À la veille du départ de Paris-Nice, c’est encore la confusion la plus totale dans le monde du cyclisme et… dans la tête de certains de nos lecteurs qui ne semblent pas bien comprendre la nature du conflit existant depuis des années entre ASO et UCI. Certains nous reprochent même d’être pro-ASO. Nous ne sommes pas pro-ASO ou pro-quoi-que-ce-soit, ou plutôt si: nous sommes pro-cyclisme, point à la ligne. Pour bien comprendre, voici ce qu’il faut savoir:

1 – depuis 10 ans déjà, le cyclisme fait face à des scandales de dopage à répétition, minant sa crédibilité. C’est le problème no1 du cyclisme en ce moment. Ce devrait donc être le problème no1 de l’organisation qui régit et fait la promotion internationale du cyclisme, l’UCI.

2 – qu’a fait concrètement l’UCI pour lutter contre le dopage depuis 10 ans ? De l’avis de tous les experts mondiaux sur le sujet, très peu. La seule mesure un tant soit peu efficace, le contrôle longitudinal, a été mis en place en France suite à l’affaire Festina, il y a plusieurs années. Si son efficacité est loin d’être parfaite, tout le monde s’entend pour dire que le suivi longitudinal est le meilleur système de prévention du dopage en ce moment. Dans ce contexte, pourquoi l’UCI a-t-elle refusée depuis des années de le généraliser à tous les coureurs ? Pourquoi a-t-elle attendu 2008 pour mettre en place un système inspiré de mais moins efficace que le suivi longitudinal, le passeport biologique?

3 – pourquoi l’UCI ne fait pas grand chose contre le dopage dans le cyclisme ? Parce qu’elle considère avant tout le cyclisme comme un produit qu’on peut vendre. En niant l’accuité du problème de dopage dans le cyclisme, elle tente – à tort – d’en préserver l’image et de maintenir les sponsors dans le vélo. Parce qu’elle protège aussi les coureurs, peu enclins à voir les contrôles se multiplier, tout comme les contraintes qui y sont associées. Elle protège les coureurs notamment en nommant d’ex-coureurs (et ex-dopés) sur ses commissions diverses, dont certaines très influentes.

4 – depuis 10 ans, que fut la principale action de l’UCI ? La création du ProTour, basé sur la formule Ecclestone en Formule1. L’idée derrière le ProTour est la mondialisation du cyclisme, dont Hein Verbruggen, l’ancien président de l’UCI et actuel président de facto, est le grand promoteur. En gros, on crée un circuit de courses prestigieuses et on en garantit l’accès aux 20 meilleures équipes (comprendre les mieux financées), sous condition bien sûr que ces 20 équipes aient payé à prix d’or et à l’UCI une "licence ProTour".

5 – dans la création du ProTour, l’UCI n’a consulté aucun organisateur de course cycliste ni fédération. Le ProTour a été imposé, il convient de le rappeler, unilatéralement par l’UCI. Elle s’est abrogée le droit d’organiser en un circuit arbitraire les courses cyclistes qui émanaient d’organisateurs différents. Ces derniers n’ont rien eu à dire.

6 – depuis l’origine du cyclisme sur route, à la fin du XIXe siècle, à qui appartient les épreuves cyclistes ? Aux organisateurs, point final. Ce sont eux qui peinent, années après années, pour établir les parcours, pour sécuriser les routes et… pour trouver des sponsors.

7 – dans ce contexte, comment en vouloir aux organisateurs de courses cyclistes ? Pourquoi accepteraient-ils de continuer de travailler dur pour organiser leurs épreuves tout en perdant tout contrôle sur les équipes invitées à ces épreuves ? En gros, l’UCI exige des organisateurs qu’ils mettent en place de belles épreuves, bien organisées et bien sponsorisées, mais se réserve le droit d’y envoyer les coureurs qu’elle veut.

