Tous les jours, la passion du cyclisme

Salut Louis.

Je regarde encore régulièrement ce vidéo. Ce n’est pas la première fois que je vous en parle.

Alors que les allergies saisonnières me pourrissent la vie en ce moment, je continue de m’assurer que je respecte les règles. Quitte à me trainer sur mon vélo.

Il existe des façons de gérer la situation sans ce recours aux pompes, qui impliquent aujourd’hui que 80% du peloton est asthmatique. Je ne suis pas asthmatique. Je l’étais entre ma naissance et mes deux ans.

Ma façon de gérer la situation s’appelle aujourd’hui Montelukast (Singulair). Médicament autorisé par l’UCI. That’s how serious I am with the shit.

Mais tu continues, toi la gloire locale, d’impressionner sur Strava.

Je ne peux que te dire bravo, je n’ai aucune preuve.

Mais toi et moi, on sait.

Et tu sais que je sais.

Comme Pierre à l’égard de Gérard-Louis, comme Lyne à l’égard de Geneviève.

Ton cinéma en dupe beaucoup, mais pas moi. Je connais le cyclisme et ses chiffres. Et j’ai côtoyé suffisamment de champions dans ma vie pour savoir qu’on voit toujours venir de très loin les vrais champions. Encore récemment, avec mon ami Pierre. Pierre, il battait Kilian plus tôt dans sa carrière. Rien de surprenant à ses perfs.

Rien de surprenant dans les perfs de Guillaume non plus. On a vu arriver Mathieu dès 8 ans.

Mais toi et ta masse musculaire qui a doublé depuis 10 ans alors que tu vieillis, pas crédible.

La veille des compétitions, je sais que tu n’es pas tranquille. Comme si tu avais quelque chose à cacher.

Alors peut-être, un jour, tu me largueras.

La différence? La différence entre toi et moi, c’est que le soir, quand je rentre chez moi, je peux saluer ma conjointe, mes enfants, mes parents, mon frère, en les regardant droit dans les yeux. What you saw was the best of me, plain simple.

J’ai tout donné sur ma dernière Marmotte. Je ne pouvais pas faire mieux ce jour-là. À l’eau claire. Nothing more. Nothing less either.

Je ne triche pas. Ni dans le sport, ni ailleurs d’ailleurs. Tu ne peux en dire autant.

Au fond, ca s’appelle le respect. Le respect des règles. Le respect des autres. Le respect de soi.

Ce texte te passera 50 pieds au dessus de la tête, tu n’as pas ce qu’il faut pour comprendre anyway.

Mon ami Louis l’avait.

Nous partagions ce point commun: le respect.

Je roulais peu souvent avec Louis. Mais chaque fois, le respect que nous éprouvions l’un envers l’autre, envers les autres aussi, nous connectait.

Louis n’était pas une gloire locale.

Simplement un (bon) cycliste discret.

Louis m’a toujours partagé son appréciation de ma dénonciation du dopage sur La Flamme Rouge. Il trouvait ça bien.

Louis était un gentleman cycliste, un gars qui respectait les règles, qui respectait les autres, qui respectait sa place et ses limites, conscient qu’il n’était pas forcément le meilleur sur le vélo. Mais toujours, il était là pour les bonnes raisons. Modeste, mais pas moins présent.

Louis était toujours le facteur positif d’un groupe lors d’une sortie d’entraînement. Jamais une plainte. Toujours le sourire. Toujours de bonne humeur. Heureux d’être là. Heureux de te voir, même si ça faisait une mèche. Il avait confiance en ses semblables, il avait confiance que tu respectais, comme lui, les règles du sport, de la vie en groupe, du partage.

Ces dernières années, Louis savait aussi qu’il devait faire attention.

Louis est décédé à Hull le 21 avril dernier, foudroyé par une crise cardiaque, lui le cycliste aguerri. Pas sur son vélo, mais bien dans une banale épicerie.

Les funérailles de Louis ont eu lieu hier.

Cette nouvelle m’a dévasté.

J’ai aimé chaque tour de pédale que j’ai pu faire dans ma vie avec Louis. Chaque tour, même s’ils ont été (trop) peu nombreux.

Je n’ai jamais oublié ce cycliste mort lors de la dernière étape de la Haute Route 2012, 5min devant moi, dans la descente de la Couillole.

Je n’oublierai jamais Louis non plus. Parce que nos valeurs étaient communes. Celles du respect des autres. Du respect de soi. De la modestie aussi. Rester à sa place. Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul…

À sa famille, sa conjointe, sa fille qui porte le même prénom que la mienne (ça nous avait aussi rapproché), mes sincères sympathies. We’ve lost a good one.

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18 Commentaires

  1. marius

    Merci pour ce texte Laurent, nous partageons les mêmes idéaux. Je comprends ta peine et j’adresse ici toute ma sympathie.

