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Saiz, Basso, Plan de Corones, des bidons, Dope-story…

1 – « La nouvelle du jour est évidemment cette opération anti-dopage d’envergure en Espagne et qui a mené à l’arrestation de Manolo Saiz »:http://www.cyclingnews.com/news.php?id=news/2006/may06/may23news3, le directeur sportif de l’équipe Liberty Seguros (Vinokourov entre autre) et un personnage important du cyclisme puisqu’il est manager depuis fort longtemps (il était déjà le directeur sportif de la puissante ONCE des années 1990).

Il est évidemment trop tôt pour se prononcer sur les modalités, les raisons et les conséquences de cette opération. Attendons de voir les prochains jours, et notamment si Saiz se « mettra à table » sous la pression policière. Tout au plus peut-on actuellement penser que la police détenait suffisemment de preuves pour arrêter formellement Saiz et trois autres personnes, dont le sulfureux médecin Eufemiano Fuentes Rodríguez, pas toujours clair (et notamment écorché par l’affaire Manzano il y a quelques années).

Plus inquiétant, la dépêche de l’AFP mentionnait l’existence de liens entre ce médecin espagnol et l’équipe… CSC qui domine actuellement grâce à Basso sur le Giro d’Italie. Inquiétant… même si on ne se fait guère d’illusions sur les moeurs de Bjarne Riis.

2 – Parlant Giro, justement, « on a assisté aujourd’hui à un récital de Basso sur les pentes du Monte Bondone »:http://www.cyclingnews.com/road/2006/giro06/?id=results/giro0616. Bien emmené au pied par Voigt, puis Gustov, puis Cuesta, puis Sastre, Basso a également tiré profit du travail de Piepoli et Simoni qui ont provoqué la sélection. Simoni était toutefois sans réaction lorsque Basso relança l’allure à 6,5 km du sommet. Au final, Basso s’impose avec presque 1min30 d’avance sur Simoni, une valise. Le reste est perdu dans la brume, loin derrière. Le Giro est terminé, sauf pépins (accidents, chutes, etc.). La lutte se concentrera désormais sur la 3e place disputée par Savoldelli et Simoni. Les deux n’ont que 17 secondes d’écart, à la faveur d’Il Falco. Gageons que Simoni essaiera de distancer Savoldelli dans les prochains jours afin de monter sur le podium à Milan. Il devrait logiquement y parvenir, probablement demain sur les pentes redoutables du Plan de Corones.

Deux éléments nous ont frappé aujourd’hui: d’une part, la technique de Basso, inspirée très largement de celle d’Armstrong. Une cadence de pédalage élevée dans les cols ainsi qu’une position très relevée, lui permettant – comme Armstrong – de monter les mains aux cocottes de frein et non sur le haut du cintre. Basso a visiblement modifié assez substentiellement sa position au cours des deux dernières années, étant beaucoup plus reculé sur sa machine lorsqu’il était chez Ferretti. On l’a donc avancé sur le vélo et on a baissé sa selle, lui permettant de mieux mouliner. On pourrait en ce sens parler de deux visions dans la position du cycliste, l’européenne (selle plus haute, plus à l’arrière du vélo) et l’américaine (selle moins haute, plus à l’avant du vélo).

D’autre part, la belle prestation d’Ullrich qui termine cette étape en 30e position, à 5min27 de Basso. C’est loin, mais Ullrich concède moins d’une minute sur Cunego et à peine un peu plus qu’une minute sur DiLuca. Pour un coureur en petite forme au début du Giro qui marquait sa rentrée en compétition, on trouve que sa condition s’améliore très rapidement. C’est Basso qui peut être inquiet pour le prochain Tour de France!

Il convient également de souligner, en terminant, la perf du Français John Gadret, 5e de l’étape. Impressionnant pour un champion de France de… cyclo-cross!

3 – « Voici un excellent vidéo du Plan de Corones »:http://video.google.com/videoplay?docid=5275246978673943129, fait par un amateur – et assurement passionné de cyclisme – italien. 10 minutes de pur bonheur et ou on a une bonne appréciation de cette montée qui sera sans aucun doute à l’origine d’une étape dantesque aujourd’hui sur le Giro. Merci à Rooxy pour le lien.

4 – On s’amuse comme on peut pour les autres coureurs du Giro. José Antonio Garrido, un coureur chez Quick Step, a impressionné la caravane en transportant… 16 bidons à ses équipiers il y a quelques jours. Une dans sa bouche, deux dans les poches, deux sur les porte-bidons, six sous le devant du maillot et cinq derrière! Hier, Sacchi, chez Milram, a battu le record en transportant… 18 bidons. Du coup, Garrido a signifié son intention d’améliorer la marque avec 20 bidons d’un seul coup, ce qui fera plus de 5 litres de boissons!!! Garrido a d’ailleurs affirmé avoir déjà fait un test. Espérons pour lui qu’il n’y aura pas de coup de vent à ce moment là de la course! Quant au champion italien Francesco Moser, il a déjà promis au détenteur du record de lui donner le même nombre de bouteilles de vin à la fin du Giro. Rigolo.

