là qu’on aura une idée de sa condition actuelle. À 34 ans, il n’y a plus de temps à perdre pour gagner le Tour!
Chose certaine, Pogacar jouit actuellement de conditions très favorables pour réaliser son pari sur cette saison 2024, celle de remporter Giro et Tour de France, avec comme possible prime les Mondiaux fin septembre. Rappelons que seuls deux coureurs ont réalisé l’exploit de ces trois victoires la même saison, soit Merckx (deux fois) et Stephen Roche en 1987.
Sympathique Pogacar
Pour moi, et c’est peut-être la grande révélation de ce Giro, Pogacar devient un bon ambassadeur du cyclisme.
On l’a vu en effet très accessible et sympathique à l’égard du public, tantôt donnant un bidon (et un gel!) à un jeune enfant sur le bord de la route, tantôt dansant avec son équipe dans le bus, tantôt pédalant avec une meute de cyclistes amateurs lors de la journée de repos à Livigno, bref, Pogacar est décomplexé, drôle, et semble ne pas trop se prendre au sérieux.
Je vous avoue que je trouve ca très bien, mieux en tout cas que la froideur fréquente de Mathieu Van Der Poel, que la réserve naturelle de Wout Van Aert, sans parler de Jonas Vingegaard qui passe moins bien, malgré ses meilleurs efforts.
Pogacar a course gagnée, sauf incident, sur ce Giro.
Sa domination sur la Foscagno a été sans appel: il est dans une classe à part. Le rapproché sur Quintana en l’espace de quelques kilomètres était monstrueux; il devait rouler 4-5 km/h plus vite que le coureur colombien, ancien vainqueur du Giro.
Sur le chrono samedi, il a fallu un Ganna revanchard pour le priver d’un deuxième succès contre-la-montre. Les autres sont loin.
Mais la course n’est pas terminée, et un invité surprise apparait: la météo!
Pluie et températures fraiches annoncées pour le reste de la semaine sur le nord de l’Italie.
Du coup, ca peut compliquer les choses. D’une part, les risques de chute dans les descentes sont multipliés.
Les gommes étant plus tendres sous la pluie, les risques de crevaison sont aussi plus grands. Gageons que toutes les équipes ont profité de la journée de repos pour revoir les pneumatiques en prévision des prochains jours.
Enfin, il ne faut pas négliger les risques de maladies pulmonaires, voire de tendinites lorsque les organismes sont sollicités sous cette météo compliquée. Le chaud, le froid dans les descentes, l’altitude, voire la neige, ca peut rapidement compliquer une course.
Les exemples sont légion, à commencer par ce pauvre Luis, victime d’un orage alors qu’il avait le Tour 1971 gagné.
Gageons que les UAE voudront garder Pogacar bien au chaud dans les roues le plus loin possible, en roulant le plus constant possible, régulier, sans à-coups.
Pour les plus téméraires, l’occasion peut être belle d’affoler la course dans ces circonstances climatiques incertaines.
Ca pourrait conduire à une dernière semaine plus intéressante qu’elle ne paraissait. Le mauvais temps fait partie du cyclisme. Et j’ai déjà donné dans ce registre, pas plus tard qu’en septembre dernier sur les deux premières étapes de la Haute Route Dolomites, ou il a fallu modifier le parcours de la 1ere étape et éviter comme aujourd’hui le Stelvio, trop enneigé et trop froid pour y passer.
Magnifique victoire de Julian Alaphilippe hier sur la 12e étape du Giro.
Payez-vous les images, ca vaut la peine.
Entreprenant loin de l’arrivée (125 kilomètres d’échappée, quand même…), Alaf nous a donné, l’espace d’une étape, tout ce qu’on aime dans le cyclisme.
D’une part, le panache d’un coureur qui n’a jamais baissé les bras, malgré une longue disette ces deux dernières années.
Et puis, la manière durant l’étape, surtout avec l’entraide affichée avec son compagnon d’échappée, le modeste Mirco Maestri de Polti-Kometa, une équipe invitée sur ce Giro puisqu’en Continentale.
À toi Mirco les primes durant l’étape, pas de soucis je t’attends par moment dans les bosses parce que j’ai besoin de toi pour aller au bout, c’est entendu, et tout le monde y trouve son compte.
L’accolade entre les deux coureurs à l’arrivée en disait long du respect qu’ils ont eu l’un pour l’autre durant l’étape. Alaf confiait à Maestri qu’il n’oublierait jamais cette journée.
Bref, un cyclisme humain, emprunt d’une camaraderie et d’un respect qui fait du bien. À l’ère des robots, de la gestion de l’image et du message, du rouleau-compresseur et des sprints à la limite trop souvent de l’éthique, ce cyclisme me fait du bien.