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Canadiens: la suite, avec Alexis Pinard

Mon article intitulé « Trop dur, les Canadiens » diffusé la semaine dernière a suscité beaucoup de réactions au sein de la communauté des coureurs maitres du Québec, mais aussi d’ailleurs.  

Les mentions légales de La Flamme Rouge garantissent un droit de réplique. Cela fait partie de l’éthique de travail que je m’impose.  

Personne ne m’en a demandé, mais Alexis Pinard et moi avons échangé ces jours derniers au sujet des enjeux liés à ces Championnats canadiens, dans une perspective plus globale qui est celle de la survie des courses sur route au Québec, aujourd’hui confrontées à une concurrence jamais vue auparavant (événements cyclosportifs, de gravelle, de vélo de montagne, etc.).

Entretien avec Alexis, avec qui j’avais reconnu l’an dernier le parcours de ces Canadiens, et ami de longue date.

La Flamme Rouge : Alexis, tu as compris que La Flamme Rouge est aussi utile en ce sens qu’elle permet de prendre le pouls de la communauté cycliste d’ici. 

Alexis Pinard : Pour moi Laurent, une communauté cycliste en santé est une communauté capable de s’exprimer sur les enjeux de notre sport, objectivement et de façon constructive. J’accueille favorablement ton article, car il est pertinent et permet pour moi de bien avoir le pouls de la communauté, et de réagir. Je le fais aujourd’hui, et merci à toi!   

LFR : Selon toi, et considérant le parcours 2021 des Canadiens, est-il raisonnable de penser que la difficulté du parcours, très sélectif, a découragé plusieurs coureurs maitres à participer cette année? Une fois lâché du peloton de tête, le fun d’une course cycliste n’est plus vraiment là.

AP : Il est certain que le parcours est difficile, je le reconnais, notamment si on le compare à d’autres courses au Québec. Mais est-il trop difficile? Je n’en suis pas sûr. Il l’est un peu moins que l’an dernier, et ça reste une course de Championnat canadien, ou un parcours sélectif est particulièrement pertinent. 

D’autres courses sont aussi très difficiles, je pense à Green Mountain Stage Race où, chaque année, de nombreux coureurs maitres du Québec s’inscrivent. 

J’ai bien aimé le commentaire laissé par Éric sur La Flamme Rouge : c’est une question d’avoir une bonne approche, un bon rapport à la compétition. Tous les parcours ne sont pas faits pour tout le monde, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas y trouver son compte, être satisfait et progresser. Pour certains, seule la victoire compte, et c’est très bien. Pour d’autres, l’objectif peut être ailleurs, par exemple une place dans les 10 premiers, ou simplement le défi d’aller au bout de la course. Cette approche, qui était aussi la mienne lorsque je courais, parle-t-elle encore à beaucoup de gens? J’ose l’espérer, mais je n’en suis pas sûr non plus. C’est utile d’en parler. 

J’ajoute aussi qu’il ne faut pas oublier le GranFondo UCI du dimanche, où l’accent est davantage mis sur l’aspect défi. On compte déjà sept nationalités au départ. On peut y tester sa forme, ça c’est clair, et possiblement se qualifier pour les Mondiaux en Italie plus tard dans la saison.

LFR : Tu as mis en place plusieurs stratégies pour rendre ton événement accessible cette année, notamment en proposant des tarifs d’inscription de groupe. Peux-tu nous en dire plus?

AP : C’est un beau party de vélo qu’on organise, avec une foule d’activité pour tout le monde, incluant la famille des coureurs, leurs enfants. On veut rendre l’expérience client optimale. Dans ce contexte, c’est sûr qu’on favorise la présence d’équipes complètes. 

Cette année, une équipe qui inscrit de trois à cinq participants bénéficie de 20% de réduction sur toutes les inscriptions. À partir de six coureurs(es), c’est 30% de réduction. 

(ndlr : notons que les inscriptions ferment ce mercredi à 23h59, et que les équipes intéressées ou déjà inscrites peuvent profiter du rabais en écrivant à info@classiquedesappalaches.com)

LFR : Des changements seraient possibles si l’événement revenait dans l’avenir?

AP : Manifestement, et grâce notamment à ton article, on a des choses à revoir pour l’avenir parce que mon organisation a manifesté son intérêt auprès de Cyclisme Canada à poursuivre l’organisation des Championnats canadiens Maitres au cours des prochaines années. 

Il faut toutefois comprendre que des changements impliqueront des efforts, des coûts humains et logistiques supplémentaires. On va le faire avec plaisir si cela nous permet d’augmenter l’expérience client, d’optimiser le plaisir qu’ont les participants à venir courser à Victo. L’enjeu reste à savoir si d’éventuels changements vont amener une participation accrue ? À quel point la communauté cycliste va répondre présent si on modifie le parcours l’an prochain, pour le rendre disons plus accessible? C’est une grande question pour moi.

LFR : À long terme, quel est l’impact d’une participation moindre des coureurs maitres sur un événement comme le tien, sur des partenaires financiers aussi?

AP : C’est très clair qu’un des indicateurs importants de l’évaluation de l’événement, c’est le nombre de participants, ainsi que les retombées économiques et sociales. Moins de participants veut dire plus d’enjeux pour convaincre les partenaires de poursuivre l’aventure dans les prochaines années. C’est important que la communauté cycliste participe. Et ma responsabilité c’est de leur livrer un événement de grande qualité, notamment en matière de sécurité, de fun, ou tout le monde va y trouver son compte, que ce soit le futur champion canadien ou le cycliste participant à son premier GranFondo. 

LFR : J’ai souvent écrit, ces dernières années, que les courses sur route au Québec traversent une période difficile. La compétition avec d’autres types d’événements est certainement une partie de l’explication. Le GP cycliste de Ste-Justine, prévu le 18 juin dernier, a été annulé à la dernière minute. Je pense que c’est difficile d’organiser une course cycliste sur route actuellement? 

AP : Je te le confirme Laurent. Une chance qu’on a nos précieux bénévoles, la réelle force de notre organisation. Ces gens travaillent avec professionnalisme et passion, ce sont nos héros. Et c’est sûr qu’une source de satisfaction de nos bénévoles, ils sont 300 pour l’événement en fin de semaine prochaine, c’est le nombre de participants.

Je te confirme également que certains coûts fixes sont très élevés pour des courses sur route, car c’est un événement mobile, où on a un peloton qui évolue à vitesse variable sur des routes le plus souvent ouvertes à la circulation. La sécurité en course, l’encadrement (signalisation, premiers répondants, ambulances, etc.) représente donc des coûts importants, que d’autres disciplines du cyclisme n’ont pas forcément. 

C’est clair que les courses sur route traversent une période difficile. Et je trouve cela parfois difficile à expliquer car il n’y a jamais eu autant de monde sur un vélo, et jamais autant de monde l’hiver sur leur home-trainer et des plate-formes comme Swift. 

LFR : Tu as l’impression que Cyclisme Canada et la FQSC facilite actuellement les choses pour un organisateur de courses sur route? 

AP : Je pense qu’on a besoin d’avoir une conversation sur le paysage compétitif et cyclosportif au Québec, pour moi c’est clair. On est à une croisée des chemins, et on a probablement une fenêtre d’opportunité actuellement pour revoir les facteurs associés tant à l’offre qu’à la demande pour des événements cyclistes puisqu’on amorce l’ère post-Covid, et qu’on se dirige notamment vers l’accueil des Mondiaux UCI GranFondo en 2026. 

Du côté de l’offre, a-t-on trop d’événements cyclistes? Les fédérations ont un rôle à jouer en s’assurant de ne pas développer chacune des disciplines en silo, ce qui augmente la concurrence entre ces disciplines. Il faut probablement une certaine coordination, notamment au niveau des événements : route, piste (notamment avec le nouveau vélodrome de Bromont, bientôt prêt), gravelle, vélo de montagne, cyclosport, BMX, de plus en plus d’événements pour les e-bike… 

Du côté de la demande, je ne suis pas sûr qu’on la comprenne bien aujourd’hui. Les mentalités ont évolué, les gens sont plus dans le plaisir qu’avant, recherchent aussi des expériences plus « immersives » avec une vraie expérience client, il y a une analyse à faire, en particulier du côté de leur rapport avec la compétition en cyclisme sur route. Les fédérations ont un rôle à jouer dans l’élaboration de ces analyses, question de prendre les bons virages pour l’avenir en fournissant un cadre structurant pour l’ensemble de leurs parties prenantes, des plus récréatives aux plus compétitives, à titre de participant ou d’organisateur d’événements.

LFR : Je te laisse le mot de la fin Alexis.

AP : Je veux être clair : si nous devons revoir le parcours pour améliorer l’expérience client et augmenter la participation dans l’avenir, on va le faire!  

Je tiens aussi à rassurer : tout le monde peut trouver son compte cette année au Vélo.Victo.Fest.  Ma philosophie se résume un peu à « Podium, Peloton, Party ». C’est certain que sur ce parcours, tout le monde ne peut pas rêver à un podium, mais beaucoup peuvent rêver au peloton et son ambiance, et tout le monde peut être du party. Je l’ai écrit dans le mot de bienvenue à l’événement : « profitez-en, ensemble, et brillons par notre passion. Trève d’introduction. Passons à l’action. »

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  1. Quelqu'un

    L’élitisme vient aussi avec l’embourgeoisement: ceux qui n’ont les moyens imposent leur idéologie: gros bike, gros événements qui coûtent cher. Gros niveau parce qu’ils ont les moyens de s’entraîner 20 000km par année, quasiment comme des pros. Mais la grosse patente a aussi un coût sur l’accessibilité.

    J’adhère pas du tout à cette idée de marketing à la noix où il faut donner un expérience aux clients. Vous nous prenez pour un client, avant un coureur(se) cycliste. C’est le coureur qui fait la course, peu importe la course. Plus on devient élitisme pour un sport qui n’est pas d’élite, plus vous risquer de perdre les nouveaux. l’Élite devraient courir avec l’élite vous voyez?

    C’est pour cela que vous avez l’impression d’être obligé d’offrir une expérience comme les défis, les gran Fondo peuvent offrir, parce que visiblement, il y a manque à quelque part et on compense de cette façon.

    Perso: c’est la compé qui me branchait mais pas au péril de ma santé financière et physique. Alors, les évènements d’un jour qui coûte la peau du cul pour aller rouler sur des routes d’entraînement qui n’ont pas la beauté des Alpes c’est non. Autant avoir du plaisir avec ses potes à rouler à fond. Au moins, je gagnerai quelque chose: un sprint de pancarte. (Même ça, on le fait plus!)

    PS2: pas besoin d’un parcours débile pour avoir un bel événement et pas besoin de 10 000 patentes pour rendre la chose intéressante. Regarder comment l’événement sur le Circuit Gilles Villeneuve a été un succès. Le seul hic, selon bien du monde: les accidents dû à des coureurs qui veulent trop

  2. Steph

    Monsieur Pinard ne peut ignorer que ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit. En conséquence qu’il soit rassuré car si la critique est aisée, la majorité silencieuse sait que l’Art est difficile : manifestement au Canada comme en France, organiser un évènement cycliste amateur est devenu une véritable abnégation tant les contraintes sont puissantes et les risques multiples.

    Et ne doutons pas que si cette cuvée des championnats Canadiens devait vraiment s’avérer trop lourde, M. Pinard saura mettre de l’eau dans son vin lors de la prochaine.

