Quelques mots, échangés il y a des années au départ des courses.
Une fraternité dans l’effort, le cyclisme étant un sport si dur.
Le respect, toujours.
La Flamme Rouge, aussi. Ca rapproche parfois, malgré la distance physique entre nous.
Puis la vie qui te sépare, mais pas si différente au fond pour lui et moi.
Des enfants à s’occuper, une carrière. Métro, boulôt, dodo. Les années passent.
Survient la tuile. La vie est rarement un long fleuve tranquille. Surtout en vieillissant.
Tu espères le mieux, discrètement. Quelques mois plus tard, t’es heureux d’apprendre que l’enjeu est maîtrisé. Tu as certes gardé le silence, mais tu es fier de voir qu’une fois de plus, un coureur cycliste a montré de quel bois il était fait.
Après tout, nous sommes de sacrés gaillards.
De nouveau, t’es admiratif de ses exploits, de sa passion pour le cyclisme. De très bons résultats cette saison. Je suppose que souffrir sur un vélo n’est pas grand chose quant on a traversé l’enfer.
L’enfer se représente.
Petite salope.
Alors le compte-rendu de Milan-Turin attendra un peu. Jamais été là pour faire de l’audimat, encore moins du cash.
Aucun doute, la petite salope sera vaincue, car elle est seule: lui ne l’est pas.
Ce n’est qu’une question de temps, de patience: porter l’attaque au bon moment.
Sait pas à qui elle a à faire, cette petite salope: le gars est un teigneux, dans le bon sens du terme. Capable de rouler 250 bornes solo, pour les bonnes raisons.
C’est la plus vieille course cycliste du monde: première édition en 1876!
10h09min de selle pour parcourir 150 bornes à l’époque. Le vainqueur s’appelait Paolo Magretti. Comique, ce coureur est aujourd’hui mieux connu pour ses travaux scientifiques dans le domaine de l’entomologie!
Traditionnellement courue au printemps, une semaine avant Milan San-Remo, le premier « Monument » de la saison, Milan-Turin se dispute à l’automne depuis 1987.
Avec le Tour du Piémont et le Tour de Lombardie, cette course fait partie du « Trittico di Autunno« , le triptyque de l’automne en Italie.
Le parcours a changé au fil des ans. Souvent disputée dans le vélodrome « Fausto Coppi » de Milan niché sur le Corso Casale, l’arrivée est aujourd’hui située au terme de l’ascension de la Superga, cette basilique sur les hauteurs de Turin, au terme d’une double ascension de cette rampe d’un peu plus de cinq kilomètres.
Torino, la ville de la compagnie Fiat!
Milan Turin est organisée par RCS, l’équivalent italien d’A.S.O. en France et propriétaire du Giro, des Strade Bianche, du Tour de Lombardie, de Tirreno-Adriatico et de Milan San-Remo.
Pour la petite histoire, Eddy Merckx n’a jamais remporté Milan-Turin, terminant 4e de sa seule participation, en 1973. On dit du Cannibale qu’il a tout gagné, mais pas la plus vieille course cycliste du monde en tout cas!
Par contre, le Canadien Mike Woods, présent au départ aujourd’hui, a lui gagné Milan Turin en 2019. Il avait également terminé 2e en 2016, preuve que cette classique lui réussit plutôt bien en raison de ses qualités de puncheur.
Le parcours
190 bornes, les 165 premiers presque tout plat pour ensuite attaquer deux ascensions de Superga sur les hauteurs de Turin. Ca se joue toujours là, entre puncheurs capables de générer beaucoup, beaucoup de watts sur quelques minutes.
Les favoris
Du très beau monde au départ, en mode « répétition générale » avant le Tour de Lombardie samedi, beaucoup plus difficile.
La Deceuninck débarque avec Alaphilippe, qui fait sa rentrée après les Mondiaux il y a deux semaines, ainsi qu’Almeida et Masnada.
Primoz Roglic, récent vainqueur du Giro dell’ Emilia, se pose aussi en grand favori de l’épreuve, et il est bien entouré chez Jumbo-Visma avec Sepp Kuss et George Bennett entre autre.
Mike Woods chez Israel Start-Up Nation a un bon coup à jouer. Il a prouvé sur le Tour de Grande-Bretagne qu’il est capable de suivre Alaf dans ses accélérations. Récent 3e du Giro Dell’ Emilia, il est fort et reposé en ce moment.
Tadej Pogacar voudra aussi répondre présent et faire des efforts afin de peaufiner sa condition en vue de samedi prochain. Il peut compter autour de lui sur les Hirschi, Ulissi, Polanc et Majka, une très forte équipe UAE Team Emirates capable de répondre à la WolfPack Deceuninck.
Sinon, on a d’autres coureurs intéressants à surveiller.
Vlasov et surtout Lutsenko chez Astana.
Les Français Guillaume Martin et surtout, Thibault Pinot qui est motivé en cette fin de saison. Pinot devrait être dans le coup demain dans la dernière ascension de Superga en vue de l’arrivée.
Chez Ineos, on a du beau monde aussi, notamment Geoghegan vu devant il y a deux jours en Italie, mais aussi Sivakov et Adam Yates.
Enfin, n’oublions pas Bauke Mollema et Vicenzo Nibali, très motivés en cette fin de saison. Nibali vient de gagner avec émotion son Tour de Sicile, preuve d’une bonne condition physique.
Et ce diable d’AleJet Valverde qui est de retour aux affaires après sa lourde chute lors de la 7e étape de la Vuelta. Incroyable ce type!!!
Le jeune prodige belge a gagné hier la Coppa Bernocchi, après 40 bornes solo dans le final et sous la flotte.
Il y a des signes qui ne trompent pas.
Evenepoel est en très grande forme et il sera un client toute la semaine en Italie.
Il sera le favori #1 sur le Tour de Lombardie samedi prochain.
Au coeur d’une controverse en Belgique quant aux récents Mondiaux, il est très certainement revanchard et veut prouver par ses résultats son point essentiel: il estime qu’il était le plus fort des Mondiaux, et que l’équipe de Belgique aurait dû être à son service, pas à celui de Wout Van Aert.
2 – La semaine italienne
Semaine chargée en Italie, avec aujourd’hui les Tre Valli Varesine, une course gagnée par le Québécois David Veilleux il y a quelques années rappelons-le.
Mercredi, Milan-Turin avec le champion du monde Alaf, ainsi que Mike Woods, Primoz Roglic, Tadej Pogacar, pour ne nommer que ceux-là.
Jeudi, le Gran Piemonte.
Et samedi, le Tour de Lombardie, 5e et dernier grand monument de la saison. Du beau monde au départ.
Les Deceuninck seront très difficiles à battre sur les prochaines épreuves italiennes, ils pourront compter, outre un Evenepoel en grande condition, sur le champion du monde Alaphilippe, sur Joao Almeida, sur Drys Devenyns, ainsi que sur Fausto Masnada, 3e hier de la Coppa Bernocchi et un homme toujours en forme et motivé en fin de saison.
3 – Thibault Pinot
Le grand retour!
Il a terminé 5e de la Coppa Bernocchi, de quoi signer son retour aux affaires du cyclisme professionnel et lui laisser croire en ses chances pour un beau Tour de Lombardie samedi prochain.
On est content de revoir ce coureur de talent être de retour au premier plan.
4 – Les gants à Roubaix
Je vous parlais de l’importance de porter des gants en course, surtout sur des épreuves comme Paris-Roubaix où les risques de chute sont importants et les surfaces particulièrement dangereuses pour les mains.
Sans le savoir, certains commentateurs de la télé anglaise en ont parlé dimanche.
Ca me surprend: silence radio sur les raisons derrière les multiples crevaisons des coureurs de la Deceuninck-Quick Step dimanche.
Lampearts, trois crevaisons.
Asgreen, au moins une crevaison.
D’autres coureurs de la formation ont aussi crevé.
Cette formation utilise des pneus avec chambres à air latex.
C’est vous qui voyez, mais j’ai ma petite idée sur les raisons de toutes ces crevaisons. Et chez Deceuninck, motus et bouche cousue, on ne veut pas nuire aux sponsors.
Et fait intéressant, les deux vainqueurs de Paris-Roubaix (hommes et femmes) roulaient sur des tubeless ce week-end. Colbrelli avait chaussé des tubeless de 30mm de section et Deignan était en mono-plateau de 52 dents, avec une cassette 12 vitesses derriere.
