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LBL: Pogacar au métier

Ils étaient cinq.

Cinq coureurs tous avec des raisons précises d’y être, dans ce final de Liège-Bastogne-Liège.

Dossard 41 le jour de son 41e anniversaire de naissance, Alejandro Valverde voulait écrire une ligne de plus à son histoire et à l’histoire du cyclisme en rejoignant Eddy Merckx comme quintuple vainqueur de La Doyenne.

Julian Alaphilippe voulait effacer la gêne de 2020 où il avait perdu la course au sprint face à Primoz Roglic en levant les bras trop tôt avant la ligne.

Tadej Pogacar voulait quant à lui simplement montrer qu’il n’était pas venu sur les Ardennaises pour y faire de la figuration, frustré de son éviction de la Flèche Wallonne mercredi dernier sur un test faux-positif de Covid-19 au sein de son équipe.

David Gaudu voulait quant à lui en décrocher une belle et redonner le sourire à la Groupama-FDJ éprouvée par un leader Thibault Pinot qui va de mal en pis. Et pourquoi pas franchir un statut à la Groupama-FDJ, question de prouver que lui aussi peut être un vrai grand leader.

Et enfin Mike Woods, 2e en 2018 sur l’épreuve, qui voulait enfin – enfin – en décrocher une belle pour laisser sa marque dans le cyclisme, et rejoindre Steve Bauer et Ryder Hesjedal au panthéon du vélo canadien.

Inutile de vous dire qu’une fois partis, on n’allait pas revoir ces cinq là.

Une sélection opérée de brillante façon par Mike Woods sur le haut de la Roche aux Faucons, une attaque parfaite, au bon moment, bien dosée, et qui a fait mal à plusieurs favoris, les Ineos en premier lieu mais aussi Primoz Roglic.

Juste avant, Davide Formolo chez UAE Team Emirates avait produit un gros relais pour aller chercher Carapaz, montrant que l’équipe en force sur ce LBL n’était peut-être pas Ineos mais bien UAE!

Carapaz, c’était évident que c’était un feu de paille, juste trop fort son intensité, et de trop loin. Mention très bien toutefois à son coéquipier Tao Geoghegan, qui a provoqué la première grosse sélection dans La Redoute.

En gros hier, c’est Mike Woods qui a tout fait péter en haut de la Roche aux Faucons, et ça, ça nous a vraiment électrisé. Thanks Mike for making every Canadian cycling fan out there proud! I’ll make sure to be on your wheel on your next attack going up Pink Lake…

Malheureusement par après pour Woods, restaient 10 bornes roulantes.

La collaboration a été excellente entre les 5 coureurs, qui ont tous fait une vraie belle course. Ça s’est joué à la pédale. Et après 255 bornes, la pédale, ben c’est pas simple.

Si on veut chipoter un peu, on pourra dire que Mike Woods en a fait beaucoup sur ces 10 derniers kilomètres, davantage par exemple que ce vieux briscard de Valverde.

Perso, si j’avais été à la place de Mike, après avoir initié le move, je n’aurais plus bougé devant le plateau autour de moi: Valverde 4 fois vainqueur, Alaf champion du monde, et Pogacar vainqueur en titre du Tour. Vous me demandez un relais les boys? Yeah, right, je n’ai pas le tiers de la moitié de votre palmarès, alors sur ce coup-là, c’est à vous de voir si vous voulez que ça revienne derrière mais moi, je reste planqué dans vos roues. J’ai déjà donné d’ailleurs. On se revoit au sprint.

Mike est beaucoup passé en tête, très bien, mais ça lui a surement coûté de la fraicheur dans le sprint, notamment sa relance avec 1,4 kilomètre à faire, où il a manifestement tenté de surprendre son monde. Il est 5e sur la ligne.

Valverde a cru bon de nous refaire le coup des Mondiaux 2018 en menant le sprint en tête; ce n’est pas passé cette fois-ci. Mike était dans sa roue, peut-être pas le meilleur choix mais à ce moment-là, les choix ne sont pas simples.

Pogacar a choisi la roue d’Alaf, bien vu. Il le remonte dans les derniers 25 mètres, en puissance, rien à dire. Propre. Le plus fort a gagné, point barre. Pour preuve, aux 200 mètres, Pogacar était 5e!

La surprise est venue de David Gaudu, 3e. Sous la flamme rouge, je le plaçais 5e et dernier du groupe.

Bref, très belle épreuve, passionnante à partir de La Redoute. Je suis déçu pour Mike Woods, qui a fait une belle course, qui était probablement le 2e plus fort avec Pogacar, et qui a simplement été battu par plus fort que lui. Valverde demeure sa bête noire.

Alaphilippe mouché une 2e année de suite au sprint, et par un coureur slovène, c’est peut-être lui qui a le plus de regrets aujourd’hui, même si beau joueur en entrevue d’après-course, il semblait déjà très satisfait de son podium et de sa semaine dans les Ardennes. Effectivement, en cyclisme, tu ne peux pas toutes les gagner. À moins de t’appeler Eddy Merckx bien sûr.

Insulte suprême pour le couac Ineos sur LBL, Carapaz est disqualifié pour avoir pratiqué la position « supertuck ». Je me suis fait la réflexion en direct devant mon écran! On peut être pour ou contre cette mesure, mais force est de reconnaître que l’UCI a de la suite dans les idées. Aucun doute pour moi que Carapaz était fautif ; du coup, le premier Ineos à l’arrivée, Kwiatkowski, est 11e, en dehors du top-10!

Notre intérêt se tourne désormais vers le magnifique Tour de Romandie, ultime épreuve de prépa en vue du Giro qui est à nos portes. Thibault Pinot a déjà annoncé son forfait pour ce Giro, sans annoncer la suite de son programme. Mais c’est une autre histoire. Nous y reviendrons.

Un Doyen sur La Doyenne

Le doyen du peloton WorldTour, Alejandro Valverde, aura 41 ans dimanche, le jour de Liège-Bastogne-Liège. Une victoire serait un beau cadeau d’anniversaire… et en gagnant, il rejoindrait dans l’histoire du cyclisme Eddy Merckx, qui trône comme d’hab seul au firmament avec ses cinq victoires sur l’épreuve.

C’est vous dire à quel point « Alejet » (ou « Bala » , comme vous voulez) et toute son équipe Movistar seront motivés dimanche!

107e édition de La Doyenne donc, une course de 259 kilomètres dans les Ardennes belges. Un grand Monument du cyclisme, au palmarès élogieux, constitué que de champions cyclistes établis, car on ne gagne pas facilement cette course qui requiert à la fois une grande endurance, de la résistance dans l’effort lors des (longues) ascensions, et également de la puissance pour encaisser les rampes les plus pendues.

Bref, seul un coureur très complet peut s’imposer à Liège.

