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Entrevue de fin de saison avec Louis Barbeau

En cette fin de saison de cyclisme sur route, La Flamme Rouge a récemment tenu à faire le point sur certains dossiers avec le directeur de la FQSC, Louis Barbeau.

La Flamme Rouge : Louis, merci de cette entrevue sur La Flamme Rouge. L’hiver approche, où en sont les dossiers portant sur le ou les vélodromes couverts au Québec ?

Louis Barbeau : Le projet de Bromont continue de cheminer, malgré un revers au printemps dernier du côté d’une demande de financement auprès du Gouvernement du Québec. Il faut voir que le budget estimé est d’environ 5 millions de dollars, et que le Gouvernement doit faire des choix considérant le volume de demandes qu’il reçoit. La ville de Bromont s’est toutefois engagée fermement à verser un million au projet, c’est un bon début. Ce projet demeure une priorité pour le Centre national de cyclisme à Bromont.

LFR : D’autres vélodromes couverts au Québec sont-ils envisagés et hormis Montréal, ces projets sont-ils viables économiquement ?

LB : Il est clair que les défis sont plus importants pour rentabiliser des vélodromes couverts dans des régions comme Bromont que dans une grande ville comme Montréal. Ceci dit, les études de rentabilité réalisées à Bromont laissent croire qu’une telle infrastructure serait viable à cet endroit. Il ne faut pas oublier non plus que le nombre d’utilisateurs de la piste à un même moment n’est pas illimité : au delà d’une cinquantaine, c’est impossible. Pour des raisons évidentes de sécurité, même plus de 30 cyclistes pose un défi. Il s’agit donc de meubler les plages horaire, sans pour autant avoir beaucoup de cyclistes au même moment. Des programmes sport-études ou des événements corporatifs peuvent être une solution à ce niveau. Il ne faut pas oublier non plus l’utilisation du centre de la piste, qui pour moi est fondamental dans la rentabilité d’une telle infrastructure. Il faut envisager la construction de plateaux au centre de la piste, permettant d’en faire un lieu multisport. L’exemple du vélodrome de Los Angeles est à ce titre intéressant, puisqu’on retrouve au centre de la piste un plateau pour le volleyball, un petit gym, qu’on peut aussi transformer pour le basketball. Pour Bromont, il faudra déterminer quel type de plateau la population locale a besoin. C’est pour moi la clé de la rentabilité.

LFR : De nombreux accidents sont encore survenus durant l’été impliquant automobilistes et cyclistes. Où en est-on sur la réforme de la sécurité routière ?

LB : Il y a eu plusieurs changements au cours des derniers mois au ministère des transports, notamment le départ du ministre Poëti qui a été remplacé par M. D’Aoust, puis par M. Lessard. Nul doute que ces changements ont ralenti la progression de ce dossier. La FQSC est contente que la disposition du 1,5 mètre soit entrée en vigueur, cela faisait partie de nos recommandations. Nous continuons de promouvoir deux autres recommandations : que les cyclistes puissent rouler à deux de large sur les routes de campagne, ainsi que l’obligation pour les automobilistes de s’immobiliser sur le bas-côté de la route lors d’événements cyclistes.

Il est plus sécuritaire pour les automobilistes de dépasser un groupe de 15 cyclistes (la taille maximale permise par la loi) lorsqu’ils roulent deux de large, plutôt qu’en file indienne, notamment parce que le dépassement prendra moins de temps.

Pour être honnête, on a cependant senti que la table de la sécurité routière était plus tiède envers l’idée de permettre aux cyclistes de rouler deux par deux, mais elle était en revanche unanime pour celle d’obliger les automobilistes à s’immobiliser lors d’événements cyclistes.

LFR : Beaucoup de coureurs ont déploré, cet été, l’absence de davantage de courses en juillet et août, durant la belle saison. On a en effet l’impression qu’après la Coupe des Amériques à Sutton, la saison est quasiment terminée. Verra-t-on de nouvelles courses sur route en 2017, ou un réaménagement du calendrier ?

LB : La FQSC est consciente que le calendrier des courses sur route au Québec présente certains défis. Le décès d’une personne comme Jean-Yves Labonté n’a certes pas aidé, car Jean-Yves était très actif dans l’organisation d’événements. De nouvelles courses voient cependant le jour, je pense à la Classique Jules Béland cette saison qui a été un beau succès. Une des choses qu’on fait concrètement cette saison c’est de devancer à la fin octobre la période où on demande aux organisateurs de nous donner leurs intentions pour la saison 2017. On devrait pouvoir ainsi présenter un calendrier préliminaire lors de la commission d’orientation le 19 novembre prochain, et par la suite combler les dates qui sont encore vacantes. Nous aurons ainsi au moins un mois de plus que d’habitude pour trouver d’autres organisateurs. On aide aussi les organisateurs de cette façon, puisqu’ils pourront contacter plus rapidement, dates en poche, leurs partenaires, je pense par exemple aux municipalités, pour organiser leurs événements, obtenir les autorisations, etc.