Des choix logiques selon moi, compte tenu de la nature du tracé de Paris-Roubaix.
6 – Les visages de Paris-Roubaix
C’est ici, toujours intéressant de voir à quel point les coureurs ont souffert dimanche dernier.
7 – Paris-Roubaix avec Israel Start-Up Nation
C’est ici, beau petit vidéo avec notamment Guillaume Boivin. On sent toute sa déception à l’arrivée, lui qui avait des jambes exceptionnelles dans le final.
Chose certaine, la popularité du cyclisme se confirme, et pourtant au même moment le nombre de coureurs licenciés continue de diminuer.
Dans le monde d’aujourd’hui, nous ne sommes plus à un paradoxe près…
9 – Record de l’heure féminin
Comment passer sous silence que le record de l’heure chez les femmes vient d’être battu le 30 septembre dernier par Joscelin Lowden, avec 48,405 kms parcourus.
48,4 km/h de moyenne! Ouf!
Lowden s’est préparée de nombreux mois pour cette tentative et estimait à l’arrivée avoir géré sa course de façon conservatrice, suggérant qu’elle pourrait rouler plus vite encore dans l’avenir.
Les 49 km/h sont peut-être atteignables sous peu par les femmes, voire de briser la marque mythique des 50 km/h!
Le record masculin est détenu depuis 2019 par Victor Campenaerts avec 55,089 km dans l’heure.
Et ca n’a pas loupé: ce Paris-Roubaix restera gravé dans bien des mémoires, en particulier celles des amateurs de cyclisme au Québec.
Ca s’est joué à la pédale, le travail d’équipe étant réduit à peu de chose hier dans ces conditions climatiques.
Et quelle course incroyable de Guillaume Boivin!
Il nous aura tenu en haleine longtemps!
C’est pas compliqué: il pouvait gagner hier, aucun doute là-dessus. Très impressionnant, il répondait du tac au tac à chacune des accélérations du pourtant très remuant Mathieu Van Der Poel – je répète, Mathieu Van Der Poel! – dans le final.
Saleté de chute dans le secteur de Camphin-en-Pévèle, à 19 km de l’arrivée.
Sans cette chute, aucune raison de croire que Guillaume n’aurait pas pu rester avec son petit groupe Colbrelli-MVDP-Vermeersch qui a repris Moscon dans le secteur suivant du Carrefour de l’Arbre, et qui a joué la gagne sur le vélodrome.
Quoi qu’il en soit, c’est physiquement l’état de grâce pour Guillaume en ce moment. Des jambes de feu. Mais le principal est probablement ailleurs, dans la tête: avec une telle perf, le déclic s’opère. Avant, tu pensais faire partie des meilleurs; aujourd’hui, tu l’as fait. La confiance de Guillaume sera durablement renforcée et ca, ca fait une grosse différence.
Et pour nous, un réel plaisir et une fierté aussi de voir le maillot de champion canadien devant sur Paris-Roubaix, de quoi nous laisser de belles images dans la tête cet hiver!
L’Enfer du Nord sourit aux néophytes
Édition exceptionnelle hier, car les trois coureurs sur le podium en étaient tous à leur… premier Paris-Roubaix!!
Colbrelli a fait une course très juste, portant ses efforts aux bons moments, et s’économisant lorsqu’il le fallait, notamment dans les dix derniers kilomètres. Avec des jambes exceptionnelles en ce moment on le savait, il était le favori pour remporter ce sprint sur la piste de Roubaix, et il a su concrétiser.
Outre Guillaume Boivin, la révélation de l’épreuve c’est assurément le jeune Florian Vermeersch, 22 ans, déjà 3e du chrono U23 des récents Mondiaux (ne pas confondre avec Gianni Vermeersch chez Alpecin-Fenix).
Lui aussi en était à sa première participation, et il a passé la journée devant! Il a également été très impressionnant dans le sprint, Colbrelli ne le remontant que dans les 25 derniers mètres. Vermeersch s’offre au passage Mathieu Van Der Poel sur la ligne, excusez-du-peu.
Ce dernier se « contente » de la 3e place et sa déception était palpable tout juste après l’arrivée. Je suis d’avis que MVDP en a trop fait dans les 15 derniers kilomètres, et qu’il a mal négocié son sprint une fois sur la piste de Roubaix: il fallait laisser Colbrelli devant! Tu ne veux jamais amener un bon sprinter dans ta roue sur une piste.
Chapeau quand même à MVDP hier, grand animateur de la course qu’il a lancée loin de l’arrivée, dans la traversée d’Arenberg. Fort, très fort. MVDP s’accordera désormais une pause, tout comme Wout Van Aert d’ailleurs, avant de reprendre les courses de cyclo-cross en décembre prochain.
Mention très bien également à Gianni Moscon hier, très fort dans le final avant de chuter sur les pavés, je pense en raison d’une pression trop forte des pneumatiques sur le nouveau vélo pris en rechange suite à sa crevaison. Et oui, il faut aussi penser à ca!
Mention très bien aussi au Français Christophe Laporte, excellent 6e chez Cofidis.
Deceuninck, l’échec
Le fait peut-être le plus marquant hier a été la déconfiture presque complète de l’équipe belge Deceuninck, pourtant en surnombre jusqu’à l’entrée de la Trouée d’Arenberg.
Dans leur cas, la course s’est déroulée en deux temps: parfaite jusque Arenberg, l’hécatombe après. Exit les Asgreen, Stybar, Declercq, Sénéchal, tous à la trappe.
Seul Yves Lampaerts a pu sauver les meubles, terminant finalement 5e après s’être bien battu pour revenir de pépins mécaniques.
Pour la Deceuninck qui court habituellement sur des pneus, des enjeux à ce niveau hier? Chose certaine, les pneus dotés de chambres à air à l’intérieur sont plus sujets à des « chocs pincement » lorsqu’on les roule à basse pression, ce qui était nécessaire hier sur de tels pavés gras.
Quant à l’autre grand favori Wout Van Aert, une course à l’image de celle de ses Mondiaux: il a subi. Manifestement, Wout semble fatigué en cette fin de saison, comme s’il n’avait jamais récupéré de son Tour de France époustouflant en troisième semaine. Il a également été esseulé bien rapidement, même s’il avait deux hommes dans l’échappée devant: ca ne lui aura finalement servi à rien.
À noter que Hugo Houle n’a pas terminé et que Ben Perry est arrivé hors délai, fixés hier à 29min.
Paris-Roubaix femmes
Là encore, une course intéressante, bien qu’elle ait été pliée assez rapidement, Lizzie Deignan y allant d’un sacré numéro en solitaire.
82 kms seule devant!
Le rapproché de Marianne Vos dans le final aura été vain, elle est partie trop tard en poursuite. L’Italienne Borghini a complété le succès pour l’équipe Trek-Segafredo, avec une 3e place.
La Canadienne Alison Jackson termine 24e à un peu plus de six minutes.
J’ai été surpris par Deignan samedi: la seule à avoir disputé Paris-Roubaix sans… gants! Je n’ai vu aucun homme, et aucune autre femme oser ce pari.
Sans gants, une chute peut être catastrophique pour les paumes de main, un endroit compliqué à guérir et très handicapant pour la suite de la course, si jamais vous pouvez repartir.
Mike Woods 3e
Week-end faste pour le cyclisme canadien puisque Mike Woods a terminé 3e samedi du Giro Dell Emilia, remporté par Primoz Roglic devant Joao Almeida.
À la 5e place, un certain Remco Evenepoel.
Mike Woods prouve hors de tout doute qu’il est en excellente condition, et ca va nous faire une semaine très intéressante, avec Milan-Turin mercredi suivi du Tour de Lombardie samedi prochain, sur un parcours redessiné. Woods sera l’un des favoris de ces deux épreuves, mais la concurrence sera vive.
La Reine des Classiques. L’Enfer du Nord. Le vélo à son meilleur, dans son côté « tragédie grecque ».
En effet, tout peut arriver sur cette course: même en tête à quelques hectomètres de l’arrivée, tu n’as jamais course gagnée. Crevaisons, pépins mécaniques, chutes, défaillances, l’histoire de cette course est jonchée de drames et donc d’exploits aussi.
118e édition de Paris-Roubaix ce dimanche chez les hommes, 1ere édition chez les femmes samedi.
Ca s’annonce dantesque sur les deux épreuves, avec de la pluie et du vent, beaucoup de vent, mais orienté favorablement par rapport à la progression des coureurs. Toujours ça de gagné!
