Vous vous acharnez depuis des années à détruire ma passion du cyclisme.
Vous êtes souvent des athlètes respectés, des champions que je ne suis pas, que je ne serai jamais. Vous gagnez des courses, des titres de champion du monde. On vous respecte, on vous adule, on vous consacre des articles dans des grands journaux, certains vous prennent en exemple et s’inspirent de vous. On vient vous voir pour des conseils, vous faites autorité.
Et pourtant.
Et pourtant, vous vous dopez.
Au fond, vous n’aimez pas le cyclisme. Vous n’aimez qu’une chose: vous. Être le meilleur, donc gagner à tout prix, quitte à mépriser vos adversaires.
Car le drame du dopage, c’est surtout cela: le manque de respect des adversaires. Cette envie furieuse de dominer l’autre vous habite. Je suis triste pour vous. Surtout lorsque vous êtes des coureurs maitres, chez qui tout espoir de passer pro ou de disputer les Jeux Olympiques s’est envolé depuis fort longtemps.
On apprenait hier que Gérard-Louis Robert, 67 ans, multiple champion du monde sur piste chez les maitres depuis des années, a été testé positif à la testostérone lors des Championnats québécois sur piste en août dernier. Il a été suspendu par le CCES pour une durée de huit ans, n’en étant pas à sa première infraction au code anti-dopage.
M. Robert jouissait d’une certaine notoriété dans le milieu, ses résultats imposant le respect. Des journaux à grand tirage lui avaient consacré des pages entières encore récemment. Parmi ses activités, il collabore avec le Peak Centre de Haute Performance à Montréal, sous la direction de Pierre Hutsebault, un centre qui emploie par ailleurs Pascal Hervé, qui se passe de présentation.
Je vous avoue franchement que cette nouvelle m’a jeté par terre. Je ne connais pas M. Robert, je ne l’ai jamais rencontré. J’étais toutefois de ceux qui étaient admiratifs de ses performances. J’y voyais un exemple de persévérance, un exemple du « bien vieillir » sur le vélo, une source d’inspiration pour moi qui ne rajeunit pas.
La testostérone à 67 balais, ça devait être rudement pratique, quant on sait que la testo est un important facteur de performance et diminue rapidement avec l’âge. Un apport exogène devait lui permettre de mieux préserver sa force donc sa puissance.
M. Robert s’est prévalu de son droit d’être entendu auprès du CCES, qui a toutefois maintenu la suspension. Par honnêteté intellectuelle, il convient de mettre en lien la déclaration de M. Robert diffusée hier, qui estime avoir été victime d’une justice à deux vitesses. Je laisse aux lecteurs de ce site le loisir d’exercer leur jugement, tout en exprimant un air de déjà-vu quant à l’argument de « l’incompréhension » chez un athlète positif.
Chose certaine, le cyclisme québécois n’avait pas besoin de ce nouveau cas de dopage, après celui il y a quelques semaines du jeune espoir David Drouin. On va encore parler négativement de mon cyclisme, et j’en ai plein le cul!
Ben vous savez quoi? Je ne vous (les dopés du sport) laisserai pas ternir ma passion du cyclisme.
On passe à un autre appel. On vous raye de nos vies, comme on a effacé des livres du cyclisme Lance Armstrong. Vous n’avez aucune place dans le cyclisme. Vos titres et médailles n’ont aucune valeur, ils ont été volés à d’autres.
Je continuerai de vivre ma passion du cyclisme en retrouvant avec plaisir mes adversaires sur les prochaines courses provinciales; je peux les regarder droit dans les yeux, car je les respecte en me présentant à la ligne 100% clean. Eau claire, that’s it. Et je suis aussi suivi médicalement comme M. Robert, ayant la chance d’avoir un médecin de famille (pas facile dans l’Outaouais!). Jamais mon médecin ne m’a offert de « corriger certaines carences » (pourquoi donc, si on est en santé?), et je ne l’aurais pas accepté. 100% clean. Si t’as des carences, ben tu arrêtes de pédaler et tu te reposes!
Je continuerai de vivre ma passion du cyclisme en explorant l’effort total et les limites que m’impose mon organisme lorsque je le sollicite à fond. J’me prendrai encore des claques, comme dimanche dernier à Whiteface. Au moins, ce sont de vraies claques: je sais aujourd’hui que j’étais fatigué sur Whiteface, et je me repose cette semaine.
Surtout, je continuerai de vivre ma passion du cyclisme en le pratiquant pour ce qu’il est à la base: la simple joie de rouler, d’être libre, totalement libre, en équilibre sur deux roues, cette sensation unique des boyaux qui sifflent, la tête au vent.
La passion du cyclisme chez moi, ça signifie me sentir vivant. Vous, coureurs dopés, avez cessé de l’être du moment que vous vous êtes dopés.
Je continuerai enfin de vivre ma passion du cyclisme en écrivant La Flamme Rouge, parce que quant on a une telle passion du cyclisme, on aime la partager. Les lecteurs de ce site me le rendent bien: au fil du temps, nous avons bâti ensemble une communauté unique, forte, internationale (surtout France et Québec), où nous échangeons nos idées sur une foule de sujets reliés au vélo, les débattons poliment et respectueusement. Et dénonçons le dopage de plus en plus communément, contribuant modestement à éveiller les consciences, donc à lutter contre ce fléau.
Et surtout, La Flamme Rouge continuera de partager la passion du cyclisme en restant fidèle à sa ligne directrice, affichée sur ce site dès le premier jour en août 2003, et qui est tirée du livre Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand:
« N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !«