Le parcours de la 101e édition du Tour de France, du 5 au 27 juillet prochain, a été dévoilé hier à Paris.
Drôle de Tour quant à moi: ni pour grimpeurs, ni pour rouleurs!
On y compte en effet qu’un seul chrono, soit l’avant dernier jour sur 54 bornes. Pas de chrono en côte, pas de chrono par équipe, pas de prologue. Donc pas vraiment susceptible d’avantager les rouleurs.
Si on y compte 5 arrivées en altitude, le Tour 2014 ne comporte que trois cols au dessus de 2000 mètres d’altitude, deux même si on fait fi du Lautaret à 2058m qui présente peu de difficulté: Izoard (2360m) et Tourmalet (2115m). Les Alpes sont escamotées, les Pyrénées ne sont pas très difficiles (les étapes y sont très courtes) et les Vosges, théâtre de deux belles étapes, offrent plutôt des parcours pour baroudeurs que pour vrais grimpeurs. Bref, rien pour aiguiser les sens des purs grimpeurs!
Un Tour donc qui est ni pour rouleurs, ni pour grimpeurs, vous dis-je.
Pour qui alors?
Difficile de répondre à cela, mais je tente le coup: probablement pour les opportunistes qui seront assez chanceux pour passer au travers de plusieurs étapes piégeuses, dont celle avec des pavés dans le Nord de la France.
C’est en effet le lot de la course cycliste: il faut avoir un peu de chance. Éviter les chutes. Éviter la maladie. Éviter la bordure assassine. Toute course cycliste est, à quelque part, une loterie considérant que tout coureur évolue au sein d’un peloton, donc dépend de la bonne conduite des autres.
Le Tour 2014 mise résolument sur cet aspect pour créer le suspense, n’offrant que peu de terrain permettant aux tous meilleurs de faire la différence « à la pédale ».
Pour me faire comprendre, une image: sur un tel parcours, Claudio Chiappucci aurait certainement gagné le Tour 1990 grâce à son échappée des premiers jours, Greg LeMond n’ayant que trop peu de difficultés par la suite pour parvenir à se refaire!
C’est donc une approche totalement différente des deux autres grands tours qui misent plutôt sur l’enchainement des difficultés pour créer une course spectaculaire et faire émerger LE meilleur coureur du lot. Le Giro 2014 comporte pas moins de… 9 arrivées en altitude!
Force est de reconnaitre que depuis quelques années, Giro et Vuelta nous donnent des spectacles autrement plus passionnants que le Tour. En ce sens, je ne suis donc pas convaincu que l’approche Prudhomme est la meilleure…
Autre élément pour vous convaincre: le Tour 2014 comporte pas moins de 9 étapes de moins de 170 kms, qui se disputeront donc sur environ 4h de course. En comparaison, le Tour 2004 ne comportait que 5 étapes de moins de 170 kms, et en 1994 que 2 petites étapes.
La tendance à des étapes plus courtes est d’ailleurs assez claire: de 3 étapes comportant moins de 170 kms en 2010, on est passé à 8 en 2011, puis 5 en 2012, puis 6 en 2013 pour enfin arriver à 9 en 2014. En comparaison, une majorité de Tours des années 1990 comportaient très peu d’étapes courtes, voire seulement une pour les Tours 1992 et 1993!
De son côté, le Giro 2014 ne compte que… 4 étapes de moins de 170 kms si on exclut deux étapes de 167 et 169 bornes, très proches des 170 kms.
Bref, le Tour 2014 est résolument facile selon moi et j’estime qu’on peut résolument se poser la question à savoir où les favoris pourront faire la vraie différence l’an prochain?
Il la feront certes, mais cela se résumera probablement chaque fois à une brève course de côte, le focus étant plutôt d’éviter les pièges jusqu’au pied de la dernière ascension, notamment en utilisant les équipiers.
Pour les grands favoris, le premier test physique surviendra assurément à la Planche des belles filles, une ascension cependant trop courte pour créer de gros écarts: à peine 6 kms de spectacle et basta! C’est probablement voulu des organisateurs. S’il faudra auparavant avoir survécu aux pavés du Nord, cette survie sera davantage le résultat de la chance que d’autre chose.
La deuxième et troisième occasion seront les arrivées en altitude des Alpes, soit Chamrousse et Risoul. Privées de grandes difficultés avant, ces deux étapes se résumeront encore à de brèves courses de côte sans grand intérêt pour le spectateur. Syntonisez votre télé dans les 20 dernières minutes, ca suffira largement!
Ca ira ensuite à Hautacam, pour tout dire, une montée qui sera précédée du Tourmalet, de quoi donner dans ce cas suffisamment de difficultés pour créer des écarts. L’arrivée au Pla d’Adet? Oui, en effet, peut-être, car ce sont les coureurs qui font la course, mais sur 125 bornes, il y aura beaucoup de monde présent au pied de la dernière ascension par ailleurs trop roulante et trop courte pour départager les tous premiers.
Restera le dernier chrono sur un peu plus de 50 bornes.
Bref, 5 étapes seulement pour faire la différence, et chaque fois se résumant essentiellement à une brève course de côte.
En conclusion, j’estime que le pari des organisateurs du Tour de France est risqué: en définissant un parcours moins favorable aux différences « à la pédale », et plus favorable aux différences liées aux aléas de la course, ils s’exposent au risque de couronner un coureur opportuniste, chanceux, et qui aura pu bénéficier d’un excellent travail de son équipe pour contrôler la course sur des étapes ne permettant pas de faire la différence seul, à la pédale.
Ou alors de couronner un grand coureur, mais dont le mérite se sera résumé à quelques très courts efforts sur un nombre très limité de courtes ascensions dans le final de quelques étapes.
En ce sens, le Tour 2014 pourrait de nouveau être assez ennuyant et surtout, pourrait couronner un coureur que peut reconnaitront comme LE eilleur coureur de course par étape au monde en l’absence de vraies difficultés. Or, le Tour de France n’est-il pas LA référence dans le cyclisme, couronnant chaque année celui perçu par tous comme le meilleur coureur? Qui se souvient encore de la victoire de Carlos Sastre sur le Tour 2008, voire celle de Pedro Delgado sur le Tour 1988?
Les derniers Giro et Vuelta nous ont par ailleurs prouvé que des parcours audacieux, difficiles, montagneux pouvaient par ailleurs générer un excellent spectacle, en dépit de la domination d’un coureur comme Nibali cette année sur le Giro. De tels parcours ont au moins le mérite de faire émerger les plus grands au prix d’efforts et d’exploits dignes d’écrire la légende du cyclisme!
En 2014, les coureurs feront la course une nouvelle fois. Dans ce contexte, il est toujours hasardeux de prédire l’intérêt de la course. Mais force est d’admettre que sur le papier, je ne trouve pas ce Tour de France 2014 très emballant, y voyant plusieurs raisons de croire que ce pourrait être une Grande Boucle encore très longue où les vainqueurs d’étape seront certes variés, mais également où la course au maillot jaune sera d’une platitude consommée, se résumant à quelques hectomètres durant les 3 656 bornes de l’épreuve.
Or, le maillot jaune n’est-il pas le plus beau trophée du sport cycliste?
Le film du parcours, en un peu plus de 3 minutes
Parcours 2014 en 3D / The 2014 route in 3D par tourdefrance