L’essentiel des difficultés sont concentrées dans les 100 derniers kilomètres. La traversée du village de Vielsalm marque vraiment l’entrée dans la phase importante, avec juste derrière la Côte de Mont-le-Soie. S’enchaine alors une succession ininterrompue de grosses bosses, désormais célèbres dans le cyclisme: Wanne, Stockeu, Haute Levée, Rosier, La Redoute, Forges, Roche aux Faucons.

Restera plus ensuite qu’environ 10km très roulants pour rallier l’arrivée (voir ci-bas), sur le Quai des ardennes. Une ultime chance pour certains coureurs de boucher un trou et de revenir sur l’avant de la course. Attention au sprint, qui pourrait se dérouler à haute vitesse.

Nouveauté cette année, la côte de Desnié, située entre la côte de Rosier et La Redoute. Une nouvelle rampe assez musclée au km 211, soit 1,6 kilomètre à 8,1% de moyenne, avec un passage à près de 10%. De quoi réduire la récupération entre Rosier et La Redoute ; Desnié durcira donc la course ça c’est certain, l’enchainement sera infernal.

La météo sera bonne ce dimanche dans les Ardennes, avec du soleil et une température de 14 degrés environ, sans trop de vent.

Les favoris

Commençons d’abord par parler du Canadien Mike Woods, qui n’est peut-être pas parmi les deux-trois archi-favoris, mais qui est l’un des premiers outsiders et qui peut aspirer de s’imposer, aucun doute là-dessus.

Si Mike doit en claquer une belle dans sa carrière, c’est dimanche que ca doit arriver.

Il est en forme, il est aussi revanchard suite à son ascension manquée du Mur de Huy mercredi ou il a été gêné par plusieurs coureurs dont Valverde. Il avait sans nul doute un podium dans les jambes (il termine 4e, de quoi se rassurer et se donner confiance). Son équipe devra prendre soin de lui le plus longtemps possible, afin de le déposer idéalement assez frais au pied de La Redoute, souvent un juge de paix important de l’épreuve.

Mike devra ensuite être intelligent: marquer à la culotte les archi-favoris, mais aussi doser ses efforts: si un client comme Pogacar s’en va seul et que la Deceuninck, les Ineos ou les Jumbo ont encore des forces en présence autour, tu laisses évidemment pisser, car ces équipes ramèneront.

Et Mike devra se défaire de sa bête noire, Bala bien évidemment. Ca fait une paire de courses que le champion espagnol lui soutire sous le nez, dont les Mondiaux 2018. Mike est dû pour une belle revanche!

Sinon, on a quelques épouvantails pour dimanche.

Le champion du monde Alaf Polak bien sûr, avec une équipe Deceuninck très bien outillée pour animer la course. Joao Almeida sera de la partie, c’est intéressant. Et Mauri Vansevenant sera sur un terrain idéal pour lui. Alaf en ayant claqué une belle, je suis certain qu’il serait content qu’un coéquipier réussisse en réalisant un joli coup (il avait été très ému de la victoire d’Asgreen sur le Ronde). Des fois, l’épouvantail peut servir la cause de son équipe autrement qu’en étant devant!

Le numéro un mondial Primoz Roglic aura la pancarte dans le dos bien évidemment, et il est le vainqueur sortant. Je pense qu’il voudra se racheter de sa 2e place mercredi dernier. Chez Jumbo, c’est tout pour Primoz! La coupure commence dimanche soir, je suis sûr qu’il voudra conclure cette première partie de sa saison avec un grand résultat.

Les Ineos ensuite, qui ont deux cartes à jouer: Pidcock et Carapaz. Ils sont bien entourés. Je miserais plus sur Carapaz que Pidcock.

Deux autres coureurs sont les archi-favoris: Valverde bien sûr, et Tadej Pogacar. Privé de Flèche Wallonne mercredi pour un test Covid faux-positif dans l’équipe, Pogacar et ses coéquipiers dont Marc Hirschi ont fait l’intégralité du parcours de La Doyenne à l’entrainement pour remplacer. Je suis certain que Tadej aura été frustré de ne pouvoir courir cette semaine, et aura le couteau entre les dents dimanche. Et avec lui comme avec Mathieu, ce qui est bien c’est qu’il n’a pas peur d’attaquer de loin.

On a beaucoup d’autres coureurs « outsiders ».

Chez Lotto-Soudal, on est passé à travers de la saison des Classiques et pour une équipe belge, ca fait grand désordre. Tim Wellens est leur meilleure carte et je pense qu’ils voudront se montrer dimanche, ils sont à domicile après tout.

Les Français Warren Barguil, David Gaudu et Guillaume Martin peuvent tous rêver d’une place dans les 5, et je met un petit bémol pour Benoit Cosnefroy malheureusement, après un début de saison compliqué.

N’oublions pas non plus les Maximilian Schachmann, que je vois très bien dimanche, Marc Hirschi qui pourra brouiller les pistes pour Pogacar, Bauke Mollema en net regain, Esteban Chaves et Michael Matthews chez BikeExchange (ce dernier a gagné à Montréal et Québec, il passe bien les bosses et au sprint en petit comité il sera un sacré client), sans oublier Alex Aranburu et Jakob Fuglsang (vainqueur en 2019) chez Astana.

Outre Mike Woods, deux autres coureurs canadiens au départ, les Québécois Hugo Houle et Guillaume Boivin. Chacun d’eux sont au service de leur leader.

Bref, une course très ouverte, beaucoup de gros clients pour disputer la victoire, ca sera vraiment passionnant tant ils sont nombreux à pouvoir y croire. Espérons surtout une course avec sélection par l’avant, et non pas une course d’attente.

Et je vous rassure tous, on ne peut pas partir trop tôt sur LBL!

The Wolfpack sur la Flèche

Toujours intéressant ces vidéos « de l’intérieur ».

Comment gagner la Flèche Wallonne?

Débat passionnant hier sur ces pages à propos de la Flèche Wallonne: je vous en remercie.

Tant qu’à être dans le technique et le super-pointu, allons-y franchement!

La question: comment gagner la Flèche Wallonne?

Pour plusieurs d’entre vous, j’ai exagéré en écrivant que Roglic avait commis une erreur « impardonnable » en partant trop tôt dans le Mur de Huy.

Ben je persiste et signe!

Un examen plus attentif montre que la Flèche Wallonne est une course très spéciale, unique même.

Prenez d’abord son palmarès depuis que l’épreuve se termine en haut du Mur, soit depuis 1985.

On a des vainqueurs en série: Claude Criquielion, 1985 et 1985. Moreno Argentin, 1990, 1991 et 1994. Laurent Jalabert, 1995 et 1997. Davide Rebellin, 2004, 2007 et 2009. Alejandro Valverde, 2006, 2014, 2015, 2016 et 2017. Julian Alaphilippe, 2018, 2019 et 2021.

Aucune autre grande classique n’offre ces séries de vainqueurs uniques. Aucune. On a donc affaire à une course très spécifique, qui couronne des coureurs aux qualités singulières. Pas d’improvisation. Pas de hasard. La Flèche Wallonne comporte moins d’aléatoire, moins d’incertitude que les autres grandes Classiques, et notamment les cinq Monuments.

Autrement dit, sur la Flèche, ce sont toujours les jambes qui parlent, et le rapport poids-puissance d’un puncheur émérite, capable de mobiliser une énergie folle sur 45-60 secondes. Dans la catégorie, ils sont très peu nombreux.

Secondo, payez-vous les images des 10 dernières éditions. Je l’ai fait. En voici la synthèse:

2021: Alaphilippe augmente son rythme (progressivement) aux 280m, pas le choix pour boucher l’écart créé par Roglic. Il augmente son rythme (sa cadence) dans les 70 derniers mètres pour déposer le Slovène.

2020: Hirschi démarre aux 75m, déposant un Mike Woods parti trop tôt, aux 200m.

2019: Alaphilippe démarre aux 120m pour déposer Fuglsang, à l’effort depuis le pied de l’ascension!

2018: Alaphilippe démarre aux 120m pour déposer Jelle Vanendert.

2017: Valverde démarre à 160m de la ligne et dépose David Gaudu.

2016: Valverde démarre aux 120m et contrôle aisément Rodriguez et Alaphilippe.

2015: Valverde démarre tard, aux 100m, pour déposer Alaphilippe et Albasini.

2014: Valverde démarre aux 140m et dépose Kwiatkowski et Dan Martin aisément.

2013: Daniel Moreno accélère aux 150m et s’offre le scalp de Philippe Gilbert, alors champion du monde, et parti… trop tôt!

2012: Joaquim Rodriguez part de très loin pour s’imposer au sommet du Mur de Huy.

2006: pour sa première victoire, Alejandro Valverde démarre aux 100m et dépose Samuel Sanchez, Karsten Kroon et Andy Schleck.

Bref, les faits sont clairs: personne ne s’est imposé au sommet du Mur de Huy ces 10 dernières années en partant au delà des 300m, sauf Joaquim Rodriguez en 2012. Personne.

On parle davantage de vainqueurs qui ont placé leur démarrage aux 120-150m, guère plus.

Ce n’est donc pas compliqué sur le Mur: tu attends au minimum les 150 derniers mètres pour porter ta réelle accélération, et les jambes font le reste, pour preuve le palmarès de cette épreuve si spécifique.

Avant les 150 derniers mètres, tu lisses le plus possible l’effort.

Au niveau World Tour, seule la victoire compte. Primoz Roglic le sait. En partant aux 375m mercredi, il n’avait aucune chance de succès compte tenu de la qualité des coureurs qui l’entouraient à ce moment, en particulier Alaphilippe, Woods et Valverde. L’un d’eux allait la jouer plus fine, ce fut Alaphilippe, qui est allé à la bonne école d’Alejet au début de sa carrière. Et qui a donc appris, dans la défaite, à partir au bon moment.

Je persiste et signe: Roglic a commis une erreur de cadet.

En plus, il ne lisse pas son effort. Pour preuve, il créé tout de suite le trou sur son accélération initiale, preuve qu’il a eu un pic important de puissance, qu’il n’a évidemment pas pu maintenir très longtemps.

Fait important, Primoz Roglic disputait cette semaine sa… première Flèche Wallonne. Son premier Mur de Huy en course, arrivée en haut. Voilà qui rend la victoire d’Hirschi l’an dernier encore plus impressionnante puisqu’il en était à sa… première participation.

Alaphilippe, hier, en était à sa… 5e participation.

Alaf n’a jamais terminé l’épreuve au delà de la 2e place. Deux victoires avant mercredi.

Son expérience a manifestement fait la différence: il ne s’affole pas derrière Roglic, hausse simplement d’une coche son rythme, le maintient sur la durée pour revenir sur le Slovène (sur le même braquet!) puis, aux 70m, hausse simplement sa cadence de pédalage pour faire la différence.

Roglic, asphyxié, ne peut hausser son jeu, même si, je vous l’accorde, il ne s’effondre pas.

Le métier et l’expérience ont triomphé, aucun doute là-dessus. Roglic est parti bien trop tôt. Si son impulsion avait été faite aux 200m, pas sûr que Alaphilippe, juste depuis le début de la saison, aurait trouvé assez de bitume sous ses roues pour revenir.

La Doyenne, dimanche

Présentation de l’épreuve et de ses favoris demain sur ces pages. Beaucoup d’enjeux intéressants, de motivations diverses, qu’on vous présentera. Ca sera une course palpitante, wide open, avec quelques grands favoris, et notamment Mike Woods, qui peut y croire.

Nous vivons une ère des Classiques passionnante!

Flèche Wallonne: deux champions du monde au sommet

Deux champions du monde sur route se sont imposés hier au sommet du Mur de Huy sur la Flèche Wallonne: Julian Alaphilippe et Anna van der Breggen.

Pour Alaf, il s’agit de sa 3e victoire sur l’épreuve ; pour van der Breggen, sa… 7e consécutive, excusez-un-peu. Le vrai roi de Huy est en fait une reine!

Pour Alaphilippe, il s’agit d’une victoire qui fait certainement beaucoup de bien, sa campagne de Classique n’ayant pas produit, jusqu’ici, des résultats concrets hormis sa 2e place sur les Strade Bianche. Il en tient enfin une belle, maillot de champion du monde sur le dos pour la manière. Du coup, le voilà logiquement propulsé comme favori #1 de Liège-Bastogne-Liège dimanche prochain, même si la musique sera différente sur ce Monument, notamment parce que c’est beaucoup plus long. La Doyenne est assurément un objectif important pour lui.

Sacré puncheur, ce Alaf (mais ca, on le savait déjà). 1m73, 62 kilos (pareil que moi!), le gabarit parfait pour ces accélérations sèches sur 30-45 secondes. Son temps d’ascension sur le Mur de Huy serait le plus rapide de l’histoire hier.

Sinon, une course fidèle au scénario le plus classique qui soit: échappée matinale, arrivée groupée au pied du Mur où les équipes ont bien positionné leurs leaders, puis les jambes et la tactique qui ont parlé. C’est juste dommage que les UAE Team Emirates aient été interdits de départ suite à un cas positif de Covid-19, test qui s’est révélé être un faux-positif par la suite; il manquait Pogacar dans ce Mur!

Tactique justement, c’est Primoz Roglic qui doit s’en vouloir le plus: il est tout simplement parti trop tôt, façon Mike Woods un an plus tôt. Il coince à 100m de la ligne. Dommage, car il était très fort. Erreur classique… et impardonnable à ce niveau selon moi. On n’est pas chez les cadets!

