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Eurobike 2016: quelques développements intéressants…

Capture d’écran 2016-09-01 à 22.04.10Pendant que le fondeur canadien Alex Harvey montait le Stelvio côté Prato en ski à roulettes hier, moitié skate, moitié classique (ouf!!!!!), le salon Eurobike 2016 battait son plein du côté de Friedrichshafen.

Quelques nouveautés et développements ont attiré mon attention.

Notamment ces chaussures Luck qui intègrent un… capteur de puissance dans la semelle. Je trouve l’idée intéressante, puisque la force exercée sur les pédales passe nécessairement par l’interface semelle-pédale. Le système est polyvalent car non lié au vélo lui-même, et la mesure du différentiel de puissance entre les deux jambes peut se faire de façon précise si un capteur est installé dans chacune des deux semelles. Brillant!  Le système est annoncé compatible avec ANT+. Reste à tester la fiabilité et le degré de précision de cet outil comparé à ceux existant notamment du côté des pédaliers.

J’ai aussi remarqué un renouveau chez Colnago, après quelques années qui m’ont apparues en demi-teinte. Colnago a lancé un aéro bike bien réussi appelé « Concept ». La compagnie italienne est également en phase de relancer sa gamme en prévision de 2017.

L’autre nouvelle de ce salon est le nouveau groupe électrique sans fil FSA qui viendra donc concurrencer le groupe déjà lancé par SRAM (gageons que les autres grandes compagnies Shimano et Campagnolo suivront sous peu). Je trouve déjà l’esthétique de ce groupe FSA moins réussie que celle du groupe SRAM, car plus grossière.

Plusieurs sites Internet couvrent chacun à leur manière ce salon du vélo, notamment Bike Radar, Matos Vélo ainsi que Pez Cycling.

Introduire des périodes d’apnée lors de vos entrainements?

Le sujet est original, du moins pour moi: l’introduction de phases d’apnée (retenir sa respiration) lors d’entrainements serait bénéfique à la performance dans les sports d’endurance, augmentant par exemple (légèrement) la sécrétion d’EPO endogène au corps humain et améliorant le transport d’oxygène.

C’est une technique apparemment bien connue des entraineurs professionnels et pratiquée depuis fort longtemps. Je l’ignorais jusqu’à maintenant. Et c’est grâce à Marc Kluszczynski, pharmacien et expert sur le dopage, que j’ai pu en savoir plus puisqu’il m’a fait parvenir récemment cette critique du livre intitulé « The Oxygen Advantage » écrit par Patrick McKeown et publié en avril dernier. C’est assez intéressant, et peut-être la preuve que la natation est très bénéfique en préparation hivernale pour les cyclistes sur route! Je remercie Marc au passage de m’avoir envoyé ce résumé-critique pertinent.

Une méthode de dopage naturelle, par Marc Kluszczynski

Le titre du livre de Patrick Mc Keown est trompeur, et on lui préférerait « le paradoxe de l’oxygène ». Car la manière dont nous respirons détermine en fait la teneur du sang en gaz carbonique (CO₂). Or, l’effet Bohr, connu dès les années 1900, nous apprend que l’hémoglobine délivre plus facilement son oxygène aux tissus quand le pH du sang s’abaisse en présence du CO₂. C’est donc le gaz carbonique qui règle la respiration.

Mc Keown nous explique qu’il est inutile de trop respirer, si l’on veut favoriser la dissociation de l’oxyhémoglobine. Pour diminuer sa respiration, ou plutôt pour réduire sa sur-respiration, la 1ère méthode est d’adopter une respiration nasale, rejoignant en cela la théorie du médecin russe Konstantinovich Buteyko (1923-2003). Buteyko pensait que l’hyperventilation abaisse le CO₂, comme lors d’une crise d’asthme à son début, et le médecin proposait sa méthode dans l’asthme léger. Buteyko recommandait aussi d’introduire dans la journée, au repos, des petites pauses où l’on retient son souffle. Il s’agit donc de lutter contre l’hyperventilation, et d’augmenter la teneur du sang en gaz carbonique (hypercapnie). C’est une rééducation de la respiration que propose l’auteur.

Mais de nombreuses personnes dorment la bouche ouverte ! Que faire ? Car on ne peut négliger la rééducation de la respiration nocturne. Mc Keown propose une solution radicale pour adopter une respiration nasale la nuit : se scotcher la bouche avec du Micropore de largeur 2,5 cm ! Ce qui paraît un véritable supplice est en fait bien accepté par l’organisme, à en croire ceux ou celles qui ont essayé. Respirer par le nez augmenterait en plus la teneur sanguine en oxyde nitrique (NO) vasodilatateur.