La pluie, ca entretient un pavé glissant. Dimanche, il faudra voir l’impact sur les secteurs pavés qu’aura eu la course des femmes la veille, avec pas mal de véhicules de course y circulant.
30 secteurs pavés à affronter chez les hommes, 17 chez les femmes, pour un total de 258 kilomètres dans le premier cas, 116 dans le second.
Les secteurs névralgiques sont toujours les mêmes: la trouée d’Arenberg au km 163, moment où la course se lance vraiment pour les favoris. Orchies, Mont-en-Pévèle, Templeuve, le Carrefour de l’Arbre où la course s’est jouée si souvent, à 25 kms de l’arrivée.
Le sprint sur le vélodrome n’est jamais simple non plus, surtout pour ceux qui n’ont jamais fait de piste. Et un sprint après 258 bornes et 30 secteurs pavés, ca réserve souvent des surprises!
Bref, l’intérêt de Paris-Roubaix, au-delà de son côté spectaculaire, c’est qu’il s’agit d’une course où la sélection se fait autant par l’avant que par l’arrière. Toujours très imprévisible!
Les favoris
Ils sont très, très nombreux cette année à pouvoir rêver s’imposer à Roubaix.
En premier lieu, Wout Van Aert bien sûr, qui aura à coeur de prendre sa revanche après son échec aux Mondiaux. Il a la Jumbo-Visma à son seul service, et il a aussi la pression.
En deuxième lieu, Mathieu Van Der Poel, son éternel rival, qui découvre Paris-Roubaix pour la première fois. Gageons que ces deux-là se marqueront une nouvelle fois à la culotte. Mathieu a affirmé hier croire en ses chances de victoire, il est là pour faire la course et je suis convaincu qu’il n’aura pas peur de lancer les hostilités de loin. Sa formation Alpecin-Fenix est également à son service.
La Deceuninck débarque en force également, avec pas moins de… quatre coureurs qui peuvent aspirer à la victoire! Asgreen, Lampaerts, Sénéchal et surtout, Stybar, auteur d’un grand Mondial la semaine dernière et spécialiste du cyclo-cross comme Wout et Mathieu, ne seront pas là pour faire de la figuration. C’est l’équipe à battre samedi, aucun doute là-dessus.
Derrière, on a une foule d’autres grosses pointures pour la gagne.
Par exemple, Dylan Van Baarle, 2e des Mondiaux il y a une semaine, et dont la formation Ineos présente de bons équipiers pour le néerlandais, comme Michal Kwiatlowski.
Attention, attention à Nils Politt chez Bora-Hansgrohe, deuxième de l’épreuve en 2019 derrière Philippe Gilbert. On l’a vu devant à attaquer à plusieurs reprises sur les récents Mondiaux. Logiquement, il sera dans le coup au Carrefour de l’Arbre dimanche, sauf pépin mécanique ou chute bien sûr.
Michael Valgren est le leader chez EF. Fort lui aussi en ce moment.
Chez Bahrain-Victorious, on misera Colbrelli ou Mohoric, deux coureurs pouvant facilement jouer la gagne dimanche. Colbrelli a l’avantage d’avoir une jolie pointe de vitesse.
Chez Trek-Segafredo, bien sûr Stuyven 4e des Mondiaux, mais aussi le jeune américain Quinn Simmons, qui voue une véritable dévotion à Paris-Roubaix. Forcément, ca joue sur la motivation!
La Groupama-FDJ comptera sur Kung et Demare, qui présente une belle pointe de vitesse si jamais il devait atteindre le vélodrome au sein d’un petit groupe disputant la gagne. Motivée, la Groupama-FDJ, chaque fois qu’elle se pointe sur Paris-Roubaix: Marc Madiot, son manager, ne vit que pour cette course!! (double vainqueur aussi).
On a d’autres coureurs à surveiller: Christophe Laporte chez Cofidis, Giacomo Nizzolo chez Qhubeka, avec son coéquipier Victor Campenaerts, le sympathique carnassier Taco Van Der Hoorn aussi chez Intermarché, pas un manche sur ce genre de parcours, ou encore Matteo Trentin.
Peter Sagan? Je n’y crois toujours pas.
Enfin, comment oublier le Québécois Guillaume Boivin, qui sera leader d’Israel Start-Up Nation dimanche. Auteur d’une remarquable saison 2021, champion canadien en Beauce il y a deux semaines, 17e des Mondiaux, il peut légitimement croire en ses chances dimanche d’un top-5. Il faut y croire!!!
Deux autres coureurs canadiens au départ, pour Astana-PremierTech: Hugo Houle et Ben Perry.
Boyaux, pneus ou tubeless?
Parmi les autres enjeux de la course, le matos.
Paris-Roubaix met à l’épreuve les mécaniques et s’il pleut comme prévu, il sera très intéressant de suivre la fréquence des crevaisons, et la capacité des équipes à les changer efficacement.
Pour des raisons commerciales, le peloton est passé sur freins à disque, toutefois moins faciles à changer rapidement. Mathieu Van Der Poel a perdu le récent Primus GP sur crevaison de la roue avant qui a pris trop de temps à changer, alors qu’avec un frein à mâchoire traditionnel et un déblocage rapide, il aurait pu revenir rapidement dans le groupe de tête.
On va voir ce que ca va donner dimanche!
Et on assiste également à une guerre entre le traditionnel boyau, le pneu (notamment chez Deceuninck) et le tubeless dans le peloton. Laquelle de ces trois options sera la plus fiable dimanche sur les pavés et sous la flotte?
Suspension avant
Ce n’est pas nouveau: on cherche à donner aux coureurs un peu plus de confort en intégrant aux vélos une suspension avant.
Greg Lemond et son équipe Z avaient monté des suspensions avant Rock Shox sur leurs vélos pour Paris-Roubaix au début des années 1990 dans ce but.
Avant de passer demain à une analyse de Paris-Roubaix qui sera disputé samedi chez les femmes et dimanche chez les hommes (et probablement sous la pluie), petit Tour de l’actualité des nouvelles récentes.
Plusieurs d’entre vous se sont posés la même question: pourquoi Mike Woods n’était-il pas sur les Mondiaux dimanche dernier?
C’est son choix, il convient de le respecter, mais vu la course de Guillaume, on se dit tout de même, avec deux Canadiens dans le final, ca aurait donné quoi?! Beaucoup de possibilités de briller en tout cas, ca c’est certain.
4 – Philippe Gilbert
Le dernier vainqueur de Paris-Roubaix devrait être au départ dimanche, mais personne ne croit trop en ses chances étant donné sa saison 2021. À 39 ans, le champion belge prépare sa sortie, et en ce sens vient d’être élu à la Commission des athlètes de l’UCI.
Fracture du bassin pour le coureur breton, les suites d’une chute à l’entrainement du côté de Marseille. C’est dommage, on avait vu le breton à un bon niveau ces dernières semaines, et il aurait probablement pu bien faire sur les dernières classiques italiennes de fin de saison.
10 – Transferts
Ca bouge encore du côté des transferts en prévision de la saison prochaine. On fera bientôt le point sur ce sujet.
11 – Paris-Roubaix, la présentation
On fera le point demain à propos de l’Enfer du Nord samedi pour les femmes, dimanche pour les hommes. Ca s’annonce assez dantesque, avec de la pluie et des températures fraiches propres à durcir les courses.
Deux courses qui s’annoncent d’ors et déjà très, très ouvertes et compétitives. Ca promet!!!
Ca bouge dans le cyclisme féminin en ce moment, c’est le temps pour un premier Tour de l’actualité dans ce registre.
1 – Alison Jackson 6e chez les élites aux Mondiaux
La nouvelle championne canadienne Alison Jackson a fait une sacrée course samedi dernier dans les Flandres pour terminer 6e au final.
Avec ce résultat, elle a peut-être donné une belle inspiration à l’équipe canadienne qui poursuivait le lendemain avec cette excellente 17e place de Guillaume Boivin.
Jackson sautait sur tout ce qui bougeait dans le final, ne faisant aucun doute qu’elle était parmi les filles les plus fortes ce jour-là. Gênée dans son sprint à 150-200m de la ligne, sans cet incident Jackson pouvait croire à un podium selon moi, par exemple la 3e place. Il s’en est probablement fallu de peu.
Alison Jackson sera normalement au départ du premier Paris-Roubaix féminin samedi prochain du côté de Denain. Aucun doute qu’elle peut elle-aussi, comme Guillaume, y faire une grande performance, et cela rehausse l’intérêt de la course pour les fans canadiens et québécois bien sûr.
Quand tu as des jambes de feu, il faut en profiter!
2 – Course femmes U23
L’absence d’une course chez les U23 femmes a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Les femmes réclament l’organisation d’une telle course, avec raison.
Le président reconduit de l’UCI (il n’avait pas d’adversaire contre lui pour cette élection), David Lappartient, a laissé entendre que l’idée était explorée, mais que cette course U23 se déroulerait « dans un premier temps » avec celle des élites.
Je partage totalement l’opinion d’Alison Jackson sur ce point: très mauvaise idée! Elle a twitté:
Non, merci! Cela signifie que chaque nation sera mise sous pression pour créer deux équipes : trois coureurs élite et trois coureurs U23 ? Cela enlève les places de course Elite, mais ne donne pas non plus aux moins de 23 ans une chance équitable. Faites-en une course à part entière.
Alison jackson sur twitter
On a tous vécu ce genre de course, où diverses catés courent ensemble: ca fausse tout, certains(es) coureurs(es) pouvant alors profiter de la course des coureurs(es) plus matures pour distancer leurs adversaires.
Un cyclisme féminin vraiment à la hauteur du cyclisme masculin passe forcément par un Mondial U23 chez les femmes aussi. On ne veut pas d’un cyclisme féminin au rabais, point final.
Surtout que son autre fille, Elynor, est actuellement professionnelle chez Trek-Segafredo!
En vélo, sans les gênes te donnant naturellement un bon moteur, t’a beau t’entrainer comme une bête, ca n’arrivera pas.
4 – Retraite de Karol-Ann Canuel
La Québécoise domiciliée à Gatineau vivait ses derniers Mondiaux, et a pu remplir parfaitement ses responsabilités d’équipière d’Alison Jackson grâce à une belle condition physique.
Elle termine 31e de l’exigente course sur route, moins d’une minute derrière l’Italienne vainqueure.
Surtout, la tête haute. Ca s’appelle réussir sa sortie.
Il y a des coureurs(es) qui ne gagnent pas souvent au plus haut niveau, mais qui sont respectés(ées) de tous(tes) dans le peloton. Canuel est de celles-là.
17 secteurs pavés à franchir, dont certains célèbres comme Orchies, Mons-en-Pévèle ou le Carrefour de l’Arbre, où la course des hommes s’est souvent jouée.
Et surtout, l’arrivée sur le vélodrome de Roubaix, avec ce sprint toujours si particulier à négocier!
On va se régaler!
Paris-Roubaix, c’est une course intéressante parce que c’est autant une sélection par l’arrière (chutes, crevaisons, etc.) que par l’avant. Et ca convient à un type de coureurs(es) assez précis, puissants(es) et capables d’enrouler de gros braquets.
Une fille comme la championne italienne Elisa Longo-Borghini devrait jouer la gagne. Beaucoup d’autres seront à surveiller, comme Lotte Kopecky, Marlen Reusser, Annemiek Van Vleuten, Ellen Van Dijk, la nouvelle championne du monde Elisa Balsamo, Marianne Vos, ou encore Cecilie Uttrup Ludwig.
6 – Tour de France féminin 2022
Rappelons au passage que ce premier Paris-Roubaix chez les femmes précède de quelques mois le retour du Tour de France féminin, prévu pour 2022.
Les Trek-Segafredo, Jumbo-Visma, Movistar, FDJ, Team DSM, Team BikeExchange, Arkea, Lotto-Soudal, Rally Cycling, sont déjà dans le peloton féminin depuis un moment.
La création d’une formation Cofidis chez les femmes en 2022 a été récemment annoncée et l’effectif, majoritairement français, comportera la Québécoise Gabrielle Pilote-Fortin.
Je pense que la création d’équipes hommes-femmes avec un même sponsor est un modèle porteur, notamment en raison des économies d’échelle, et d’un système susceptible d’accélérer le développement du cyclisme féminin, les équipes femmes pouvant alors bénéficier plus facilement du professionnalisme et de l’expérience des équipes masculines.
Espérons que d’autres sponsors présents en WorldTour chez les hommes emboiteront le pas.
8 – Patrick Lefevere has been?
Patrick Lefevere est un manager d’équipe très respecté. L’homme derrière la Deceuninck QuickStep sait mener des champions, sait tirer le maximum d’une équipe de compétition où les égos sont parfois bien présents, et sait aussi durer dans le sport professionnel.
Ses récentes déclarations sur la perspective d’une équipe féminine Deceuninck manquaient cependant de classe. Il a notamment affirmé qu’il s’intéresserait au cyclisme féminin quant il y aurait suffisamment de bonnes coureures, et qu’il n’était pas un « centre social ».
Insultant pour le moins!
Chez certains, les mentalités sont longues à changer. Et les femmes doivent non seulement s’employer à appuyer (fort) sur les pédales, mais aussi à investir de l’énergie à lutter contre les préjugés.
Pour preuve, on pourra regarder cet extrait d’une discussion entre Jeannie Longo, Marc Madiot et Laurent Fignon qui remonte au milieu des années 1980. Avec nos yeux d’aujourd’hui, c’est surréaliste!
Et on mesure d’où le cyclisme féminin est parti, et le chemin parcouru depuis quatre décennies.
9 – Maghalie Rochette en forme
La spécialiste du cyclo-cross vient de remporter les deux épreuves élite de cyclocross de Rochester aux États-Unis le week-end dernier.
On savait Rochette en forme grâce à sa 2e place acquise lors des récents Championnats canadiens sur route, derrière… Alison Jackson. Le parcours était difficile, révélateur des conditions physiques.
On s’en souviendra longtemps. Notamment parce qu’une page de l’histoire du cyclisme s’y est écrit, comme on s’en doutait.
Méga-performance de Julian Alaphilippe. C’EST UN GÉANT!
Pour les livres, « Alaf » est devenu le premier coureur français à conquérir deux fois le titre mondial sur route. C’est le 7e coureur de l’histoire à réaliser l’exploit de défendre avec succès le titre acquis un an plus tôt.
Alaf a surtout gagné avec panache. Solo d’une part, en faisant tout péter à la pédale d’autre part. Pas une victoire à l’économie, ca c’est clair!
Il a surtout couru à l’instinct, faisant même fi des consignes du DTN Thomas Voeckler dans le final.
Il a attaqué plusieurs fois tout seul, c’est son instinct qui a parlé. Mais il m’a fait peur le con.
Thomas voeckler, 26 septembre 2021, journal le monde
Il m’a fait peur à moi-aussi.
Sur ses deux premières attaques à 58 et 49 kms de l’arrivée, j’ai cru à la grosse erreur, surtout qu’il sortait chaque fois isolé. Trop tôt, trop loin, trop de beau monde derrière… Il a eu le mérite de ne pas insister trop longtemps, voyant qu’il ne creusait pas.
Il a remis ca au km 21 (bien assisté à ce moment par un excellent Valentin Madouas), avant de porter la dernière estocade à 17 kms de la ligne. Ces deux dernières attaques étaient parfaites compte tenu du déroulement de la course juste avant. Il était alors clairement le plus fort et gagne un peu de la même façon que sur les Mondiaux 2020.
Remarquable équipe de France, discutable équipe de Belgique…
Selon moi, la victoire d’Alaf hier est aussi celle de toute l’équipe de France, qui a peut-être réalisé la course parfaite, se jouant de l’équipe de Belgique très habilement.
Cosnefroy a mis le feu aux poudres à… 180 kms de l’arrivée, créant du mouvement parmi les formations favorites. Evenepoel n’a pas pu résister à se porter devant sur cette accélération, et entre ce moment et le km 26 où il a finalement rendu les armes, il a prouvé son manque d’expérience au plus haut niveau: rouler comme un dingue devant fonctionne chez les amateurs, pas chez les pros!
Mais respect quand même pour la démonstration d’Evenepoel: quelle force!! C’est hallucinant ce coureur. On entendra beaucoup parler de lui encore, surtout s’il perfectionne ses trajectoires en descente de col et apprend un peu plus les rudiments de la tactique de course chez les professionnels.
Remco devant, les Français ont chaque fois laissé faire, profitant habilement du travail des autres et les laissant user de leurs forces.
Et chaque fois qu’une phase de course se terminait, qui relançait? Les Français! Cosnefroy, Madouas… et Alaphilippe bien sûr. Bien joué!
Les Belges se sont dispersés, surtout Evenepoel: imaginez une minute s’il avait gardé ses forces pour les 20 derniers kilomètres pour épauler Van Aert, plutôt que de se dépenser à amener comme une brute le groupe de tête pendant de nombreux kilomètres (en gros, entre les kms 45 et 26) dans le final? Ca servait à quoi? Éviter un retour du groupe de derrière? On s’en foutait, lâchés une première fois, ces coureurs l’auraient été une seconde fois!
Dans les 15 derniers kms, derrière Alaphilippe parti et les quatre coureurs intercalés, ne restait plus personne pour rouler dans le groupe Van Aert – Colbrelli – Van Der Poel. Un Evenepoel efficace dans ce groupe aurait stimulé la chasse, et aurait probablement incité les deux Italiens (Colbrelli, Nizzolo) qui restaient à ce moment à contribuer avec les deux Belges.
L’autre erreur des Belges, c’est une fois Evenepoel rangé, pourquoi Van Aert n’a-t-il pas marqué à la culotte Alaf? Il savait ce dernier en jambes, il avait attaqué trois fois plus tôt! Et si Van Aert jouait la carte de l’arrivée au sprint, c’était très risqué: Colbrelli était bien présent, et lui aussi disposait d’un équipier (Nizzolo) pour l’amener.
Bref, les Belges, qui n’ont aucun coureur sur le podium – qui l’eu crû avant le départ?! – n’ont qu’eux à blâmer selon moi. Ils ont été bien aveuglés par l’équipe de France qui signe un Mondial collectif exceptionnel. Les Belges ont voulu contrôler la course façon « rouleau compresseur », ca n’a pas fonctionné.
Tom Pidcock, lui, nous a tous surpris, étant un actif du final. Lui aussi paye probablement son inexpérience tactique dans ce genre de course chez les pros ainsi que son isolement, l’équipe du Royaume-Uni ayant été décimée tôt dans la course.
Probable révélation de ces Mondiaux, l’Américain Neilson Powless, 25 ans, devant quasiment toute la journée et ne ménageant pas ses efforts. J’ai été soufflé par le niveau du vainqueur plus tôt cette saison de la Classica San Sebastian. Et mine de rien, avec Valgren, les Education First occupent les 3e et 5e places de ces Mondiaux hier!
Guillaume Boivin, une course de ouf!
Pour les fans de cyclisme canadiens et québécois, on se souviendra longtemps de ces Mondiaux en raison de l’exceptionnelle 17e place de Guillaume Boivin qui confirme ainsi son excellente saison 2021.
En gros, notre nouveau champion canadien termine dans le premier groupe de chasse derrière l’échappée avant qu’Alaf n’en sorte. Imaginez le niveau!
Je n’en revenais pas de voir un maillot canadien présent dans ce final si difficile, après une course si usante. Sur une telle course, tu peux pas mentir sur ton niveau.
Des coureurs comme Roglic, Pogacar, Mollema, Almeida, Matthews, Sagan, même Cosnefroy terminent derrière Guillaume à l’arrivée.
Très fort. Très inspirant.
Guillaume Boivin s’alignera sur Paris-Roubaix la semaine prochaine, avec sa condition actuelle il peut tout faire sur cette course, il faut y croire. Solide coureur, rapide au sprint, endurant, et probable coureur protégé chez Israel-Start Up Nations, un grand résultat n’est pas loin!!!
Petite mention moins bien au public des Flandres
Ca s’entendait à la télé: en échappée dans le final, Alaf a souvent fait l’objet de huées du public très nombreux massé sur le bord de la route, et qui a contribué bien évidemment à mettre l’ambiance de la journée.
On peut comprendre: le public flamand était venu voir la victoire d’un coureur belge bien sûr, et flamand de préférence on peut supposer.
Après l’arrivée et devant les journalistes, Alaf a eu ces mots intelligents qui ont rapidement mis un terme à la situation sans provoquer de controverse, lui qui court pour une équipe belge. Une autre victoire d’Alaf hier!
Beaucoup de supporters qui étaient pour la Belgique et pour Wout Van Aert, dans le dernier tour, me demandaient de ralentir, ils n’avaient pas des mots très sympas. Je tiens à les remercier, car ca m’a donné envie d’appuyer encore plus fort.
Julian alaphilippe
Et toc!
Paris-Roubaix, la suite
Un autre beau week-end de courses professionnelles nous attend la semaine prochaine, avec le 2 octobre la première édition de Paris-Roubaix féminin, ca sera super-intéressant de voir comment le peloton féminin négociera les divers secteurs pavés.
Le 2 octobre également, le difficile Giro dell’Emilia pour les coureurs qui n’iront pas à Paris-Roubaix. Je pense qu’on y verra notamment Mike Woods.
Dimanche 3 octobre, la Reine des Classiques, 118e édition de Paris-Roubaix. Un autre très grand rendez-vous de la saison cycliste, et une course qui marque toujours.
Ca s’annonce dantesque… et imprévisible, d’où l’intérêt.
Installez-vous confortablement dimanche matin (départ à 10h25 d’Anvers, soit 4h25 du matin heure du Québec) pour suivre ce qui sera peut-être la plus belle course sur route de la saison 2021.
Au bout des 268 kilomètres de cette course qui se dispute dans l’un des hauts-lieux du cyclisme, la Flandre, le maillot irisé tend les bras au vainqueur. Le maillot irisé… le 2e le plus convoité en cyclisme après le maillot jaune (et c’est discutable!).
Je peux vous dire qu’il y a un paquet de coureurs qui sont motivés.
La foule, les fans passionnés de vélo, et qui devraient être nombreux sur le bord des routes, donneront encore plus d’énergie aux coureurs qui savent que dimanche, ils écriront une nouvelle page de la légende du cyclisme.
Ca devrait être une course de mouvement, pas une sélection par l’arrière. Le parcours est difficile, mais pas trop difficile. Les attaques devraient se succéder à un bon rythme dans les derniers 60-80 kms, après la toujours hautement probable échappée matinale.
Cette échappée matinale pourrait contenir des coureurs canadiens, certains ayant intérêt à se montrer comme Nickolas Zukowsky ou Pier-André Côté.
Ca sera compliqué dans le final, car une échappée avec une bonne composition de coureurs pourrait aller au bout. Pour les favoris, il ne s’agira donc pas d’attendre au dernier moment, mais bien de se dévoiler au « bon » moment.
Une échappée royale dans le final n’est pas à exclure.
Beaucoup d’équipes nationales ont de belles cartes à jouer.
La météo s’annonce clémente, un temps variable, des vents assez légers et une température agréable (23 degrés).
Van Aert, la pancarte
Un archi-favori, Wout Van Aert, déjà 2e du chrono derrière le spécialiste Ganna dimanche dernier, ne laissant aucun doute sur sa condition physique actuelle.
Van Aert a cependant la pression: il joue à domicile, sur ses routes d’entrainement, et la Belgique attend avec impatience le successeur de Philippe Gilbert. Son équipe belge, puissante, capable de contrôler la course, est en principe à son service.
Les grands champions ont la capacité de se sublimer lors des grands événements dit-on. Wout, à toi de jouer!
Six équipes avec le poids de la course
Soit l’équipe de Belgique, des Pays-Bas, de la France, de la Slovénie, de l’Italie et du… Danemark.
Ces équipes partent toutes à huit coureurs, la France avec neuf même en raison d’Alaphilippe, le champion sortant.
Chez les Belges, Remco Evenepoel sera un beau joker derrière le leader Van Aert. Très en forme, souvent imprévisible, je demande à voir comment Van Aert et lui orchestreront leur collaboration. Je ne serais pas surpris que Remco devance Van Aert dans une échappée et tente ainsi sa chance.
Les Pays-Bas ont deux cartes à jouer: Mathieu Van Der Poel bien sûr, et Bauke Mollema.
Van Der Poel – Van Aert, un nouveau match!
Ces deux-là se tirent la bourre depuis qu’ils ont 12 ans, et gageons que l’un sera attentif à l’autre dimanche. Mathieu est cependant un peu plus dans l’incertitude au niveau de sa condition: comment son dos réagira-t-il après 240 kilomètres de course intense?
Et ce diable de Bauke Mollema, un coureur de l’automne, a une résistance peu commune et une bonne science de la course. Attention à lui… en attendant le Tour de Lombardie, sa course de prédilection (avec la Classica San Sebastian).
La France jouera Alaphilippe bien sûr, le champion sortant. Sa giclette dans les bosses (ca va gicler dans les bosses…) pourrait faire très mal dimanche. Récent vainqueur de la Primus Classic, Sénéchal est une belle carte à jouer aussi, le gars est solide sur les Classiques. Sans oublier Benoit Cosnefroy bien sûr, très, très fort ces dernières semaines. Un vrai joker pour l’équipe de France, et il disposera d’une certaine marge de manoeuvre dimanche.
Chez les Slovènes, la condition de Pogacar est en hausse, et tu dois te méfier d’un coureur qui a gagné le dernier Liège-Bastogne-Liège, de surcroit au sprint face à Alaf.
Récent vainqueur de la Vuelta, Roglic peut tout faire et nous a gardé dans l’inconnu depuis son sacre à St-Jacques de Compostelle.
Mohoric l’arrogant et fier sera probablement le premier slovène à se dévoiler dans le final dimanche. Dans une bonne échappée, il peut aller loin.
L’équipe italienne présente aussi de très bons coureurs susceptibles de jouer la gagne, en premier lieu Sonny Colbrelli, intenable en ce moment. Nous ramènera-t-il le maillot à pois et le maillot vert à Paris lors du prochain Tour de France?! En attendant, le récent champion d’Europe aura à coeur de refaire son numéro de Trente derrière Evenepoel, mais avec Van Aert cette fois.
Les Italiens ont aussi Nizzolo, Moscon et surtout Trentin au départ, de beaux jokers.
Les Danois ont… trois hommes en forme, de quoi y croire: Michael Valgren, récent vainqueur de la Coppa Sabatini et du Giro Della Toscana, Kasper Asgreen et Magnus Cort Nielsen. Normalement, chaque coup dans le final contiendra un coureur danois.
Au fait, méchante relève au sein du cyclisme danois: les nouveaux champions du monde U23 et juniors sont danois, Johan Price-Pejtersen et Gustav Wang, excusez-du-peu…
Les outsiders
Au moment d’écrire ces lignes, la liste finale des partants dimanche n’était pas encore disponible.
Mais on peut quand même élaborer un peu.
Un coureur à surveiller de près, c’est le Portugais Joao Almeida. Il était très fort sur le très récent Tour du Luxembourg, qu’il a gagné.
Comment ne pas compter parmi les outsiders l’Anglais Thomas Pidcock, un autre grand talent du cyclisme actuel, toujours prêt à répondre à ses « potes » de cyclo-cross que sont Mathieu et Wout?
Le Suisse Marc Hirschi a montré récemment des signes de grande forme.
Peter Sagan, je n’y crois pas.
Ni aux Espagnols, ni aux Polonais, ni aux Colombiens.
Michael Matthews, peut-être. Il est rapide au sprint et encaisse les longues courses.
L’équipe canadienne
Six coureurs au départ!
Les cartes Duchesne, Houle et Boivin sont excellentes. Houle et Boivin, en particulier, peuvent croire en leurs chances de participer au final de la course et partant de là, tout est possible pour un top-10.
Ben Perry est aussi au départ.
Pour les deux jeunes coureurs Zuko et Côté, le but sera probablement de se montrer. Il ne faut pas hésiter!
Suivre la course
Espérons que le live!channel de l’UCI sur YouTube fonctionnera mieux que lors des épreuves chrono de ces Championnats du monde.
Sinon, les plateformes habituelles. Évidemment, un petit plus pour la RTBF… pour l’ambiance, la saveur locale et… l’accent!
Jusqu’ici, l’anneau noir représentant le continent africain sur le maillot de champion du monde était plus pâle que les quatre autres… il était temps.
Le choix est logique, le Tour du Rwanda montant en puissance depuis plus d’une décennie maintenant. Le choix de l’Afrique sub-saharienne est excellent.
Pour les organisateurs de courses de vélos de gravelle du Canada et du Québec, c’est l’occasion de s’assurer que l’UCI pourrait adjoindre leur épreuve dans ce nouveau calendrier officiel…
Et ce n’est pas tout: l’UCI plancherait sur la même formule pour le… fat bike! (vélos à pneus surdimensionnés, surtout utilisés l’hiver sur neige).
Dans ce deuxième article (de deux – première partie ici) sur l’évolution du dopage sanguin dans le sport, Marc Kluszczynski nous entretient du probable Graal dans ce registre, celui de l’hémoglobine soluble dans le plasma et tirée de vers marins, ainsi que des possibles nouveaux développements plus récents.
Je remercie encore une fois Marc d’avoir permis cet éclairage sur les nouvelles techniques de dopage dans le sport, un dossier pertinent pour tout ceux qui, comme moi, s’interrogent actuellement sur certaines performances offertes en cyclisme professionnel. Sans mettre tout le monde dans le même panier bien sûr.
Où en est le dopage sanguin? par Marc Kluszczynski (partie 2)
Une autre origine possible des hémoglobines est apparue dès les années 2000. Des scientifiques ont alors réussi à extraire l’hémoglobine du ver de terre (Lumbricus terrestris). Cette hémoglobine était toutefois 50 fois plus grosse que l’hémoglobine humaine, donc peu intéressante pour le dopage.
Dès 2002, Franck Zal, biologiste à Morlaix, s’intéresse au ver des marées basses (Arenicola marina) creusant des sillons sur les plages de Bretagne. Comment ce ver arrive-t-il à survivre plusieurs heures sans pouvoir extraire l’oxygène de l’eau ? En 2008, il parvient enfin à extraire son hémoglobine. Mais ce sera une autre hémoglobine de ver qui sera découverte dans l’affaire Aderlass. C’est que plusieurs groupes pharmaceutiques avaient déjà profité des travaux du Dr Zal.
L’hémoglobine de l’Arenicola marina (M-101 ou Hemo2Life) possède des propriétés impressionnantes : elle n’est pas encapsulée dans un globule rouge et est donc soluble dans le plasma. Elle transporte 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine (156 atomes d’oxygène contre 4) grâce à sa structure en double hexagone et elle est 250 fois plus petite qu’un globule rouge. Elle est rigoureusement atoxique, n’est pas immunogène, ne provoque pas de vasoconstriction ni d’hypertension artérielle. Elle possède même des propriétés antioxydantes qui lui permettent de prolonger son activité. Lyophilisée en poudre, elle se conserve plusieurs années à température ambiante et s’administre en intraveineuse.
Le produit a une durée de vie courte (demi-vie : 2,5 jours) et disparaît totalement de l’organisme en cinq jours. Le test de détection, qui n’existe que pour M-101, n’est valable que quelques heures. Des microdoses ne seraient détectables qu’entre 4 et 24 heures après l’administration, voire pas du tout selon la quantité utilisée !
La recherche de nouveaux agents stimulants de l’érythropoïèse reste d’actualité
Le marché mondial du traitement de l’anémie est tellement juteux que les grandes firmes pharmaceutiques rivalisent d’imagination pour créer de nouvelles substances agissant sur l’érythropoïèse.
L’utilisation de l’EPO reste toutefois d’actualité : il existe encore vraisemblablement une bonne centaine de copies d’époétines non approuvées, ou encore de biosimilaires (qui différent de quelques sucres sur la chaîne glycosylée) et pour lesquelles on ne connaît pas la référence amenant à un test positif au contrôle. Leur emploi, on l’a dit, présente un risque de contrôle positif et n’est plus aussi généralisé qu’il y a vingt ou trente ans.
Si l’EPO agit au début de l’érythropoïèse (maturation des réticulocytes), une nouvelle classe d’agents stimulants de l’érythropoïèse agit à la fin en diminuant la prolifération des précurseurs érythroïdes : ce sont les protéines de fusion du récepteur à l’activine II. Elles sont représentées par le luspatercept (Reblozyl) administré en sous-cutané. Il est commercialisé dans le traitement de l’anémie lors de la bêta-thalassémie (malformation génétique de l’hémoglobine).
Des essais de phase II avant commercialisation sont menés actuellement avec le sotatercept (ACE-011) dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire. Ces produits sont encore indétectables. Le risque de thrombose, comme avec l’EPO, existe toutefois.