J’aurais pu titrer « Alaphilippe au métier » tant sa réponse au démarrage de Roglic a été intelligente: sans s’affoler ni se mettre dans le rouge, il hausse son rythme progressivement, et ramène le coureur slovène petit-à-petit, plein de maitrise et d’expérience, sur le bon braquet. Manifestement, une action lucide sur le Mur. Bravo, impressionnant. Et respect.

Derrière, extraordinaire 3e place d’Alejandro Valverde, 41 ans, qui ne peut pas nourrir de regrets: il a donné tout ce qu’il pouvait sur ce Mur, et n’a commis à mon sens aucune erreur. Il devance sur la ligne les Mike Woods (4e), Warren Barguil (5e), Thomas Pidcock (6e), David Gaudu (7e), Esteban Chaves (8e), Richard Carapaz (9e) et Maximilian Schachmann (10e). Que du beau monde!!!

Les regrets, ils sont plutôt à placer du côté des Ineos, qui n’ont pas démérité (deux coureurs dans les 10 premiers) mais qui passent loin d’un grand résultat. L’inexpérience de Pidcock? Tombé dans le final, il avait peut-être laissé trop d’énergie pour revenir dans le paquet.

Petite déception probable aussi du côté de Benoit Cosnefroy et les AG2R – Citroen, qui avaient roulé dans le final pour préparer le terrain pour le coureur français. « Physiquement, c’est pas passé » a-t-il déclaré à l’arrivée, lui qui était blessé en début de saison. Sur le coup, à voir l’équipe rouler, je pensais qu’il était dans un grand jour. Ben non.

La Flèche et la violence du dernier effort ne pardonnent jamais.

La suite sur la Doyenne

Déjà la dernière grande Classique de ce printemps dimanche, Liège-Bastogne-Liège. Je pense que la course sera très ouverte, beaucoup de coureurs sont en forme et peuvent aspirer à un grand résultat, Mike Woods en premier lieu pour le Canada (rappelons qu’il a terminé 2e de la course en 2018).

Quelques équipes font figure d’épouvantails, notamment Deceuninck, Ineos, Jumbo-Visma et UAE, avec derrière un gros paquet d’outsiders prêts à surprendre à la moindre opportunité. Ca sera très intéressant.

Flèche Wallonne: qui pour battre Pidcock?

85e édition de la Flèche Wallonne aujourd’hui en Belgique francophone, entre Charleroi et Huy, sur 194 kilomètres.

Une course de côte. En gros, il ne faudra pas manquer les derniers 10min de la course. La dernière échappée à avoir réussi au sommet du Mur de Huy remonte au… début des années 2000!

On annonce relativement frais et venteux demain du côté de Charleroi, avec averses possibles. Si elles surviennent, ça pourrait rendre la course plus dangereuse bien évidemment.

Comme d’hab, trois ascensions du fameux Mur de Huy, le juge de paix de l’épreuve. L’arrivée est au sommet de la troisième. Une rampe de 1,3 kilomètres avec, à l’intérieur de certains virages, une pente à plus de 20%.

Sur cette course, tout est une question de timing: votre succès dépend de l’endroit où vous porterez l’estocade dans le Mur. Vous partez trop tôt, vous explosez 100m avant la ligne d’arrivée. C’est arrivé l’an dernier à un excellent Mike Woods, auteur du seul podium canadien sur l’épreuve à ce jour (3e).

Vous partez trop tard, vous ne pouvez plus rattraper ceux qui auraient démarré avant vous.

Dans tous les cas, vous devez arriver placé au pied du Mur, c’est à dire dans les 10-15 premiers maxi. Le travail d’équipe est donc primordial pour ramener les échappées qui resteraient devant, et pour déposer le leader dans les premières places du paquet au pied du Mur pour la dernière ascension.

Les favoris

L’homme à battre, c’est Thomas Pidcock. Il est en grande forme actuellement et le Mur de Huy correspond parfaitement à ses qualités physiques. Son rapport poids-puissance devrait lui être très avantageux sur cette rampe.

Il débarque avec une équipe Ineos très puissante, capable de bien contrôler la course. Dans ce contexte, ca serait surprenant qu’une échappée aille au bout, les Ineos voudront s’assurer que Pidcock sera en position de gagner au pied du Mur. Avec les Carapaz, Kwiatkowski, Geoghegan, Rowe et A. Yates, il y a de quoi assurer même sur la première moitié de l’ascension!

Pidcock aura essentiellement trois adversaires directs: le numéro un mondial Primoz Roglic, lui aussi explosif sur une ascension sèche, Julian Alaphilippe, deux fois vainqueur de l’épreuve, ainsi que Tadej Pogacar, capable d’être très puissant lui aussi comme en atteste ses victoires en 2020 et 2021 lors d’arrivées au sommet.

Chacun d’eux débarque avec une belle équipe, capable de bien contrôler la course.

Je ne serais toutefois pas surpris que la Deceuninck essaie de foutre le bordel plus tôt dans le final, s’appuyant sur l’excellent Mauri Vansevenant voire Dries Devenyns. Un leader (Alaphilippe) peut en cacher un autre!

Derrière, plusieurs autres coureurs peuvent tirer leur épingle du jeu.

M. Flèche Wallonne en personne, Alejandro Valverde, déjà cinq victoires à son actif, la première acquise en… 2006 il y a 15 ans – 15 ans! – sera au départ, et en bonne condition. Si je pense qu’il n’est plus le coureur explosif qu’il a déjà été, une place sur le podium est jouable dans son cas s’il se sent bien.

Le vainqueur sortant Marc Hirschi débarque aussi, et avec Pogacar sous le même maillot que lui, ils animeront certainement le final. Je ne vois cependant pas Hirschi rivaliser « à la pédale » avec Pidcock dans la dernière ascension du Mur, si on en arrive à ça.

Troisième l’an dernier, Mike Woods sera le leader pour Israel Start-Up Nation. Sa condition est-elle suffisante? Sincèrement, je ne le crois pas, pas pour la victoire. Et une belle place dépendra, dans son cas, de sa capacité de bien se placer au pied du Mur, souvent une lacune chez Mike. Il est vrai qu’il ne dispose pas tout à fait, dans le peloton pro, du capital résultat pour se positionner facilement.

Plusieurs coureurs français seront à surveiller, outre Alaphilippe: je pense à Benoit Cosnefroy qui progresse sur ce genre d’effort court, à Warren Barguil, à Guillaume Martin ainsi qu’à David Gaudu bien évidemment (je m’attends à un grand résultat de sa part aujourd’hui).

Miximilian Schachmann est en grande condition chez Bora. Chez Astana, Fuglsang ou Lutsenko seront certainement les leaders, mais je ne les vois pas dans les cinq premiers. Esteban Chaves saura-t-il se placer au pied de Huy pour Team BikeExchange?

Outre Woods, trois autres coureurs canadiens au départ: ses équipiers Piccoli et Boivin, ainsi qu’Hugo Houle chez Astana, tous dans un rôle de soutien.

