Autre journée riche en rebondissements dans l’affaire Armstrong qui fait sans surprise couler beaucoup d’encre. C’est que l’onde de choc est similaire à celle qu’avait créée l’Affaire Festina en 1998, à la nuance près que cette dernière était survenue en plein Tour de France.
Parmi les nouveautés du jour, « la déclaration d’Armstrong »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/20050825_140026Dev.html, d’une petitesse sans mot. L’américain n’a trouvé qu’une chose à faire, adopter l’attitude du « persécuté », une attitude à 1000 lieux de celle qu’il a habituellement pourtant préconisé toute sa vie durant, que ce soit en cyclisme ou face au cancer. Armstrong a déclaré que « _Le Vieux Continent en général, et la France en particulier, est jaloux du succès d’un «US Boy» dans l’un des sports considérés européens_ ». Pourtant, il y a à peine 6 mois, durant Paris-Nice, Armstrong déclarait sur toutes les tribunes « que Sheryl et lui aimait la France » afin de se refaire une image plus populaire dans ce pays.
La défense est pathétique et évidemment carrément hors sujet. Il faut y voir une tentative désespérée de porter le débat ailleurs que sur les faits, qu’il sait implacables et sans issue.
Pour le reste, c’est tout aussi pathétique. Il nous a rappelé avoir été testé des centaines de fois, tous les contrôles étant négatifs. C’était aussi le cas de nombreux autres aujourd’hui suspendus, notamment les Virenque, les Millar, les Rumsas, les Frigo, les Musseuw, la liste s’allonge… Et cette affaire a justement l’intérêt de montrer avec éloquence que les tricheurs ont toujours une bonne longueur d’avance sur les tests antidopage, ces derniers étant du coup faciles à déjouer. Ce n’est que rétrospectivement qu’aujourd’hui, on parvient à expliquer les performances impressionnantes qu’il offrait en 1999.
Mais le clou, c’est cette déclaration : «_Cela ne me surprend pas du tout qu’ils aient des échantillons. Mais quand j’ai donné ces échantillons (en 1999), ils ne contenaient pas d’EPO. Je le garantis_». On vient de démontrer scientifiquement, hors de tout doute possible, la présence d’EPO dans 6 échantillons urinaires lui appartenant et prélevés lors du Tour 1999. Comment peut-il « garantir » la non-présence d’EPO dans ces échantillons ? Comment peut-il nier l’évidence reconnue scientifiquement aujourd’hui ? À titre de comparaison, la défense de Tyler Hamilton nous semble plus intelligente : loin de nier les évidences scientifiques, il tente de montrer – pathétiquement il est vrai – que ces résultats pourraient avoir obtenus sans qu’il ait recours au dopage.
Sans être contre Armstrong, nous n’avons jamais été très impressionné par ce coureur arrogant et si sûr de lui, aux performances (et celles de son équipe) innexplicables depuis 1999. Mais aujourd’hui, c’est pour l’homme lui-même que nous perdons progressivement toute estime, sa défense étant digne d’un enfant qu’on pique la main dans le sac de bonbons et qui continue pourtant à nier…
Par ailleurs, il faut lire « cette courte entrevue avec Dick Pound »:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-682257@51-636140,0.html, le Canadien qui est président de l’Agence Mondiale Antidopage. Il rappelle que dans ce dossier, l’AMA ne peut pas entreprendre d’action et que c’est à l’UCI de le faire. Il estime également que devant l’énormité de l’affaire, l’UCI ne peut rester sans rien faire. Et nous partageons évidemment son opinion et espérons de tout coeur que l’UCI et ASO (propriétaire du Tour de France) joindront leurs forces pour prendre des actions contre Armstrong concernant le Tour 1999.
« Il faut surtout absolument lire ce court article »:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-682256@51-636140,0.html sous forme de questions/réponses qui clarifie bien l’état de la situation et qui permet de jeter la lumière sur certains points soulevés par nos lecteurs (pourquoi cette histoire sort maintenant, quelle est l’efficacité des contrôles, etc.).
Par ailleurs, « ProCycling rapporte une curieuse histoire d’individu suspect ayant été vu lors du Tour cette année entrant dans l’hôtel de l’équipe Discovery, des glacières à la main »:http://www.procycling.com/news.aspx?ID=1570. La police française des narcotiques aurait surveillé le traffic, malheureusement sans grand succès, une équipe télé foutant en l’air la filature. Une histoire bizarre certes pour l’instant, mais dont on en apprendra peut-être plus très bientôt.
« Très intéressante entrevue avec Jonathan Vaughters »:http://www.cyclingnews.com/news.php?id=features/2005/vaughters_1999, équipier d’Armstrong sur le Tour 1999. Il déclare notamment que « _I’d never tested (at a race) above 50 percent, except before the start of the ’99 Tour, » he said. (Il fut alors testé à 51%) « I told the team doctor ‘don’t worry, I’ve got a certificate, I’ve got a hall-pass for this’, » he recalled. (Ce qui est vrai, Vaughters faisant partie à l’époque des coureurs disposant d’un certificat médical attestant son haut taux d’hématocrite naturel) « But the doctor said it wasn’t me they were worried about, it was that the whole team was very close (to the 50 percent limit)._ » Vaughters parle aussi du cyclisme français, déclarant que « _He said there is more validity to the correlation that French teams are cleaner and therefore struggle in the big Tours. That’s why I don’t like it when people make fun of those teams if they don’t perform that well._ » Éloquent.
Enfin, « cet article »:http://www.geocities.com/veloepododo/art/5/8aout/SportsFr25.html sur la supercherie dans le cyclisme nous a paru intéressant.
On termine enfin notre texte de ce soir par une note plus philosophique, estimant qu’il est curieux voire grâve que dans l’affaire Armstrong, les commentaires et réactions des gens voire des instances dirigeantes du cyclisme ne soient pas davantage orientés vers les bienfaits de cette histoire. Ne voilà-t-il pas en effet une formidable occasion de réviser nos façons de penser la lutte antidopage, peut-être en rendant légaux de tels tests rétrospectifs ? N’est ce pas une formidable occasion de prendre conscience que depuis l’affaire Festina, rien n’a réellement changé dans le peloton pro ? Que le soit-disant « coup de ménage » fait dans le cyclisme suite à cette affaire en 1998 est un échec total et qu’on a pas le droit de laisser passer une 2e chance d’assainir ce si beau sport ? N’est ce pas l’occasion de réaliser la crédulité générale à l’égard de certaines performances athlétiques relevant davantage du cheval que de l’être humain ? N’est-ce pas l’occasion de pleinement réaliser que les tests actuels sont inefficaces pour détecter les produits de pointe ? N’est ce pas la grande occasion pour l’UCI, pour l’AMA, pour la Société du Tour et pour les Fédérations de faire preuve de solidarité dans cette lutte contre le dopage en reconnaissant d’abord collectivement la validité des résultats publiés cette semaine et en prenant ensuite des actions concrètes contre Armstrong afin d’afficher une position ferme à l’égard de tous les coureurs pro ?