On travaille toujours avec les organisateurs, par exemple on pourrait organiser une course pour les autres catégories le dimanche, en marge du GP du Saguenay chez les élites. Toutes ces discussions ont lieu régulièrement, on lance des idées, c’est souvent une question de temps aussi.

Dans le cas de la Classique des Appalaches, l’événement pourrait avoir lieu un peu plus tôt l’an prochain, par exemple fin août, mais il faut également tenir compte des autres événements à Victoriaville, et du fait que la Classique veut demeurer un événement de fin de saison.

Chose certaine, il faut aussi considérer que cette problématique du calendrier plus concentré en début de saison touche surtout les catégories élite et maitres, car c’est très différent pour les jeunes qui ont un calendrier plein, notamment avec les Coupes du Québec.

LFR : Toujours pas de course dans le Parc de la Gatineau ?

LB : Il ne faut pas oublier que les Championnats canadiens seront de retour à Ottawa-Gatineau l’an prochain, notamment dans le cadre des fêtes du 150e de la Confédération. On a aussi le GP de Gatineau qui demeure. Ce n’est pas simple d’organiser une course dans le Parc, il y a des contraintes d’horaire dont on doit tenir compte. On aimerait assurément ramener la course dans le parc, d’ailleurs je te lance un appel pour nous aider en ce sens, convaincu que je suis que la région possède toute l’expertise requise pour organiser ce genre d’événement. À mesure que des événements s’y sont développés, je pense qu’il sera plus facile que d’autres voient ou revoient le jour.

LFR : N’y a-t-il pas un effort à faire pour promouvoir les courses en cyclisme sur route, notamment en utilisant davantage les médias sociaux ?

LB : Oui, certainement, et je t’annonce que la FQSC va lancer très prochainement, vers la mi-novembre, un tout nouveau site Internet, entièrement renouvelé, avec également un nouveau logo pour notre organisme. C’est donc une nouvelle image de la FQSC qu’on s’apprête à dévoiler, et un site plus convivial, incluant des galeries de photos, et beaucoup plus fonctionnel. On a mis pas mal d’énergie dans ce projet et on est content du résultat.

Je suis d’accord avec toi, on peut faire encore mieux pour promouvoir les courses cyclistes, et il faudra discuter avec les organisateurs de courses pour voir comment concrètement la FQSC pourrait les soutenir davantage dans leurs efforts de promotion de leurs événements.

LFR : On a eu l’impression de pelotons maitres plus petits cette saison qu’auparavant. Comment vois-tu la santé du peloton maitre ?

LB : La FQSC vient de compléter le bilan de participation aux courses pour toutes les courses du calendrier cette année, incluant un comparatif avec l’année précédente. Il nous reste à faire une analyse détaillée de ce bilan, mais je peux déjà dire que le bilan n’est pas unidirectionnel : dans certains cas il y a eu une baisse de la participation, dans d’autres une hausse ou une stabilité. C’est difficile d’expliquer pourquoi on observe de tels mouvements, la météo peut aussi jouer un rôle. Chose certaine, on envisage de faire un sondage auprès des membres de la FQSC spécifiquement sur le calendrier : qu’est ce qui manque selon eux, le classement FQSC est-il pertinent, les dates des Championnats sont-elles les bonnes, etc. La FQSC procède souvent à de tels sondages en fin de saison, qui nous permettent d’orienter les discussions et l’action en vue de la saison suivante. C’est donc important que les membres répondent à ces sondages, c’est une chance de faire valoir leurs opinions, leurs idées.

LFR : La FQSC et Cyclisme Canada partagent-elles la même vision quant au développement du cyclisme sur route au Québec et au Canada ? Je déplorais, il y a quelques semaines sur La Flamme Rouge, l’absence d’une équipe canadienne U23 au important Tour de l’Avenir.

LB : La FQSC a certainement de grandes préoccupations, et on ne partage pas toujours la même vision, on ne peut le nier. En fait, il y a principalement deux sujets de préoccupations : l’équipe nationale, et le calendrier de course. Cyclisme Canada a mis une certaine emphase, ces dernières années, sur la piste et la FQSC n’est pas nécessairement en désaccord car une progression est manifeste. La piste à mon avis ne doit cependant pas devenir un passage obligé pour les coureurs voulant faire de la route, malgré les exemples du Royaume-Uni ou de l’Australie. En France, en Italie, en Espagne, on procède autrement avec tout autant de succès, donc il ne faut pas imposer une seule voie.

Par ailleurs, on dira que le Canada n’a jamais qualifié autant d’athlètes pour les Mondiaux de cyclisme sur route, mais cela découle principalement du succès de l’équipe Silber notamment sur le America Tour.

