Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Mois : octobre 2004

Le peloton 2005 se dessine…

Même si on ne sait ce qu’il adviendra de l’UCI ProTour en 2005, le peloton professionnel de l’an prochain prend tournure. Voici les dernières nouvelles.

En Belgique, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Davitamon-Lotto. L’infrastructure est celle de l’équipe Lotto que le sponsor Davitamon rejoint, quittant par le fait même Quick Step. Cette équipe, qui compte notamment sur Van Petegem, s’est sérieusement renforcée récemment et verra l’arrivée de Cadel Evans, Nico Mattan, Mario Aerts, Bert Roesems, Axel Merckx, Tom Steels ou encore le très jeune et très prometteur Johan Vansummeren pour 2005, excusez-un-peu! Par contre, elle perd la révélation 2004 des Classiques, Leif Hoste, qui ira épauler Georges Hincapie chez Discovery pour ces courses. Cette formation sera équipée par la compagnie américaine Specialized l’an prochain.
2 – Quick Step. L’ossature demeure la même, avec un Bettini en leader pour les Classiques et un Tom Boonen comme sprinter maison. L’équipe aura le renfort de Rik Verbrugghe en 2005, ce dernier tentant de relancer sa carrière.
3 – Landbouwkrediet. De ce côté, c’est plutôt un affaiblissement de l’effectif qu’il faut voir : Popovytch quittera pour Discovery, Steels pour Davitamon-Lotto. Cette équipe jouera donc la carte de jeunes en développement en 2005.
4 – Mr. Bookmaker. L’effectif est maintenu et renforcé par l’arrivée en grande pompe de Franck Vandenbroucke.
5 – Chocolade Jacques a décidé de mettre un terme à son sponsorship et dissout l’équipe à la fin de l’année.

En France, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Nouvelle équipe Bouygues Télécom, qui reprend la formation de Jean-René Bernaudeau, Brioches La Boulangère. Grande compagnie française, on peut penser que Bouygues ne fera pas dans la dentelle : elle est là pour obtenir des résultats. Du coup, le capitaine de route sera Brochard, transfert de chez Ag2R. Le reste de l’effectif demeure fidèle à Bernaudeau.
2 – Cofidis. Après les remous de 2004, on accueille deux leaders de remplacement à Millar, soit Sylvain Chavanel (pour la fibre française et le terrain des Classiques) ainsi que l’Italien Michele Scarponi (transfert de chez Domina Vacanze). À noter aussi les débuts attendus des néo-pros Hervé Duclos-Lassalle, le fils de Gibus (double vainqueur de Paris-Roubaix en 1992 et 1993) et Nicolas Roche, le fils de Stephen, vainqueur de la Triple Couronne en 1987.
3 – Le Crédit Agricole présentera un effectif pratiquement identique, avec comme leader un Christophe Moreau vieillissant. On a toutefois pensé à l’avenir en signant l’italien Pietro Caucchioli (ex-Alessio) qui devra graduellement prendre le relais de Moreau dans les courses à étape. L’équipe accueillera également l’ancien champion de France Nicolas Vogondy, transfert de FdJeux.
4 – Marc Madiot a été très peu actif jusqu’ici, peu de changement significatif sont enregistrés du côté de la FDJeux.com. On fait place à quelques néo-pros.
5 – Ag2R Prévoyance : pour pallier à la perte de Brochard, on a signé le prometteur Cyril Dessel, transfuge de chez Phonak. Pour le reste, peu de changement, ce qui nous permet de croire à un affaiblissement de cette équipe.
6 – RAGT Semences-MG Rover : aucun changement d’importance.
7 – Agritubel. Cette nouvelle formation permet d’ouvrir la porte du professionnalisme à de nombreux jeunes. Cette équipe a d’ors et déjà fait signer Florent Brard, ex-espoir du cyclisme français avant que des affaires de dopage ne le rattrape. L’équipe aura de la gueule, avec également le vétéran Christophe Agnolutto, Stéphane Bergès et Benoît Salmon.