Les progrès du passage à une respiration nasale peuvent être appréciés par le BOLT (Body Oxygen Level Test) : après une petite expiration normale (mais pas de grande inspiration), la personne s’arrête de respirer le plus longtemps possible. Le but est d’atteindre les 30 à 40 s, pour passer à la phase suivante. Le BOLT, qui n’est pas un exercice en lui-même, est à faire une fois par jour, 3 fois par semaine pendant trois mois. Des spasmes du diaphragme peuvent survenir, et aident ainsi à renforcer ce muscle essentiel dans la respiration.

Le BOLT sert à mesurer les progrès réalisés par les exercices de réduction du souffle (breathe right to breathe light), qui consistent au début à adopter une respiration nasale et abdominale imperceptible au cours de la journée et sur plusieurs mois. C’est ce qu’enseignent d’ailleurs les maîtres du Tai Chi, art martial chinois, qui recommandent de respirer de telle manière que l’on ne se sente pas le faire. On pourra ensuite pratiquer des pauses respiratoires au repos, puis pendant un exercice ; on augmentera l’intensité de l’exercice en respirant uniquement par le nez.

Cette phase suivante, Emil Zatopek (champion olympique du 10 000m en 1948 et 1952) l’appliquait déjà dans les années 50. Lorsqu’il se rendait à son travail, Zatopek s’amusait à retenir sa respiration en marchant, prenant les arbres d’une allée comme repères. Puis il utilisa cet exercice en courant, sauf bien sûr, en compétition, où il est nécessaire à plein régime de respirer aussi par la bouche. La méthode est donc connue de tous les entraîneurs.

Valerio Luiz De Oliveira, entraîneur de Joaquim Cruz, champion olympique du 800m en 1984, recommandait au brésilien de retenir sa respiration sur les 15 derniers mètres d’un 200m répété sur trois séries de quatre efforts. Et on peut penser que Chris Froome et Mo Farah pratiquent aussi ce genre d’entraînement. Et qu’Alberto Salazar l’impose aussi à ses coureurs: on se souvient que Galen Rupp s’est évanoui lors d’un entraînement! Avait-il oublié de respirer, attendant vainement le signal de son entraîneur?

Prudence toutefois: avec un oxymètre, il ne faut pas descendre sous le seuil de 80% en saturation d’oxygène, sous peine de mettre l’organisme en grand danger. Mc Keown cite plusieurs études montrant que retenir sa respiration quelques secondes 8 à 10 fois durant un exercice d’endurance permet d’augmenter le taux d’EPO endogène, alors que les meilleurs sportifs passent plusieurs mois par an à plus de 2500m d’altitude! Il ne s’agit alors que de gains marginaux.

La confirmation est apportée par une étude coréenne publiée en 2006 montrant une augmentation de 20% du taux d’EPO endogène chez les malades victimes de l’apnée du sommeil. Ces malades s’arrêtent de respirer la nuit de 20s à 1 min 20, et de 5 à 70 fois par heure.

Mais un autre mécanisme semble être en cause et intervenir dans une plus grande proportion encore: une meilleure tolérance à l’acidité sanguine, et une amélioration du métabolisme anaérobie lactique. Car Mc Keown n’hésite pas à écrire dans son livre que les bicarbonates augmentent le score du BOLT jusqu’à 8,6%. Or on sait qu’une autre substance, la béta-alanine, est dorénavant utilisée en course à pied et en cyclisme. On sait depuis longtemps que les bicarbonates, utilisés en pâtisserie et dans les sodas, permettent d’améliorer de plusieurs secondes les performances des efforts lactiques, tel un 800m. Mais en tamponnant l’acidité sanguine, les bicarbonates (s’ils améliorent le BOLT) réduisent le relarguage de l’oxygène par l’hémoglobine. A partir de ce moment, l’auteur aurait mieux fait d’écrire que pratiquer des exercices de retenue de la respiration améliorent en fait principalement la résistance à l’acidité, la sécrétion d’EPO endogène si elle est démontrée, restant accessoire et fugace.