8 – À celà, il faut ajouter le point le plus important : pourquoi les organisateurs de courses cyclistes accepteraient-ils d’être forcé par l’UCI d’admettre des formations au sein desquelles les scandales de dopage sont à répétition, alors même que l’UCI fait très peu pour lutter contre le dopage ? Qui, en première ligne, souffre de l’image négative que ces coureurs amènent sur l’épreuve ? Qui a des problèmes pour trouver des sponsors l’année suivante dans le but de ré-organiser ces courses ? L’UCI ? Non. Les organisateurs de courses cyclistes ? Oui. Devant l’inaction de l’UCI face au dopage, combien de temps faut-il tolérer que les épreuves soient entachées par des coureurs qui, simplement en payant à l’UCI une licence ProTour, peuvent y participer, peu importe leur passé face au dopage ? Pourquoi l’UCI, via son ProTour, possederait-elle le monopole de décider qui participe à quoi ?

9 – bien sûr qu’ASO a des intérêts commerciaux. Personne n’organise des courses cyclistes à perte!!! L’organisation de courses cyclistes, partout dans le monde, n’est pas le fruit d’organismes à but non-lucratif. ASO a toutefois prouvé à maintes reprises dans le passé avoir très à coeur le cyclisme sur route: qui a sauvé de la faillite des épreuves comme Paris-Nice, Liège-Bastogne-Liège, la Flèche Wallonne, Paris-Tours et le Tour de l’Avenir qui, dans le passé, ont été directement menacées de disparition ? ASO.

10 – ASO travaille depuis des années déjà de concert avec l’Agence Mondiale Anti-dopage (AMA) et la l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour arriver à mieux lutter contre le dopage. Elle n’a cessé de revendiquer davantage d’efforts de la part de l’UCI, estimant que le cyclisme et le Tour de France étaient gravement menacé par le dopage. Loin de nier l’accuité du problème de dopage comme l’UCI, ASO revendique en fait les moyens pour lutter contre ce dopage. L’un d’eux est la capacité de pouvoir exclure des équipes qui, par le passé, ont trahi sa confiance. Astana est l’une d’elle.

En terminant, repprenons la lettre écrite par Pat McQuaid et publiée vendredi dans le journal Le Monde. Simplement pour vous démontrer à quel point l’UCI cherche à manipuler tout le monde.

"Un conflit oppose depuis plusieurs années l’Union cycliste internationale à la société Amaury Sport Organisation (ASO), organisatrice, notamment, de Paris-Nice et du Tour de France." FAUX. RCS en Italie et Unipublic en Espagne sont également en conflit ouvert avec l’UCI. Il est réducteur d’isoler ASO dans ce conflit.

"Aujourd’hui, les dirigeants d’ASO ont décidé de ne plus respecter les règlements internationaux." FAUX. ASO n’a de cesse que de réclamer plus de contrôles supervisés par l’AMA sur ses épreuves. ASO ne demande pas mieux que cela. Ce n’est donc pas qu’ASO ne veut plus respecter les règlements internationaux, ASO ne veut plus respecter les règlements de l’UCI, règlements dans bien des cas non-alignés sur les règlements internationaux.

"La réponse est simple : au-delà des divergences sur l’organisation du cyclisme professionnel, c’est le rôle même de l’UCI qui est contesté par un acteur qui estime que cette dernière est un obstacle à ses ambitions." Mais de quelles ambitions l’UCI parle-t-elle ? Celle de bien organiser quelques épreuves cyclistes prestigieuses ? ASO n’a jamais affiché d’ambition de prendre la place de l’UCI, ni de régir le cyclisme mondial. Elle s’est alliée avec RCS et Unipublic qui restent également maîtres de leurs épreuves en Italie et en Espagne. De quoi McQuaid parle-t-il ?

