À l’aube d’une nouvelle saison de cyclisme professionnel, on peut évoquer quelques grands enjeux qui animeront très probablement la scène des courses cette année:
1 – Dopage, bien évidemment. La saison 2010 a encore une fois été difficile, comme les… 12 précédentes. On pense en premier lieu bien sûr à l’Affaire Contador dont le dénouement devrait survenir quelque part en février dit-on. Lorsqu’un scandale touche le vainqueur du Tour, c’est toujours la grosse catastrophe pour le cyclisme et on ne connaît pas encore le vainqueur de l’édition 2010 ! On peut également ajouter les affaires Mosquera, Pellizotti, Petacchi-Ballan, Axelsson, Sevilla (encore lui !) ainsi que Costa, qui ont toutes fait mal au sport.
La liste des produits utilisés en 2010 est également inquiétante puisqu’on y trouve encore beaucoup de produits sophistiqués liés au dopage sanguin (hydroxyethyle, EPO, methylhexanamine, PFC, etc.).
À la lumière des précédentes saisons, difficile donc d’imaginer beaucoup mieux pour 2011. Le tour à qui ? Chose certaine, c’est du côté des protagonistes des grandes courses par étapes que le risque sera le plus grand.
2 – Le passeport biologique. La crédibilité de l’instrument de l’UCI est déjà contesté devant les tribunaux. L’avenir de ce passeport biologique comme outil de lutte contre le dopage semble bien incertain. Pour le moment, l’UCI continue de l’imposer aux coureurs professionnels mais son champ d’action semble désormais limité à la simple identification des coureurs présentant des profils sanguins suspects, ceci dans le but de mieux cibler les contrôles anti-dopage classiques, via échantillons urinaires ou sanguins.
3 – La sélection des équipes. Possiblement le dossier le plus explosif de la saison 2011. Le nouveau World Tour de l’UCI a accrédité 18 équipes qui sont d’office admises sur les plus grandes courses de la saison, grands tours compris. Souvent, il ne restera donc plus que 4 ou 5 wild cards aux organisateurs pour compléter le plateau. La sélection engendrera forcément des déçus qui ne manqueront pas de crier au scandale. Le moment le plus explosif surviendra lors de l’annonce des 4 équipes supplémentaires sélectionnées pour le Tour ; une seule équipe française, Ag2R, dispose en effet d’une licence World Tour, en laissant au moins 4 autres (La Française des Jeux, Cofidis, Europcar et Saur-Sojasun) à la merci d’une wild card. Le dilemne pour ASO sera alors très difficile… et les déçus seront très mécontents, le Tour étant la course la plus importante de la saison pour les sponsors, en particulier pour les sponsors français.
4 – Des figures de proue dans la tourmente. Contador, Armstrong, Boonen et Cancellara, tous des coureurs emblématiques du cyclisme professionnel par leur palmarès ou leur charisme (charisme qu’un Nibali ou un Rodriguez n’ont pas), présentent tous un avenir incertain devant eux. La saison de Contador, voire son avenir cycliste, est suspendu à la décision prochaine de la Fédération espagnole. Celle d’Armstrong débutera certes en Australie lors du Tour Down Under mais la suite semble bien incertaine et, de toute façon, limitée à des apparitions sur des courses nord-américaines semble-t-il. De plus, il a les conclusions de l’enquête de la FDA et pilotée par Novitzky qui lui pend au nez, avec potentiellement une sérieuse atteinte à son image voire, pire, des preuves que son équipe a bel et bien organisé un dopage systématique. Boonen peine à revenir à son niveau de 2005 ou 2006 et a désespérément besoin d’une nouvelle grande victoire pour effacer ses dérives du passé, notamment son usage de cocaïne. Enfin, le doublé Ronde-Paris Roubaix de Cancellara en 2010 a été entaché d’un doute affreux sur l’utilisation possible d’un moteur caché dans son cadre de vélo, doute presque pire qu’une affaire "normale" de dopage. Le doute est répandu, il se doit de gagner sans bavure en 2011 pour assurer sa totale rédemption.
5 – Quels résultats pour Team Leopard ? La pression est sur toute l’équipe ! La nouvelle "dream team" du cyclisme professionnel devra accumuler les grands résultats pour ne pas décevoir. Pour preuve, il suffit de regarder le traitement généralement réservé à l’équipe Sky en 2010… Quoi qu’il en soit, c’est du côté d’Andy Schleck sur le prochain Tour de France que la pression sera la plus forte, l’équipe ayant en partie été construite en vue de l’atteinte de cet objectif.
6 – L’émergence de la nouvelle génération. Il y a d’ors et déjà une place à prendre dans l’établissement de la génération post-Contador. Qui sont les jeunes de 23 ans et moins qui pourront prétendre à la place de no1 du cyclisme dans quelques années ? Les premiers indices devraient venir en 2011, et on attend beaucoup des Boasson Hagen, Sagan, Phinney, Bobridge, LeBon, Van Garderen, Sicard, King, Oss, voire de… Guillaume Boivin.
7 – Quel meilleur grimpeur ? L’année 2010 n’aura pas été riche de ce côté-là, et on est loin d’un Marco Pantani. Le maillot à pois du dernier Tour de France n’a-t-il pas été remporté par… Anthony Charteau, un coureur anonyme que personne ne voyait à cette place au début du Tour ? Sur le Giro, ce fut Matthew Lloyd… Par chance, Moncoutié a relevé un peu le niveau avec son maillot de meilleur grimpeur de la Vuelta. Qui, en 2011, pour être sacré meilleur grimpeur du peloton ? Andy Schleck ? Riccardo Ricco, de retour après sa suspension pour dopage ? Rodriguez ? Un autre coureur ? Chose certaine, le prochain Giro, ultra montagneux, pourrait bien nous permettre d’identifier ce coureur.
8 – Quel meilleur sprinter ? En 2010, aucun coureur n’a semblé dominer outrageusement la scène du sprint, Cavendish étant un ton en dessous de son niveau de 2009. Si Cavendish demeurera probablement une valeur sûre du sprint en 2011, Greipel et Farrar lui disputeront le titre de meilleur sprinter du peloton. Et il ne faut pas oublier Petacchi, maillot vert du Tour 2010… À moins que Sagan…
9 – SpiderTech. Eux aussi ont la pression en 2011 s’ils veulent se conformer à l’ambitieux plan de Steve Bauer, celui d’amener l’équipe canadienne à disputer le Tour de France dans quelques années. L’équipe sera vraisemblablement admise sur plusieurs courses de moyenne importance en Europe cette année et aura donc l’occasion de se frotter aux meilleures formations. L’équipe devra se montrer à la hauteur si elle veut espérer continuer sa progression et continuer d’obtenir la confiance des organisateurs de courses. La plus grosse difficulté viendra peut-être de l’apprentissage du travail d’équipe, le sacrifice de plusieurs coureurs étant souvent nécessaire, au plus haut niveau, pour qu’un seul obtienne une place à l’arrivée…