La preuve en est donnée par l’auteur qui cite une meilleure efficacité à l’effort en haute altitude chez les sportifs ayant un BOLT élevé (plus de 40 s), de même qu’un effet sur la perte d’appétit, connu en altitude. On sait que le traitement du mal aigu des montagnes (MAM) consiste à administrer du DIAMOX (acétazolamide), inhibiteur de l’anhydrase carbonique, qui inhibe la transformation du CO₂ en HCO₃⁻. Le Diamox réacidifie l’organisme, ce qui constitue une preuve de l’effet principal du BOLT dans le registre anaérobie lactique. L’augmentation de VO₂ max constatée n’étant due qu’à la composante anaérobie qui se rajoute à la composante aérobie.

Le livre de Mc Keown a au moins le mérite de divulguer au grand public une ancienne méthode d’entraînement paradoxale : s’entraîner à l’apnée dans les sports d’endurance ! Est-elle responsable de certaines grandes performances récentes en natation et en demi-fond ?

Cranks and Coffee Saison 2: excellent!

Nos lecteurs européens apprécieront les vastes espaces sauvages du haut de la Gatineau! (et toujours, l’accent!).

Blainville: le mauvais exemple

La ville de Blainville (et son service de police) en banlieue de Montréal a récemment installé un panneau à l’attention des cyclistes du secteur afin de promouvoir la sécurité routière. (voir ci-bas).

L’objectif est noble, le partage de la route, la cohabitation auto-vélo devant se faire dans le respect mutuel. Parfois, des cyclistes ont des comportements inacceptables, comme les automobilistes. Avec la nuance que l’automobiliste, lui, ne risque habituellement pas sa vie en cas de collision…

Enfin bref, le panneau indique « T’es pas au Tour de France, t’es à Blanville » (voir ci-bas).

Il faut dire que ceux qui ont imaginé ce panneau n’ont pas réfléchi longtemps. C’est même lamentable.

Nous viendrait-il à l’esprit de dire aux joggeurs dans les rues « t’es pas au marathon des Jeux Olympiques, t’es à Blainville »?

Voilà qui prouve hors de tout doute qu’il y a encore beaucoup, beaucoup d’éducation à faire, en premier lieu chez ceux qui occupent des postes de responsabilité au sein d’administrations publiques. Nous avons des exemples concrets dans ma région d’Ottawa-Gatineau avec la Commission de la Capitale Nationale (CCN) qui a pris des décisions déplorables au cours des dernières années.

Récemment, les autorités publiques ont pris d’assaut le problème des textos au volant, multipliant les moyens – et les images choc – afin de combattre ce fléau. Pourquoi ne pas faire des campagnes similaires visant tant les automobilistes que les cyclistes pour éduquer toute la population sur la cohabitation auto-vélo?

La vitesse des cyclistes ne sera jamais un problème, c’est le non respect du code de la route qui l’est. Et ce code de la route est trop méconnu de tous… Combien d’automobilistes savent en effet que les cyclistes ne sont pas tenus d’utiliser les pistes cyclables? Combien d’automobilistes savent que parfois, la piste cyclable bondée de marcheurs, skateboardeurs, promeneurs de bébés en poussette et de chiens, de patineurs, peut être très dangereuse pour le cycliste capable de maintenir une moyenne de 30-32 km/h?

Ce n’est certes pas par ce genre d’affiche qu’on améliorera les choses! Car la pratique du vélo ne diminue pas, elle augmente rapidement, que ce soit le cyclisme comme moyen de transport au boulot, ou comme sport.

Et j’ai peine à imaginer l’effet auprès du public d’une telle affiche disposée dans une ville de France… on se dirait probablement « et c’est bien dommage »!

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Collective Parlee: Ted King

Nouveau vidéo sympathique de Collective Parlee qui nous offre cette fois-ci une entrevue originale avec Ted King de l’équipe Cannondale.

Ted King – Cannondale Pro Team – GP Québec. from Charles B. Ostiguy on Vimeo.

Cranks and Coffee – Saison 2

Il y a du talent dans ceux qui réalisent ces petits vidéos très sympathiques, soit des coureurs de ma région de Gatineau que je ne connais pas et qui se regroupent sous la bannière « Cranks and Coffee ».

La moitié des nombreux lecteurs de ce site étant en Europe (France, Belgique, Suisse), ils pourront de nouveau apprécier le mélodieux accent québécois… ainsi que notre climat pour le moins peu commode pour les amateurs de vélo que nous sommes.

Je suis le cycliste masqué: l’avis de Marc Kluszczynski et entrevue avec Antoine Vayer

Fin connaisseur du dopage dans le sport, pharmacien, Marc Kluszczynski nous livre aujourd’hui son avis sur le récent livre « Je suis le cycliste masqué » qui a suscité beaucoup d’intérêt sur ce site.