Quel avenir pour la Flèche?

De plus en plus de voix s’élèvent pour décrier une Classique réduite, depuis 20 ans, à une simple course de côte d’une durée de 3 minutes.

Le cyclisme moderne avec le nivellement du niveau, les oreillettes, et les enjeux colossaux a considérablement modifié la capacité de certains parcours à offrir une course excitante.

Dans ce contexte, quel avenir pour la Flèche Wallonne? Doit-on conserver la même formule « traditionnelle » avec une arrivée en haut du Mur de Huy, comme c’est le cas depuis 1985? Devrait-on plutôt modifier le final pour le rendre plus excitant? Comment?

Perso, je pense que le cyclisme a avantage à se moderniser. Le Mur bloque la course. L’ajout d’un circuit final avec quelques côtes, aujourd’hui les cotes d’Ereffe et du Chemin des Gueuses, n’a pas eu l’effet escompté.

Pourquoi ne pas changer radicalement de formule pour proposer un final plus sélectif, mais avec une arrivée au terme de 5 ou 10 kms roulants suite à une dernière grosse bosse? En donnant la chance à des coureurs de revenir une fois la dernière difficulté, on maintient le suspense et on élargit l’échantillon de coureurs pouvant rêver s’imposer. Cela motive les moins bons grimpeurs à s’accrocher dans la bosse, l’espérance d’un retour étant bien réelle derrière.

Ou une arrivée au terme d’une grosse bosse et une courte descente technique juste après?

Le Ronde a, en tout cas, pas hésité à enlever de son parcours le célèbre Mur de Grammont il y a quelques années, afin de se renouveler…

Amstel: Van Aert au millimètre

Un millimètre. Ou, en gros, 3 dix millièmes de seconde de différence entre Wout Van Aert et Tom Pidcock sur la ligne hier à l’issue de 218 kms de course sur l’Amstel. On se croirait en Formule Un!

Un des finish les plus serrés de l’histoire, sans contredit. Merci la technologie d’avoir pu départager les deux, on se demande encore comment d’ailleurs tellement ce ne semble pas clair.

Si le résultat tient, Van Aert aura pris sa revanche sur Pidcock, après sa défaite sur la récente Flèche Brabançonne. Et, à quelque part, sur l’ensemble de sa saison sur route jusqu’ici: Van Aert en claque enfin une « belle ». Il peut partir « en vacances » en Sierra Nevada avec un sentiment de satisfaction, question de préparer sereinement le Tour.

Et l’équipe Jumbo-Visma a fait le carton plein hier, puisque Marianne Vos s’est imposée sur l’épreuve féminine, offrant ainsi à l’équipe néerlandaise un doublé à domicile. Difficile de faire mieux!

Une affaire de rapport poids-puissance hier: c’est fou comment un sprint sur le plat est différent d’un sprint en léger faux-plat ascendant.

Avant le sprint, la course a été dominée selon moi par une équipe, Ineos-Grenadier avec Pidcock, Kwiatlowski et Carapaz qui ont tout fait péter, et notamment fait péter un Julian Alaphilippe « à la pédale ».

Le pépin mécanique du numéro un mondial Primoz Roglic a certainement été un moment important de la fin de la course, privant Van Aert d’une sérieuse aide dans le final. Mais l’étau des Ineos était solide ; pas grand chose à faire dans ce contexte, ca allait se jouer à la force des jarrets. Pidcock a bien contré après le démarrage de son coéquipier Kwiatkowski, une action parfaitement orchestrée, rien à dire. Les trois plus costauds étaient devant. Et je pense que Van Aert peut, à quelque part, dire merci à Schachmann pour la générosité de ses efforts avant que le trio ne se dégage.

Faudra par ailleurs que quelqu’un m’explique la stratégie des Movistar depuis le début de la saison: je ne comprends pas, encore hier. Ça devient carrément gênant.

On retiendra surtout de cette Amstel les promesses pour cette semaine: l’équipe Ineos-Grenadier débarque sur la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège comme archi-favorite, et le rapport poids-puissance de Pidcock devrait faire la différence. Dans l’état actuel des choses, difficile de voir qui pourra le menacer, sauf erreur de placement. Gaudu, Schachmann, Barguil pourquoi pas seront à surveiller, mais Ineos a de quoi tout contrôler. Alaphilippe semble trop juste.

Mike Woods termine dans le premier peloton juste derrière les échappées, après avoir tenté de sortir plus tôt dans la course. Sa condition sera-t-elle suffisante pour les deux épreuves cette semaine? Je n’en suis pas sûr. Hugo Houle et Guillaume Boivin étaient aussi de la fête hier mais n’ont pas terminé. Ils devraient tous deux être sur la Flèche mercredi.

L’Amstel dimanche

55e édition de l’Amstel Gold Race ce dimanche.

Une édition spéciale, puisque le parcours de l’épreuve a été modifié cette année, pandémie oblige.

Au programme, 13 tours d’un circuit de 17 kms assez difficile, comprenant chaque fois trois ascensions: le Geulhemmerberg, le Bemelerberg et le Cauberg. Ce dernier ne sera toutefois pas escaladé dans le 13e et dernier tour, qui ne comportera par conséquent que 15 kms. Distance totale à parcourir, 218 kms.

Ca sera un parcours très usant, une course de circuit que certains coureurs affectionnent particulièrement. Météo annoncée jusqu’ici, assez beau, 13 degrés, vents légers.

Les favoris

Notons d’entrée que le dernier vainqueur, Mathieu Van Der Poel en 2019 (la course n’a pas été organisée en 2020 à cause de la pandémie), ne sera pas au départ. Mathieu est remonté sur son vélo Mtb afin de préparer les prochaines Coupes du Monde (en commençant par Albstadt les 8 et 9 mai prochain), ainsi que l’épreuve des JO dans la discipline.

Quelques favoris se dégagent d’entrée: Thomas Pidcock, récent vainqueur de la Flèche Brabançonne, Wout Van Aert, qui a mis cette course à son programme suite au report de Paris-Roubaix, Julian Alaphilippe qui monte en pression en prévision d’une semaine à venir importante avec la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, sans oublier bien sûr le numéro un mondial, Primoz Roglic.

Soyez assuré qu’Alaphilippe voudra se tester dimanche!

Chez les Ineos-Grenadier, Pidcock pourra compter sur une armada de qualité, avec la présence autour de lui des Geoghegan, Carapaz, Kwiatkowski et De Plus.

En face, les Jumbo-Visma auront de quoi répondre, avec le duo Van Aert – Roglic, épaulés par des hommes en forme comme Vingegaard, Oomen ou encore Gesink. Ils ont de belles options, espérons qu’ils seront au point sur le plan stratégie.