En Italie, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Fassa Bortolo : on perd Pozzatto qui ira rejoindre Bettini chez Quick Step, mais on accueille Baldato (un coureur que Ferreti adore…) qui pourra apporter toute son expérience à Petacchi dans les sprints.
2 – Lampre-Saeco : on a donc fusionner deux grosses formations, qui regroupera désormais Astarloa et Cunego sous le même maillot. On attend toujours des nouvelles de Simoni qui devrait quitter, ne supportant pas l’émergence de Cunego. On a aussi signé Alessandro Bertolini (ex-Alessio).
3 – De Nardi prend du galon, en accueillant comme co-sponsor… Domina Vacanze. Celestino (ex-Saeco) sera un atout sur les Classiques, et on a aussi signé Angelo Furlan. Quant à Cipollini, on ne sait rien pour l’instant de la suite de sa carrière, sinon qu’il pourrait rejoindre une nouvelle formation belge qui serait montée par Planckaert (père).
4 – Liquigas a décidé de revenir dans le peloton, après avoir pendant 2 ans sponsorisé l’équipe nationale italienne après son retrait comme sponsor de l’équipe de Rebellin à la fin des années 1990. Et on ne fait pas dans l’à peu près: outre Backstedt, qui sera leader sur les Classiques roulantes, on fera confiance à Danilo Di Luca pour les Ardennaises. Stefano Garzelli sera leader sur les grands tours, mais devra en même temps assurer l’apprentissage de Dario-David Cioni (révélation du dernier Giro) et de Franco Pellizotti, grand espoir lui-aussi. On prépare l’avenir en mixant jeunes et coureurs d’expérience… On accueillera aussi les grégarios confirmés Oscar Mason, Marco Milesi, Andrea Noe et Marco Zanotti.
5 – Vini Caldirola fusionnera avec BarloWorld et accueillera notamment Francesco Casagrande, fidèle à ses habitudes de changer d’équipe à chaque année…

En Espagne, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Euskaltel-Euskadi. Peu de changement, sinon que l’avenir d’Iban Mayo apparait incertain. Il semble à ce moment-ci intimement lié à celui de Valverde. Si ce dernier devait rejoindre Illes Balears, il est probable que Mayo demeure chez Euskaltel. Dans le cas contraire, il pourrait aller épauler Mancebo là-bas.
2 – Iles Balears : on travaille fort pour obtenir Valverde, qui pourrait être le grand remplaçant de Miguel Indurain, les directeurs sportifs ayant clairement compris les limites de Mancebo.
3 – Liberty Seguros. Saiz accueillera David Etxebarria de nouveau, après son séjour chez Euskaltel. Pour le reste, on continue de faire confiance à Beloki.
4 – Saunier Duval : recrutement secondaire du côté de l’Italie et quelques espagnols. Rien de bien majeur.

Aux Pays-Bas, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Rabobank : on accueille essentiellement Horillo, transfert de chez Quick Step, et Menchov, tranfert des Iles Balears. Dans le cas d’Horillo, c’est une surprise puisqu’il donne un peu dans le même registre que Freire, en moins bien… Leipheimer, un moment attendu chez Discovery, devrait rester.

En Allemagne, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – T-Mobile : on reçoit le renfort d’Oscar Sevilla, surprenant transfert de chez Phonak. Un Espagnol chez les Allemands, on doute fort du résultat mais bon, pourquoi pas ? Par ailleurs, on perd pas mal de coureurs comme Salvoldelli (vers Discovery), Evans et Aerts (vers Lotto-Davitamon).
2 – Gerolsteiner : Franck Hoj (ex-CSC) rejoindra cette formation qui comptera sur Rebellin toujours.

En Suisse, aux États-Unis et au Danemark, on aura les groupes sportifs suivants :

1 – Phonak : on accueille Landis, gros transferts de chez US Postal, mais on perd Sevilla (T-Mobile). Et on est dans l’expectative avec la situation concernant Tyler Hamilton…
2 – US Postal : gros recrutement puisqu’on accueillera en 2005 Popovytch, Hammond (3e cette année à Roubaix), Hoste et Salvoldelli, excusez-un-peu. On perd cependant Landis, fidèle homme de main d’Armstrong jusqu’ici. Le Canadien Michael Barry a re-signé pour 2 ans.
3 – CSC : peu de changement si ce n’est la situation incertaine de Michele Bartoli.

Merci au site Vélo 101 pour les articles nous ayant permis de vous présenter ce tour d’ensemble du peloton pro 2005. Nous avons pu oublier des transferts importants, merci de nous les signaler le cas échéant.

De la poudre aux yeux…

voet.jpgLa Flamme Rouge a récemment terminé la lecture de l’ouvrage « De la poudre aux yeux – le dopage dans le cyclisme… ca continue« , écrit par Sylvie Voet, la femme de Willy Voet, ex-soigneur de l’équipe Festina par qui le plus grand scandale de l’histoire du cyclisme à ce jour éclata, en 1998. Cet ouvrage de 237 pages a été publié aux éditions Michel Lafon en 2004. Voici notre compte-rendu critique de l’ouvrage.

