Mon premier vélo de course était un cadre acier. Columbus SL. Et comme à l’époque le savoir-faire du fabriquant était la meilleure garantie de la qualité du cadre, j’avais choisi une référence au Québec: Marinoni. D’autres, plus petits, avaient également une solide réputation, comme Cycles Ryffranck par exemple.
Depuis, la révolution carbone est passée par là. Et avec elle, tous mes repères en matière de qualité de fabrication se sont effondrés.
On me demande régulièrement mon opinion sur la qualité de tel ou tel cadre carbone: depuis 3 ou 4 ans, je réponds que je ne sais pas. Je ne sais plus.
Jusqu’en 2005 environ, j’ai continué de croire que la réputation et le savoir-faire des fabriquants étaient la meilleure garantie d’acheter un cadre top-qualité. Après tout, certaines compagnies, comme DeRosa ou Bianchi par exemple, fabriquent des cadres de vélo depuis des générations. Ils doivent savoir de quoi ils parlent. Et leurs protocoles d’assurance de qualité, pensais-je, devaient être les plus sérieux du marché.
Mais des histoires de cadres fissurés, brisés sans explication, ont sérieusement mis en doute mes convictions. La production de masse centralisée à Taiwan, question d’abaisser les coûts de production, est passée par là.
Les exemples autour de moi sont en effet légions depuis 4 ou 5 ans. À peu près toutes les marques y sont passées, que ce soit des produits d’ici comme d’ailleurs: cadres québécois, canadiens, européens, connus, moins connus, tous y sont passés. Les histoires d’horreur, notamment au niveau des emmerdes avec la compagnie pour faire remplacer le cadre, sont fréquentes. Sans parler des mois d’attente sans pouvoir rouler sur le vélo, le temps que le cadre parte puis revienne de la compagnie…
Encore récemment, la tige de selle intégrée d’un cadre Time RXR 2010 d’un ami s’est ouverte en deux, sans explication. Mon ami, qui ne fait aucune course, aucune cyclosportive et qui n’a eu aucune chute avec son cadre acheté en début d’année, s’entraînait alors doucement, au train. Time jouit pourtant d’une solide réputation de qualité…
À l’heure de la production de masse, production – pour l’immense majorité des cadres carbone produits dans le monde – concentrée à Taiwan, à l’heure de la multiplication des compagnies de cycles, à l’heure de la course au gramme, à l’heure aussi de la maximisation des profits, je vous avoue franchement être assez perdu lorsque vient le temps d’acheter un cadre. Par chance, je ne change pas le mien l’an prochain mais force est de reconnaître que j’ignore totalement ce que je choisirais si je devais le changer dans les prochains mois.
Quels critères objectifs adopter afin d’établir son choix ? Le prix ? La garantie offerte ? La réputation de la compagnie qui appose son autocollant sur le cadre ? La légèreté ? L’usage ? Comment savoir que telle compagnie offre à ses clients des produits qui tiennent vraiment la route ? Après tout, on n’achète pas un vélo pour le renvoyer à la compagnie quelques mois plus tard, on achète un vélo pour rouler dessus tous les jours, pour certains entre 10 et 15000 kms par an. La fiabilité est donc un critère important.
Et pourquoi choisir aujourd’hui un carbone ? Le titane voire l’alu ne sont-ils pas des choix encore possibles voire avantageux face au carbone ? Et l’acier ? On trouve désormais des cadres acier de 1200 grammes, soit à peine plus que des cadres carbone…
Quoi qu’il en soit, je pense que les compagnies jouent actuellement un jeu dangereux. La patience de la clientèle n’est en effet pas à toute épreuve devant la multiplication des problèmes sur les cadres carbone. Plusieurs cyclistes autour de moi reviennent actuellement vers le titane ou l’acier. Et puis, la Chine s’est mise à mouler des cadres carbone, offerts sur le marché pour le quart, le cinquième voire parfois le dixième du prix d’un cadre revendiqué haut de gamme par une compagnie dans le vent. Et fissure pour fissure, ca fait moins mal au coeur de remplacer un cadre de 500$ que de 5000$…