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Catégorie : Littérature Page 2 of 3

La grande imposture

La Flamme Rouge poursuit sa série, entamée il y a plusieurs semaines, de diffuser chaque mardi une analyse-critique d’un ouvrage de cyclisme publié en 2009. Cette semaine, au tour du livre "La grande imposture" qui présente un entretien sous forme de questions/réponses entre David Garcia, journaliste sportif et auteur du livre contreversé "La face cachée de L’Équipe", et Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport bien connu et auteur du très complet "Dictionnaire du dopage".

En un mot: j’ai aimé. Pourquoi ?

D’une part, parce que c’est un livre qui se lit facilement. Divisé en huit chapitres, ce livre de 200 pages est organisé en questions/réponses. On en lit quelques unes un soir, quelques autres le soir suivant, et ainsi de suite.  

D’autre part, et c’est le plus important, parce que ce livre nous permet d’accéder à l’avis d’un homme éclairé sur les questions de dopage et donc de nous instruire sur ces questions. Rappelons premièrement que Jean-Pierre de Mondenard fut médecin chargé des contrôles antidopage sur le Tour de France dans les années 1970 avant d’en être écarter par Félix Lévitan parce que, selon ce dernier, "il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire". C’est que M. de Mondenard avait eu la mauvaise idée de faire respecter le protocole antidopage et n’avait pas tardé à trouver des irrégularités, notamment concernant le coureur Gerben Karstens.  

Deuxièmement, illustrons par un exemple l’éclairage qu’apporte ce livre. Dans le chapitre intitulé "vrai cancer, faux miracle", le médecin de Mondenard explique que si le cancer des testicules de M. Armstrong était très sérieux (le cancer s’était métastasé) et qu’Armstrong a fait preuve de courage dans sa lutte contre cette maladie, il n’en demeure pas moins que ce cancer était le plus facile des cancers à guérir. Autrement dit, si vous devez choisir un cancer particulier parmi tous les cancers, choisissez le cancer des testicules (si vous êtes un homme bien sûr !!!), les chances d’y survivre sont supérieures à 90%.

Autre intérêt du livre, la franchise de Jean-Pierre de Mondenard, quelqu’un qui visiblement dit ce qu’il pense sans aucune langue de bois. Aucune complaisance donc, juste son avis directement formulé et reposant sur plus de 30 ans d’études et de publications reconnues sur le dopage sportif. C’est sans détour aucun que de Mondenard traite tour à tour, en autant de chapitres, de la "protection" par l’UCI dont a bénéficié M. Armstrong, de l’entourage médical de M. Armstrong, des produits suspects souvent retrouvés dans l’entourage de ses équipes, des complaisances de certains médias ainsi que des dessous de ses performances. Des sujets bien connus donc, mais sur lesquels M. de Mondenard jette un éclairage d’expert bien informé. 

Pour conclure, c’est un ouvrage qui s’adressera à un public déterminé à ne pas se voiler la face par rapport à Lance Armstrong et aux casseroles du cyclisme. Acheter ce livre, c’est à mon sens faire preuve de courage puisque si j’estime que, contrairement à M. Lévitan, toute vérité est bonne à dire, il n’en demeure pas moins que toute vérité n’est pas toujours facile à entendre. Et si on ne pourra jamais vraiment savoir s’il s’agit de LA vérité, l’indépendance, l’absence d’intérêt, la rigueur et le professionnalisme de Jean-Pierre de Mondenard lorsqu’il s’agit de traiter de dopage dans le sport est probablement notre meilleure garantie qu’on s’en approche au plus près.

Le brulôt Ducoin

Lance Armstrong. Il y a les pour, il y a les contre.

Pour Jean-Emmanuel Ducoin, c’est très clair: il est contre. Farouchement contre.

Le rédacteur en chef du journal français L’Humanité s’est manifestement fait plaisir dans son ouvrage intitulé "Lance Armstrong, l’abus!" publié cette année aux éditions Michel de Maule. Véritable brulôt, cet ouvrage est un coup de gueule tout personnel à l’encontre de ce qui ne va pas dans le cyclisme, du moins selon lui.

Divisé en 7 parties, le court ouvrage de 92 pages est bien écrit, dans un style vivant et direct. Ici la langue de bois, connaît pas ! C’est ainsi que dénonçant l’abus – le retour de Lance Armstrong dans le peloton – l’auteur n’épargne surtout pas les principaux acteurs du cyclisme, en premier lieu ceux qui oeuvrent au sein même des grandes instances dirigeantes du sport: l’UCI bien sûr, et ASO aussi. Même Eddy Merckx y passe, l’auteur écrivant à son sujet "Complice, le ci-devant Eddy Merckx, légendaire figure devenue pâle devant des enjeux qui le dépassent, présent à côté d’Armstrong lors d’une conférence de presse en septembre 2008. Le Cannibal (sic), plus ahuri que jamais, venu adouber la com’ du re-revenant. Mangé tout cru, le Belge. Largué. Lui qui, jadis, ne laissait que des morts sous ses roues, le voilà devenu bouffon d’un roi inventé pour les ménagères de plus de 50 ans branchées sur Discovery Channel." Un brulôt, vous dites  ? Le mot est faible…

L’auteur s’attache quand même à présenter certains faits troublants mais connus concernant Lance Armstrong, notamment ses casseroles dopage et les spéculations sur son poids de forme. L’auteur s’attarde aussi aux louvoiements récents d’Armstrong, notamment l’épisode avorté du fameux "programme anti-dopage le plus complet et le plus transparent de l’histoire du cyclisme" sous la direction de Don Catlin qui, devant les caprices et le manque de coopération de l’athlète américain, s’est enfui en courant, estimant que sa crédibilité scientifique était menacée à vouloir travailler avec pareil gigolo.

Pour le lecteur averti, le rappel de tous ces faits est un peu fastidieux, tout cela étant archi-connu. Dans ce contexte, le réel intérêt de ce livre réside dans l’opinion même de l’auteur, de même que dans ses réactions enflammées.

On pourra aussi reprocher à l’auteur la glorification de la vieille époque du Tour de France, glorification présente tout le long de l’ouvrage, d’ailleurs dédié à la mémoire de Jacques Anquetil. Anquetil lui-même n’a pas caché s’être dopé durant sa carrière, même si ce dopage n’était pas du même ordre que le dopage sanguin actuellement en cours. Autre époque, autres moeurs ? Pas tant que ca, M. Ducoin !

Quoi qu’il en soit, dans une époque où le politically correct domine, où la saine critique qui permet l’amélioration est souvent contestée par des gens de peu de jugement qui n’ont d’autres arguments que d’y voir, sans fondement bien sûr, une forme de négativisme, dans une époque ou le simplisme et la veulerie dominent à outrance, le regard et l’opinion acérée de Jean-Emmanuel Ducoin a le mérite de faire du bien. 

