On ouvre les yeux à 8h, ouvre aussi les rideaux de la chambre: tiens, grand ciel bleu, le premier sur notre séjour de 10 jours à Paris. La journée s’annonce bonne. Petit déjeuner léger puis on est parti pour une heure de jogging, direction le bois de Vincennes.
Le démarrage est difficile, les pulsations tout de suite assez haute. La proximité du déjeuner probablement. On baisse le régime et le temps doux ainsi que le soleil nous rendent la sortie très agréable. Arrivée au bois de Vincennes. Tiens, il y a des coureurs là-bas… il y en a même beaucoup! On s’approche, et c’est une véritable marée de joggeurs qui nous bloquent le passage. Tous équippés d’un dossard, on est assurément tombé sur un gros événement. On remonte ce gigantesque peloton en sens inverse, sur le côté, et tout s’explique : la banderolle de départ est claire, le semi-marathon de Paris. Zut, on aurait dû s’inscrire car les 21 kms du parcours, qui allait jusqu’à Nation, nous semblaient à portée.
Poursuite de ce footing, comme disent les Français. Pas mal de cyclistes au Polygone, mais en petits pelotons fragmentés. L’ambiance est perceptiblement à la décontraction. On entreprend le retour en augmentant l’intensité, question de faire le métier. L’organisme répond mieux, il est chaud et on termine même ce footing en zone de contre-la-montre. De quoi évacuer le stress de la semaine, une semaine très chargée en réunions de toute sorte.
À l’arrivée à l’hôtel, douche et ô surprise, en allumant la télé sur Eurosport, on tombe sur la retransmission en direct de la Vasaloppet en Suède, épreuve, depuis cette année, de la Coupe du Monde. Au menu, 90 kms en style classique. Les commentateurs sont excellents, on se prend au jeu. Peloton groupé d’une cinquantaine de fondeurs, qui utilisent essentiellement la double poussée. 90 kms de double poussée, aie. Ca se décante sur la fin, c’est un suédois qui l’emporte par 2 secondes sur un autre suédois. Plus de 4h d’effort quand même pour les premiers, imaginez les 15 000 autres…
On quitte l’hôtel, direction Issy-les-Moulineaux. Fait toujours beau, bien que les nuages ont fait leur apparition dans le ciel de Paris. En sortant du métro, on rase de se faire tailler un short par un missile noir et rouge. Une chance que le flic nous a retenu de traverser la route! En tournant la tête, aucun doute: c’est Jens Voigt qui vient de passer à près de 60 km/h. Faut dire que cette section du prologue est en descente. Comme entrée en la matière, on fait guère mieux et nous voilà immédiatement plongé dans le vif du sujet. On tourne la tête et tiens, voilà Bobby, puis Christian, puis Carlos. Visiblement, les gars font leur tour de reconnaissance. Tout de suite, la classe des pros impressionne: vélos nickels, position parfaite sur le vélo, le bruit des roues libres qui claquent nous mettent dans l’ambiance. La journée est décidemment très bonne.
Très excités, on se met en route pour le site de départ, bien plus intéressant que celui de l’arrivée. Et on ne s’était pas trompé : dans les 500 mètres précédent le portillon, la Mecque du cyclisme pour un passionné: toutes les équipes sont là, bus Pullman et voitures disposés. Aucun périmètre de sécurité, on est libre d’y déambuler en toute liberté. Le bonheur pour un passionné de vélo. On pénètre dans la caverne d’Ali Baba. Ô bonheur suprême de pouvoir circuler d’équipe en équipe pour approcher tous les cyclistes pros à l’échauffement sur leurs rouleaux! On a vraiment l’impression de ne pas avoir assez d’yeux pour tout voir!
On mate d’abord l’équipe Liquigas, bien évidemment. Le vélo Bianchi de Cioni est là, mais pas lui. Son heure de départ n’est que beaucoup plus tard, il est donc encore dans le bus. C’est Albasini qui s’échauffe, bien couvert. Le rythme et la souplesse du coup de pédale est tout de suite impressionnant. Jambes bien huilées, l’odeur de camphre est prenante mais caractéristique du milieu. Des jambes d’ailleurs moins imposantes que celles de la plupart de nos adversaires sur le circuit provincial au Québec. La preuve que chez les pros, tout réside dans le moteur, pas forcément dans la taille des guibolles.
On poursuit notre route. Tiens, bien peu de monde autour du bus Discovery. Les seuls admirateurs semblent être des curieux ou des ignorants croyant qu’Armstrong est encore là. C’est autre chose autour du bus Quick Step, définitivement celui qui attire le plus de foule. Hulsmans et Tosatto sont déjà à l’échauffement, mais pas Boonen malgré la foule qui le réclame. Un membre de l’encadrement nous confie que Boonen est bien au chaud dans le bus. Deux choses nous frappent des Quick Step: d’une part, leurs vêtements sont très réussis cette année et d’autre part, les roues Fullcrum carbone sont en fait des Bora, sous un autre nom.
Plus loin, le bus des Lotto Davitamon et des Rabobank. On croise Chris Horner, qui semble avoir le moral. Il commence à pleuvoir. Émeute dans les paddocks, les mécanos sortent des nouvelles roues de partout, chaussées de chapes différentes. On arrive aux bus des équipes françaises qui se sont un peu regroupées: Française des Jeux, Cofidis, Crédit Agricole et Bouygues. Jean-René Bernedeau et Marc Madiot sont là. Jérome Pineau s’échauffe, le walk-man sur ses oreilles. À la Française, on est bien organisé: juste à côté du bus de l’équipe, un kiosque de vente des vêtements d’équipe. Vêtements cyclistes mais aussi T-Shirts, manteaux, pulls, tout y est et à des prix raisonnables. Marcarini a flairé la bonne affaire et s’est aussi installé à proximité afin de vendre ses vêtements d’équipe. Allez, question d’être définitivement dans l’ambiance, on lui achète une paire de soquettes de l’équipe Liquigas, bien évidemment.