De nombreux autres coureurs sont à surveiller. Je pense notamment à Greg Van Avermaet, souvent bon sur des courses en circuit (notamment à Québec ou Montréal), Maximilian Schachmann, le grimpeur David Gaudu qui aura la confiance de la FDJ entière, Matej Mohoric, Michael Matthews, lui aussi toujours excellent sur des courses en circuit, son coéquipier Chaves, le duo Fuglsang et Aranburu chez Astana, Alejandro Valverde qu’on ne doit jamais sous-estimé et qui a montré des signes de bonne condition récemment notamment sur le GP Miguel Indurain, Alberto Bettiol pour EF, Matteo Trentin et Marc Hirschi chez UAE Team Emirates, sans oublier Warren Barguil pour Arkea-Samsic qui pourrait très bien surprendre dimanche.

La liste des partants n’est pas finale, et est même contradictoire d’un site à l’autre. Sur certains sites, on annonce Mike Woods au départ pour Israel Start-Up Nation, sur d’autres on ne le donne pas partant, mais plutôt Alex Cataford pour sa formation. Hugo Houle devrait lui-aussi être au départ pour Astana.

Bref, une course très ouverte, avec beaucoup d’équipes pouvant croire à un grand résultat. Espérons une course de mouvement, comme c’est souvent le cas sur des courses sur circuit. Ca devrait être intéressant.

Du beau monde au pays basque

Tadej Pogacar. Tao Geoghegan. Primoz Roglic. Soit les vainqueurs du Tour, du Giro et de la Vuelta la saison dernière.

Adam Yates, vainqueur du Tour de Catalogne il y a une semaine. Alejandro Valverde, vainqueur du GP Miguel Indurain ce week-end.

Jakob Fuglsang. Enric Mas. David Gaudu. Mike Woods. Bauke Mollema. Richard Carapaz. Guillaume Martin. Mikel Landa. Fabio Aru. Benoit Cosnefroy. Pierre Latour. Hugh Carthy. Marc Hirschi. Mikel Nieve. Alexey Lutsenko. Esteban Chaves.

C’est pas compliqué, c’est le plus beau peloton à date en 2021. Et c’est cette semaine sur le Tour du Pays Basque, probablement l’épreuve la plus sous-estimée du calendrier pro avec le Tour de Catalogne.

L’absent de marque, ben c’est Egan Bernal. Il ne manque que lui.

Le pays basque, c’est une terre de cyclisme et c’est dur, car ca monte et ca descend tout le temps.

Cette année, six étapes. Les étapes 4, 5 et 6 à la fin de la semaine seront celles à surveiller, car elles comportent de belles patates propre à mettre le feu aux poudres.

Le travail d’équipe y sera essentiel.

La Movistar, Ineos-Grenadier et la Jumbo ont la pression. La première car elle court à domicile, et Valverde vient de renouer avec la victoire, de bien belle façon.

Ineos-Grenadier parce qu’avec Adam Yates, Richard Carapaz et Tao Geoghegan, tu te dois d’obtenir un résultat.

Enfin Jumbo parce que Primoz Roglic, no1 mondial.

Le vainqueur du Tour, Tadej Pogacar, est présent, mais un peu en figure de premier outsider.

Beaucoup, comme Mike Woods, voudront tirer leur épingle du jeu. Ca sera passionnant toute la semaine. Deux autres coureurs canadiens au sein de son équipe Israel-Start Up Nation, soit Cataford et Piccoli.

Hier dans le chrono de 14 kms, Roglic s’est imposé logiquement, en puissance. Pogacar, Yates, Kelderman, Hirschi, Fuglsang, Latour, Valverde, Carapaz et Landa sont dans le coup.

L’équipe Jumbo me semble un peu faible, privée de ses lieutenants de premier plan que sont Bennett, Kuss, Kruijswijk ou encore Gesink. Il faudra voir comment Roglic pourra s’en sortir s’il est attaqué par plusieurs équipes dans le final des étapes cette semaine. Rien n’est joué!

Asgreen, simplement le plus fort

Au terme de la dernière ascension du Oude Kwaremont, nous pensions tous que Mathieu Van Der Poel se dirigeait vers un 2e succès de suite sur le Tour des Flandres.

Il venait de lâcher Wout Van Aert, qui payait à cet instant ses efforts parfois inutiles au cours des kilomètres précédents, privé de l’aide de ses équipiers qui étaient nulle part dans ce final du Ronde.

Kasper Asgreen parvenait à s’accrocher à VDP, mais on se disait tous qu’il était en sursis, et que le Paterberg deux kilomètres plus loin l’achèverait.

Ben non. J’ai eu une première indication que Asgreen était dans un grand jour au sommet du Paterberg: c’est lui qui vire en tête, Mathieu dans sa roue.

Là, tu te dis que le Danois est sacrément costaud et que Mathieu ferait bien de s’en méfier.

Et tu te dis qu’Asgreen va tenter de la finir solo, parce que contre VDP au sprint, aucune chance.

Ben non. Deuxième erreur. Asgreen attendra patiemment le sprint, pour battre Mathieu fair and square. Sur les derniers 13 kms tout plat, les deux se sont partagés le travail équitablement, beau à voir. Très sportif.

Le plus fort a gagné, point barre.

Rien à ajouter. Asgreen a été réglo, a très bien couru, une bataille loyale qui s’est faite à la pédale.

Après, on peut refaire 100 fois le sprint. Mathieu avait-il une dent de trop? Je le pense, il a semblé avoir rapidement les jambes autour du cou. Peut-être avait-il mal aux jambes et c’est tout ce qu’il pouvait mettre comme braquet?

Chose certaine, un sprint à deux après 254 kilomètres, c’est très différent d’un sprint massif après 200 bornes. Surtout sur le Tour des Flandres, qui reste pour moi comme pour beaucoup de suiveurs la course d’un jour la plus difficile de la saison cycliste.

La Elegant-Quick Step l’a bien joué hier en misant rapidement dans le final sur la carte Asgreen. Alaphilippe a joué le collectif, donnant le feu vert à Asgreen pour attaquer alors qu’il était encore dans le coup.

Greg Van Avermaet sauve les meubles pour AG2R – Citroen en complétant le podium. Il peut dire ouf! C’était la dernière chance sur les Classiques flandriennes pour un bon résultat.

Mention très bien encore une fois à Anthony Turgis (8e), auteur d’un sacré truc dans le final lorsqu’il a bouché solo un trou d’une quinzaine de secondes pour revenir sur la bonne échappée devant qui, à ce moment, incluait VDP, Van Aert et Alaphilippe, excusez-un-peu. Manque de chance pour Turgis, ca a attaqué presqu’au moment où il a fait contact. Mais cet effort ne laisse aucun doute sur la caisse de Turgis en ce moment.

Chez les Français, Sénéchal est 9e et Laporte 12e, pas mal du tout à ce niveau.