Comment ici ne pas repenser à certaines situations malheureuses étant survenues au début de l’utilisation de l’EPO? Cyclistes devant pédaler la nuit afin de limiter les risques d’accidents cardiaques, vague de décès parmi les cyclistes néerlandais en 1989 et 1990… À la vue de ces situations, la récente et mystérieuse vague de décès parmi les jeunes cyclistes belges et qui s’est arrêtée brutalement en 2018, fait peur.
(Note supplémentaire: Entre 2016 et 2018, sept jeunes coureurs belges sont décédés de problèmes cardiaques, sans pour autant que ces décès aient été attribués directement à une pratique interdite dans le sport. On sait seulement que ce nombre élevé de morts subites ne concorde pas avec les statistiques de morts subites d’origine cardiaque chez les jeunes sportifs (1 à 3 pour 30.000 tous sports confondus.)
Les inhibiteurs de l’HIF-1α-prolylhydroxylase (annoncés en 2006) ne font plus parler d’eux après le cas positif du marcheur français Bertrand Moulinet en 2015 (FG-4592 ou roxadustat). Ces produits, facilement détectables, inhibent la dégradation d’un facteur sécrété en cas d’hypoxie. L’organisme, berné, se met à fabriquer de l’EPO, le tout dans un parfait équilibre physiologique. Y en a-t-il de nouveaux ?
Les mimétiques de l’EPO (hématide d’Affymax, SEStide ou Hemomer d’Aplagen) avaient laissé entrevoir de gros espoirs quant à leur facilité d’utilisation ; sous forme de comprimés, conservés à température ambiante, le SEStide était déjà présent lors des mondiaux d’athlétisme de Berlin en 2019. L’hématide sera retiré de la vente en 2013 suite à des réactions d’hypersensibilité mortelle.
On peut aussi agir sur l’affinité de l’oxygène pour l’hémoglobine. Dans l’organisme, le 2,3-DPG (diphosphoglycérate) diminue cette affinité. L’oxygène se trouve ainsi relargué plus facilement vers les muscles. L’ITPP (Myo Inositol Trispyrophosphate), en délestant plus facilement que le 2,3-DPG l’oxygène de l’hémoglobine, favorise la sécrétion de l’EPO endogène dans des limites physiologiques. Un cas positif est survenu en hippisme en 2019 !
Des substances à surveiller dans l’avenir
Les plus fortunés et les plus malins ont possiblement accès à des substances en cours d’expérimentation.
GlaxoSmithKline (GSK) étudie la voie enzymatique des DYRK-3. Cette kinase se trouve dans les précurseurs des globules rouges et inhibe l’érythropoïèse. Les inhibiteurs du DYRK-3 (GSK 626616 en phase II) agiront donc en favorisant la production des globules rouges.
Le PBI 1402 (Pro Metic Biosciences Inc) en phase II imite le mode d’action de l’EPO au niveau des cellules souches sanguines, mais possède un mécanisme différent car il ne se lie pas au même récepteur membranaire. Ces deux molécules, actives par voie orale (en comprimé) sont encore en stade d’expérimentation.
En conclusion
La lutte antidopage, et l’AMA, qui doivent mettre au point les tests de détection et les valider, sont probablement actuellement dépassés par la multiplicité des approches structurelles des nouvelles substances agissant sur l’oxygénation musculaire.
La mise au point des tests de détection basée sur des méthodes classiques marque le pas, certains nouveaux produits nécessitant une méthode biotechnologique difficile à mettre au point et très onéreuse.
La lutte contre le dopage n’a jamais été facile.
Et on revient à deux choses, la volonté d’agir, et surtout l’argent, qui demeure plus que jamais le nerf de la guerre. Les budgets annuels des organismes de lutte antidopage sont dérisoires si on compare avec ceux investis ailleurs. Une seule journée en Afghanistan pour les États-Unis coutait deux fois le budget annuel de l’AMA (et ce pendant 20 ans) !
Le dopage a (hélas!) certainement encore de beaux jours devant lui.
D’étranges colis sur le dernier Tour. L’équipe Bahrain-Victorious perquisitionnée. Des watts en hausse, de retour aux niveaux de l’ère Armstrong.
Des vers marins. De l’hémoglobine. Du plasma, mieux que les globules rouges.
Forcément, je me pose des questions.
J’ai voulu faire le point sur le dopage sanguin, 30 ans après l’arrivée de l’EPO au coeur du peloton pro.
Qui de mieux pour cela que Marc Kluszczynski, un collaborateur fidèle de ce site depuis des années?
Marc a gentiment accepté de m’aider à y voir plus clair sur les nouvelles techniques probables de dopage sanguin. Je lui ai demandé de ne pas m’épargner sur les détails techniques.
Je le remercie chaudement pour sa contribution à ces pages.
L’idée n’est pas d’être négatif face au cyclisme professionnel. Beaucoup de coureurs pro font certainement leur métier dans le respect des règles. Non, ils ne sont pas tous dopés. Et ceux qui le sont, le sont très probablement à échelle variable. Comme dans tout, il y a le comprimé vite avalé en vue de l’arrivée, et la cadillac du dopage sanguin qui implique une lourde logistique sur des mois.
Je veux juste être un observateur éclairé du cyclisme. Être au fait des avancées scientifiques médicales qui peuvent sauver des vies, la création par exemple d’un sang artificiel étant à placer dans ce registre. Mais il y a des effets pervers. L’EPO par exemple a été notamment créée pour venir en aide aux patients cancéreux après les traitements de chimio: noble cause! mais le produit a été détourné pour être utilisé comme dopant.
Premier article d’un dossier en deux temps. Demain, la suite, avec le Graal du dopage sanguin.
Où en est le dopage sanguin? par Marc Kluszczynski
Trente ans après la première utilisation présumée de l’EPO aux mondiaux de ski nordique de Lahti (Finlande) en 1989, le dopage sanguin est-il entré dans une nouvelle ère après la découverte d’hémoglobine lyophilisée (en poudre) dans les mallettes du Dr Mark Schmidt aux mondiaux de Seefeld (Autriche), encore en ski nordique, en février 2019 ? L’affaire Aderlass était lancée.
Il faut dire que depuis dix ans, les progrès dans la détection de l’EPO sont bien réels et il est de plus en plus risqué de l’utiliser.
Détectable dès 2000, l’EPO est, depuis, de plus en plus employée en microdoses, décelables que quelques heures. Le passeport sanguin, adopté par la plupart des fédérations internationales (et par l’UCI dès 2008) rendra le dopage sanguin un peu plus difficile, mais encore possible pour des sportifs n’hésitant pas à s’adjoindre le savoir-faire de spécialistes, tel le plus connu d’entre eux, le Dr Michele Ferrari.
Au sein de l’arsenal « classique », il reste aussi actuellement les transfusions sanguines autologues, toujours indétectables depuis leur première utilisation dès 1970 par les coureurs à pied suédois, finlandais et certains cyclistes professionnels des nations dominantes. Ces transfusions ne seront interdites qu’après les JO de Los Angeles 1984, où les cyclistes américains les avaient utilisées.
Mais la clé aujourd’hui, c’est de pouvoir contourner le passeport sanguin qui se focalise sur les variations des constantes des globules rouges. Les globules rouges contiennent à l’intérieur de leur membrane l’hémoglobine, formée de quatre sous-structures qui, chacune, fixe une molécule d’oxygène grâce à son atome de fer. Il existe aussi une petite quantité d’oxygène dissoute dans le plasma, donc à l’extérieur du globule rouge.
L’idée n’est pas nouvelle : l’industrie pharmaceutique cherche depuis les années 2000 à fabriquer un sang artificiel pour pallier la pénurie des donneurs et aux risques de la transfusion (transmissions de virus).
Ce fait prend encore davantage d’importance en période de pandémie virale comme celle de la COVID-19.
Dans l’affaire Aderlass, le procureur en charge de l’affaire, Kai Graber, a parlé d’hémoglobines humaines fabriquées par le laboratoire Merck et sa filiale Sigma-Aldrich : les produits H 7379 et H 0267.
Il pourrait s’agir de sub-unités d’hémoglobine humaine (qui comporte 4 chaînes protéiques appelées globines). L’hémoglobine humaine réticulée (ou Diaspirin cross linked Hb de Baxter) avait d’ailleurs déjà été utilisée dès 1996 dans les sports d’endurance à la dose de 50 mg/kg. Du point de vue des tricheurs, sa demi-vie de 2 heures était intéressante, malgré des effets indésirables à base de troubles du rythme cardiaque et d’hypertension artérielle.