5 –
On a lu pour vous le livre « Dope Story – Dix ans de dopage-réalité » récemment publié aux Éditions Logiques et dont l’auteur est Robert Frosi, journaliste à Radio-Canada et un habitué de l’émission Indicatif Présent de Marie-France Bazzo. Disponible dans les librairies du Québec, ce livre est en fait un recueil d’une dizaine d’entrevues que l’auteur a fait avec des personnalités impliquées à divers niveaux dans le monde du dopage. On y retrouve ainsi une entrevue avec Philippe Gaumont (athlète en cyclisme), avec Stéphane Desaulty (athlète en athlétisme), Willy Voet (soigneur chez Festina), Jean-Pierre de Mondenard (médecin et auteur de la bible « Dictionnaire du dopage »:http://www.le-sportif.com/boutique/dictionnaire-du-dopage-substances-procedes-conduites-dangers-livres-et-guides-librairie-libr-air.html), Brigitte Chaboud (athlète en ski alpin), William Lowenstein (médecin, fondateur de la clinique Montevideo pour athlète en difficulté avec le dopage), Jacques (prénom fictif, athlète au foot), Patrick (prénom fictif, athlète au tennis), Jean-Paul Escande (médecin, président de la Commission nationale de lutte contre le dopage) et Gérard Dine (médecin-biologiste, spécialiste des questions de thérapie génique). Selon l’auteur, le but du livre n’est pas d’être un traité exhaustif sur le dopage ni un état des lieux mais plutôt un objet de réflexion permettant, peut-être, d’ouvrir le débat.

Relativement court (229 pages), ce livre constitue selon nous un excellent départ pour ceux qui n’ont jamais lu sur le dopage dans le sport et qui ignorent tout de cette dure réalité. En effet, les entrevues menées sont largement assez en profondeur pour vous faire perdre bon nombre d’illusions quant à la façon dont les athlètes de haut niveau parviennent à courir le 100m en moins de 10 secondes ou à escalader des cols à 28 de moyenne après 6h de course. En ce sens, nous le recommandons à tout ceux qui sont néophytes dans le domaine.

Pour les initiés par contre, le livre est décevant puisqu’il n’apporte rien de vraiment nouveau dans ce vaste dossier qu’est le dopage dans le sport. Pourquoi en effet se contenter d’une entrevue de quelques pages avec Philippe Gaumont quant on peut aller directement à la source et lire son livre « Prisonnier du dopage »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2246684315/171-6180861-6044269 ? Idem pour Willy Voet: il est 100 fois préférable d’acheter le bouquin culte de cet auteur, « Massacre à la chaîne »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2290300624/171-6180861-6044269. Ces deux personnes ne disent en effet rien de nouveau par rapport à ce qu’ils avaient déjà dit, en plus complet. Les initiés ne pourront s’empêcher de penser que Frosi a manqué une belle occasion de se distinguer en confrontant des entrevues d’acteurs opposés dans la lutte contre le dopage, ce qui lui aurait permis d’apporter un angle intéressant en plus de mettre en évidence toute la confusion et la contradiction des discours sur ce sujet. On aurait ainsi pu interviewer – si possible évidemment – et mettre en relief les positions de Juan Antonio Samaranch et de Dick Pound par exemple. Ou de Christine Ayotte et certains présidents ou membres de commission UCI contre le dopage (Miguel Indurain, Francesco Moser…).

Un chapitre satisfera toutefois tout le monde, néophytes comme initiés des questions de dopage dans le sport, celui qui rend compte de l’entrevue avec Jean-Pierre de Mondenard. Mondenard approfondi réellement son sujet et livre ses réflexions profondes sur ce fléau. Il contribue à nous faire réfléchir sur les réalités du dopage en apportant certains points de vue qui, de toute évidence, sont le fruit d’un homme d’idées. Extrait: _Tout le monde s’appuie sur les résultats peu positifs, les statistiques qui sont faibles. Les meilleurs, Agassi, Armstrong, disent : « j’ai passé 18, 20 contrôles, 30 contrôles tous négatifs, donc je ne me dope pas ». Et la lutte anti-dopage dit: « Ils sont 1, 2, 3% à être positifs, on contrôle le dopage (ndlr: le dopage est donc peu présent dans le sport) ». Donc ils s’appuient sur des statistiques totalement bidons. S’appuyer sur les contrôles négatifs pour dire qu’on ne se dope pas, on peut avoir des doutes sur la sincérité du personnage, puisqu’il sait très bien qu’on passe à travers le contrôle comme on veut. Donc, il utilise un argument fallacieux pour apporter la preuve qu’il se dope pas. D’un autre côté, et c’est là que c’est totalement dramatique, c’est que le type qui vraiment ne se dope pas – et ils sont pas nombreux -, eh bien il n’a rien pour prouver qu’il ne se dope pas. Il est complètement coincé, parce que s’il parle, il est rejeté du peloton._ Avec Mondenard, le discours est franc, totalement indépendant et repose sur une saine vision de ce que doit être le sport, c’est-à-dire sur l’ethique qui lui sous-tend forcément.

