J’en suis convaincu depuis longtemps: Greg LeMond est le dernier vainqueur propre du Tour de France (1990), sans l’ombre d’un doute.
Depuis, très peu de vainqueurs n’ont pas eu des démêlées avec des histoires de dopage. Carlos Sastre en est un, mais il était à la CSC de Bjarne Riis… tout comme Andy Schleck en 2010.
Le seul autre pourrait raisonnablement être Cadel Evans en 2011. Jamais été testé positif, jamais impliqué de près ou de loin dans une affaire de dopage. Et aucune performance « mutant » par rapport aux watts lors de son Tour victorieux. Mais il a gagné dans cette période récente de dopage sanguin sophistiqué.
Je parle de ça aujourd’hui sur LFR compte tenu des récents débats sur ce site, et compte tenu des récentes déclarations de Johan Bruyneel, qui m’ont dérangé.
Bruyneel a notamment déclaré que « tous les champions de l’histoire du cyclisme étaient les meilleurs de leur génération« .
FAUX. Archi-faux.
Parce que le dopage sanguin a tout changé. Il y a eu le cyclisme d’avant dopage sanguin, et il y a maintenant le cyclisme à l’ère du dopage sanguin.
Jusqu’en 1988-1989, le dopage « traditionnel » en cours dans le cyclisme depuis des décennies, avec certains produits à la mode selon l’époque (strychnine au tout début, cortisone dans les années 1970, etc.) ne permettait pas de transformer un cheval de traie en cheval de course. Ce dopage était efficace pour soutenir les cyclistes, pour leur donner un « boost », façon Bomba avec Coppi dans les années 1950.
Avec ce dopage là, les champions restaient les champions et les domestiques restaient les domestiques, oui.
Le dopage sanguin, apparu essentiellement dans le cyclisme en 1988 chez les Néerlandais puis chez les Italiens rapidement après, a tout changé. Les gains avec l’EPO, qui a vu le jour à cette époque pour traiter les insuffisantes rénales, étaient tels que cette nouvelle forme de dopage a transformé les domestiques en champions, aucun doute là-dessus. Et s’est répandue très rapidement.
Bjarne Riis vainqueur du Tour? La preuve par quatre.
Je soutiens que sans dopage sanguin sophistiqué, Lance Armstrong n’aurait jamais remporté le Tour de France. Des Classiques d’un jour peut-être, comme il l’a fait assez tôt dans sa carrière. Mais le Tour, jamais.
On a vu venir Greg LeMond de très loin. Comme Hinault. Guimard ne s’était pas trompé sur leur compte. Qui a vu venir Bjarne Riis? Carlos Sastre? Même Chris Froome?
En ce sens, Egan Bernal a ce petit côté rassurant: on l’a vu venir. Comme on a vu venir Mathieu Van Der Poel, ainsi que Remco Evenepoel. Bernal appartient cependant à cette génération de Colombiens hyper-performants, et dont bon nombre ont été convaincus de dopage ces derniers temps, le dernier en date étant Jarlinson Pantano.
Greg LeMond l’a toujours, toujours affirmé: il ne s’est jamais troué la peau. Jamais. Il n’a jamais fait l’objet d’un contrôle positif, ni de soupçons, pas même des coureurs de son époque. Et il a pris un sérieux coup en 1991, comme Andy Hampsten d’ailleurs, eux qui étaient loin du dopage sanguin qui se généralisait à l’époque. Le peloton avait subitement accéléré drastiquement. Pas eux.
Bruyneel déplore également l’hypocrisie du milieu, et on se doit d’être d’accord avec lui: ça ne fait aucun sens que Riis et lui soient ainsi écartés, et qu’un Vinokourov ou d’autres du même acabit continuent de diriger des équipes World Tour.
Mais Bruyneel dérape lorsqu’il implique des ex-coureurs comme Madiot, Bernaudeau ou Lavenu. Il y a une différence entre prendre une pilule dans les années 1980 en fin de course pour se soutenir, bien que je sois absolument contre cette pratique bien sûr, et l’organisation d’un dopage systématique et ultra-sophistiqué (motoman…) au sein d’une équipe pro, avec sanctions pour les coureurs ne voulant pas y adhérer et corruption au plus haut niveau, même de l’UCI!
Bien sûr, en définitive, on ne peut se fier que sur la seule parole des gens. Je ne crois pas les demi-vérités de Lance Armstrong. Je ne crois pas Bruyneel, Riis ou Vinokourov, encore moins Michele Ferrari. Mais je crois Greg LeMond. Il a toujours fait preuve de candeur et de sincérité. Et tous ses résultats ont toujours été logiques, linéaires et cohérents durant sa carrière, ainsi qu’à l’intérieur même d’une seule saison.