Il se dégage de la lecture du livre une désagréable impression d’avoir été en fait floué par le titre puisqu’il n’est nullement question de présenter des faits suggérant que le dopage massif et à grande échelle s’est bel et bien poursuivi au delà de l’affaire Festina. Au lieu de cela, l’auteure se livre à un véritable règlement de compte avec ceux qui, Richard Virenque en tête, ont littéralement laissé tomber son mari le jour ou il a été piqué avec une impressionnante cargaison de produits dopants au moment de s’embarquer pour l’Écosse, lieu du départ du Tour cette année-là. Si on peut comprendre que Mme Voet en a encore gros « sur la patate », on demeure déçu nous aussi d’avoir été ainsi berné par un titre plutôt prometteur…

Le livre comporte toutefois, dans sa deuxième partie, des éléments intéressants nous faisant vivre le procès Festina de l’intérieur. Les révélations qu’on présente sur le dopage dans le monde du cyclisme ne sont pas nouvelles, mais toujours saisissantes. Extrait : « En 1997, cela faisait déjà trois ans que les coureurs se chargeaient comme des mules. Le système était tellement rodé qu’aucun contrôle, même inopiné, ne faisait trembler Bruno Roussel. Je m’en inquiétais pourtant régulièrement : « ca fait quatre ans que les coureurs se piquent et il n’y en a jamais un de positif. En plus, vous ne planquez aucun produit ». À chaque fois, Willy se moquait : « Ils ne sont pas près de nous prendre au contrôle, s’esclaffait-il. Regarde, en mars 1997, ils ont fixé le taux d’hématocrite légal à 50%. Nous sommes déjà tous à 54%. En cas de descente des contrôleurs, il suffit d’une perfusion d’eau salée et de quelques exercices nocturnes pour faire baisser le taux à 50% en une vingtaine de minutes. Et puis leurs machines sont encore incapables de détecter les hormones de croissance. D’ici à ce qu’elles le soient, on sera passé à autre chose de plus performant et de tout aussi indétectable, crois-moi » » (p. 190-191).

Par contre, la première partie du bouquin est plutôt ennuyante puisque l’auteure y étale sa jeunesse et ce qui l’a amené à suivre le vélo et à rencontrer Willy Voet. Pas spécialement intéressant, surtout qu’on donne plutôt dans le genre groupie…

Bref, ce bouquin peut éventuellement plaire au profane qui n’aurait à peu près rien lu sur le dopage dans le cyclisme. Il pourra y percevoir l’ampleur du problème, bien que des livres comme Secret Défonce d’Erwan Manthéour ou Positif de Christophe Bassons demeurent à cet égard beaucoup plus recommandables. Quant au connaisseur, il sera forcément déçu de l’ouvrage car il n’y aura rien appris, sinon quelques anecdotes entourant le procès Festina.

Comprendre rapidement l’UCI ProTour

Voilà un moment que La Flamme Rouge se promet de vous parler de l’UCI ProTour et les récents événements indiquent que c’est le bon moment de le faire. Mais avant, une nouvelle importante aujourd’hui pour nos lecteurs d’ici: le Canadien Michael Barry a prolongé son contrat de deux ans avec Tailwind Sports Corporation, propriétaire de l’US Postal et de la future équipe Discovery de Lance Armstrong. C’est une bonne nouvelle pour Barry d’abord, mais aussi pour le cyclisme canadien sachant que s’il devait en gagner de belles dans l’avenir, c’est tout le vélo ici qui bénéficierait d’un petit coup d’accélérateur…

L’UCI PRO TOUR

logo_protour.gifL’UCI ProTour est une réforme majeure de l’organisation même du cyclisme professionnel. En gros, il s’agit de créer des « ligues » évoluant à différents niveaux, le niveau le plus élevé étant appelé « ProTour » et étant réservé à 20 équipes seulement, les plus richement dotées bien sôr. On vient d’ailleurs d’annoncer aujourd’hui quelles seraient ces 20 équipes qui bénéficieront d’une licence « ProTour » pour une durée de… 4 ans! Ces équipes sont : Rabobank, Liberty Seguros, Iles Baléares, Phonak, US Postal, Quick Step, Cofidis, FDJeux.com, Crédit Agricole, T-Mobile, Gerolsteiner, CSC, Saulnier Duval, Davitamon-Lotto, Euskaltel, Liquidas, Fassa Bortolo, Bouygues Télécom, Lampre-Saeco et Domina Vacanze-De Nardi. 4 équipes espagnoles, 4 équipes italiennes, 4 équipes françaises, 2 équipes belges, 2 équipes allemandes, 1 équipe néerlandaise, 1 équipe américaine, 1 équipe danoise et 1 équipe suisse.

