Le vainqueur au sprint du Tour des Flandres hier, Nick Nuyens, n’était probablement pas l’homme le plus heureux sur la ligne d’arrivée: je crois plutôt que c’était Bjarne Riis.
Bjarne Riis galère en effet depuis 12 mois, après avoir conduit Cancellara au doublé Ronde-Paris Roubaix l’an dernier à la même période. Il y a d’abord eu l’incertitude liée au retrait annoncé pendant plusieurs semaines de Saxo Bank. Si finalement la banque a décidé de poursuivre, il n’en demeure pas moins que Riis a dû travailler fort sur le front de la recherche de partenaires pendant des mois, en plus de vivre dans l’incertitude. Il y a ensuite eu la perte de la moitié de son équipe au profit de Team Leopard. Riis l’a vécu comme une trahison, notamment des frères Schleck et de Kim Anderson, son bras droit au niveau management depuis des années. Il a rebondi momentanément avec le recrutement d’Alberto Contador, rattrapé cependant juste après par le scandale d’un dopage au clenbuterol durant le Tour. Bref, y’a pas à dire, Riis a dû passer un sale hiver.
La victoire de Nuyens aujourd’hui est donc un immense pied-de-nez de Bjarne Riis au milieu. Contre tout attente, il remporte de nouveau le Ronde, un an après l’avoir gagné avec Cancellara. Mieux, c’est Cancellara lui-même qui en fait les frais, Nuyens l’ayant battu au sprint hier. Je suis convaincu que Riis a accueilli cette victoire comme une forme de revanche après tout ce qu’il s’est passé depuis 12 mois autour de lui.
La course
La victoire de Nuyens est certes une surprise, car à 5 kms de la ligne, bien malin qui aurait pu prédire qui allait s’imposer. Remarquez qu’on savait Nuyens, déjà 2e du Ronde en 2008, en excellente condition, s’étant récemment imposé sur la course À travers les flandres. On savait aussi qu’il se débrouille bien au sprint.
Plusieurs d’entre nous, moi y compris, avait cru à l’affaire pliée après avoir vu Cancellara sortir tout le monde de sa roue avec un peu plus de 40 bornes à faire. Revenant comme une fusée sur Chavanel alors seul devant, Cancellara a rapidement creusé un trou d’une minute sur tout le monde. J’étais personnellement certain qu’on allait revoir le scénario de l’an dernier et que le champion suisse allait déposer Chavanel dans le Mur de Grammont.
Or, surprise générale, Cancellara a clairement coincé dans le Mur, perdant sa minute d’avance en quelques hectomètres seulement. Il affirmera à l’arrivée avoir été victime de crampes.
On a ensuite vu un excellent Philippe Gilbert attaquer dans le Bosberg. Là encore, j’y ai presque cru, surtout que derrière, Cancellara coinçait encore plus. Mais Cancellara n’était pas mort, ni les autres d’ailleurs, et notamment grâce aux efforts de Ballan, ils reprirent Gilbert à environ 8 bornes de l’arrivée. Peu de temps après, un groupe revenait de l’arrière, avec notamment Hincapie. Tout était à refaire.
C’était sans compter sur Cancellara qui, à 2 kms de la ligne, a placé une sacré patate que seuls Chavanel, pour moi l’homme du jour sur ce Ronde, et Nuyens parvenaient à contrer. Cancellara a ensuite fait l’erreur de lancer son sprint de trop loin, de peur que Boonen, qui était sorti derrière, ne les reprennent. Nuyens l’a débordé, et Chavanel est passé bien près.
Nuyens s’est donc offert selon moi une victoire inespérée. Comme quoi parfois l’attente, puis l’initiative dans les derniers hectomètres, peuvent payer. Chavanel peut en avoir gros sur le coeur d’être passé si près d’une grande, une très grande victoire ; il était clairement le plus fort du jour. À une nuance près: s’il avait roulé avec Cancellara au lieu de rester dans sa roue, ce n’est peut-être pas avec une mais deux minutes de priorité qu’ils auraient abordé le Mur de Grammont, et de là tout était peut-être possible…
Carton rouge à qui alors ? À Katusha, incapables de s’organiser dans le final et à Pozzatto qui nous a encore servi une course d’attente. Aux Rabobank aussi, qui ont couru de façon désorganisée. À Boonen enfin, qu’on a vu sortir derrière Chavanel à un moment donné !
En terminant, un mot des Québécois. On a vu un excellent Dominique Rollin terminer 15e, à 1min24 du vainqueur. Très, très bien considérant le niveau de cette course. On a vu Rollin en tête de peloton avec environ 35e kilomètre à parcourir, ca faisait rudement plaisir de le voir parmi un groupe aussi sélect. Rollin a cependant déclaré avoir souffert d’une certaine fatigue liée à un gros programme de course depuis février, avec récemment les Trois jours de la panne. Rollin peut cependant croire en ses chances sur Paris-Roubaix, pourvu qu’il se repose cette semaine !
David Veilleux a pour sa part terminé le Ronde à sa première participation, là aussi une performance très admirable. Le métier rentre, la longueur des courses aussi, ainsi que la science du placement. Veilleux ne peut, dans ces conditions où visiblement, il s’applique, que progresser.
Mention très bien également à la Québécoise Joelle Numainville, 6e de l’édition féminine du Ronde hier.
En marge de l’épreuve
Très intéressant, ce reportage sur le matos utilisé sur le Ronde.
Intéressant aussi, ce reportage sur l’ambiance autour du Ronde.
Inquiétant, ces projets de paver le Koppenberg ainsi que le Oude Kwaremont. Comment la Belgique pourrait-elle ainsi faire disparaitre des secteurs clef d’une course qui contribue à son identité sportive ? NDLR: probablement un poisson d’avril, comme l’ont suggéré plusieurs lecteurs !!!