Arrivée sur le bus Phonak. Hormis Merckx, qui attire du monde, l’équipe n’est pas très populaire malgré Landis qui s’échauffe dans son coin. Seul dans son monde, le walk-man bien enfoncé sur ses oreilles, il ne regarde personne. On insistera pas très longtemps. Les vélos BMC nous apparaissent peu intéressants, d’autres étant nettement plus réussis comme les Time ou les Bianchi voir les Cervelo P3 Carbon.
Retour chez Liquigas. Albasini est toujours à l’échauffement, et il transpire de partout. Il y a de quoi, voilà plus d’une heure qu’il tourne les jambes! Une heure d’échauffement pour moins de 7 minutes d’effort, voilà la leçon de cyclisme du jour. Et encore, certains (dont Boonen) feront après leur prologue une autre séance de home-trainer, en cool-down. Voilà, Albasini disparaît dans son bus d’équipe, non sans avoir d’abord avalé (mais on l’a vu) une petite pilule rose fournie par un mécano… 5 minutes plus tard, on entend le speaker annoncer qu’Albasini est dans le portillon de départ.
On se dirige maintenant vers un bus achalandé, celui des CSC. Trois coureurs s’échauffe: Vandevelde, F. Schleck et Sastre. Schleck est le plus impressionnant des trois: très longiligne, ses jambes sont toutes fines et son regard, bleu, est perçant. Il a la très grande classe, c’est évident. Carlos a mis ses lunettes spéciales avec lecteur mp3 intégré. Christian sourit à tout le monde. Tiens, voilà Riis. De tous les directeurs sportifs, il est le plus présent à l’échauffement de ses coureurs. S’il en suit quelques uns dans la voiture lors du prologue, il revient aussitôt à son bus superviser l’échauffement. Visiblement, Riis n’a rien perdu de sa condition, il paraît affuté comme un coureur. Il distribue les petites tapes dans le dos de ses coureurs, regarde les SRM comme pour s’assurer que les coureurs développent le bon nombre de watts. Son omiprésence impressionne. Voigt et Julich arrivent ensemble peu de temps après. Voigt est tout sourire et très populaire avec les fans.
Soudainement, mouvement de foule vers le bus Quick Step: c’est que Boonen vient d’en sortir pour s’échauffer. 4 rangées de spectateurs devant nous. On se fraie un passage tranquilement pour arriver sur la bête Boonen. Impressionnant. L’homme a une paire de cuisses énorme mais très définie. C’est uh géant, mais aussi un type qui dégage un charisme incroyable. Il est en grande condition, aucun doute là-dessus. Sa souplesse compte tenu de sa masse musculaire est impressionnante, tout comme la définition de ses muscles. Malgré les fans, Tom s’échauffe dans son monde, se concentrant sur l’exercice. Devant lui, pas d’obstacles particuliers, juste un cable à ne pas dépasser. L’accessibilité des coureurs pros nous surprendra toujours.
La météo tient. C’est froid, mais la pluie, présente pendant une demi-heure en début d’épreuve, est terminée. Les routes seront sèches pour les favoris du prologue.
Retour chez CSC. Julich et Voigt s’échauffent en discutant. Puis Voigt disparaît dans le bus pour en ressortir 4 minutes plus tard, en tenue de prologue. Il enfourche le vélo que lui tend Ole puis part à toute vitesse pour le départ. Visiblement, les pros n’aiment pas attendre sur l’aire de départ puisqu’il y arrivera au dernier instant. Julich intensifie son échauffement. Il a l’air facile. On se dirige vers le parcours, 700 mètres après la rampe de départ. Plusieurs coureurs défilent devant nous, arrachant leur braquet énorme dans ce faux-plat ascendant. Landis vient de passer dans un style peu fluide, sa position sur le vélo étant assez particulière. Voilà enfin Julich. Ô peuchère! Il nous fait vraiment une grosse impression en passant devant nous. On a nettement l’impression que de tous les coureurs qu’on a vu, il allait le plus vite dans ce faux-plat. Très fluide, bien posé sur sa machine, Riis derrière dans la bagnole, Julich dégageait cette impression de facilité qui ne trompe généralement pas. Et comme de fait, c’est lui qui signera le meilleur temps du jour, une seconde de mieux que Kashechkin de chez Liberty.
Retour sur le site de départ. Beaucoup d’équipes ont déjà plié bagages, un signe que chez les pros, la récupération est le nerf de la guerre. Seul Boonen fait son cool-down en public, attirant là encore une marée humaine. Il répond du même coup aux journalistes qui veulent en savoir plus sur ses ambitions de la semaine compte tenu de son excellente 5e place aujourd’hui.
On repart par métro, un métro comme d’hab bondé de monde. Il ne reste plus qu’à se trouver un morceau pour manger, puis de boucler les valises: retour demain au Québec et, avec lui, le retour au service normal sur La Flamme Rouge.
Rooxy
Très beau récit, j’ai l’impréssion d’avoir revécu mon mercredi l’an dernier à Roanne au clm du Dauphiné (victoire de Botero).
Demain je vais p-e Aller dans les Monts du Lyonnais (Pollionay) pour le passage de l’étape.
DUFF
Ouais très bonne idée ce résumé, vraiment, c’est quasiment comme si on y était.
Sébastien
Superbe récit comme si on y était. Merci.
Quid du classement Pool du cyclisme ? Y aura t on droit à la fin du Paris Nice ?
Merci beaucoup
Fred
Très beau récit, j’ai adoré la partie ou vous parliez de chaque équipe.