Je porte également à votre intérêt cette très récente entrevue avec Antoine Vayer au sujet de ce livre, entrevue réalisée par Alain Gravel dans son émission du matin à Radio-Canada. 13 minutes très intéressantes!

Marc a des doutes sur la réelle existence du cycliste masqué, Antoine nous assure via cette entrevue que ce cycliste masqué pédale bel et bien au sein du peloton au moment où j’écris ces lignes.

Quoi qu’il en soit, La Flamme Rouge tient à diffuser diverses opinions compte tenu du mystère entourant l’auteur de ce livre, ceci afin de vous permettre de vous forger une opinion plus éclairée. La mienne évolue encore, entre Daniele Bennati et un cycliste virtuel…

Voici l’avis de Marc:

« Les chroniques des insiders sont rares mais toujours intéressantes. On connaissait déjà celle du site Cycling Tips « The secret Pro » où tous les mois un pro actuel livre ses états d’âme sur la santé du peloton. Le dopage y est évoqué, mais très prudemment, par le cycliste anglophone (ce pourrait être Dan Martin ou un jeune américain). Ce n’est pas le cas avec le Cycliste masqué écrit en collaboration avec Antoine Vayer. Mais on s’aperçoit vite que le cycliste masqué en connaît trop sur la question. Il fournit des détails trop précis comme l’anecdote figurant dans l’autobiographie de Bradley Wiggins (In pursuit of glory, Orion Books.co.uk, 2008, p 19) révélant que son père transportait ses amphétamines dissimulées dans les couches du jeune Bradley (« Garry smuggled more drugs back into Belgium hiding them in my nappy »). L’anecdote avait été fournie à Vayer par l’auteur de ces lignes en 2012. Il semble donc étonnant qu’un pro en exercice puisse citer des passages d’autobiographie de vainqueur du Tour. Le cycliste masqué connaît même la date à laquelle Bernard Hinault prit la tête d’un mouvement de grève pour protester contre les contrôles antidopage dans les critériums.

On se demande donc très vite si Vayer ne se serait pas glissé lui-même dans la peau d’un cycliste virtuel. D’autres détails trahissent les couplets habituels de Vayer, comme à la page 50, parlant d’Eddy Merckx comme « le vrai roi des Belges, ayant présenté le Dr Michele Ferrari à Lance Armstrong ». Comment un pro en exercice pourrait-il citer de tels détails ? Si les pro du cyclisme font l’histoire, ils ne s’y intéressent pas, et passent encore moins de temps à consulter un site spécialisé dans les affaires de dopage.

Dès la page 33, Chris Froome est critiqué (« On ne fait pas de chevaux de course avec des ânes »). On rappellera à Vayer (et pas au cycliste masqué) que l’anglais a un VO₂ max très élevé (84 à 88 ml/kg/min) connu dès son passage à Aigle au début de sa carrière. Il est donc faux d’affirmer  à la page 176: « Si Froome avait eu un moteur physique si prodigieux, on l’aurait su dès son plus jeune âge ». L’anglais est naturellement accusé de dopage mécanique, les mots employés étant les mêmes que ceux de Vayer dans sa chronique du Monde pendant le TdF. S’il est possible qu’il ait recueilli quelques confidences de cyclistes, celles-ci apparaissent noyées au milieu des chevaux de bataille du chroniqueur, le dopage mécanique (à la page 80, on pourrait croire que tous les pros l’utilisent : « Quand je vais arrêter, je vais enfin me faire mon vélo sans kit moteur intégré », Froome le mutant, les mafias, les arrangements en course…

Le livre en devient finalement pénible à lire, tant les propos sont excessifs ou éculés : le dopage à l’AICAR généralisé (alors que la substance a très vite été détectable) expliquant la maigreur des cyclistes actuels (et chez l’équipe Sky en particulier). On nous ressert le cliché vieillot du cycliste connaissant mieux le Vidal (dictionnaire des médicaments) que son médecin. Malgré cela, le cycliste masqué (ou Vayer) nous présente une nouvelle catégorie de substances : les ersatz de drogues dures, auxquelles appartiendrait la caféine « équivalent de la méthadone en quelque sorte » à la p 140). Un peu plus loin, corticoïdes et tramadol sont cités comme appartenant aux « produits méthadone ». En passant, on précise que le tramadol n’a jamais été vendu sans prescription médicale. On saute au plafond en lisant que « Stilnox et Myolastan seraient prescrits par la direction de l’équipe pour être zen à l’arrivée ». Le Myolastan a été retiré de la vente en France en 2012. Et l’on doute qu’un responsable d’équipe prendrait le risque d’un tel acte criminel ! L’auteur (on ne sait plus qui) parle de nombreuses chutes dans un état second dues à ces benzodiazépines.