Mention très bien également au québécois Hugo Houle, dans l’échappée matinale. Hugo s’est payé une belle sortie bien rythmée, avant de faiblir sans surprise sur la fin, c’est normal. Il a montré le maillot pour Astana! Une équipe Astana totalement inexistante outre Houle hier, le premier coureur Astana sur la ligne est… le Canadien Ben Perry, en 70e place, dans l’autobus qui contenait aussi Houle.

Antoine Duchesne et Guillaume Boivin étaient également de la partie (le startlist jeudi dernier n’en faisait pas mention). Boivin est allé au bout, mais pas Duchesne qui était arrivé au dernier moment comme remplaçant à la FDJ.

La suite

On commence aujourd’hui le Tour du Pays Basque, une course qui révèle toujours qui sera devant sur les Ardennaises prochainement. Le Pays Basque, c’est une course difficile, très difficile. À surveiller, un certain Mike Woods, ainsi que le « vieux » briscard Alejandro Valverde, qui vient de remporter solo le GP Miguel Indurain.

Mathieu Van Der Poel remontera quant à lui sur son vélo de Mtb plus tard cette semaine, question de débuter sa préparation pour son objectif principal cette saison, l’épreuve de Mtb des prochains Jeux Olympiques. Il y retrouvera un certain Nino Schurter.

Wout Van Aert a décidé de mettre l’Amstel à son programme, en remplacement de Paris-Roubaix, reporté en octobre prochain pour cause de pandémie en France.

Dimanche, Vlaanderens Mooiste!

Ou « la plus belle des Flandres »!

105e édition du Tour des Flandres dimanche, un des cinq grands monuments du cyclisme.

Météo annoncée, plutôt beau temps, 14 degrés et peu de vent. Autrement dit, rien pour durcir la course.

Pandémie oblige, la course aura lieu cette année encore sans public. L’ambiance ne sera donc pas tout à fait la même pour les coureurs.

Le parcours n’a pas encore été confirmé, mais il devrait être identique à celui de l’an dernier: 254 kms à couvrir, 19 monts et 17 secteurs pavés. Pas de Muur de Geraardsbergen, il faut s’y faire, mais trois passages sur le Vieux Quaremont, et le Paterberg comme dernière ascension avant 13 kms tout plats jusqu’à l’arrivée. Cette section peut faire une différence en ce sens qu’un coureur solo devant qui aurait fait la différence dans le Paterberg peut se faire reprendre si la chasse est organisée derrière.

C’est à partir du km 120 qu’il faudra être en mode course: les monts s’enchainent parfois à tous les 5 kms, ca n’arrête plus.

Les favoris

Pas moins de cinq anciens vainqueurs sont au départ du Ronde dimanche: Alexander Kristoff, Peter Sagan, Niki Terpstra, Alberto Bettiol et Mathieu Van Der Poel.

Deux archi-favoris se dégagent en particulier: Mathieu Van Der Poel et Wout Van Aert.

Le match revanche! L’an dernier, Mathieu a eu le dessus sur Wout dans un des beaux sprints de la saison, le couteau entre les dents car les deux la voulaient, celle-là.

Si ca arrive au sprint dimanche, je donne Wout favori sur Mathieu.

Ce qui sera intéressant, c’est que leur stratégie sera imprévisible: chacun d’eux ont montré qu’ils n’ont pas peur d’attaquer de loin, et peuvent aussi se passer de leurs équipiers pour évoluer solo. Mathieu, en particulier, a intérêt à partir de loin.

Leur stratégie dépendra aussi sûrement des actions des autres équipes comme la Deceuninck, qui s’amène avec une grosse armada: Alaphilippe, Lampaerts, Asgreen, Sénéchal peuvent tous s’imposer dimanche!!

La Deceuninck a récemment montré qu’elle est capable de prendre la course en étau. Je m’attends à cela dimanche, car ils ne voudront pas se louper sur un rendez-vous aussi important. Je me surprends juste de l’absence du line-up de l’équipe d’un Davide Ballerini, en cas d’arrivée au sprint parmi un petit groupe.

De nombreux autres coureurs auront à coeur de profiter des occasions qui se présenteront entre les archi-favoris.

Je pense évidemment à AG2R – Citroen, qui a la pression pour un grand résultat cette saison, question de justifier le recrutement de l’inter-saison. Van Avermaet a montré une excellente condition sur À travers la Flandre. Sauront-ils enfin profiter du travail de la Deceuninck et passer à l’offensive au bon moment?

Je pense aussi à l’équipe Ineos-Grenadier, sur une bonne lancée. Dylan Van Baarle vient de gagner mercredi dernier, et Thomas Pidcock pourrait surprendre, c’est un équilibriste sur un vélo et il pourrait trouver dans la succession des monts un terrain le favorisant. Ce sont les « underdogs » dimanche.

Jasper Stuyven et Mads Pedersen (s’il est au départ) sont de sérieux candidats chez Trek-Segafredo.

Michael Matthews, Matteo Trentin, Soren Kragh Andersen, Giacomo Nizzolo et Stephan Kung sont tous des coureurs que je m’attends à voir dans les 50 derniers kms.

Que nous réserve ce diable de Peter Sagan? Au prise avec la Covid-19 plus tôt cette année, il a montré des premiers signes de forme récemment, et c’est le gars qui peut faire le mort pendant 253 kms et surgir dans le dernier kilomètre. En toute logique, la succession des monts devrait l’éjecter selon moi, mais on ne sait pas trop ce qu’il est capable de faire. Chez Bora-Hansgrohe, c’est peut-être Daniel Oss qui est le plus à craindre!

Chez les Français et outre Alaphilippe et Sénéchal, Anthony Turgis, Warren Barguil et Christophe Laporte portent de belles promesses, et on se croise les doigts pour un bon résultat. Avec tous les monts, je me demande jusqu’où peut aller Barguil?

Deux Canadiens au départ pour Astana, Hugo Houle et Ben Perry. Houle était grippé récemment, je m’attends à une course difficile pour lui.

Suivre la course en direct

Au Québec et au Canada, FloBikes est le diffuseur officiel.

En France, France3 dès 13h35.

Sinon, les sites de live! streaming habituels vont permettre de suivre la course également.

Et les meilleurs, ca reste la RTBF!

Autour du Ronde

Le peloton pro, de l’intérieur cette saison. Ca frotte!!!

Bizarre À travers la Flandre.

Il faisait beau hier en Belgique. L’air était doux. Peu de vent.

Mais la course ne s’est pas déroulée comme on l’avait imaginée!

La chaleur (près de 25 degrés) a peut-être joué des tours à certains coureurs, Alaphilippe et Van Der Poel en premier lieu, les organismes n’étant pas encore très acclimatés.

Van Der Poel, panne de jambes.

Alaphilippe, pas au mieux.

La Deceuninck qui passe complètement à travers. Lampaerts (4e) et Sénéchal (9e) sauvent les meubles pour le WolfPack, mais ils ont été largement inexistants durant la course.

Idem pour les AG2R – Citroen, avec un Van Avermaet 7e et Naesen 19e. Van Avermaet s’est montré l’un des plus volontaires derrière Van Baarle, il faut lui accorder cela. Chose certaine, la pression monte pour les coureurs belges de l’équipe française, et ils commencent à en avoir ras le bol.

Un excellent et volontaire Warren Barguil dans le final s’est même fâché une fois l’arrivée franchie: aucune collaboration dans le groupe de chasse derrière Van Baarle échappé solo devant, les coureurs jouaient une place plutôt que la victoire. Autrement dit, plusieurs couraient sur la défensive. Van Baarle en a profité, même s’il convient de rappeler que ses 50 bornes solo devant sont un véritable exploit qui force l’admiration.

Le problème, c’est qu’ils ne roulent pas, même pas pour faire deuxième… C’est complètement débile.

warren barguil, lu sur Direct vélo

Il faut dire que la course a été menée à bon train: près de 100 kms couverts dans les deux premières heures, ca roulait à 50 à l’heure. La course a été sélective.

À 28 ans, Van Baarle n’est pas vraiment un coureur qui gagne souvent. Dans ce contexte, on oublie peut-être qu’il a été champion des Pays-Bas du chrono en 2018, prouvant qu’il sait rouler vite. Il signe hier sa plus belle victoire professionnelle selon moi, et donne un atout de taille à l’équipe Ineos pour dimanche prochain.

Mention très bien à la fois pour Christophe Laporte chez Cofidis et Tim Merlier chez Alpecin-Fenix qui vont tous deux chercher un résultat de premier plan pour leurs équipes respectives.

VDP, tout ou rien

Surprenant Mathieu de temps en temps, lorsqu’il explose: il explose vraiment, quitte à se mettre carrément à l’arrêt (ou presque) en pleine course.

Il a refait le coup hier, un peu comme aux Mondiaux 2019 sous la pluie. Il avait également connu une grosse baisse d’énergie dans le final de la 5e étape de Tirreno-Adriatico récemment, même s’il a pu aller au bout pour chercher la victoire d’étape.

Peut-être des coups de fringale? Mathieu est un gros gabarit, sa consommation énergétique doit être élevée. Oublie-t-il parfois de s’alimenter en quantité suffisante? On ne s’alimente pas en cyclo-cross, les épreuves étant trop courtes pour ca. Mais sur route, il faut le faire. Mathieu a-t-il payé hier dans le final des efforts intenses sur les deux premières heures, alors que ca roulait vite? Pas impossible… surtout que la consommation d’énergie n’est pas la même par 25 degrés versus 10 degrés…

La bonne nouvelle pour Mathieu et les autres coureurs, c’est qu’on annonce un temps clément en Belgique dimanche prochain, et beaucoup plus frais que hier: 14 degrés maximum. Voilà qui devrait donner d’excellentes conditions de course pour les coureurs, mais aussi peut-être une course moins sélective ou la sélection devra venir de l’avant.

Vivre les Classiques

Gand-Wevelgem: les sprinters se font la belle

C’est le vent qui, hier, a joué les trouble-fêtes sur Gand-Wevelgem. Le vent et la Covid-19 puisque pas moins de deux équipes se voyaient refuser le départ en raison d’une éclosion en leur sein, soit Trek-Segafredo et Bora-Hansgrohe.

Rapidement, il y a eu des coureurs partout, bordures obligent. Tellement que par moment, c’était difficile de suivre l’évolution de la course et de savoir de quel groupe il s’agissait à la caméra.

C’est devenu très clair dans le final, après la 2e ascension du Mont Kemmel: 9 coureurs devant, après un forcing de Wout Van Aert épaulé par Matteo Trentin. Et du lot, pas moins de 7 sprinters! Bennett, Matthews, Trentin, Van Aert, Colbrelli, Nizzolo, Van Poppel, du beau monde avec de jolies pointes de vitesse, et épaulés par Kung et Van Hooydonck.

Pour la petite histoire, Nathan Van Hooydonck est le neveu d’Edwig, et Danny Van Poppel le fils de Jean-Paul (pour ceux qui connaissent l’histoire du cyclisme).

L’effort fourni dans le Kemmel a peu après condamné Bennett et Van Poppel, trop juste pour soutenir l’allure.

Ils étaient alors 7 devant, dont deux Jumbo-Visma, Van Hooydonck et Van Aert. C’est toujours intéressant ces situations où une équipe est en surnombre dans le final, tu te demandes comment ils vont la jouer!

Contrairement à AG2R-La Mondiale deux jours avant, les Jumbo-Visma n’ont pas manqué leur coup. Van Hooydonck a d’abord fait un pétard mouillé, question de voir qui avait les jambes. Il a ensuite longuement amené à bonne vitesse dans les derniers hectomètres, question de limiter les envies de décamper des autres, et Van Aert a terminé le travail, imposant sa fraicheur physique et sa puissance après une course de 247 kms, quand même.

Nizzolo et Trentin complètent le podium. Je pensais Matthews comme le plus dangereux pour Van Aert, mais il n’en fut rien, étant victime de crampes dans les derniers kms. 247 kms quand même, c’est une longue classique.

Mention encore très bien au français Anthony Turgis qui sort en contre dans les derniers kilomètres et qui résiste au retour de son groupe pour terminer 9e à moins d’une minute du vainqueur. À force d’essayer, il faudra que ça rigole un jour et Turgis passe manifestement un pallier en ce moment.

Le premier Deceuninck est seulement 14e, la faute très certainement à Bennett qui était devant avec le groupe de tête avant de s’éteindre, complètement cuit par le rythme soutenu dans le Kemmel, et aux prises avec des ennuis gastriques, apparemment.

Le Canadien Ben Perry termine 87e sur 90 coureurs classés, à plus de 11min de Van Aert. Il est allé au bout. Hugo Houle, malade plus tôt dans la semaine, a dû abandonner, question de se refaire la cerise avant la suite prévue ce mercredi sur À travers la Flandre.

Soulignons en terminant que l’équipe Jumbo-Visma réalise un doublé hier sur Gand-Wevelgem puisque c’est Marianne Vos qui l’emporte au sprint chez les femmes, elle-aussi faisant partie de la formation néerlandaise.

Le Ronde dimanche prochain!

On est dans le dernier droit avant la Grand Messe du cyclisme belge, le Tour des Flandres, prévue dimanche prochain. Avec sa victoire sur Gand-Wevelgem, Wout Van Aert s’inscrit comme un des grands favoris de l’épreuve, quelques mois après sa 2e place derrière un certain Mathieu Van Der Poel. Wout est belge!

Les deux éternels rivaux se retrouveront donc dimanche prochain pour un joli feu d’artifice, arbitré par quelques autres outsiders de premier ordre comme Alaphilippe, Andersen, et plusieurs autres.

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