Les tricheurs avaient donc déjà compris l’intérêt d’une hémoglobine dissoute dans le plasma : déjouer le passeport biologique puisque cette hémoglobine dans le plasma ne peut pas se fixer à l’intérieur du globule rouge qui en contient déjà.
Ces hémoglobines se présentent sous forme de poudre lyophilisée. Leur conservation est de plusieurs années à température ambiante alors que celle d’une poche de sang est de 7 à 8 semaines à 4°C, sachant que 1% des globules rouges sont détruits chaque jour par hémolyse.
Ces hémoglobines en poudre se retransforment en hémoglobine fonctionnelle après injection. Les produits H 7379 et H 0267 existent depuis plusieurs années en tant que réactifs chimiques vendus par le laboratoire et ne sont pas très chers. On n’est pas étonné de leur utilisation (probable) dans le sport alors qu’aucune étude sur leur toxicité n’existe !
Il y a vraisemblablement d’autres hémoglobines humaines semi-synthétiques ou modifiées. Le fait de polymériser la molécule évite la formation de dimères néphrotoxiques. Polyheme, une autre hémoglobine humaine polymérisée, avait raté de peu sa commercialisation aux USA en 2009.
Le gros problème de la mise au point des hémoglobines humaines consiste à leur faire diminuer l’affinité pour l’oxygène, pour qu’elles le relarguent dans les tissus. Et à maîtriser l’effet vasoconstricteur qui peut provoquer des infarctus du myocarde. En les polymérisant, cet effet diminue un peu, mais le temps de demi-vie augmente, ce qui facilite leur détection dans les contrôles antidopage.
Une nouvelle hémoglobine recombinante humaine est-elle actuellement utilisée ? Pas impossible.
Des hémoglobines animales
Il existe aussi des hémoglobines animales (bovines).
Sigma-Aldrich propose la H 2500, toujours en tant que réactif de biologie. Lors du Tour de France 2003, le danois Michael Rasmussen et l’espagnol Jesus Manzano avaient utilisé l’Oxyglobin (HBOC-301 pour hemoglobin based oxygen carrier) mais avec quels risques pour la santé ! Avec ces produits, on a constaté une augmentation de la pression artérielle pulmonaire et une diminution du volume d’éjection systolique.
Avec l’Hemopure (HBOC-201), une hémoglobine bovine polymérisée encore vendue en Afrique du Sud, l’effet vasoconstricteur est moindre, mais il y a toujours cet effet d’augmentation des résistances à l’écoulement (synonyme de risque d’infarctus du myocarde ou de thrombose).
Si l’Oxyglobin a disparu dès 2004, les hémoglobines animales ont sûrement progressé depuis en terme d’efficacité et de bonne tolérance.
Lors du Tour de France 2021, des sources crédibles rapportent que des cyclistes de l’équipe Bahraïn Victorious devaient pédaler en pleine nuit sur home-trainer (ce fait explique la descente de police dans la nuit du 14 juillet) comme au temps de l’EPO surdosée. On peut donc soupçonner l’usage de ce type de substances, cette habitude qui ne trompe pas étant nécessaire pour vaincre les résistances à l’écoulement.
Un autre dopage : les perfluorocarbones
Ces substances formées d’atomes de carbone et de fluor sont toujours en développement et leur usage est toujours envisageable.
Certaines sont encore utilisées en médecine d’urgence dans les états de choc hypovolémiques, en cas de pénurie de don de sang (le Perftoran russe depuis 2005). Cette recherche intéresse bien sûr l’armée, tout comme celle sur les substituts HBOC.
Il est connu que Mauro Gianetti, directeur d’UAE Team Emirates, les avait utilisés sur le Tour de Romandie 1998. Atteint d’insuffisance rénale et hépatique, le suisse avait été envoyé aux urgences de l’hôpital de Lausanne.
Les PFC peuvent véhiculer l’oxygène dans les tissus et disparaissent en 48 heures de l’organisme. L’avantage dans la lutte contre le dopage, c’est qu’elles sont facilement détectables.
Oxygent a vu son développement stoppé en 2002 pour trop grand nombre d’infarctus en essais de phase III. Le dernier PFC, l’Oxycyte, a vu son développement arrêté en 2014. Il pouvait transporter 5 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, tout en étant constitué de particules 50 fois plus petites qu’un globule rouge. Le développement de ces PFC ne s’est vraisemblablement pas arrêté, bien que leur faible efficacité soit connue (à pression atmosphérique).
Le milieu sportif reste très probablement à l’affût, mais il existe une meilleure piste pour expliquer la domination de trois équipes sur le dernier Tour de France, le retour de sprinteurs aux premières loges dans les étapes de montagne, et les longs raids solitaires de coureurs dans certaines étapes de montagnes de grands Tours. Ca sera l’objet de l’article de demain, le Graal du dopage sanguin.
Ne manquez pas la course sur route des Mondiaux de cyclisme dimanche prochain, ca va être dantesque, surtout l’ambiance. La foule sur le bord de la route s’annonce dense et bruyante!
En bref, la passion du cyclisme, dans ce qui nous fait le plus vibrer. Et au bout, très certainement, un nouveau champion du monde de haut niveau.
2 – RTBF
Ca sera certainement la meilleure chaîne pour regarder la course dimanche prochain, avec la passion des commentateurs belges, qu’ils soient flamands ou wallons.
Déchaînés, les commentateurs belges! Et prenez conscience, vous-aussi, de votre pure potentialité…
3 – MVDP
Il sera au départ! Mathieu Van Der Poel a confirmé sa présence au sein de l’équipe des Pays-Bas, qui du coup se mettra à son service.
Entretemps, il doit courir sur le GP de Denain aujourd’hui, ultime préparation. Ca se jouera probablement entre lui et quelques sprinters, Demare par exemple qui doit racheter une saison en demi-teinte.
LA question: un MVDP à 85% dimanche prochain, ca vaut un Julian Alaphilippe ou un Tadej Pogacar à combien de pourcent?!
4 – 50,4 km/h
Soit la moyenne d’Ellen Van Dijk, nouvelle championne du monde du chrono hier.
Ouf!
Elle s’impose devant la suissesse Reusser et sa compatriote Van Vleuten.
Comme chez les hommes, ce fut très serré sur un parcours aussi roulant.
La Québécoise Karol-Ann Canuel termine à une très belle 13e place, ratant le top-10 d’une petite trentaine de secondes. 46,8 km/h de moyenne, respect. C’est solide ca. Elle était contente de sa sortie hier et ca, c’est vraiment important car elle part sans regret, en ayant donné le meilleur d’elle-même.
Leah Kirchmann a toutefois été la meilleure Canadienne, un petit 14 secondes devant Karol-Ann.
Cette dernière peut prendre sa retraite la tête haute, elle a acquis notre respect à tous, amateurs de cyclisme du Québec.
Leurs Pinarello Dogma F seront donc équipés de freins à disque Shimano.
100% du peloton WorldTour est donc désormais sur des freins à disque.
Je demeure non convaincu, après avoir vu Mathieu Van Der Poel perdre le Primus GP il y a quelques jours en raison d’une crevaison de la roue avant à 20 kms de l’arrivée et changée trop lentement en raison des disques.
Avec un frein à étrier traditionnel et un bon vieux déblocage rapide, MVDP serait reparti beaucoup, beaucoup plus vite et aurait eu ses chances de ré-intégrer le groupe de tête pour jouer la gagne.
Soit la prime de victoire pour Ganna sur le chrono.
Le nouveau champion du monde sur route dimanche prochain empochera la même somme.
On est loin des 500 000 euros pour une victoire sur le Tour de France, certes une épreuve de trois semaines.
Point positif, la parité hommes-femmes a été respectée. Enfin!
7 – 50 balais
Il ne fait plus partie de la Squadra Azzurra mais il est toujours présent au sein du peloton professionnel, à 50 ans bien sonnés: Davide Rebellin.
El Viejo Alejet n’est pas tout seul, il y a aussi Il Vecchia « Tintin » Rebellin!
Excellente entrevue avec ce coureur à la longévité hors norme. Davide parle notamment de ce qui a changé au sein du peloton pro depuis 30 ans, lui qui court aujourd’hui avec les fils d’anciens coéquipiers au début de sa carrière! Méthodes d’entrainement, nutrition, préparation physique spécifique, homogénéités des niveaux, parfois détresse psychologique et pression toute l’année, son avis est passionnant.