Malgré tout ce copier-coller, il est triomphalement écrit à la page 154 : « Les experts, c’est nous ! ». Dans la critique des performances des français, c’est bien Vayer qui parle. La 2e place de JC Péraud au TdF 2014 lui apparaît crédible. Pinot, Bardet, Barguil doivent lui apporter la preuve qu’ils pédalent sans caféine, cortisone et tramadol. L’analyse précise des performances de Thomas Voeckler est sans l’ombre d’un doute celle de Vayer : Voeckler s’est métamorphosé dès 2010 lors de la 12ème étape du Giro. Il est ensuite 4ème du TdF 2011 en développant 6% de puissance en plus sur les derniers cols par rapport à 2004 et son rendement est 10% meilleur en 2011 qu’en 2004.

Seuls Cadel Evans (« j’ai envie d’y croire »), Dan Martin, Greg Van Avermaet, Marcel Kittel, John Degenkolb (« j’y crois ») bénéficient de l’indulgence de l’expert, au contraire d’Alejandro Valverde, qui vient de gagner sa 4e Flèche Wallonne à 36 ans. Tiens, en passant, on apprend que son équipe Movistar travaillerait avec le Dr Ferrari (p 123). Puis à la page 119, le cycliste masqué (?) énumère la liste des médecins dopeurs ! A la page 259, on lit cette étonnante formule de la part d’un pro : « On a notre tableau de Mendeleiev avec des coureurs chimiques voir atomiques ».

De courts chapitres citent ensuite ce qui s’est déjà écrit ailleurs tels les stages en altitude servant d’alibi aux micro transfusions. On apprend l’existence d’une nouvelle méthode d’entraînement, le home-trainer à jeun en hypoxie. Vayer admet une évolution du cyclisme et le recul du dopage nécessite « un ajustement de l’entraînement de la part de l’encadrement, encore trop souvent constitué d’ex-dopés dont le réservoir était rempli d’EPO à rabord ». Mais ce n’est pas le cas chez Sky  et les équipes françaises ! Les nouvelles méthodes d’entraînement profitent à tout le peloton et plus seulement aux leaders. Si ce sont toujours les mêmes ou leurs pions qui dirigent le cyclisme depuis trente ans, Vayer admet que le dopage dorénavant n’est plus obligatoire.

Pour finir un dernier mot, peut-être celui du cycliste masqué qui commence à parler à la page 213, sur les jeunes journalistes spécialisés aux dents longues, qui débutent et traitent de rat certains coureurs sans avoir pédalé eux-mêmes. Beaucoup sont là pour faire de l’audience, et pour l’audimat il n’y a rien de mieux que la polémique et le sensationnel. On pense tout de suite au reportage de Stade 2 à la TV française, sur l’utilisation de moteurs électriques dernière génération et indétectables par l’UCI, sur la Coppi e Bartali et la Strade Bianche de mars. Malgré les accusations incessantes, les pro doivent adopter un discours « lyophilisé », mais repèrent assez rapidement les journalistes qui sont là pour faire le buzz, et ceux qui sont rigoureux.

Le cycliste masqué existe-t-il ? On a vainement cherché. Il n’est pas français, est en fin de carrière, et vient de resigner deux ans pour une équipe pro. Il est passé dans une équipe italienne à ses débuts, a été porteur du maillot jaune au Tour de l’Avenir. Sa carrière en est à sa 12ème année. Il a remporté plusieurs victoires d’étape au TdF. Il a deux enfants et a participé à plus de 20 grands Tours. On a pensé à Filippo Pozzato, Matteo Tosatto ou à Daniele Bennati. Mais à chaque hypothèse, le puzzle ne se referme pas. L’hypothèse d’un cycliste virtuel l’emporte. »

Le Tour de l’actualité

Plusieurs nouvelles qui ont attiré mon attention au cours des derniers jours:

1 – Dopage mécanique. Beaucoup de réactions sur La Flamme Rouge et je vous en remercie, toujours aussi intéressant de vous lire car j’y puise matière à nuancer mes réflexions. Je tiens à rassurer Stef à propos de « focuser sur le mauvais côté du cyclisme »: il n’est pas question de cela sur La Flamme Rouge. Oui, j’essaie de contribuer positivement au cyclisme, notamment celui du Québec, et mes récents textes sur les cyclosportives au Québec, sur la Classique des Appalaches, d’autres à venir très prochainement, le montrent. Mais on ne peut pas occulter les grands problèmes du cyclisme non plus: le positivisme béat et niais, très peu pour moi! Pas de positivisme donc, pas de négativisme non plus, simplement ce que je souhaite: essayer de donner l’heure juste, toujours pour faire des lecteurs de ce site des observateurs éclairés du cyclisme.