Kevin Fields, responsable du programme route à Cyclisme Canada, fait du très bon travail, avec des résultats comme la présence d’une équipe nationale au Tour de Beauce, ou encore la recherche de financement pour soutenir la présence de Canadiens au Qatar lors des récents Mondiaux.

Cependant, Cyclisme Canada peut probablement faire davantage dans ses efforts pour trouver du financement pour l’équipe nationale en cyclisme sur route, qui est la discipline phare du cyclisme partout dans le monde car on parle beaucoup moins des autres disciplines comme le vélo de montagne, la piste ou le BMX.

Du côté du calendrier, il y a un paradoxe : le Canada est actuellement privilégié avec nombre d’épreuves de très haut niveau, incluant les deux épreuves WorldTour de Québec et Montréal mais aussi les Tours de l’Alberta, de la Beauce, de l’Abitibi, les épreuves à Saguenay et à Gatineau, mais en même temps il y a un vide dont nous avons déjà parlé quant à une série nationale au Canada à l’image du NRC aux Etats-Unis. Une série nationale a d’ailleurs déjà existé dans le passé, notamment avec le soutien de Canadian Tire. C’est le chainon manquant selon moi et je ne sens toujours pas d’efforts de Cyclisme Canada pour développer une telle série nationale.

LFR : Il manque à Cyclisme Canada un grand partenaire financier ?

LB : Probablement oui, et probablement que Cyclisme Canada pourrait faire plus dans la recherche de tels partenaires. Cyclisme Canada propose-t-il, par exemple, à des partenaires potentiels de soutenir un projet ambitieux comme une série nationale de courses cyclistes sur route ? J’en doute fort.

LFR : L’après Antoine Duchesne pour toi, c’est qui et comment ?

LB : C’est très difficile à évaluer, car la marge de progression des jeunes athlètes est souvent difficile à évaluer. Un Antoine Duchesne s’est beaucoup développé par exemple, comparativement à d’autres athlètes qui présentaient des résultats similaires à Antoine au même âge, et qui n’ont pas réussi à percer. Cela demande beaucoup de sacrifices, l’engagement doit être total. Je pense que nous avons, au Québec, des athlètes prometteurs qui pourraient percer au cours des prochaines années. Nous vivons probablement aussi une époque privilégiée, avec beaucoup d’athlètes d’exception comme les François Parisien, David Veilleux, Hugo Houle et Antoine Duchesne, pour ne nommer que ceux là. Ce n’est peut-être pas la norme. Mais ces coureurs ont fait ou font encore la démonstration que des coureurs du Québec peuvent percer au plus haut niveau, avec le soutien au départ des clubs du Québec, avec un bon programme de courses aux niveaux provincial et national, et du travail.

LFR : Ton avis sur la crise des AUT dans le cyclisme pro ?

LB : Ce n’est pas un sujet que je maitrise bien. Je dirais simplement que le cyclisme demeure marqué par de nombreux cas de dopage. Face à certains faits liés à ces AUT, il est légitime de se poser beaucoup de questions, notamment au niveau du timing de ces AUT, souvent utilisés juste avant de grands rendez-vous. Je déplore cependant que la suspicion s’étende à l’ensemble des coureurs pro, plusieurs faisant leur métier avec éthique. Il n’y a cependant pas de fumée sans feu non plus.

LFR : Petite suggestion en terminant, que la FQSC recommande aux organisateurs de courses au Québec de placer une petite flamme rouge sur le bord de la route annonçant le dernier kilomètre, ce serait fort utile aux coureurs.

LB : J’en prends bonne note Laurent, c’est une bonne suggestion et c’est probablement assez simple à mettre en place. On pourrait penser à l’ajout de panneaux indiquant la distance avant l’arrivée, comme la réglementation UCI le prévoit. On va en discuter dans les prochaines semaines.

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  1. Vincent C

    Merci pour l’entrevue! Sujets intéressants pour nous québécois et coureurs cyclistes. Belles ouverture, transparence et d’humilité de la part de monsieur Barbeau au niveau des réponses, on s’en un peu (enfin) un désir de changement et de faire autrement.

  2. Vincent C

    *on sent plutôt

    ps: à quand un système où on peut corriger nos fautes Laurent?

  3. Andy Lamarre

    Laurent,
    Suite a ce reportage, je ne vois pas beaucoup de changements sur les visions de la fédération cycliste du Québec.
    Ça ressemble beaucoup a ce que l’on nous promettais lorsque je courais.
    Du VENT….

  4. Juan Zinfandel

    Finalement un nouveau site web, j’espère que le contenu sera aussi re-nippé, finit les 100 milles formulaires sans fin et les conditions et exceptions pour faire la plus simple des démarches.

  5. Juan Zinfandel

    Justement, y’avait une belle histoire, un petit naufrage sur un autre essaie de faire le site web dans le passé… ca me revient… quand on donne la job a n’importe qui, on peut retourner a la case départ.

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