Le sarde Fabio Aru, 25 ans seulement, a donc remporté cette Vuelta 2015 en s’imposant lors de l’avant dernière étape, faisant craquer Tom Dumoulin dans l’avant dernier col du jour.
Pour le suspense, c’était parfait!
En quelque sorte, Aru marche sur les traces de son aîné et équipier Vicenzo Nibali qui, lui aussi, s’est d’abord imposé sur la Vuelta (en 2010) avant de s’imposer sur le Giro (en 2013) et le Tour (en 2014).
Aru venge également ainsi son « échec » sur le Giro, Landa et lui étant tombé sur un Contador en grande condition les ayant contrôlé du début à la fin de l’épreuve.
Je sais pas vous, mais pour moi, la surprise au niveau d’Aru est sa performance dans le chrono de la 17e étape, qu’il a terminé à « seulement » 1min53 de Tom Dumoulin, vainqueur ce jour-là. Pour un grimpeur de poche pas spécialement reconnu pour ses aptitudes contre la montre, c’était plutôt pas mal.
Il sera intéressant de voir ce qui se passera durant l’intersaison, l’avènement d’Aru comme vainqueur d’un grand tour pouvant potentiellement remettre en question le leadership de Nibali à ce niveau au sein de l’équipe Astana. L’ambiance n’étant très certainement pas au beau fixe entre Vinokourov le manager général et Nibali suite à l’échec du Tour, je ne serais pas surpris de voir Nibali en partance vers d’autres cieux, notamment ceux de la Lampre qui n’a pas vraiment de grand leader sur les grands tours.
Mais LA révélation de cette Vuelta est sans conteste Tom Dumoulin, longtemps en position de s’imposer mais finalement cramé l’avant dernier jour.
Je crois surtout que Dumoulin a surpris son équipe en premier lieu, qui n’avait pas prévu ce coup-là. Je pense que l’équipe Giant-Alpecin avait plutôt été constituée pour les sprints de John Dekengolb (qui remporte d’ailleurs la dernière étape), et non pour viser le général. Du coup, les Giant-Alpecin ont été inefficaces pour épauler convenablement Dumoulin en montagne, lui qui a dû se débrouiller tout seul tout le temps sur ce terrain. À force, la fatigue s’est fait sentir et ça l’a lâché l’avant dernier jour. Dommage, mais l’expérience acquise sera très profitable au cours des prochaines saisons.
Trois autres résultats ont attiré mon attention.
D’une part, la perf d’ensemble du jeune colombien Esteban Chaves, la perle d’Orica Green Edge. Il arrive doucement à maturité et je pense qu’il peut faire de grandes choses sur certaines courses par étapes dans les prochaines années.
C’est, en tout ças, un autre atout dans cette formidable génération de coureurs colombiens qui évolue en WorldTour.
D’autre part, Rafal Majka m’a également surpris, terminant finalement 3e du général et prouvant qu’il pouvait passer trois semaines en restant assez constant. Assez jeune, soit 26 ans, il peut encore progresser et aspirer devenir le leader chez Tinkoff, Contador ayant annoncé sa retraite pour la fin 2016. D’ailleurs, Oleg Tinkoff a déjà annoncé que le principal objectif de Majka en 2016 sera une victoire au Giro, rien de moins.
Enfin, la 15e place du général (et premier Français de ce Tour d’Espagne) de Romain Sicard, une place qui fait plaisir. Ce coureur français a galéré des mois en 2012 et 2013, blessé. Il est revenu à un excellent niveau aujourd’hui, trouvant chez Europcar un environnement propice à son épanouissement. Sicard a notamment terminé 7e du chrono de Burgos en fin d’épreuve, à 1min36 de Dumoulin, un signe qui ne trompe pas sur la force et la capacité de récupération de ce coureur. Je pense qu’on reverra du Sicard devant en 2016 s’il passe un bon hiver.
La déception de cette Vuelta vient évidemment de Joaquim Rodriguez, une fois de plus mouché alors qu’il pouvait presque toucher la victoire du bout des doigts. Souvent 2e, ce coureur accumule les places d’honneur depuis plusieurs années, imaginez son palmarès s’il avait pu concrétiser! Juste sur les grands tours, Rodriguez a déjà terminé à cinq reprises sur le podium (3e de la Vuelta en 2010, 2e du Giro et 3e de la Vuelta en 2012, 3e du Tour en 2013, et maintenant 2e de la Vuelta 2015), auquel il faut ajouter trois places de 4e (Giro 2011, Vuelta 2013 et 2014). Incroyable!
Il sera maintenant intéressant de consulter les résultats des prochains Mondiaux afin de voir si les coureurs ayant disputé la Vuelta seront davantage dominants que ceux qui ont opté pour une autre préparation, notamment via les Grands Prix cyclistes de Québec et Montréal. Cette Vuelta ayant été très difficile, je ne suis pas certain que les coureurs auront récupéré à temps de leurs efforts. Il sera particulièrement intéressant de suivre Dumoulin si on lui confie en partie le leadership de l’équipe des Pays-Bas, peut-être avec Kelderman et Gesink tous deux auteurs de belles perfs à Québec et Montréal le week-end dernier.
Notons finalement que deux coureurs québécois ont complété cette difficile Vuelta, soit Dominique Rollin en 116e place, ainsi qu’Antoine Duchesne 138e. Ils méritent peut-être une place sur l’équipe canadienne des prochains Mondiaux s’ils estiment eux aussi pouvoir récupérer à temps. Rien de tel qu’un grand tour pour passer un cap et prendre de la force! (une fois qu’on a récupéré bien sûr).