En ce sens, ce livre vaut la peine d’être lu comme on lit un éditorial dans un grand journal: afin d’éclairer et de nourir notre propre opinion.

Le Ventoux, sommet de la folie

Je me suis farci le livre Tour de France – Le Ventoux, sommet de la folie publié par L’Équipe cette année.

Un mot résume le livre: bof.

Des histoires archi-connues. Des photos archi-vues. Un texte accompagnateur court, pauvre, banal, dans la rectitude et la langue de bois, même lorsqu’il est question du décès de Tom Simpson sur lequel on apprendra rien de plus.

Le livre se divise en un peu plus d’une dizaine de sections, chacune d’elle étant titrée du nom des coureurs qui ont laissé leur marque sur le Géant de Provence: Lance Armstrong, Louison Bobet, Charly Gaul, Ferdi Kubler, Lucien Lazaridès, Eddy Merckx, Eros Poli, Raymond Poulidor, Jean-François Bernard, Jean Robic, Tom Simpson, Bernard Thévenet et… Richard Virenque.

Ce livre m’a donc beaucoup déçu. À ranger dans la catégorie "beaux livres" qui n’ont d’autres fonctions que de faire joli dans une bibliothèque du salon.

Seule section un peu intéressante, celle intitulée "Le Ventoux et les journalistes de L’Équipe" où on peut découvrir comment la montagne provencale a inspiré certains des plus célèbres journalistes cyclistes. On apprendra aussi, dans la section "Une folie bien ordonnée" quelques records démesurés du Ventoux, notamment ceux de Stéphane Rubio (11 ascensions en 24h à partir de Malaucène) et de Jean-Pascal Roux (11 ascensions en 24h à partir de Bédoin).

On dit que le vent fait partie de la légende du Ventoux. Les 111 pages de ce livre ont au moins ceci en commun avec le Ventoux : du vent, beaucoup de vent !

Brouillard sur l’Angliru – le défi des 3 grands tours en solitaire

P a s s i o n n a n t.

J’ai trouvé le livre de Guillaume PréboisBrouillard sur l’Angliru, tout simplement passionnant. Je l’ai dévoré en quelques jours seulement, incapable de poser très longtemps le récit.

Brouillard sur l’Angliru, c’est le récit, étapes par étapes, d’un défi hors du commun que le journaliste cycliste – c’est ainsi qu’il se définit – Guillaume Prébois s’est, en 2008, fixé: parcourir seul, à l’eau claire bien sûr, les trois grands tours de la saison (Giro, Tour et Vuelta) 24h avant les coureurs professionnels. Au menu donc, 10 500 kms répartis en 63 étapes couverts dans 3 pays différents, montagne, cols et clm inclus. Colossal.

Quiconque aura déjà parcouru plus de 200 bornes à vélo dans une journée appréciera l’ampleur du défi que s’était donné Guillaume Prébois. Relevé à plus de 30 km/h de moyenne sur les trois grands tours (excusez un peu !) et avec très peu d’assistance, c’est donc l’aventure d’un authentique exploit dont il est question dans ce livre.

Le livre se divise en une multitude de petits chapitres – une journée, une étape – qui nous fait donc vivre l’aventure au quotidien. Disposant d’évidentes qualités de rédaction ayant une formation en journalisme, l’auteur s’est également attaché à décrire le plus fidèlement possible son aventure telle qu’elle se déroulait, au moment où elle se déroulait. Chaque soir après l’étape, souvent très tard, l’auteur complétait donc sa journée par la rédaction de son journal, tâche qui s’ajoutait aux nombreuses autres dans sa journée de cycliste amateur : monter et descendre les bagages à la chambre, nettoyer son vélo, veiller à préparer son étape du lendemain, payer l’hôtel, manger, etc. Des journées de 17h à la pelle, évidemment sans massage, sans ré-équilibrage minéral, sans baignoire de récupération, sans bus tout confort… 

Plusieurs éléments peuvent être évoqués pour expliquer l’intérêt de ce livre pour nous, les pratiquants. D’une part, l’auteur lui-même est de grand intérêt, un auteur et cycliste pas différent de vous et moi. Prébois écrit même, dans son livre, "je ne recherche pas la notoriété et les projecteurs médiatiques ni l’aval du Système (ndlr:le milieu pro) mais la sympathie (au sens étymologique du terme, donc "souffrir avec") de ceux qui aiment le vélo déconnecté des intérêts financiers, le vélo sain et propre, que nous pratiquons, nous, les amateurs, nous qui achetons nos roues, nos cadres, nos pignons, nos patins de freins: nous qui faisons vivre l’industrie du cycle".

D’autre part, le fait que Prébois a réalisé son exploit dans les mêmes conditions que nous aurions eu, nous les pratiquants, dans la même situation contribue assurément à rapprocher l’auteur des lecteurs. Cette proximité dans la réalité quotidienne – la nôtre – fait en sorte que ce livre sait immédiatement nous rejoindre. Plus encore, on entre progressivement, au fil des 336 pages du bouquin, dans la psychologie de l’auteur puisque celui-ci a le mérite de nous faire découvrir ses réactions – souvent à chaud – face à l’adversité, les difficultés ayant été nombreuses au fil des longues étapes de son parcours unique. J’ai d’ailleurs l’impression, une fois ce livre terminé, d’avoir plus appris sur le mental nécessaire pour traverser les moments difficiles que dans le bouquin de Laurent Jalabert…

Enfin, Prébois a su me toucher avec son souci de transparence envers le dopage. L’UCI ayant accepté de l’inclure dans le système ADAMS et donc de le soumettre régulièrement à des contrôles inopinés, l’auteur affiche ses couleurs et n’hésite pas à publier à plusieurs reprises ses paramètres sanguins, nous permettant de mieux comprendre l’effet d’un grand tour – puis de trois !!! – sur le corps humain.

Bref, cet ouvrage m’a beaucoup plu. Ponctué de nombreuses photos, c’est le récit passionnant d’un sacré défi physique, mental et organisationnel. Le milieu pro – cyclistes des équipes ProTour mais aussi directeurs sportifs, membres des instances dirigeantes – n’ont pas apprécié de voir cet inconnu s’attaquer à l’eau claire à des courses appartenant à leur milieu, percevant ce journaliste-cycliste comme une menace. Prébois a eu la force de caractère de balayer toutes ces critiques du revers de la main, allant de l’avant avec son projet, pour notre bonheur à nous, les pratiquants. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Le "Trailer officiel" des 3 grands tours est disponible ici.