2 – Dopage mécanique.  Comme JW le mentionne, rappelons-nous de la sensation des pistards anglais il y a plusieurs années de cela. Et si…

Merci aussi à Raf pour l’intéressant lien vers un podcast sur le sujet.

Enfin, merci à Didier pour avoir porté à mon attention cette entrevue en Belgique avec Vincent Wathelet, agent de coureurs et bien informé de la chose cycliste. Il affirme que l’UCI savait depuis 2010 l’existence de ces moteurs, et n’a rien fait jusque récemment… Les chiffres dont il parle sont également intéressants: 1350 moteurs vendus en 2015 seulement, ouf! Enfin, ces révélations sur les mystérieux changements de roues sitôt la ligne d’arrivée franchie lors du dernier Tour de France… Si on voulait camoufler du matos illégal, on ne procéderait pas autrement.

L’avis de Cyrille Guimard est également intéressant (merci à Fred du lien). Tout cela va toujours dans le même sens, celui d’un vrai gros problème dans le cyclisme actuellement. Je n’en reviens personnellement pas de la triche dont les gens – ici les coureurs – peuvent faire preuve pour gagner un avantage sur les autres!

3 – Tenerife. Et oui, la mode continue… Loin de tout, moins de tests antidopage, on est plus tranquille, on bénéficie de l’altitude, et on peut tester le matos loin des regards. Voilà que la Cannondale s’y est mise aussi.

4 – Tenerife bis. Que voulez-vous, ça ne pouvait que susciter l’intérêt de tous! Intéressant, The Col Collective nous présente l’ascension du Mont Teide, lieu culte de la science de l’entrainement, version Sky.

5 – Michael Valgren. 2e de l’Amstel Gold Race dimanche, je connaissais mal le jeune coureur danois de 24 ans qui évolue chez Tinkoff. C’est un coureur prometteur, assurément: double vainqueur de Liège-Bastogne-Liège chez les Espoirs, il terminait également 3e du Tour de l’Avenir en 2013. En 2014, il était champion sur route au Danemark, et remportait également son tour national. Voilà qu’il perce chez les pros, et il sera assurément à surveiller au cours des prochaines années. Un nom à retenir!

6 – 18 éléments que ceux qui ont connu le cyclisme dans les années 1980 (dont je suis) se souviendront… c’est rigolo. Pour moi cependant, il manque à cette courte liste un élément fondamental: les freins Campagnolo Delta. On n’a pas fait plus classe depuis!!! Qu’est ce que je m’ennuie…

7 – Périnée. C’est une région disons sensible mais aussi… névralgique chez les hommes comme chez les femmes, et une région particulièrement sollicitée chez les cyclistes. J’ai la chance de ne jamais avoir vraiment souffert de cette région malgré ma pratique cycliste intense, si ça intéresse quelqu’un (!!!). GCN Cycling a eu la bonne idée de produire un petit vidéo donnant des conseils à celles et ceux qui pourraient souffrir de cette région en raison de leurs activités cyclistes. La hauteur, l’alignement de la selle, son assise et sa forme, tout particulièrement, sont des éléments fondamentaux du confort associé à cette partie sensible. Et rappelez-vous: tout est une question d’apport sanguin dans cette région!

Ce qui fait les grandes équipes

Pour diverses raisons, je me suis intéressé récemment à ce qui fait les grandes équipes sportives. Le cyclisme étant un sport d’équipe, particulièrement aux échelons supérieurs, petit tour d’horizon des caractéristiques d’une grande équipe.

Vision commune

Une grande équipe possède une vision commune. Il s’agit habituellement d’un objectif clair,  simple à exprimer et à relativement court terme, qui peut donc être facilement compris de tous les joueurs. Ce qui signifie que la question constitutive d’une équipe est la suivante: quel est le but de l’équipe cette saison?

Sentiment d’appartenance

Les membres d’une grande équipe sentent qu’ils appartiennent à un tout plus grand que leur propre individualité. Autrement dit, que sans leur équipe, sans leurs partenaires dans le sport qu’ils pratiquent, ils ne pourraient atteindre un niveau de performance aussi haut. Des dimensions comme l’esprit d’équipe, l’émulation entre les membres et l’adhésion à la vision commune, donc l’engagement, sont ici des dimensions fondamentales de ce sentiment d’appartenance.