L’UCI avance 3 raisons majeures pour effectuer cette réforme : la première est la volonté de rendre le cyclisme plus attrayant pour le public et ainsi lutter contre les autres sports dans la guerre de l’audimat. Pour ce faire, les équipes ProTour devront obligatoirement engager leurs meilleurs coureurs sur les épreuves les plus prestigieuses, assurant ainsi la présence des médias et l’intérêt du public (c’est du moins le raisonnement).

La deuxième raison avancée est d’augmenter le pouvoir attractif (comprendre attirer les $$$) du cyclisme pour les investisseurs en leur garantissant que s’ils investissent suffisamment, leurs équipes seront au départ des plus grandes épreuves, garanti. Enfin, la troisième raison avancée est celle du développement du cyclisme sur tous les continents, les épreuves locales ne souffrant plus de la compétition des grandes courses, réservées exclusivement aux 20 équipes ProTour.

Le calendrier ProTour comportera toutes les grandes épreuves phares de la saison, que ce soit Classiques de Coupe du Monde, grands tours, tours d’une semaine (Paris-Nice, Dauphiné, etc.) et certaines épreuves jouissant d’un grand prestige soit par leur histoire, soit par leur audimat.

Alors, positif le ProTour ? Nous pensons que non, pour plusieurs raisons. Selon nous, il s’agit surtout d’une américanisation du cyclisme selon le modèle des grandes ligues de sport nord-américaine comme la NFL, la LNH ou la NBA. On y voit surtout des bénéfices pour l’UCI, qui s’approprie en quelque sorte nombre de pouvoirs jusqu’ici bien répartis, dépossédant propriétaires d’équipe et surtout organisateurs d’épreuve qui n’auront plus de lattitude pour sélectionner les équipes ou établir leurs propres règles (exclure une équipe par exemple pour des raisons d’éthique). Évidemment, les droits télé et des profits des articles promotionnels seront en grande partie concentrés ou gérés par l’UCI.

Il est également déplorable de n’avoir prévu aucun mécanisme (comme il en existe par exemple dans la ligue de football en France) permettant de descendre une équipe du circuit ProTour pour en installer une autre, plus méritante et au développement intéressant. C’est ainsi qu’avec le ProTour, la scène professionnelle est bouclée pour 4 ans. C’est long, très long. Qu’adviendra-t-il si un cas de dopage survient dans une de ces équipes, ou si le sponsor éprouve des difficultés financières? Les documents UCI sont encore très vagues sur ces questions pourtant fondamentales…

De plus, l’UCI tente de contraindre les équipes ProTour à aligner leurs meilleurs coureurs sur les grandes épreuves, probablement pour éviter des débats comme ceux entourant la non-participation d’un Lance Armstrong par exemple aux Championnats du monde (sa dernière participation remonte à… 1998!) ou à certaines Classiques du printemps, voire aux scandales entourant les abandons d’un Cippolini ou d’un Petacchi sur les grands tours. Il nous apparaît pourtant illusoire de procéder ainsi puisqu’il s’agit d’une négation des exigences du cyclisme moderne, exigences découlant des actions même de l’UCI. Il apparaît aujourd’hui difficile de voir tenir au plus haut niveau des champions pendant 6 mois, surtout à l’allure ou se disputent les épreuves. Bref, des scandales du genre « je prends le départ et je bâche après 30 bornes » risquent de se multiplier dans les années à venir.

Enfin, il nous apparaît illusoire que le ProTour favorisera le cyclisme continental, sous l’idée que la concurence sera moins forte pour attirer des coureurs, le ProTour étant réservé à l’élite. On y voit plutôt un grand danger de désintéressement du public pour certaines belles épreuves qui n’auront pu se tailler une place au sein du ProTour. Pourquoi le public continuerait-il de suivre ces épreuves reléguées à une « 2e » catégorie et privée de la présence de tous les coureurs de premier plan ? La présence, par exemple, de l’US Postal sur le Circuit de la Sarthe ces dernières années a fait beaucoup pour cette épreuve. Désormais, la présence de « grosses » équipes sur de telles courses, plus modestes, ne sera plus possible, enlevant beaucoup à la dimension « folklore » et « convivialité » que le cyclisme avait encore… Il était en effet toujours passionnant de voir, par exemple, un Charles Dionne lutter contre un Lance Armstrong ou un George Hincapie pour la gagne dans les rues de San Francisco. Avec l’UCI ProTour, ce genre de truc est terminé.

