Vous êtes nombreux à laisser d’excellents commentaires sur La Flamme Rouge depuis plusieurs jours en réaction à la suspension de Valverde et à l’Affaire Cancellara. Je vous en remercie, cela contribue au dynamisme de ce petit site cycliste.
Un point vous unit: le cynisme. Et je vous y rejoins.
Cynisme envers les principaux acteurs du cyclisme professionnel. Envers le triste spectacle qu’on nous offre mois après mois, année après année. Envers la langue de bois voire le profond mépris des dirigeants du cyclisme à l’endroit des fans de ce sport. Envers le système, ce système corrompu par l’argent et la gloire éphémère. Envers l’inaction. Envers toutes ces affaires de dopage qui se multiplient depuis l’Affaire Festina de 1998. Et maintenant envers le dopage mécanique, un dopage peut-être plus grave encore puisque prouvant hors de tout doute que le milieu n’a aucun scrupule à ne pas respecter les règles les plus fondamentales du sport.
À ce sujet, il faut d’ailleurs absolument lire cette intervention de l’ex-commentateur cycliste d’expérience Bertrand Duboux, un monument du cyclisme suisse et fin connaisseur de ce sport. Je suis d’ailleurs parfaitement d’accord avec lui et je le félicite de ses propos francs, directs et sans détour, surtout à l’endroit de M. Bjarne Riis.
Et on pourra, pour le plaisir, contraster les propos de Duboux avec ceux très officiels de l’UCI. M. Pat McQuaid nous déclare solennellement ne jamais avoir eu vent qu’un moteur pouvait être caché dans les tubes d’un cadre de vélo. Ca tombe mal, le reste de la planète oui. Et il est président de l’UCI…
Bref, dans ce contexte, une seule question se pose: comment demeurer fan de cyclisme en 2010 ? Ne devrais-je pas, par souci de cohérence avec moi-même, fermer La Flamme Rouge en signe de protestation et afin de ne jamais cautionner, de ne jamais être acteur d’un pareil spectacle ?
Je me pose la question depuis des mois.
Et puis je me dis que le sport, au même titre que l’expression artistique, fait partie de l’être humain. Que le sport en soi est admirable et passionnant lorsqu’il est pratiqué avec comme seul leitmotiv "que le meilleur gagne", ce qui sous-entend l’égalité des chances. Dans ce contexte, inutile de chercher à évincer le sport de nos vies, il en fait partie.
Alors, comment s’intéresser encore au cyclisme ? Mes réflexions me portent à croire que la première raison est la suivante: parce que nous sommes de plus en plus nombreux à en être des pratiquants. Que ce soit le vélo comme moyen de déplacement pour des raisons écologiques, ou encore comme instrument de mise en forme voire de défis personnels ou encore pour se mesurer à d’autres, il ne faut pas se limiter à regarder le cyclisme professionnel mais plutôt de pratiquer le cyclisme. De participer à des rassemblements cyclistes. De soutenir les épreuves locales, les cyclosportives, les courses amateurs. Notre intérêt pour le cyclisme doit commencer par cela. Et c’est bon pour notre santé, à tous les points de vue.
Par rapport au cyclisme professionnel, il faut savoir être conséquent avec nous-même: encourager le moins possible le milieu professionnel. Cela veut dire cesser de porter des vêtements d’équipes professionnelles, ce que j’ai fait depuis au moins 2 ans. Cela veut dire de limiter ses achats de revues portant sur le cyclisme pro, surtout celles qui sont complaisantes avec le milieu tel CycleSport que je n’achète plus. Cela veut dire de moins fréquenter certains sites web, dont celui de l’insipide (dans ses textes) mais pourtant talentueux (sur le plan de la photo) Graham Watson, véritable perroquet du milieu. Cela veut dire de ne pas fréquenter le cyberstore World Cycling Productions, dont les proches collaborateurs sont Phil Liggett et Paul Sherwen, eux-aussi qui jouent le jeu du milieu à fond. Cela veut aussi dire de limiter sa présence sur le bord des routes lors des épreuves ProTour et, si on est présent, de réserver ses encouragements aux coureurs à la réputation d’être propres, même s’ils sont loin des meilleurs, ce qui est habituellement le cas. Bref, être des consommateurs éclairés de cyclisme en limitant au maximum d’encourager, surtout financièrement, le milieu, tout cela pour ne jamais cautionner, que ce soit directement ou indirectement.
Il faut enfin continuer selon moi à dénoncer le dopage, à s’élever contre les tricheurs, à dénoncer l’inaction de certaines instances internationales et surtout, surtout, continuer d’informer sans relâche le public néophyte des choses du cyclisme sur ce qui se passe réellement dans ce sport. La première arme des tricheurs est la crédulité du public. On l’a vu dans l’Affaire Jeanson et c’est peut-être aujourd’hui la meilleure défense de Fabian Cancellara s’il a triché. En combattant cette crédulité du grand public à force d’éducation, je demeure convaincu que cela contribuera à forcer le milieu du cyclisme à changer.
Bref, j’en suis venu à la conclusion que de fermer La Flamme Rouge, ce serait en quelque sorte de laisser tomber le cyclisme. Ce serait laisser "gagner" ceux qui, aujourd’hui, salissent le vélo malgré leur rôle parfois de premier plan dans ce sport. Alors je continue La Flamme Rouge, pour l’instant du moins, malgré toutes les affaires qui me dégoûtent et qui, parfois, me donnent vraiment le goût de plutôt m’intéresser à l’essor du concept néo-primitif dans la poésie sud-caucasienne du 17e siècle. L’affaire du dopage mécanique, si elle devait se confirmer grâce à des aveux de quelqu’un, quelque part, serait assurément un sommet en matière de dégoût pour le milieu du cyclisme professionnel.