  2. noirvélo

    Plein de compréhension et de partage , je m’associe à ta peine … J’ai perdu il y a trois ans mon « ami cycliste Dédé » , je peux tout comprendre . Courage à toi et à sa famille .

  3. noirvélo

    La photo est magnifique , elle représente une des facettes de la passion que nous avons pour le vélo (en ce qui me concerne , la liberté , l’évasion , la nature brute , la sublimation de l’effort en milieu ami …
    PS D’où est pris cette photo s’il te plait ? merci.

    • lbi

      Ca sent le galibier…

    • Laurent

      @Noirvelo,
      Tu auras reconnu les tous derniers kilomètres du col du Galibier, mon col préféré. J’ai trouvé cette image sur Internet, un site de sciences. Selon moi, la photo a été prise du petit site lié à la table d’observation, qu’on accède à pied à partir du sommet du col, ou un peu plus haut.

  4. lbi

    Perso, j’ai montelukast, aérius, pulmicort, et ventoline, et aussi un ou 2 autres, prednisolone etc . J’ai eu aussi symbicort, bricanyl, etc etc.. Rien qui ne fera de toi un champion. Ca t’aide juste à respirer comme les autres ou moins mal.
    Je ne comprends pas pourquoi absalon a arrêté sa carrière pour ça. C’est plus un alibi qu’autre chose.

  5. Pierre Lacoste

    Excellent texte, qui a pour particularité de faire réfléchir les cyclistes un peu trop ambitieux mais aux moyens limités et qui frappe aussi au coeur les cyclistes vieillissants qui voient leur capacités se dégrader peu à peu (ou brutalement, dans le cas d’une mauvaise chute et blessure grave). Un texte d’une pertinence permanente, quoi. But…what’s with the english bits, left and right? Is that now a requirement for staying relevant, cool and on trend? English-language cycling blogs are a dime a dozen, many of them quite disposable. LFR is an excellent, worthwhile blog in french; what added value do these english bits bring to a french-speaking readership, other than to slavishly follow a trend? Now this type of comment is often viewed as the griping of old farts (guilty) and last-century nationalists (not guilty), but if you haven’t noticed the ongoing erosion of french in Montreal (and likely in Gatineau), you haven’t been paying attention. It’s quite real and insidious too. Maybe none of this matters…or maybe it does, and we’ll only realize its importance
    after the fact. Just sayin’…

    • Pierre C

      Merci Laurent pour le beau texte.

      Merci Pierre Lacoste de souligner l’usage de l’anglais dans ce texte. Tel que mentionné dans le commentaire, l’usage de l’anglais est insidieux. Le français est une langue qui ne manque pas de mots et d’expressions permettant d’évoquer tout ce que l’on veut. Laurent nous montre d’ailleurs tout son talent et sa maîtrise du français et moi aussi je comprends mal le saupoudrage d’anglais dans ce texte. C’est choquant pour les oreilles.
      Je crois en la responsabilité de celles et ceux qui occupent un peu d’espace public de respecter la langue utilisée.

      • marius

        Mon prof d’anglais m’a appris que les traités internationaux étaient rédigés et ratifiés en français, puis ensuite, traduits dans chaque langue.
        La raison.
        Le français est la langue la plus précise qui permet le mieux de ciseler une phrase de manière quasi géométrique. Et laissant beaucoup moins d’ambiguïtés.
        C’est sûrement moins le cas aujourd’hui, où des 1919, l’anglais est venu cohabiter avec le français.

      • Laurent

        @Pierre(s),
        Merci de vos commentaires à l’endroit de l’usage de phrases en anglais sur ce site.
        Le respect et la qualité du français sont des valeurs TRÈS importantes de ce site. Né d’une mère française, mon père est linguiste, et ex-président du Conseil de la langue française du Québec. Il est également l’auteur du dictionnaire normatif du français québécois (aujourd’hui connu sous le nom d’Usito). Enfin, je suis responsable, à titre de directeur sénior à Statistique Canada, du programme national des statistiques linguistiques, entre autres choses. Nos projections des groupes linguistiques du Canada, diffusées en 2017, ont été une pièce maitresse de ces réformes, et le Conseil du Trésor publiera bientôt le rapport annuel 2020-2021 des activités à StatCan en lien avec l’Article 41 de la Loi, montrant toute la profondeur de l’engagement de mon organisme.
        J’ai utilisé à plusieurs occasions ces derniers mois des phrases en anglais en effet, ceci dans le but de rendre le texte vivant et rythmé, sympathique à lire. Chaque fois, surtout si l’expression était consacrée, et qu’il existait peu d’équivalents français. Parfois, le recours à des expressions consacrées dans d’autres langues aussi: molto bene, la dolce vita, etc.
        Je ferai un peu plus attention à partir de maintenant, question d’assurer que La Flamme Rouge demeure un site exemplaire quand à la qualité de la langue française qu’on y retrouve.

  6. SERGE

    Laurent, le départ de ton ami Louis doit nous rappeler que la vie est très courte et des fois plus courte que l’on pensait. Alors prends soin de toi et fais le bonheur de tes proches. Ne penses pas à ceux qui trichent, ils ne rendront pas ta vie meilleure, ils ont décidé de prendre un autre chemin (qui risque d’être plus court que le tien) pour une coupe ou un futile classement. Que de tourments pour une si pâle récompense. Notre passion, le cyclisme, est plus un plaisir que nous nous octroyons personnellement, basculer en haut d’un col après 1 heure d’effort, passer la ligne d’arrivée…Longue vie à toi mon ami, en espérant partager notre passion commune très prochainement.

    • Laurent

      @Serge,
      Presque 24 mois sans monter un col, ca devient pesant en effet. Vivement d’y retourner maintenant, question de me faire plaisir tant à monter à 16 à l’heure qu’à descendre à 80 à l’heure.
      Ce GranFondo NewYork aussi, pas oublié!

  7. Yvon

    Bravo pour ton article courageux et sincère je ne connais pas la personne dont tu parles mais nous en connaissons tous un ou plusieurs. J’ai assisté à une séance d’antidouleurs avant une sortie de cyclo de 90 km. Continues ton combat tu n’es pas seul.
    .

  8. Alain Goulet

    Très beau texte au sujet de ton ami Louis, Laurent. Les tricheurs ont les retrouvent maintenant lors de courses sur Zwift. Des coureurs maîtres de 50 ans et plus avec des ratio watts/ poids de 5 et plus pour 1 heure. Ils ont raté l’occasion d’avoir une carrière pro. Imagine leur puissance dans la vingtaine

    • Laurent

      @Alain,
      En effet, même sur Zwift qui a sanctionné cet hiver quelques cyclistes aux performances très louches. Manipulation des données… c’est incroyable. Quel monde de fou.
      Je ne visais personne en particulier, mais plutôt ce cycliste lambda qui peut être tout le monde, même le bon gars du coin, et ces cyclistes maitres qui, à l’approche d’un objectif, une course, même une cyclosportive, prendront des raccourcis ceci pour épater la galerie sur Facebook. Je ne supporte plus, alors que ces grands rendez-vous me manquent.

  9. Michel Garand

    Très beau texte Laurent. À l’image de ce que tu es, de ce que nous sommes, les « clean men ».

  10. Pierre Lacoste

    Laurent,

    Nonobstant les commentaires énoncés dans mon texte précédent, je tiens à dire que je trouve qu’effectivement, LFR a toujours gardé un français d’une excellente tenue, nettement au dessus de la moyenne et c’est tout à son honneur. Manifestement, le fils tient du père. Le recours aux formules consacrées dans une autre langue accompagne généralement (ou souvent) un propos lié à la langue et la culture en question: des emprunts à l’Allemand, par exemple, pour décrire quelque chose…d’allemand. Ou d’italien, dans ton exemple. Mais le recours à l’anglais dans bien des textes français, est souvent gratuit et ne sert qu’à faire valoir sa «branchitude» et son «ouverture au monde». C’est la première fois que j’émets une critique à l’égard de la LFR, que j’apprécie et qui fait bien la synthèse de l’actualité cycliste; sinon, rien à redire. LFR me permet
    de rester au courant, sinon j’aurais pas le temps et la patience de tout suivre moi-même. Merci!

  11. Edgard Allan Poe

    Beau texte, Laurent, on sent que le cœur parle !
    J’apprécie beaucoup ton positionnement très clair quand au dopage et autres tricheries en vigueur du niveau le plus bas à l’élite de notre sport. Je me posais parfois la question d’une certaine complaisance de ta part. Après tout, ce sont aussi des gens qu’on admire. Tu as sérieusement clarifié la situation !
    Je trouve qu’il est dur, très dur de se sentir presque seul dans ce positionnement…radical, on peut le dire, au regard des sales habitudes, des us et coutumes en vigueur dans les pelotons.
    Mais comme tu dis, on a sa fierté, son identité !
    Je pense que je n’aurais pas supporté de gagner des courses en sachant que j’avais triché, même si les tricheurs ont toujours de bons « alibis », des prétextes fallacieux auxquels ils finissent par croire eux-mêmes.
    Désolé pour ton ami. Les proches disparus viennent parfois hanter mes sorties, enfin disons qu’ils sont présents dans mes pensées dans l’effort solitaire de l’entrainement. Je vais quelques fois même jusqu’à leur dédier un entrainement…une course ! Manière de faire son deuil ou de garder les gens présents.

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