On terminera cette critique sur quelques petits détails qui ont agacé l’expert en nous. On regrettera premièrement de ce livre sa publication manifestement tardive puisque nombre d’entrevues comportaient des questions sur les « futurs » Jeux Olympiques d’Athènes. En ce sens, le lecteur aura parfois la désagréable impression de lire un livre pourtant récent mais déjà « passé date ». On regrettera ensuite le titre, « Dope-Story », un terme anglais. Pourquoi ne pas avoir choisi un titre en français qui aurait mieux refléter le contenu de l’ouvrage qui n’est en rien l’histoire du dopage? Dans la même veine (sans jeu de mots), le sous-titre – Dix ans de dopage-réalité – fait référence à un intervalle de temps qui nous a semblé absent de l’ouvrage. Enfin, l’auteur présente au début du livre un court chapitre sur la « petite histoire du dopage ». Il y est évidemment souvent question de cyclisme. Dans la section sur les amphétamines, on y présente 3 exemples célèbres de dopage avec ces substances. Un des trois choix est malheureux puisqu’il s’agit de l’affaire de Savone qui toucha Eddy Merckx. Il est aujourd’hui bien connu que cette histoire fut monté de toutes pièces pour exclure Merckx du Giro 1969 afin qu’un Italien puisse s’y imposer.

Quoi qu’il en soit, on recommande l’ouvrage à tous ceux n’ayant jamais eu l’occasion de lire des ouvrages comme « Massacre à la chaine »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2290300624/171-6180861-6044269, comme « Secret Defonce »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2290306916/171-6180861-6044269, comme « Positif »:http://www.fnac.com/1119915/rcwwwa/Positif-Christophe-Bassons.html, comme « Prisonnier du dopage »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2246684315/171-6180861-6044269, comme « Tour de Vices »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2012355854/171-6180861-6044269, comme « L.A. Confidentiel »:http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2846751307/171-6180861-6044269, etc. Pour les autres, ce livre n’apporte rien de bien nouveau… et ne permettra probablement pas d’ouvrir les débats. Nous pensons qu’un livre illustrant toutes les contradictions dans les discours anti-dopage aurait probablement eu plus d’effet à ce propos.

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8 Commentaires

  1. Alakazoo

    20 bidons = 5 litres???
    humm.. c’est à dire 250ml par bidon?? Je dirais que 20 bidons c’est plus près de 10 litres de liquide!!! Ouf! 10kg supplémentaire à transporter si je me souviens bien de mes cours de physique

  2. Ce sont des Bidons de 500ml donc 20 bidons est bien 10 litres, selon moi seul Liberty Seguros utilise des bidons de 600ml.

  3. G.Lambert

    Pourquoi 20 bidons s’il n’y a que 9 coureurs par équipes?

    Ça fait plus concours de celui qui pisse le plus loin que de ce que l’UCI voulait nous présenter comme du vélo sérieux

  4. Dommage pour le Plan de Corones, le mauvais temps était de la partie et l’étape écourtée.
    La vidéo est sympa, c’est le lot de consolation.

  5. ronald

    Dégouté de voir une étape destinée à être épique réduite à une simple course de cote. Et dire qu’hier on voyait un film sur la victoire de Charly Gaul au sommet de Monte Bondone et la masse d’abandon dans une tempête de neige, une vraie, rien à voir à les rares flocons de neige fondante aperçus un court moment sur le coup de midi.

    Ça sert à quoi de présenter des profils monstruueux qui fait rêver depuis plusieurs mois pour renoncer si le soleil et la chaleur n’est pas au rendez-vous?

    M****, au sommet des Dolomites au mois de mai, c’est normal et prévisble. C’est quoi s’t’arnaque?

  6. Dan

    “On terminera cette critique sur quelques petits détails qui ont agacé l’expert en nous.”

    Toujours aussi humble ce Laurent.

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