Communication

Trait commun de toutes les grandes équipes, une communication efficace. Les grandes équipes savent très bien communiquer, et chaque membre de l’équipe prend activement part dans cette communication. Cette communication peut s’exprimer, d’un individu à l’autre, de diverses façons bien sûr, mais il est capital que l’information circule. Sans une communication efficace, l’équipe ne pourra pas, par exemple, s’améliorer notamment via l’apprentissage suite aux erreurs.

Des rôles clairs

Au sein des grandes équipes, les rôles sont clairs: chaque membre connait sa valeur ajoutée, connait la dimension qu’il peut et doit apporter à l’équipe. En cyclisme, cela veut dire que chaque membre doit savoir, compte tenu de ses qualités, ce qu’il peut apporter sur le terrain de par ses qualités de grimpeur, rouleur, puncheur, baroudeur, voire de simple équipier, mais aussi en dehors du terrain, par sa personnalité (un personne plus extravertie pourra détendre l’atmosphère dans les moments opportuns par des blagues, une personne plus introvertie pourra refocusser l’équipe dans les moments importants par exemple).

Leadership

Les grandes équipes ont généralement de grands leaders, ce ou ces leaders n’étant pas forcément le ou les membres les plus talentueux mais plutôt le ou les personne(s) capable(s) de renforcer régulièrement la vision commune, et d’exalter l’engagement de chacun des membres de l’équipe. Les grands leaders ont principalement trois grandes qualités qui reviennent: du courage, de la constance dans l’effort et de l’attention envers les autres.

Diversité des aptitudes

Les grandes équipes présentent une combinaison d’aptitudes complémentaires, rendant le tout plus fort que chacune des individualités prises indépendamment. Il faut l’union de talents divers pour faire une grande équipe, et c’est aussi vrai en cyclisme. En ce sens, chacun peut apporter sa contribution, quelles que soient à la base ses qualités.

Appréciation

Les membres d’une grande équipe sont capables de s’apprécier mutuellement, créant une attitude positive d’émulation et d’encouragement au sein de la formation. Cette appréciation est notamment un ingrédient fondamental pour bâtir la confiance de ses membres, une confiance par ailleurs indispensable pour qu’une équipe réussisse à atteindre ses objectifs.

Sur ces bases, on peut par exemple se demander pourquoi l’équipe belge Etixx est passée à côté, sur les Flandriennes, d’une grande victoire? Possible réponse, la définition de rôles clairs pour chacun de ses membres n’a peut-être pas été optimale chaque fois. Les rôles de chacun ont-ils toujours été très clairs, entre Boonen, Stybar, Terpstra voire Vandenbergh dans le final des courses?  De même, l’engagement était-il adéquat?

Ces bases pourront également alimenter vos réflexions si vous faites partie, comme moi, d’une équipe cycliste à la veille de la reprise des courses sur route au Québec.

Je termine par ces quelques citations liées à ce thème, qui reviennent souvent sur Internet comme dans les livres et qui pourront également vous apparaitre inspirantes:

« Il y a plus de courage que de talent dans la plupart des réussites. » Félix Leclerc

« Ce n’est pas le fait de porter le même maillot qui fait une équipe, c’est de transpirer ensemble. » Aimé Jacquet

« Le succès n’est pas la clé du bonheur. Le bonheur est la clé du succès. Si vous aimez ce que vous faites, vous réussirez » – Albert Schweitzer

« Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite » – Henry Ford

Petit Tour de l’actualité

1 – Jasper Stuyven. Je vous avoue franchement que je ne connaissais pas ce coureur belge de 23 ans, très beau vainqueur dimanche de Kuurne-Bruxelles-Kuurne. C’était une lacune, le coureur ayant été champion du monde chez les cadets (en 2008) puis chez les juniors (en 2009) avant de remporter Paris-Roubaix junior en 2010. Rien que ça! Plus tard, il a terminé 2e de Paris-Roubaix Espoir (en 2011) et, en 2013, a remporté une étape du… Tour de Beauce après avoir terminé 3e de Liège-Bastogne-Liège Espoir. On peut voir que la progression est logique, linéaire. Vainqueur d’une étape de la Vuelta l’an dernier, je pense qu’on entendra beaucoup parler de ce garçon au cours des prochaines années.