On se procure Brouillard sur l’Angliru en exclusivité sur le site web de Guillaume Prébois, au montant de 19,90 euros. Un bon investissement selon moi, et qui soutient un auteur qui nous prouve sa valeur hors de tout doute.

Je commenterai sous peu son premier livre, L’Autre Tour, récit de sa première aventure, celle du Tour de France 2007 parcouru là encore 24h avant les coureurs pro.

L’aventure s’est poursuivi pour Guillaume Prébois en 2009 puisque soutenu notamment par le journal français Le Monde, il a réalisé un autre exploit, celui de compléter le Tour du monde à vélo en 80 jours, soit 13 200 kms en 69 étapes. Un livre sur cette aventure sera prochainement publié.

À chacun son défi – Laurent Jalabert

Quelconque. C’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand je tente de résumer le récent livre de Laurent Jalabert (co-écrit avec Alain Billouin) intitulé "À chacun son défi". 

Je pense également que ce livre sera jugé de la sorte par tous les sportifs confirmés s’étant déjà donné un défi d’envergure, que ce soit la pratique de la compétition ou simplement terminer une cyclosportive, un marathon ou une autre épreuve d’endurance.

Ce livre sera enfin surtout quelconque pour les passionnés de cyclisme qui n’y trouveront rien d’intéressant portant sur la carrière ou les expériences vécues du champion cycliste Laurent Jalabert.

J’ai d’ailleurs toujours eu une relation ambigue avec Laurent Jalabert. J’ai aimé, tôt dans sa carrière, son franc-parlé : tout jeune, Jalabert n’avait pas hésité à fustiger l’Amstel, déclarant en parlant de son parcours souvent dangereux "je ne comprend pas".

Plus tard, j’ai moins aimé Laurent Jalabert à la Once, surtout en 1998 lors du Tour de France et de l’Affaire Festina. Son rapport à la lutte anti-dopage n’a jamais été très clair et ca m’a toujours beaucoup gêné, étant évident que sur ce sujet, il a clairement pris l’approche de la langue de bois.

À la fin de sa carrière, j’ai quelque peu redécouvert Laurent Jalabert, ce coureur généreux de ses efforts, surtout en montagne ou il n’a pas hésité, sur ses derniers Tours de France et dans un style renouvellé, à passer à l’attaque, à assurer le spectacle et à communier avec le public. D’une personnalité plutôt sympathique, ses commentaires à l’antenne de France Télévision où il officie comme consultant-course sont habituellement pertinents et/ou amusants.

Son récent livre est loin d’être une biographie (celle-ci a d’ailleurs déjà été publiée) et Laurent Jalabert a le mérite d’annoncer dès les premiers paragraphes la couleur: "Alors j’ai voulu que ce livre soit avant tout un témoignage, en même temps qu’un guide amical destiné à aider tous ceux qui, à un moment de leur existence, ont ressenti comme moi la nécessité ou simplement l’envie de se (re)construire, d’aller à la rencontre d’eux-mêmes, de repousser leurs limites." Le livre se divise en quatre grandes parties, 4 étant le chiffre chanceux de Jalabert : envie de liberté, retour aux sources, compétiteur et aventurier, tous en piste.

À mes yeux, la section "compétiteur et aventurier" est de loin la plus intéressante de tout le livre, Jalabert nous présentant, malheureusement souvent superficiellement, ses expériences dans plusieurs gros événements sportifs comme des marathons, des ironmans, ou encore la Diagonale des fous. Cette partie sera surtout intéressante pour les néophytes du sport qui voudraient se fixer un objectif, la narration – toujours sur une base très personnelle – de ses aventures pouvant paraître instructive, bien que Jalabert n’aille pas très loin dans la description des difficultés de ces épreuves, ni dans les détails de sa préparation. Pour ce faire, il faudra se référer à la section "tous en piste" ou Jalabert donne quelques conseils pratiques destinés aux marathoniens, aux triathlètes et aux cyclistes. Ces conseils demeurent toutefois très vagues, se résumant aux principes très généraux de l’entrainement et de la gestion d’une compétition.

Pour le sportif confirmé ayant déjà participé à des compétitions ou des épreuves de masse, le livre devient vite lassant car on n’y apprend rien. Laurent Jalabert livre ses témoignages personnels (parfois, c’est même sans intérêt) dans le style "sportif exalté trop nourri à la pensée positive". On retrouve souvent des phrases creuses, presque vides de sens. Exemple: "Il n’y a pas d’autres voies à suivre que celles de lutter, réagir, se reconstruire" ou encore "Après un coup dur, un arrêt, on peut toujours prendre un nouveau départ et revenir plus fort, en conquérant."

Sur une base personnelle, j’espérais que Laurent Jalabert nous permette de mieux comprendre, à la lumière de sa carrière cycliste, la façon dont il s’y prend pour passer au travers des moments difficiles et de doutes, que ce soit à l’entrainement ou lors des épreuves. J’aurais aimé pouvoir comprendre ce qui me distingue de lui dans mon approche des moments difficiles, en comprenant mieux comment il aborde ces moments. Après tout, n’a-t-il pas été un champion cycliste de premier plan ? N’a-t-il pas un mental, une approche pour gérer la souffrance, les doutes, les moments difficiles ? N’a-t-il pas une façon de se sublimer davantage que moi dans les moments difficiles d’une compétition et qui fait souvent la différence ? Son livre informe peu les pratiquants sur ces aspects.

Bref, "À chacun son défi" s’adresse avant tout aux non-sportifs qui, bien assis devant leur télé dans leur salon, murissent l’idée louable de commencer (ou recommencer) à bouger en se donnant un objectif ambitieux. La lecture de ce livre pourrait être l’étincelle qui les fera passer de l’intention aux gestes. Le livre de Jalabert n’est donc pas inutile en ce sens. Mais pour ceux qui encaissent déjà plusieurs heures d’entrainement par semaine et qui ont déjà vécu l’expérience de devoir "s’accrocher" lors d’une épreuve, je ne vois rien dans ce livre qui soit digne d’un grand intérêt, une fois passé le fait que son auteur s’appelle Laurent Jalabert.

Le sale Tour: un incontournable

La Flamme Rouge continue sa série d’analyses-critique d’ouvrages cyclistes ayant vu le jour au cours de la dernière année et vous présente Le sale Tour, des journalistes d’enquête Pierre Ballester et David Walsh, déjà auteurs de LA Confidential et de LA Official.