Pour conclure, nous pensons donc qu’il est raisonnable de se montrer inquiet pour l’avenir du cyclisme lorsqu’on considère cette réforme. Après une année 2004 secouée par de terribles scandales de dopage et plusieurs morts suspectes, il nous apparaît beaucoup plus urgent de travailler à revaloriser l’image de ce sport magnifique, notamment en déployant tous les efforts possibles (financiers, scientifiques, de collaboration avec les autres instances impliquées et les Fédérations nationales, d’éducation des coureurs, etc.) pour lutter contre ce fléau, véritable gangrène du cyclisme. Une mission dans laquelle l’UCI aurait dô être la locomotive… La déception est, une fois de plus, immense et on peut se questionner sur la volonté de M. Verbruggen de s’attaquer aux vrais problèmes de ce sport…

La maison brule, M. Verbruggen, et le nier en construisant de nouvelles pièces d’habitation ne règlera en rien le problème, le feu finira bien par vous dévorer…

Le site web officiel du ProTour est disponible ici.

Le succès espagnol expliqué?

1 – Selon Eddy Merckx, fin connaisseur du cyclisme s’il en est, les succès espagnols sur les récents Championnats du monde (4 victoires en 6 ans, 5 en 10 ans!) s’expliquent en partie en raison du déplacement de cette épreuve après la Vuelta. C’est ainsi que les coureurs espagnols bénéficient de la meilleure préparation aux Mondiaux, les coureurs étrangers étant moins motivés et venant moins nombreux sur la Vuelta.

Le raisonnement tient la route, et il est plus que probable que des Mondiaux fin aoôt, soit l’ancienne date, changerait beaucoup la liste des grands favoris et garantirait la présence de davantage de champions. La force collective de l’équipe espagnole dans son ensemble s’explique également probablement par le vivier de coureurs en excellente condition au sortir de la Vuelta à partir duquel le sélectionneur ibérique peut faire son choix.

Ceci étant, il ne faut pas oublier que trois succès espganols sur cinq incombent au même homme, Oscar Freire. Et que celui-ci n’a jamais terminé la Vuelta l’année de ses sacres. Voici un petit récapitulatif à cet égard :

1995 : Olano champion du monde une semaine après avoir terminé 2e du général de la Vuelta.
1999 : Freire champion du monde, non-partant sur la Vuelta
2001 : Freire champion du monde, abandon 15e étape de la Vuelta
2003 : Astarloa champion du monde, abandon 11e étape de la Vuelta
2004 : Freire champion du monde, hors délai 12e étape de la Vuelta.

La Vuelta est donc un terrain certes très propice pour « préparer » les Mondiaux, mais n’explique pas tout du succès des Espagnols qui ont la chance d’avoir en Freire un redoutable coureur sur des courses en circuit. Des coureurs motivés participant au programme italien de préparation (Trofeo Melinda, Coppa Placci, Coppa Sabatini, Giro del Lazio, GP Industria & Commercio di Prato et Giro dell’Emilia par exemple) semblent également avoir toutes les chances de se présenter aux Mondiaux en excellente condition.

On rejoint toutefois Merckx sur un point, celui de la longueur de la saison cycliste professionnelle qui s’étend de février à mi-octobre. C’est long, très long et dans ce contexte, comment reprocher à certains coureurs de ne plus être motivés ou d’avoir les batteries à plat après 6 mois « à fond » ?

2 – Nous terminons aujourd’hui cette entrée en réagissant publiquement à un commentaire laissé hier sur notre site par « Brisemachoire ». Ce commentaire, qui mettait en doute notre crédibilité, nous donne en effet l’occasion de clarifier quelques points concernant ce fameux cyclisme à deux vitesses dont on faisait état pour les cyclistes français.

Il est important de distinguer le suivi longitudinal mis en place par la Fédération Française de Cyclisme (FFC) du suivi médical mis en place par l’UCI car ces deux moyens de contrôle ne sauraient être comparés, même s’ils comportent tous deux 4 contrôles par année. Le suivi médical UCI peut être fait par le médecin de l’équipe pour au moins 2 de ces contrôles sur 4, ce qui entache sérieusement la crédibilité du processus. Le suivi longitudinal français est pour sa part effectué par des médecins certes accrédités par la FFC, mais totalement indépendants de cette structure par ailleurs (Réseau Biologique Moléculaire Libéral – Laboratoire Marcel Mérieux). Ces médecins ont simplement pour mandat, une fois les tests faits, de transmettre les résultats au médecin fédéral national FFC. Côté crédibilité, il s’agit donc de relativiser.