    Steph_déjà_bourré

  3. marius

    Je ne porte pas de jugement sur ces championnats que je ne connais pas.
    Mais je trouve que l’on assiste de plus en plus à la financiarisation du sport.
    On retrouve un élitisme dans les circuits triathlon IRONMAN et XTERRA PLANET .
    Généralement, les tarifs d’engagement des triathlons courants, sont certes élevés, en rapport avec l’organisation plus conséquente, plus de moyens engagés, d’arbitres. Mais dans ces 2 circuits IRONMAN et XTERRA PLANET , le but est clairement pour eux de gagner de l’argent . Un ami, avait la possibilité de participer aux championnats du monde de X-TERRA qui auront lieu à Trente en Italie, le premier octobre prochain.
    Pour ce faire, il suffit de remporter sa catégorie dans un Xterra éligible . Souvent, de nombreux désistements font que l’on peut terminé second, voir troisième et pouvoir y aller.
    Il n’ira pas.
    Pourquoi ?
    Le prix d’engagement bien sûr, totalement élitiste et disproportionné.
    510€ pour 1,5 Km de natation, 30 Km de VTT et 10 km de Trail que les meilleurs bouclent en un peu plus de 2h.
    Quand à participer à l’IronMan de Kona, il faut être carrément blindé ou très motivé.
    Inscription +1000€ sous réserve d’avoir un slot.
    Logement en forte hausse,
    10000€ pour 4 pers pour 10 jours.
    Rajouter l’avion, la voiture, la nourriture.
    Et pourtant, il y a du monde.
    Pourquoi faire moins cher, quand vous pouvez vendre cher.
    Mon ami a déjà participé à l’IronMan d’Embrun, épreuve en dehors du circuit IRONMAN est au tarif déjà coquet de 350€ à l’époque. Mais c’est un IronMan, pas un triathlon M.

    • plasthmatic

      Briançon – début août 2021(55 ans déjà) – 5h30 du mat’ – heure habituel de sortie de la tente -petit-déjeuner à ciel ouvert – bonnet – grosses chaussures – pantalon chaud – plusieurs couches en haut et la veste chaude, le tout sera épluché jusqu’à quasi plus rien en moins de trente minutes, dès la sortie du soleil.
      Une demi-baguette, beurre et miel, un café :  » Tiens, voilà quelques jours que j’ai pas vu le Galibier. Allez, adjugé, on décidera la suite ou le retour en route ».
      La suite, ce fut :
      – l’abandon de l’idée de la classique plongée sur Valloire pour un deuxième Galibier, au profit d’une replongée sur Briançon.
      – une fois à hauteur de Saint-Chaffrey : « tiens, il fait très chaud mais les jambes sont bien, allez hop, le Granon, de toutes les façons, jambes fraiches ou pas, elles douillent toujours. »
      Donc le col de Granon.
      – et là, rencontre avec un très bon jeune cycliste et son père, lui aussi encore coursier, 47 ans. Avec le jeune homme, on se redescend Granon comme des balles. On attend son père cinq bonnes minutes à la petite fontaine, et on remet en route direction Montgenèvre, où ils sont logés.
      – on cause, on pédale, on cause, et je me retrouve là-haut à Montgenèvre.
      D’où je me suis redescendu, hum, un peu vite aussi.
      Bilan du jour : Galibier – Granon – Montgenèvre.
      Je ne le savais pas la veille au soir.
      En dehors de jambes bien calmées (quand même) une fois descendu du clou, et en dehors des merdes sucrées (et du mini-jambon beurre) avalées sur ces quelques heures, ça m’a rien coûté. Mon quotidien (enfin, presque quotidien) de l’été, pour un, deux, ou trois cols, selon la forme et surtout l’envie.
      Nos années communes à Briançon avec le Grand, on s’informait sitôt arrivés des dates de fermetures des cols aux voitures … pour y aller … la veille ou le lendemain … Je continue à choper ces dates seul … Deux ours, même pas polaires, et pas forcément si mal léchés.
      Mon pote d’ici (en Lorraine) fait du tri. Il est vieux comme moi, mais très bon. Je l’ai accompagné à Embrun en 2012 (et encouragé à ses passages). Cette ambiance d’exploits, de héros, ce fluo, ce bruit, il faut ou aimer, ou supporter. Mon ami Régis supporte. Mais il me dit toujours que ce qu’il préfère et de loin, ce sont les immersions en mode libre. Lui est entre les deux …

  4. Marc-Antoine Ducas

    Excellent article et excellent débat.
    La lecture de cet échange a confirmé mon intérêt dem’inscrire pour l’évènement en 2023. Clairement pas pour viser la victoire, mais compléter le parcours dans un temps raisonnable serait pour moi une manière derenouer avec la compétition.
    Je pense qu’il existe une voie entre la compétition hardcore des équipes sérieuse et la participation récréative. L’esprit des cyclosportives capture un peu cet esprit.
    Pour ceux qui aiment se pousser, se dépasser, s’entraîner toute l’année avec un but, la championnat canadien maîtres est une date marquée d’un poin rouge un an d’avance.

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