En un mot: c’est un incontournable. Quiconque veut simplement avoir une opinion éclairée des dessous du cyclisme ainsi que du retour de Lance Armstrong ne peut raisonnablement faire l’économie de la lecture de ce livre. Documenté, fouillé, truffé de témoignages – dont certains sont des dépositions sous serment – de dizaines de témoins, c’est une enquête sérieuse et objective que nous livrent là Ballester et Walsh, deux auteurs qui veulent manifestement savoir que la vérité, rien que la vérité. Rappelons que c’est le journalisme d’enquête, celui d’Alain Gravel, qui permis d’aller au fond de l’Affaire Jeanson. Le travail de Ballester et Walsh n’est pas différent et on ne trouve rien, dans les 239 pages du livre, nous permettant de remettre en question les intentions des auteurs ou le professionnalisme de leur travail.

L’ouvrage se divise en quatre grandes parties. La première propose un retour sur les nombreuses casseroles que traine Lance Armstrong face au dopage. Si plusieurs faits sont présentés (contrôle positif aux corticoides lors du Tour 1999, procès Simeoni, dossier L’Équipe de 2005, etc.), les auteurs contextualisent avec succès ces histoires en relatant les témoignages, certains sous serment, de divers acteurs très proches du coureur américain. Par exemple, voici un extrait d’un échange entre les ex-US Postal Jonathan Vaughters (JV) et Frankie Andreu (FA) au lendemain de la 4e victoire d’Armstrong sur le Tour:

JV: Je pourrais même te dire comment Lance a dupé son monde.

FA: Et comment George Hincapie faisait pour monter les cols en tête devant tout le peloton?

JV: De la manière dont me l’a raconté Floyd, je connais la méthode.

FA: Vas-y explique. Quand en as-tu parlé avec Floyd ?

JV: Je ne sais plus. C’est compliqué maintenant d’éviter tous les contrôles – ca n’a rien à voir avec une nouvelle substance, mais avec la manière planifiée de procéder. C’est pour ça qu’ils se sont tous plantés lors de la neuvième étape – ils n’ont pas été réalimentés – puis lors de la journée de repos, boum, 800 millilitres de cellules bien denses.

FA: Ils ont maitrisé le processus, bien joué.

JV: Ils ont retiré le sang juste après le Dauphiné.

FA: Comment se débrouillent-ils pour passer à travers, ou pour le garder ? Je suis sûr que ce n’est pas dans le frigo du camion.

JV: Une moto. Des glacières réfrigérées les jours de repos. Floyd a une photo du truc.

FA: Dingue. Le procédé est monté d’un cran.

JV: Oui, c’est compliqué mais avec de l’argent, tu peux le faire.

Ce chapitre a également l’avantage de nous faire comprendre la stratégie en 3 temps mise de l’avant par Lance Armstrong pour limiter les dégâts. Son premier rempart est l’intimidation des témoins ; ce fut tenté sur Greg Handerson, sur Greg LeMond aussi. Le second rempart est l’achat pur et simple du silence. Armstrong aurait ainsi, de témoins sûrs, fait parvenir un chèque de 500 000$ à Hein Verbruggen pour que l’AUT nécessaire à la neutralisation de son contrôle positif aux corticoides lors du Tour 1999 passe comme une lettre à la poste. Le silence de nombreux autres témoins a également été acheté de la sorte. Dernier rempart lorsque tout le reste a échoué et que procès a lieu, comme celui l’ayant opposé à la société d’assurance SCA Promotions, la négation ou l’oubli. Certains extraits de dépositions de Lance Armstrong et relatées dans le livre sont carrément loufoques, Armstrong n’ayant pour seule défense devant le juge que les mots "je ne me souviens plus" ou "je ne sais pas". Cette approche est par ailleurs bien connue et a été employée avec beaucoup de succès lors de la commission Gomery, au Canada, dans le dossier du scandale des commandites !

La seconde partie du livre est consacrée aux récents dessous du cyclisme, dessous qui permettent de bien comprendre dans quel contexte s’inscrit le retour de Lance Armstrong. Relatant la séquence d’événements partant du décès du pdg du groupe Amaury en 2006 – le point de départ – jusqu’à la nouvelle lune de miel ASO-UCI – le point d’arrivée – les auteurs nous montrent dans quelle mesure le récent virage à 180 degrés dans les relations UCI-ASO ne tient en rien du hasard et émane plutôt de nouveaux acteurs chez ASO et de l’éviction de d’autres (Patrice Clerc, Pierre Bordry, Dick Pound, etc.). Ce sont ces nouveaux acteurs qui sont responsables d’un changement radical de cap envers la lutte contre le dopage, les scandales qui y sont associés pouvant nuire au chiffre d’affaire du groupe de presse français…

Ballester et Walsh y présentent également plusieurs éléments très troublants à propos des vraies raisons pour lesquelles l’UCI a cherché à tout prix à reprendre le contrôle de la lutte contre le dopage lors des épreuves cyclistes, contrôle momentanément cédé à l’AFLD en 2008 sur le Tour. Beaucoup d’éléments troublants également quant à l’influence toujours immense sinon totale d’Hein Verbruggen sur l’UCI et quant à l’entrée de ce dernier au capital d’ASO via une filiale appelée ASO International.

Le livre se termine enfin sur les entreprises de Lance Armstrong, surtout LiveStrong.com, une société à but lucratif lancée par la compagnie Demand Media Inc. au sein de laquelle Lance Armstrong lui-même détiendrait des parts de capital. LiveStrong.net, quant à elle, est toujours aujourd’hui faiblement classée sur divers sites américains de surveillance des sociétés caritatives, estimant à faible l’efficacité opérationnelle de la fondation. Là encore, les témoignages sont éloquents.

Le livre se termine par un entretien avec Dick Pound qui revient sur son mandat à l’AMA et surtout sur les tractations de l’UCI pour l’empêcher – avec succès – de se faire élire à la tête du Conseil international d’arbitrage du sport (CIAS).

Bref, si savoir de quoi vous parlez lorsque vous évoquez Lance Armstrong, sa fondation ou encore ses succès sportifs ou d’homme public vous intéresse, vous ne pouvez raisonnablement pas faire l’économie de la lecture de ce livre. Vous trouverez dans Le sale Tour un livre crédible, sérieux, transparent, les noms ou les sources des témoignages étant soigneusement répertoriés dans l’ouvrage. Comme le dit Gabriel Béland dans son petit compte-rendu du livre, "Mais les preuves sont là, Le sale Tour les amasse, nous les mets sous le nez, et de la magie, il ne reste rien".  