De plus, s’il est vrai que tous les coureurs pro doivent se soumettre au suivi médical de l’UCI, les coureurs français doivent en plus se soumettre au suivi longitudinal de la FFC qui demeure, sauf erreur, indépendant, multipliant donc les contrôles et les examens. Si on admet le principe selon lequel les 2 examens du suivi médical UCI fait par les médecins d’équipe sont une formalité sans conséquence pour les coureurs, cela signifie donc que les coureurs français se soumettent, chaque année, à 6 contrôles dont 4 sont d’instances médicales indépendantes à toute fédération (ce qui n’est pas le cas pour les 2 autres contrôles qui doivent être fait dans un « laboratoire reconnu par l’UCI). Les autres coureurs n’auront que 2 contrôles annuels fait dans un labo reconnu par l’UCI.

Cyclisme à deux vitesses? Nous pensons que oui, sous l’hypothèse qu’il est plus facile d’organiser de petites « cures » lorsqu’on a simplement 2 contrôles annuels (qui plus est obligatoirement entre le 1er décembre et le 31 janvier pour le 1er contrôle et entre le 1er juin et 31 juillet pour le 3e contrôle selon les règlements UCI) que lorsqu’on en a 6, dont 4 peuvent se passer à tout moment, sans notification préalable.

Terminons en disant qu’il est fort complexe de s’y retrouver dans toutes ces procédures qui changent régulièrement et qui sont malheureusement difficilement accessibles via les sites web, surtout celui de l’UCI. Nous vous avons donné ces détails en essayant d’être le mieux informé et le plus à jour possible. Des erreurs d’interprétation des textes officiels peuvent survenir, aussi on remercie d’avance nos lecteurs bien informés de ne pas hésiter à clarifier certains points le cas échéant.

Quelques précisions…

Revenons sur quelques nouvelles afin d’apporter des précisions :

1 – le nouveau champion du monde Oscar Freire possède un palmarès stupéfiant (sans jeu de mots) sur les Championnats du monde : vainqueur en 1999, il terminait 3e en 2000, gagnait de nouveau en 2001, abandonnait sur une chute dans les derniers kms en 2002 et terminait 9e l’an dernier à Hamilton, avant de s’octroyer un nouveau titre ce week-end. Impressionnant et surtout inédit depuis peut-être Greg LeMond qui, en matière de Championnats du monde, possède pourtant un belle réussite.

Freire n’a toutefois gagné qu’une grande Classique jusqu’ici, la Primavera au printemps dernier. Pourquoi ?

C’est en fait un coureur de circuit, doté d’une grande intelligence en course. Il commet peu d’erreurs et sait se placer à l’approche des difficultés répétitives. Cette science du placement lui permet de courir « à l’économie » durant la majeure partie de la course, préservant ses jambes (et donc sa pointe de vitesse, qui est excellente) en vue du sprint à l’arrivée. À condition que les bosses à passer ne soient pas trop pentues, ce qui est généralement le cas dans les Mondiaux mais qui le condamne généralement sur des courses comme le Ronde ou la Doyenne, Freire devrait donc continuer de régner pratiquement sans partage dans ce registre bien particulier.

Il a de surcroit eu l’intelligence de joindre une équipe spécialisée dans les courses d’un jour, Rabobank, qui convient bien à ses aptitudes. Fort de cette expérience, nul doute que cela lui permet aussi de mieux orchestrer la tactique de course de l’équipe d’Espagne dans les grandes occasions d’un jour comme hier, équipe d’Espagne remarquablement bien dévouée à sa cause par ailleurs et qui ne connaît pas les problèmes d’orgueil mal placé si fréquent au sein de l’équipe d’Italie.

Son point faible ? Son dos, qui le fait régulièrement très souffrir.

