L’histoire n’est pas banale, et il est difficile d’y voir clair.
Jack Burke, c’est ce jeune espoir canadien en cyclisme qui a terminé 4e du classement général du Tour de l’Abitibi en 2013, une belle performance pour un junior considérant le plateau relevé de l’épreuve qui attire chaque année des équipes européennes.
Un mois après, il recevait toutefois un avis de l’UCI: test positif à un produit diurétique, l’hydrochlorothiazide. Ce produit avait été retrouvé en quantité infime dans ses urines.
Considérant le contexte du cyclisme depuis 20 ans, on peut facilement comprendre l’onde de choc qu’a créé cette nouvelle, en particulier dans le milieu proche du jeune homme. Le doute s’était installé.
Jurant haut, fort et toujours ne s’être jamais dopé, Burke et sa famille – son père en particulier – ont voulu comprendre comment une telle situation était possible. Après avoir envisagé de multiples possibilités – dont le sabotage par d’autres coureurs, ça s’est déjà vu dans le cyclisme, ou encore la contamination croisée par des suppléments – ils ont été attirés par un détail, celui que le jeune coureur avait été le seul, le matin de l’étape où a eu lieu son contrôle positif, à remplir ses bidons d’eau à Malartic, étant en retard.
Fait troublant, ils ont aussi pu mettre en évidence le fait que la ville de Malartic ne traitait que légèrement (chlore c’est tout) son eau avant de la distribuer et que dans ce contexte, certains contaminants comme l’hydrochlorothiazide pouvaient ne pas être détruits.
Fort de cette explication, la famille Burke a gagné la cause auprès du CCES. L’UCI a certes porté la cause en appel par la suite, et le Tribunal d’Arbitrage du Sport a une nouvelle fois donné raison à la famille Burke.
L’eau de Malartic aurait donc été « contaminée » par l’hydrochlorothiazide ce jour-là d’été 2013. La source du produit? Possiblement les urines de personnes vivant dans la région et utilisant ce produit reconnu dans le traitement de la haute pression, notamment.
Mon opinion sur l’affaire
Quelle histoire! Il est selon moi extrêmement difficile de trancher qui a raison dans toute cette affaire.
D’une part, la famille Burke a toujours clamé haut et fort son innocence, et a manifestement été très perturbée par cette histoire. L’énergie employée pour expliquer la situation est également peu commune, montrant une volonté à toute épreuve de faire la lumière sur l’affaire. Cela me fait un peu penser à l’énergie employée par Claude Robinson dans sa cause contre Sinar, une énergie que seule la conviction de faire sortir la vérité peut générer.
Il y a des experts s’étant également prononcé quant à la résistance particulière de l’hydrochlorothiazide au traitement de chlorination.
Et puis, de l’eau contaminée, c’est tout à fait possible. Rappelons le triste épisode de Walkerton il y a quelques années…
De l’autre, il y a des avis de personnes respectables, notamment Mme Christine Ayotte de l’AMA, qui affirme qu’il est techniquement impossible qu’un produit pharmaceutique tel l’hydrochlorothiazide puisse se retrouver dans l’eau de Malartic puisque cette eau est puisée à même un esker, se trouvant à plus de 4 km au nord-ouest de la ville. Le maire de Malartic défend également avec vigueur la qualité de l’eau qu’on y retrouve, ce qui n’est pas une surprise.
Alors, qui dit vrai? Pas simple!
Je crois personnellement qu’on ne peut exclure dans aucune ville une contamination à divers produits en 2015. La population consomme une masse record de médicaments de toute sorte, dont bon nombre de molécules sont évacuées via l’urine. Comment, dans ce contexte, garantir qu’aucune de ces molécules ne peut se retrouver en quantité très faible dans l’eau que l’on retrouve en ouvrant son robinet?
Mais la conclusion qui m’apparait la plus importante dans toute cette histoire, c’est un enjeu autour de la sensibilité des appareils de détection utilisés dans la lutte contre le dopage. On est aujourd’hui capable de déceler des doses infinitésimales de produits dans l’urine ou le sang. Si de l’eau potable transporte de tels produits en très faibles quantités totalement inoffensives pour la santé humaine, est-il possible qu’en consommant cette eau, les athlètes deviennent à risque car la précision des appareils permet aujourd’hui de trouver ces faibles quantités qui, de toute façon, ne procurent aucun avantage sur le plan sportif?
Évidemment, tout le monde se rappellera, à ce stade-ci, l’affaire Contador et son steak contaminé. De façon générale, de plus en plus de cas similaires font les manchettes depuis quelques années.
Cela signifie peut-être qu’il est aujourd’hui nécessaire de bien estimer les seuils à partir desquels les athlètes seront déclarés positifs pour certains produits bien précis, potentiellement solubles dans l’eau. Les faux-positifs sont trop dommageables pour les athlètes que les faux-négatifs… et je ne voudrais pas être déclaré positif parce que j’ai rempli mes bidons d’eau claire à mon domicile de Gatineau un matin avant une course!
Suggestion
L’eau de Malartic n’a jamais été vraiment retestée pour trouver une contamination possible à l’hydrochlorothiazide, les conditions ayant pu changer depuis ce jour d’été 2013. Mais pourquoi ne pas procéder à un échantillonnage ? Par exemple, prendre, deux, trois jours par mois pendant 12 mois, peut-être un peu plus autour de la date du contrôle positif il y a deux ans, des échantillons pour les tester à divers produits? En cas de présence de contaminants, ce serait un indice fort permettant de croire que la famille Burke a non seulement mis le doigt sur la réelle cause, mais aussi sur la nécessaire révision des seuils pour faire en sorte que cette situation ne se répète plus.