Beaucoup de commentaires concernant notre texte d’hier et La Flamme Rouge vous en remercie. Beaucoup de lecteurs soutiennent nos propos et on les en remercie également. Beaucoup de lecteurs ont aussi exprimé leur désacord avec nos propos et loin de nous l’idée de nous justifier ce soir, ni de les convaincre qu’ils ont tort et que nous avons raison. Car en l’absence de preuves formelles et irréfutables quant aux techniques de préparation de Lance Armstrong et de son équipe, qui sommes-nous pour trancher le débat ? Aussi, nous sommes d’accord avec nos détracteurs sur un point : l’absence de preuves. Alors pourquoi ce malaise que l’on ressent ? Pourquoi se laisser aller à ce que certains estiment être un dénigrement du champion américain et que nous estimons être simplement l’ajout de bémols quant à ses performances impressionnantes?
Première raison, la nature même de ce site. Il existe sur internet des milliers de sites sur le cyclisme, tous louangeant plus ou moins les performances de tous les cyclistes pros, du moins n’abordant peu voire jamais les « questions qui fâchent » et qui sont moins drôles parce que mettant en péril jusqu’à la simple existence de ce sport. La différence sur La Flamme Rouge, c’est qu’on y retrouve justement les bémols, les choses qui fâchent, les propos qu’on aimerait parfois éviter de lire et forcément la suspicion (les cyclistes pro ne nous ont pas spécialement mis en confiance depuis une dizaine d’années concernant le dopage…). Ces propos sont-ils pour autant gratuits ? On vous assure que non. Afin de rendre compte avec le plus de justesse de ce monde du cyclisme pro, nous dévorons à peu près tout ce qui s’écrit sur le cyclisme depuis 20 ans, revues, bouquins, etc. Et pas seulement les bouquins de coureurs repentis, le dernier en date étant celui de Philippe Gaumont dont on vous offrira très prochainement un compte-rendu critique. Non, on se tape aussi les autres livres, ceux de Virenque, ceux d’Armstrong pour essayer d’avoir les deux côtés de la médaille. Nos propos ne valent pas mieux que ceux de nos lecteurs, c’est évident, mais si on ignore sur quelles connaissances s’appuient les leurs, on peut vous assurer que les nôtres s’appuient sur un important effort de documentation tout azimut sur ce sport.
Alors La Flamme Rouge, mouton noir des sites sur le cyclisme professionnel ? Peut-être… Et on ajouterait même qu’on en est fier, notre ligne de pensée étant de ne pas prendre nos lecteurs pour des imbéciles. À La Flamme Rouge, vous trouverez les bons et les moins bons côtés du cyclisme afin que vous puissiez être des observateurs éclairés de ce sport. Pas des observateurs lobotomisés par le Canal OLN qui répète depuis 5 ans qu’Armstrong est le seul à préparer convenablement le Tour… Certains de nos propos sont plus difficiles à entendre ? Votre déception voire votre colère n’ont d’égales que les nôtres il y a une dizaine d’années lorsque passionnés du cyclisme, notre univers s’est écroulé en apprenant que les performances des champions qu’on vénérait jusqu’alors étaient en fait entachées de tricherie, c’est-à-dire d’un dopage sanguin à grande échelle. Que valent aujourd’hui les victoires d’Indurain sur le Tour sachant le contexte dans lequel elles ont pris place (bien qu’il n’ait jamais été testé positif durant ces années…) et sachant qu’aujourd’hui, il est au prise avec d’importants problèmes rénaux?
Deuxième raison, nous estimons que les circonstances que nous évoquons sont suffisamment crédibles et sérieuses pour pouvoir les avancer comme le font nombre d’observateurs du cyclisme d’ailleurs. Sur La Flamme Rouge, pas de ragots et pas d’attaques concernant la vie personnelle des coureurs. Simplement des observations troublantes du quotidien sportif permettant de remettre en question les performances de certains coureurs, à la lumière des connaissances acquises dans le passé. Car il faut regarder la réalité en face : Ferrari, préparateur d’Armstrong, a bel et bien été condamné en Italie pour fraude sportive, L.A. Confidentiel existe bel et bien et est jugé suffisamment crédible pour qu’une compagnie d’assurance du Texas retienne la prime de victoire d’Armstrong sur le Tour 2004 en attendant de mener son enquête, l’affaire Simeoni a eu lieu et celle de Mike Anderson est en cours…
Troisième raison, et on se répète, nous ne sommes pas en vendetta ouverte contre Lance Armstrong. À La Flamme Rouge, nous avons condamné et parlé de tous les cas de dopage ou de suspicion de dopage ces dernières années, de Mme Jeanson (« la justice poursuit son travail »:http://www.radio-canada.ca/sports/CyclismeRoute/nouvelles/200507/14/001-duquette.shtml et le procès devrait avoir lieu à l’automne, un dossier que nous continuons à suivre de près) à David Millar. Nous ne sommes encore une fois pas pour ou contre Lance Armstrong et reconnaissons son palmarès. Seulement, tant de domination suscite forcément des questions que nous tentons d’éclairer en vous rapportant le fruit de nos lectures. Et on se méfie de l’aura des champions : combien de personnes nous affirmaient, entre 2000 et 2003, que David Millar, ce jeune coureur sympathique, issu d’une autre culture, ne pouvait pas se doper, pas lui ? Ces mêmes personnes sont aujourd’hui moins modérées que nous dans leurs propos sur le dopage! Alors Armstrong intouchable parce qu’il a gagné 7 Tours ? Non.
On rappellera aussi à nos lecteurs que si Armstrong ou bien d’autres cyclistes n’ont jamais été pris positifs à un contrôle, Virenque, Millar et bien d’autres non plus. À quelques exceptions près dont font partie les récents cas Hamilton et Peres, pratiquement tous les coureurs suspendus pour dopage sanguin ces 8 dernières années l’ont été soit en passant aux aveux, soit pour avoir été pris (eux ou quelqu’un de leur entourage) en possession de produits dopants (dernier cas en date, Dario Frigo). Cela en dit long sur l’efficacité des contrôles.
On rappelera enfin aux lecteurs que si une nouvelle génération de coureurs français « propres » existe maintenant en cyclisme, elle n’existe que sur le papier ; parce qu’en terme de victoires, c’est plutôt très maigre depuis 1999. Cyclisme à deux vitesses ? Impossible de trancher, mais la disette des coureurs français est du jamais vu dans l’histoire du vélo. Troublant quant on pense que les coureurs français sont les seuls devant se soumettre à un suivi longitudinal. Alors forcément, les pratiques et les performances tellement plus impressionnantes du reste du peloton international deviennent forcément source de questionnement.
Finalement, quelques réponses à nos lecteurs, en complément d’information :
1 – si la moyenne horaire du Tour 2005 ne prouve rien, la tendance lourde à une augmentation des moyennes depuis 1998 est plus troublante, surtout dans le contexte ou l’une des justification avançée par la Société du Tour pour introduire une 2e journée de repos et des étapes plus courtes suite à l’affaire Festina était « d’humaniser » le Tour afin de permettre un retour à des moyennes plus raisonnables. 8 ans après, ca roule toujours de plus en plus vite, même par rapport aux moyennes de la belle époque de l’EPO en toute tranquillité. Force est de conclure à un échec de la politique d’ASO pour « humaniser » le Tour.
2 – que si les coureurs pro ne participent plus à des compétitions officielles dans les 2 ou 3 semaines précédant le Tour, ce n’est pas pour observer une « période de repos » comme le suggère un de nos lecteurs. Ou alors, il faut s’entendre sur ce que l’expression « période de repos » veut dire… L’entrainement d’un coureur pro est très précis et très régulier. Les 3 semaines avant le Tour sont probablement les plus importantes et difficiles à gérer ; il faut réduire le volume, tout en travaillant l’intensité afin d’obtenir un pic de forme au moment précis du Tour, que ce soit dans la première, deuxième ou troisième semaine de l’épreuve. Par le passé (jusqu’à environ l’année 2000), les coureurs préféraient participer à des compétitions, seul moyen de travailler l’intensité pensait-on. Depuis quelques années seulement, la tendance s’est renversée. Extrait du récent livre de Gaumont: « _Mais évidemment, notre marge de manoeuvre se réduit et, dans les mois qui suivent l’annonce de la détection, certains comportements changent. Comme les coureurs ne peuvent plus se permettre de s’injecter le produit dans les hôtels – à cause des contrôles inopinés -, ils restent chez eux dans les semaines qui précèdent leurs objectifs. On assiste soudain à une recrudescence d’abandons mystérieux, pour cause de maladie, quinze jours avant les épreuves de Coupe du Monde. Comme par hasard, les grands leaders ne courent plus, vingt jours avant le Tour de France. Le discours du milieu change : avant, on disait que pour préparer une grande compétition, il fallait disputer beaucoup de courses. Désormais, on raconte qu’on court trop, que les plages de récupération ne sont pas assez importantes. Certains coureurs s’inventent des maladies pour pouvoir rentrer chez eux s’injecter de l’EPO._ » (p. 258).
En guise de conclusion à ce texte, ces intéressants propos « d’Andy Hampsten »:http://www.hampsten.com/, coureur professionnel américain de 1985 à 1995, 4e du Tour 1986 et 1992 (victoire d’étape à l’Alpe d’Huez) et vainqueur du Giro 1988, fils de professeurs universitaires et connu pour son intelligence et sa modération :
Question : « _So, back to racing, you have been outspoken in the past about the changes you saw in racing during the early/mid-Nineties._ »
Hampsten : « _Yeah, it was discouraging because I was testing at as good or better than I ever had in my life and training better and harder, but slowly the results were going away. I was lucky though, my doctor simply explained to me the exact math of blood doping, and how much it would help. The difference was amazing on paper, you could see that I still had the power, but since I no longer on equal footing, I could not deliver enough oxygen. I had already established myself as a rider much earlier, so there wasn’t much point in doping at age 32, so I decided to just keep doing the best I could._ »
« _(…)Drugs have always been around cycling. But I believe that before EPO was introduced in the early Nineties a talented rider like myself could stay competitive without them._ »(Cycle Sport, February 2005, p. 74).