Laurent Fignon: une biographie remarquable

Toujours soucieux de m’instruire au maximum, je me suis lancé, depuis 2 mois, dans un marathon de lecture d’ouvrages récents dans le cyclisme. Au cours des prochaines semaines, La Flamme Rouge diffusera donc des analyses-critiques de plusieurs bouquins récents sur le cyclisme, notamment Lance Armstrong L’Abus (Jean-Emmanuel Ducoin), Le sale Tour (Walsh et Ballester), La grande imposture (De Mondenard), À chacun son défi (L. Jalabert) ainsi que Le Ventoux sommet de la folie.

On commence aujourd’hui par une petite analyse d’un livre que j’ai trouvé personnellement remarquable, celui de Laurent Fignon intitulé "Nous étions jeunes et insouciants".

Peut-être est-ce parce que c’est en partie grâce à Laurent Fignon que j’ai découvert ma passion pour le cyclisme ; c’était sur le Tour 1983, j’étais cet été là en France, en Savoie, et je ne revais que de faire pareil que cet autre type à lunette qui portait également le même prénom que moi ainsi qu’un maillot absolument magnifique, le maillot jaune.

Comble de bonheur, il remettait ca l’année suivante, comme touché par la grâce. Son vélo Gitane exempt de cables de freins au guidon – une révolution pour l’époque (voir photo) – me faisait littéralement rêver, tout comme son aisance sur le vélo. J’ai donc fidèlement suivi sa carrière, non sans parfois avoir été déchiré en raison de mon autre héros de jeunesse, Greg LeMond, nord-américain comme moi.

Avec son livre biographique, Laurent Fignon permet aux passionnés de cyclisme de reconstituer le puzzle de sa carrière, nous livrant les éléments qui nous manquait pour comprendre de façon organisée et logique les différentes périodes qu’il a traversé durant ses années de professionnalisme. C’est ainsi que son livre nous permet par exemple de comprendre en détail la relation qu’il aura entretenu avec Bernard Hinault, son premier leader, une relation admirative et teintée d’un grand respect à l’égard du champion breton. 

L’ouvrage nous permet également de comprendre toute l’inovation dont il a su faire preuve dans la constitution de l’équipe Système U, créant la première société de management – Maxi Sports Promotion – ce modèle étant désormais celui de presque toutes les équipes ProTour actuelles.

Fignon parle également à coeur ouvert de son divorce avec Guimard et donne l’impression d’en vouloir encore beaucoup à son ex-directeur sportif. Alors retraité, il relate également son épisode à la tête de la course Paris-Nice et les tractations pas toujours très fair-play qu’ASO aura déployé pour lui ravir la course.

Mais c’est probablement les derniers chapitres de son livre qui sont les plus poignants, Fignon racontant sa difficile fin de carrière, ayant perdu tous ses repères notamment en raison de l’avènement d’une ère nouvelle, celle du dopage sanguin. S’il aura avoué, plus tôt dans l’ouvrage, avoir eu recours à quelques produits interdits – cortisone essentiellement – il oppose un ferme démenti à l’usage de dopage sanguin, n’ayant jamais voulu franchir cette frontière même sous de fortes sollicitations de son équipe italienne Gatorade. Traduisant une intelligence supérieure à la normale des cyclistes professionnels (n’était-il pas surnommé, à une époque, "le professeur" ?), il écrit de façon remarquable les tous derniers moments de sa carrière: "Le lendemain, vers Isola 2000, nous avons escaladé l’Izoard, puis le col de la Bonette, toit du Tour. J’ai un souvenir très précis. Je suis resté le dernier dans toute l’ascension. Volontairement. Les mains en haut du guidon, j’ai pleinement apprécié. Je respirais bien fort ces derniers temps d’éternité cycliste: les miens. L’instant ne devait pas m’être volé. Monter au dessus de 2700 mètres dans ces circonstances avait de quoi me redonner des raisons d’apprécier, pendant quelques longues minutes d’évasion mentale, tout ce que j’avais désormais vécu sur un vélo. Un fractionné poétique. Un fragment de moi-même. Respiré et assumé. À ma cadence. Rien qu’en harmonie. J’appuyais sur les pédales en toute légèreté, regardant le paysage de loin en loin, mesurant chaque seconde comme l’entraperçu d’un temps enfui, voyant dans cet horizon de cimes et de bleu du ciel un univers nouveau à défricher et une manière inédite d’entrevoir l’avenir. Le cyclisme continuerait sans moi. La vie continuerait avec moi. Avais-je seulement à me plaindre?"

Pour avoir lu plusieurs biographies qui trônent aujourd’hui dans ma bibliothèque cycliste (Bernard Hinault, Greg LeMond, Richard Virenque, Pascal Richard, Thierry Bourguignon, Lance Armstrong, Philippe Gaumont, Gilbert Duclos-Lassalle), celle de Laurent Fignon est de loin la meilleure, la plus poignante, la plus sincère, la plus fidèle aussi à ce qu’était Laurent Fignon le cycliste, c’est-à-dire un coureur au franc parlé, jamais hypocrite, jamais insignifiant. Ceux qui ont connu le cyclisme des années 1980 adoreront à coup sûr se replonger dans l’ambiance des grandes courses de l’époque, dont plusieurs ont aujourd’hui disparu (GP des Nations, Trophée Baracchi, etc.). Pour les plus jeunes, voilà l’unique occasion de découvrir un champion authentique grâce à un livre très bien écrit, jamais ennuyeux et qui nous plonge dans un autre cyclisme que celui d’aujourd’hui, un cyclisme fait de courses usantes et longues ainsi que d’hommes qui évoluaient dans un univers encore proche du nôtre.

Le mot de la fin revient à M. Fignon et témoigne de l’adéquation entre le livre et la personnalité unique du cycliste et de l’homme qui, aujourd’hui, demeure passionnant de sincérité au micro de France Télévision lorsqu’il commente les grandes courses du calendrier : "Du début à la fin, qu’on m’ait aimé ou non, qu’on ait été impressionné par mes exploits ou non, qu’on ait vu ou refusé de voir en moi un champion d’exception, je suis resté Laurent Fignon. Rien que Laurent Fignon. Moi et rien d’autre en somme. Ni un fantasme ni une transposition. Juste un homme qui fit tout ce qu’il put pour se frayer un chemin vers la dignité et l’émancipation. Être un homme."

Livres de l’été: Armstrong sur tous les fronts

Attention, ca va chauffer dans les prochaines semaines. Pourquoi ?

Parce que pas moins de 3 livres vont prochainement être publiés concernant Lance Armstrong. Trois livres choc, trois livres dénonçant les dérives du champion américain ou, du moins, rappelant ses casseroles ou son "système".

Mais ce n’est pas tout: Lance a tout prévu et contre-attaquera avec lui aussi la publication d’un livre, intitulé tout simplement "Lance". On affirme qu’il y réglera ses comptes avec un peu tout le monde.

Bref, ca va chauffer dans la presse.

La Flamme Rouge n’a évidemment pas pu lire tous ces ouvrages. Je me contente de vous les présenter ce soir, en attendant de pouvoir les commenter plus en détails. Je vous donne aussi mon avis sur cette nouvelle guerre médiatique, à quelques semaines du départ du Tour de France 2009.

Premièrement, du côté des auteurs de LA Confidential et LA Official, Pierre Ballester et David Walsh, on s’apprête à publier demain le 4 juin un ouvrage intitulé "Le sale Tour" (éditions du Seuil). Dans ce livre, les auteurs approndissent ce qu’ils appelent le "système Armstrong", cette machine à fric (selon eux) qu’est devenu à la fois le coureur américain mais aussi sa fondation luttant contre le cancer. Pour preuve, ce passage de Livestrong.org (site à but non-lucratif) à Livestrong.com (site à but lucratif, fait pour enrichir Lance en premier lieu) ainsi que ses conférences à 200,000$, cachet allant directement dans ses poches. On sait aussi que Lance monaye à prix fort sa participation sur les courses cette année. On n’ose imaginer le cachet demandé pour courir le richissime Tour du Qatar en janvier prochain !

Pour en savoir plus sur ce nouveau livre annoncé, trois excellents reportages ici, ici et ici (avec extraits vidéo d’une entrevue avec Ballester).

Deuxième bouquin à être prochainement publié, Lance Armstrong L’abus ! du rédacteur en chef de l’Humanité, Jean-Emmanuel Ducoin. Livre coup de poing, truffé d’opinions personnelles, l’auteur se lâche contre Lance Armstrong, estimant que son retour à la compétition est davantage motivé par l’appât du gain que par un réel intérêt pour le sport. Comment en effet ne pas douter des réelles intentions de Lance Armstrong, lui qui traine de sacrés casseroles derrière lui et qui refuse obstinément de répondre aux vraies questions, voire d’autoriser des tests rétroactifs susceptibles de le disculper ? Pour Ducoin, Armstrong est le "néant de la route", une formule originale et évidemment à mettre en lien avec la célèbre expression des "géants de la route".

Enfin, le troisième bouquin est du grand spécialiste du dopage Jean-Pierre de Mondenard, un type pour lequel j’ai le plus grand respect par ailleurs. Dans ce bouquin intitulé "La grande imposture", Mondenard revient sur l’enquête de L’Équipe publiée en 2005 et prouvant hors de tout doute que sept échantillons urinaires de Lance Armstrong prélevés lors du Tour 1999 étaient bel et bien positifs à l’EPO. Mondenard se demande, dans ce contexte, comment le Tour de France peut bien l’admettre au départ cette année… Il propose également des explications à une situation qui ne manque pas de m’intriguer moi-aussi depuis fort longtemps, le fait que Lance Armstrong soit à peu près le seul vainqueur d’un grand tour entre 1996 et 2005 à ne jamais s’être fait piquer par un contrôle positif. Pour Mondenard, c’est clair, Lance Armstrong est protégé par les instances du cyclisme, l’UCI en premier lieu, ces derniers étant motivés par la protection du marché américain, un marché crucial pour le développement commercial et sportif du cyclisme et laissé en pleine construction à la retraite de Greg LeMond.

Enfin, dans son prochain livre intitulé "Lance", on annonce qu’Armstrong règlera ses comptes et dévoilera également une partie de ses recettes d’entrainement qui ont fait de lui l’homme à battre sur le Tour de France depuis une décennie. Attendons donc d’en apprendre plus sur cet entrainement miraculeux. L’ouvrage, co-écrit par le journaliste cycliste britannique bien connu John Wilcockson, sera disponible en librairie le 29 juin prochain, quelques jours avant le départ du Tour de France.

Mon avis dans tout ca ?

D’une part, le timing: ce n’est pas innocent que tous ces livres soient publiés quelques semaines voire quelques jours avant le départ du Tour à Monaco. Si Lance Armstrong veut faire de l’argent avec son retour (un jet privé, ca coûte cher…), les éditeurs de livres aussi. Dans ce contexte, je pense qu’il ne faut pas soupçonner les auteurs de ces bouquins de vouloir profiter d’un certain timing, mais plutôt y voir la responsabilité des éditeurs, qui sont des maisons commerciales après tout.

D’autre part, le livre présentant pour moi le plus d’intérêt me semble être de très loin le livre de Mondenard, qui a le mérite de poser les bonnes questions. Le livre de Ballester et Walsh dénonce un système qu’on connait déjà bien, pour peu qu’on s’intéresse au cyclisme. Armstrong est revenu dans le vélo pour se faire plaisir, parce qu’il aime être adulé du public et qu’il aime "tripper" avec ses boys, ainsi que pour faire du fric. Son retour n’aide en rien sa fondation, il y avait mille autre chose à faire que de remonter sur un vélo pour lever des fonds contre le cancer. Enfin, le livre de Ducoin m’apparaît être un livre davantage axé sur des opinions personnelles. C’est un avis, mais un avis personnel.

Le fin mot de l’histoire dans tout ca ? Toujours la même chose: on peut admirer selon moi Lance Armstrong pour une chose, son mental à toute épreuve: motivation, détermination, grinta, sont ses maitres-mots. Ceci étant dit, Lance Armstrong s’est dopé, le dossier de L’Équipe l’a démontré. C’est un tricheur, voire un tricheur pire que beaucoup d’autres qui ont eu le courage d’avouer. Lance Armstrong n’avouera probablement jamais, une autre preuve d’un mental à toute épreuve. Ce n’est pas quelques livres de plus qui me feront changer d’avis sur le coureur texan, même si je lirai ces livres et les commenterai plus en détails un peu plus tard sur ce site.

À ne pas manquer, cette excellente présentation de ces livres par nos confrères de Cyclismag.

Tome 2 des Fondamentaux du cyclisme

La Flamme Rouge avait déjà consacré un article, élogieux d’ailleurs, au livre "Les fondamentaux du cyclisme" publié aux éditions Amphora en avril 2003 et écrit par l’excellent Christian Vaast qui est conseiller technique et entraineur à la Chérizienne – Ville de Chauny et qui fait partie de l’équipe technique régionale de Picardie à la Fédération Française de Cyclisme (FFC).

Nouveau bonheur: je suis tombé, presque par hasard durant mon récent séjour en France, sur le tome 2 de la série, tout juste publié (novembre 2008) aux éditions Amphora.

Le tome 1 m’avait beaucoup plu, le tome 2 ne m’a pas déçu. C’est un ouvrage de référence lui-aussi.