2 – très intéressante entrevue avec A. Vayer concernant la récente retraite de Richard Virenque puisque cet entraineur l’a suivi de près au début de sa carrière et connaît donc avec précision la « cylindrée » d’origine de ce coureur. Vayer est très dur, mais force est d’admettre qu’il a raison sur à peu près tout, notamment sur le laxisme du peloton lors des raids de Virenque. Les ténors du peloton étaient en effet assez intelligents pour réaliser les bénéfices de laisser gagner un Virenque pour le bienfait de la course, notamment dans la presse, surtout lorsqu’il était loin au général. Et Richard était assez intelligent pour l’avoir compris, n’hésitant jamais à prendre quelques étapes « en dilletante », question d’être repoussé loin au général et bénéficier, le jour idoine, du ticket de sortie…

Virenque aura aussi, comme le dit Vayer, commis de nombreuses erreurs tactiques durant sa carrière, dont certaines lui auront coôté cher (l’étape de Besançon en 1997 en est un exemple éloquent). Quant au dopage, pas la peine d’en rajouter, si ce n’est qu’on se pose la même question que Vayer : comment pouvait-il faire pour bruler 8000 calories en 6 heures, à 35 ans ?

3 – sans surprise, la France se livre au procès de son cyclisme suite à la piètre performance de l’équipe nationale dimanche lors des Mondiaux. C’est culturel en France après chaque grande défaite, que ce soit au foot, au rugby ou dans le cyclisme : on remet tout en question et on cloue au pilori quelqu’un, question de faire un exemple.

Coureurs, entraineurs, anciens champions (Thévenet, Jalabert, Hinault, Madiot, Mottet, Géminiani) se sont tour à tour prononcés sur les raisons de cette déconfiture. Mauvaise planification ou mauvaises méthodes dans l’entrainement des pros, manque de motivation des coureurs à ce temps-ci de l’année, courses nationales déficientes et pas assez longues, structures du cyclisme à revoir, mauvais encadrement des plus jeunes, voire trop de coureurs étrangers dans les équipes françaises (!!!), tout est invoqué car il faut bien trouver quelque chose à dire en dehors de la simple pression exercée sur les cyclistes français par la FFC en terme de dopage, via la suivi longitudinal.

Pour nous, c’est simple : une rupture très nette s’est produite au moment de l’instauration du suivi longitudinal en France (après l’affaire Festina), les coureurs français ne parvenant plus à être dans le coup dans le final des grandes Classiques et des grands tours. Seuls Jalabert et Virenque, tous deux licenciés en Suisse et courant pour des équipes étrangères, ont encore connu le succès sur la scène internationale entre 1999 et 2004, c’est tout. À notre avis, c’est la première fois qu’une telle rupture se produit dans le cyclisme français qui, historiquement, a toujours eu quelques bons coureurs pouvant gagner sur la scène internationale.

Parce qu’on se dope moins en France en raison d’un contrôle beaucoup plus sévère, les coureurs français ne peuvent tout simplement plus rivaliser avec les coureurs italiens et, plus encore, espagnols. Cyclisme à deux vitesses ? C’est évident. Parlez-en à Jean-Cyril Robin, Christophe Bassons voire Erwan Manthéour…

Au lieu de faire un procès aux coureurs et à l’encadrement en France, pourquoi ne pas se féliciter d’avoir, depuis 1999, aucun scandale de dopage ne touchant des coureurs français ?

Quoi qu’il en soit, il faut certainement y voir un signe évident que la la loi du silence prévaut non seulement chez les coureurs encore en activité mais aussi au sein des champions d’hier qui protègent ainsi leur sport, son image et, à titre personnel, leur palmarès.

Troisième titre pour Freire!

Quelques nouvelles importantes dans le monde du cyclisme :

1 – Oscar Freire a remporté aujourd’hui son… 3e titre de champion du monde, après celui de 1999 à Verone et celui de 2001 à Lisbonne. Il égale ainsi le record absolu de 3 titres chez les pros détenu par 3 autres coureurs : l’Italien Alfredo Binda (1927 à Adenau (ALL), 1930 à Liège (BEL) et 1932 à Rome), les Belges Rik Van Steenbergen (1949 à Copenhague, 1956 à Ballerup (DAN) et 1957 à Waregem (BEL)) et Eddy Merckx (1967 à Heerlen (PBS), 1971 à Mendrisio (SUI) et 1974 à Montréal (CAN)). Freire peut dire un grand merci à l’équipe espagnole, tout simplement remarquable de cohésion aujourd’hui, notamment Valverde (qui lui a amené le sprint) et Nozal (boulôt monstre dans les 2 derniers tours), mais aussi Mancebo, Perez et Serrano.

La course fut néanmoins assez décevante, avec un rythme lent dans le peloton durant une grande partie de la course et une arrivée au sprint pour un petit groupe de 15 coureurs qui devançait le gros du peloton, qui a franchi la ligne à un peu plus de 4 minutes.