2 – Le Samyn. La course d’ouverture des Classiques wallonnes se dispute aujourd’hui, sur un peu plus de 200 bornes. On annonce du beau monde au départ (Alaphilippe, Terpstra, Gilbert et le Canadien Ryan Anderson par exemple) et c’est une course particulière qui marie monts et secteurs pavés du côté de Mons.

3 – Drôme Classique. La course française a eu lieu le week-end dernier sur de beaux parcours dans la Drôme. C’est le coureur tchèque de l’équipe Etixx Petr Vakoc, seulement 23 ans mais déjà un sacré palmarès, qui s’est imposé quelques semaines après avoir terminé 2e de l’épreuve La Provençale. On peut visionner les deux étapes ici et ici, c’est parfait pour nos séances de home-trainer au Québec, encore pris dans une tempête de neige!

4 – Paris-Nice. Ca débute le week-end prochain et pour l’occasion, l’équipe Lotto-Soudal sera rebaptisée Lotto-FixAll, un produit de la compagnie Soudal. Du coup, le maillot change un peu, mais c’est pas pour le mieux selon moi!  Pour le reste, on attend aussi du beau monde du côté de la course au soleil, avec notamment Alberto Contador et Richie Porte.

5 – Taylor Phinney. Très long reportage sur ce coureur changé depuis son grave accident à une jambe il y a quelques années. Le reportage est très long, je le souligne car on en voit plus beaucoup des aussi longs à l’ère du « consommé-jetté » même dans les médias!

6 – La Ruta Negra mieux que la Haute Route? C’est en tout cas ce que semble suggérer l’épreuve cyclosportive privée sur le papier: 14 jours, 1600 bornes et… 50 000 mètres de dénivelé en Italie, par delà un grand nombre de grands cols du Giro, Mortirolo et Zoncolan inclus. Quant on aime…

7 – Strade Bianchi. C’est samedi prochain, ne manquez pas cette course d’enfer, superbe dans les routes de la Toscane. Ca sera l’occasion de voir Fabian Cancellara à l’oeuvre, comme nombre d’autres coureurs de premier plan. Un champion s’impose toujours à Sienne au terme de cette course particulière. À noter que la version cyclosportive existe…

8 – Le suivi biologique en danger? Aie, pas bon du tout ça!

Pikes Peak: wow!

Gregario, de Charly Wegelius

gregario« Ce qui m’importait par dessous tout dans ma vie était ma condition physique. J’ai fini par ouvrir les yeux: je n’était en réalité qu’un type complètement centré sur lui-même, un égoïste hypocondriaque. Être athlète fait ressortir les plus mauvaises facettes de la personnalité des gens. »

À l’occasion d’un récent voyage en Europe, j’ai pu mettre la main sur le bouquin intitulé Gregario écrit par l’ex-coureur pro britannique, Charly Wegelius.

J’ai lu beaucoup de bouquins d’ex-coureurs pro. Beaucoup.

Celui-là est différent.

C’est un des rares livres où j’ai eu l’impression que l’auteur montre le vrai visage de la vie d’un coureur pro en Europe. Où j’ai aussi eu l’impression qu’il se foutait de l’omerta, voire du milieu lui-même, en écrivant son histoire.

Oui, Wegelius, dans ce livre, nous montre le vrai visage de la vie d’un coureur pro.

Et ce visage est loin d’être celui imaginé par les fans de cyclisme qui envient et admirent, parfois démesurément, les coureurs pro.

Durant la lecture du livre, je n’ai eu également de cesse que de penser à… David Veilleux. En lisant ce livre, on comprend tout de suite pourquoi très probablement David a mis fin à sa carrière, à seulement 26 ans, et alors qu’il était en pleine gloire.

Le livre de Wegelius est également à même de mieux nous faire comprendre les enjeux liés au cyclisme professionnel où l’argent, comme ailleurs, l’emporte sur tout. Wegelius parle sans réserve de la structure des équipes et de ses managers plus soucieux de s’enrichir que de vraiment développer une équipe cycliste, des conditions de vie parfois extrêmement difficiles des jeunes pros, de la magouille lors des courses, et notamment lors des Mondiaux, alors que la course par « équipes nationales » n’est qu’un masque, la réelle allégeance des coureurs ce jour-là étant bien évidemment avec leur équipe « de marque » qui leur versent un salaire à l’année.

Bref, j’ai aimé. Ce n’est pas un grand livre, il y a certaines longueurs par moment, mais pour nous qui sommes extérieur au monde fermé des coureurs pro et de ce qui se passe derrière les portes closes d’une équipe, ce livre représente la meilleure façon de les ouvrir…

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