Consacré au thème "Programmer et gérer son entrainement", le tome 2 propose aux lecteurs de décortiquer en détail les secrets d’un bon programme d’entrainement. On compte essentiellement 6 grandes parties au livre long de 529 pages et divisé en 25 chapitres: après une introduction (partie I), l’auteur aborde la physiologie de l’effort en deuxième partie, puis la force et la vélocité (3e partie), les séances d’entrainement (4e partie), l’élaboration du plan d’entrainement (5e partie) et enfin l’entrainement adapté pour l’enfant et le jeune (6e partie). Cette dernière partie fait donc l’objet d’un sujet rarement traité en cyclisme, celui de l’élaboration d’un programme d’entrainement pour des enfants et des jeunes encore en croissance. Le sujet ne manque à mon avis pas d’intérêt pour tous les entraineurs professionnels qui voudront veiller à ne pas "cramer" leurs jeunes coureurs en développement. Et puis, il est si rare que ce sujet soit abordé dans de tels ouvrages!

La principale qualité de ce tome 2 est la même que celle retrouvée au tome 1: l’excellente vulgarisation dont fait usage l’auteur qui a le don d’expliquer des concepts parfois difficiles de façon simple, permettant aux pratiquants que nous sommes de rapidement comprendre ce dont il est question et donc d’appliquer concrètement les principes étalés dans le livre à notre entrainement. On y retrouve selon moi une foule d’informations très intéressantes, notamment ce tableau faisant le lien entre puissance et fréquence cardiaque, tout le monde ne pouvant pas se payer des appareils de mesure de la puissance comme les SRM ou les Powertaps. 

Les lecteurs y retrouveront également de nombreuses pages consacrées à l’entrainement sur home-trainer, avec certaines séances type. Là encore, le livre traduit un auteur à la fine pointe des méthodes d’entrainement actuelles et soucieux de l’intérêt du pratiquant. 

Sur une note plus personnelle, j’ai particulièrement aimé le chapitre 16 consacré au thème "évaluer sa condition". L’auteur propose une foule de méthodes, parfois quantitatives, parfois qualitatives, pour estimer précisement son niveau de condition physique et donc mesurer les progrès accomplis d’une fois à l’autre. Très intéressant, et certains tests peuvent être fait en pratiquant d’autres sports, notamment la course à pied (footing).  

Enfin, on trouvera en annexe du livre des sections qui ne manquent pas d’originalité, notamment celle sur "l’école soviétique" qui présente les principes de base de l’entrainement de cette école, ainsi qu’une section étoffée sur les jeux d’adresse pouvant être mis en application dans le cadre d’une école de cyclisme. Seule la section sur "l’enfer du dopage" m’a semblé moins étoffée en comparaison à ce qu’on peut retrouver dans d’autres ouvrages, mais cela n’était pas l’objet de ce livre.

Bref, les Fondamentaux du cyclisme, Tome 2 est un ouvrage fort recommandable pour tous les pratiquants et entraineurs en cyclisme. Il deviendra assurément un ouvrage de référence dans le domaine et pour à peine 30 euros (50 dollars), il s’agit à mon sens d’un sacré bon investissement.

La perle Tronchet

"Des sacoches sur un vélo, c’est faire sombrer l’image de Zorro sur son fringant coursier vers celle du petit pépé qui rapporte ses bouteilles consignées. (….) les sacoches sur un vélo, c’est comme les capuches des anoraks. C’est vrai, c’est pratique, mais faut pas les mettre. Parce que, comme je savais si bien l’exprimer à l’époque par des formules lumineuses qui ne s’embarassaient pas de justifications et ramassaient au plus juste le sentiment général, ‘ca fait con’".

Cet extrait qui m’a bien fait rire est tiré du remarquable petit livre de Didier Tronchet et intitulé "Petit traité de vélosophie – Réinventer la ville à vélo". Selon Tronchet, la vélosophie est "l’"ensemble des idées, intuitions et sensations nées sur un vélo". À noter que l’auteur a signé deux traités de vélopophie, l’autre étant intitulé "Le monde vu de ma selle" que je n’ai pas encore lu.

Dans "Réinventer la ville à vélo", Didier Tronchet s’attaque à l’épineuse question de la coexistence urbaine des vélos et des autos. Au moyen d’une foule de petits sujets traités de façon "récits d’expériences personnelles", l’auteur nous vante, de façon humoristique et parfois même poétique, les bienfaits et les avantages du vélo utilisé pour les déplacements en ville. On y retrouvera ainsi les idées, les intuitions et les sensations de l’auteur quant au froid, à la pluie, aux crevaisons, aux accidents, aux feux rouges, aux bosses (celles de Paris, surtout du côté de Montmartre) et une foule d’autres sujets, tous approchés sous l’angle de celui qui roule en vélo bien sûr. Évidemment, l’auteur ne manque pas une occasion pour conspuer avec beaucoup d’humour et de verve l’auto et l’automobiliste, tous deux ennemis jurés du cycliste urbain qui aspire à se déplacer en sécurité et quiétude dans la jungle des villes. 

Bref, s’il est loin du cyclisme de compétition et de l’univers du Tour de France, ce petit livre est un réel bonheur pour tous les passionnés de cyclisme. Admirablement bien écrit et original, ce livre se dévore en quelques heures (157 pages). L’auteur a défintivement le don de nous faire rire par des formules et réflexions hors du commun, toutes pleines de mauvaise foi et d’humour à l’encontre de l’automobile. Et à coup sûr, vous retrouverez dans ce livre des situations que vous avez déjà vécues dans vos relations avec l’automobile !

Pour quelques euros, un sacré bon petit livre qui vous fera passer de très belles heures !

Forcenés

Quelques récents échanges entre des lecteurs de ce site m’ont rappelé que j’avais promis une critique du magnifique livre de Philippe Bordas et intitulé Forcenés (publié aux éditions Fayard en 2008).

Philippe Bordas fut chroniqueur cycliste pour le journal L’Équipe de 1984 à 1989. Photographe dès ses premières heures, il a remporté plusieurs prix de photos pour différents albums et s’est fait connaître notamment parce qu’il est le photographe de MC Solaar, le populaire rappeur français.  Avec Forcenés, il signe son premier roman et c’est probablement tout naturellement qu’il a choisi comme sujet le cyclisme, ce sport qu’il connaît forcément assez bien.

Forcenés est d’abord et avant tout un roman. Ceux qui espèrent y trouver une biographie fidèle des forçats de la route ou des flahutes seront décus: Bordas livre plutôt un "testament amoureux" du cyclisme, mais pas n’importe quel cyclisme: celui d’avant les années 1960, le seul vraiment digne, selon Bordas, de passion voire de vénération.