2e Erik Zabel, ce qui fait à la fois plaisir et qui rend triste. D’une part, il s’agit d’un beau résultat pour ce coureur à la constance remarquable, mais d’autre part il aurait été tellement sympathique de le voir en champion du monde, ce qui lui aurait fait une belle sortie après une carrière remarquable au plus haut niveau. Freire avait déjà deux titres dans la poche, une victoire de Zabel eut été d’un grand retentissement à la fois pour ce coureur mais aussi pour le monde du vélo, Zabel étant souvent perçu comme un pro irréprochable autant dans son hygiène de vie que dans sa constance au niveau des résultats. Mais en sport, il n’y a jamais de cadeaux… et Zabel avait déjà gouté à la médecine Freire lors du dernier Milan SanRemo…

On retrouve en 3e place un impressionnant Paolini puisqu’il aura travaillé, plus tôt dans la course, pour Bettini. Ce dernier aura finalement abandonné après une journée noire, marquée par la malchance puisqu’aux pépins mécaniques se sera ajouté une douleur au genou causé par une touchette avec la portière de sa voiture d’équipe.

Le Québécois Charles Dionne a terminé 87e et dernier classé, ce qui en dit long sur son caractère de battant. Bravo pour cette pugnacité, à défaut de pouvoir le féliciter sur autre chose!

En conclusion, il convient de souligner l’émergence et la vigueur d’un cyclisme espagnol nouveau, celui sur les courses d’un jour. Il aura fallu plus de 65 ans à l’Espagne avant de remporter son 1er championnat du monde, en 1995, avec Abraham Olano (à Duitama, en Colombie). Depuis ce moment, soit en 10 ans, ils en auront ajouté… 5 autres ! (Freire 1999, Freire 2001, Astarloa 2003 et Freire 2004) Ce palmarès en fait logiquement l’équipe avec le plus de succès, et de loin, au cours des 10 dernières années sur la scène des Mondiaux. Malgré les difficultés avec les sponsors, l’Espagne bénéficie actuellement d’un vivier impressionnant de bons coureurs autant sur les Classiques que sur les Grands Tours. Et avec Valverde, l’avenir leur appartient aussi…

2 – Sans surprise, le Dr. Ferrari a été reconnu coupable de fraude sportive en Italie. Les accusations d’incitations au dopage et de recel de produits dopants ont cependant dô être écartées en raison d’un manque de preuves. On attend maintenant la décision de Ferrari de porter la sentence en appel. Entretemps, Armstrong et son équipe ont déjà annoncé qu’ils coupaient les liens avec le célèbre médecin italien. Il faut plutôt lire « coupaient les liens officiels » avec le médecin. Car dans l’anti-chambre, les affaires de M. Ferrari ne se sont jamais aussi bien portées qu’au cours de la dernière année…

Cette affaire témoigne en tout cas de toute l’hypocrisie d’Armstrong et de son équipe qui auront collaboré jusqu’au bout avec ce médecin premier responsable, avec Conconi, du dopage sanguin dans le peloton, un élément qui est su de tous depuis longtemps…

3 – la saga UCI ProTour se poursuit. Même si les organisateurs des trois grands tours et l’UCI se sont rapprochés d’une entente au cours du week-end, certains points sont encore en litige. On ne peut s’empêcher de croire que toute cette réforme se fait un peu dans la précipitation et qu’elle délaisse, en quelque sorte, les intérêts supérieurs du cyclisme. La priorité ne devrait-elle pas être accordée à la lutte contre le dopage, réelle gangrène du sport cycliste et de sa crédibilité? Au lieu de ca, on crée une super-ligue de vélo, comportant des règles rigides (aucun mécanisme d’accession au ProTour n’est envisagé pour les équipes de DN2, les équipes ProTour « signant » pour un délai très long de… 4 ans, sans égard à ce qui pourrait survenir durant cette période) et beaucoup de contraintes (obligation des équipes à s’aligner sur toutes les épreuves, pouvoir réduit des organisateurs de course, dépossession des droits télé au profit de l’UCI, etc.). L’absence ne serait-ce que d’une « charte d’éthique » pour les équipes ProTour en dit long sur l’importance qu’accorde l’UCI à ce problème.

Et on peut réellement s’inquiéter de la création de super-équipes ayant le monopole d’accès aux plus grandes courses ; ne doit-on pas y voir le danger d’une course à l’armement monétaire, les meilleures équipes étant tout simplement celles avec le plus gros budget ? Ce genre de problème est légion dans certains sports professionnels nord-américain, et il y a fort à parier que le cyclisme perdra beaucoup de son folklore (et donc de son charme) dans cette histoire de ProTour…

Page 2 of 2