Le livre est organisé en une quarantaine de petits chapitres, certains portant sur des légendes du cyclisme (Anquetil, Roger De Vlaeminck, Coppi ou encore Le Grand Fusil par exemple), d’autres portant sur une foule de sujets dont le but est visiblement de traiter de tout ce qui entourait le Grand Cyclisme, celui d’autrefois, question de donner aux lecteurs une idée de l’ambiance du cyclisme à l’époque.

On peut lire, par exemple, un chapitre intitulé "Bruits" et qui nous permet de mieux saisir ce que pouvait être l’ambiance des courses d’autrefois, ambiance ici perçue par les bruits, bruits d’un peloton la nuit, bruits des routes de montagne, bruits des chutes, bruits des dérailleurs, bruits de la crevaison, bruits de la foule, bruits du vent dans les oreilles. Chaque bruit est mis en scène avec une prose souvent élégante, intelligente et poétique. Un autre chapitre, intitulé "Trompe-la-mort" m’a beaucoup plu, donnant une idée du genre d’hommes que le cyclisme naguère pouvait attirer…

Bref, le livre de Bordas est un poème d’amour au cyclisme d’autrefois. Lorsqu’il traite du cyclisme d’aujourd’hui, ce sera souvent pour le critiquer assez sévèrement, estimant parfois avec raison qu’on a vidé le cyclisme de sa substance, de ce qui faisait la légende du vélo. Je suis personnellement assez d’accord avec lui, les oreillettes par exemple ayant tué l’art de la course, cet art qui a fait la légende de certains cyclistes d’autrefois qui savaient trouver "au feeling" le bon moment pour attaquer. Marco Pantani aura probablement été, selon moi, le dernier des Mohicans à ce chapitre, refusant un cyclisme calculateur et n’hésitant pas à annoncer la couleur et à partir de loin question de jouer à "quitte ou double".

Il y a toutefois un "mais" au livre de Bordas: le style. J’avertis tout le monde: ce livre n’est pas facile à lire, loin s’en faut. Ayant étudié la littérature classique à un niveau avancé, j’ai parfois eu du mal à comprendre le sens de la prose de Bordas tant le style est hermétique voire verbeux. Ca agace d’ailleurs: on a parfois l’impression que Bordas a voulu étaler une certaine érudition dans son ouvrage, multipliant les tournures de phrases complexes, les allusions fermées, les mots peu usuels voire inconnus de la langue française.

Plus encore, on a eu l’impression par moment que Bordas a voulu s’inscrire en digne successeur d’Antoine Blondin, l’as des as de la prose cycliste. Malgré une érudition absolument titanesque, Blondin employait le juste mot, sans fioriture, sans excès, permettant à tous de le comprendre. Bordas, lui, verse dans l’excès et, du coup, s’éloigne d’une grande partie de ses lecteurs qui, à force, se lassent. Exemple tiré du chapitre sur Freddy Maertens: "De bourg en bourg, n’espérant pas viande mais soupe et la forte brassée de l’estaminet. Une maigre horde se faisant refuge d’un clocher ; louant appentis, s’y faisant chaumière ; louant lopin, y grattant festin. Une dispersion de chômeurs basculés journaliers et pousse-wagons, entre les épluchures de vie. Ils couvrent la Belgique de leurs patois désajustés, chacun sa chance, nourris de viscères de poissons, se croisent six mois plus loin, un doigt sur la casquette, chacun sa route ; échouent où c’est plus chaud, s’endorment où c’est moins froid."

Malgré cette écriture un peu lourde, Bordas présente un ouvrage magnifique, texturé et poétique. On lui doit des expressions qui resteront probablement. La plus belle est celle-ci: le cyclisme est le lieu infernal du maximalisme.

Je ne connais tout simplement pas plus belle définition du cyclisme.

Voici une autre critique intéressante de ce livre, écrite par quelqu’un n’étant pas un amateur de cyclisme.

Daniel Mangeas: Vivement le Tour!

Acheté cet été en France à l’occasion de mon séjour pour la Marmotte, j’ai récemment terminé le livre de Daniel Mangeas, Vivement le Tour. Je vous propose aujourd’hui une petite critique de ce bouquin qui fait un peu plus de 230 pages.

Rappelons d’abord que Daniel Mangeas est le speaker officiel du Tour de France depuis trente ans. C’est lui qui anime les départs et les arrivées des étapes du Tour, le tout en direct bien sûr. Mangeas anime également bon nombre d’autres épreuves qui rélèvent d’ASO et de d’autres organisations aussi.

Pour l’avoir entendu à de nombreuses reprises, Daniel Mangeas est selon moi excellent dans ce qu’il fait, l’animation de la course et la présentation des coureurs. Toujours en verve, le vocabulaire étoffé, le ton juste, la voix claire, le rythme parfait – ni trop vite, ni trop lent – Mangeas n’a pas son pareil pour capter l’attention du spectateur et, moins facile encore, pour le tenir en haleine pendant de longues minutes, que ce soit avant le départ ou pour patienter avant l’arrivée des coureurs.

Ceci étant, le livre de Mangeas m’a fortement déçu. Je m’attendais à y trouver un recueil des "petites histoires" du Tour, petites histoires que 30 ans de métier dans le giron du Tour de France n’auront pas manqué de générer. Bref, je pensais que Mangeas me ferait connaître un peu plus le Tour "vu de l’intérieur" et m’apprendrait quelques petites choses méconnues sur les champions cyclistes ou les personnes oeuvrant sur le Tour.

Au lieu de cela, Mangeas nous propose plutôt l’histoire de sa vie. Très rapidement, on est écoeuré de tant de détails sur sa vie personnelle, car cela n’intéresse personne. Un exemple ? Mangeas nous présente sa femme, son mariage, allant même jusqu’à nous dire quelle musique joua ce jour-là à l’église…

Jouant souvent la carte de la fausse modestie, Mangeas se met littéralement en scène, ce qui n’a pas manqué de me gêner. Il se dégage la malheureuse impression, une fois la lecture terminée, que Mangeas a voulu donner du volume à son personnage sur le Tour, a voulu donner une certaine importance à son rôle. Est-ce simplement qu’après 30 ans passés sur le Tour, il se sent écrasé par la personnalité et la carrure des champions qui l’entourent ?

Bref, c’est malheureux à dire, mais je ne vous recommande pas la lecture de ce livre. En ce qui me concerne du moins, j’ai très vite décroché.

Oui, c’est malheureux, parce que Daniel Mangeas n’avait pas besoin de cela pour gagner toute notre admiration et notre plus profond respect pour ce qu’il fait depuis 30 ans sur le Tour… 

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