"Dans leur tentative de s’emparer du pouvoir sans l’exercer dans les domaines qui ne les intéressent pas – contrairement à l’UCI –, les dirigeants d’ASO ne se soucient pas de défendre d’autres intérêts que les leurs. Ils ont réussi à faire croire qu’ils sont le Tour de France, donc que s’opposer à eux c’est s’attaquer au Tour." Mais de quoi McQuaid parle-t-il ici ? "s’emparer du pouvoir sans l’exercer dans les domaines qui ne les intéressent pas". Et oui, s’attaquer à ASO, c’est s’attaquer au Tour de France, normal, c’est eux qui l’organise depuis 1906. N’ayons pas peur des mots et ce n’est pas manipuler l’opinion publique que de l’affirmer.

"Cet écran de fumée tricolore doit être dissipé : le Tour de France n’appartient pas exclusivement à la société qui l’organise, mais aussi à ceux qui l’aiment et le font exister, au premier rang desquels les coureurs." FAUX. À qui le Tour de France appartient-il ? À ASO, point final. C’est quand même eux qui l’ont créé et qui l’organise! On ne peut, sous prétexte qu’une épreuve est devenu populaire au point d’incarner le sport en lui-même, revendiquer qu’elle appartient à quiconque d’autre qu’ASO. Oui, ASO demeure le seul et unique propriétaire du Tour de France et peut y mettre fin demain si elle le veut. Les coureurs sont des acteurs du Tour, rien de plus. Les coureurs existent parce qu’il y a des courses organisées, pas l’inverse.

"Il faut avertir les amoureux du cyclisme : accepter les demandes d’ASO signifierait transformer le cyclisme professionnel en une ligue régie par l’organisateur dominant et non un organisme représentant l’intérêt collectif." FAUX. ASO ne revendique aucune autorité sur les épreuves de RCS ou d’Unipublic. Elle ne veut qu’un contrôle – notamment dans la lutte contre le dopage – sur les épreuves qu’elle organise, à défaut de voir l’UCI exercer un contrôle. Et l’UCI a à coeur les intérêts collectifs ? Pourquoi avoir créer unilatéralement le ProTour alors ?

"Actuellement, ASO refuse l’inscription de Paris-Nice dans un calendrier déterminé à l’issue d’un processus démocratique". FAUX. Le ProTour n’a aucunement fait l’objet d’un processus de création démocratique, ayant été imposé unilatéralement par l’UCI, ce qui n’est pas étranger d’ailleurs à la crise actuelle.

"ASO se livre à un chantage en utilisant le Tour de France, auquel les équipes s’estiment obligées de participer d’un point de vue économique; elle les contraint donc à choisir entre leurs intérêts à court terme (participer illégalement à Paris-Nice pour ne pas risquer leur exclusion du Tour de France) et le respect d’une institution qui garantit le bon fonctionnement de leur sport à long terme". L’UCI garantit le bon fonctionnement du sport à long terme ? Qui, aujourd’hui, peut croire une telle chose devant le marasme le plus complet règnant dans le cyclisme depuis 10 ans et l’affaire Festina. Chaque année, le cyclisme s’enfonce un peu plus et l’UCI n’a jamais réagit pour prendre le taureau par les cornes.

"L’efficacité de la lutte antidopage est aussi menacée. L’UCI a obtenu de grands succès dans ce domaine, en particulier avec le passeport biologique, mais elle ne peut procéder à des contrôles dans une course hors calendrier." L’UCI a obtenu de grands succès dans la lutte antidopage!!! C’est évidemment la perle de cette lettre. Comment ne pas croire que McQuaid nous prend vraiment tous pour des cons lorsqu’il affirme une telle chose ? Tous les fans, tous les experts, tous les journalistes de par le monde sont d’accord: 2007 a été la pire année de l’histoire du cyclisme eut égard au dopage. Et ca fait dix ans que ca dure. Et ca fait au moins 5 ans que le suivi longitudinal est en place en France, que les coureurs français ne gagnent plus rien, et que l’UCI refuse de l’adopter.

"On peut estimer que l’UCI fait fausse route. Mais j’aimerais convaincre que la défense du système établi le justifie et ne peut faire l’économie de cette douloureuse démarche. Si quelqu’un porte, ici, une lourde responsabilité, ce sont les dirigeants d’ASO". M. McQuaid, effectivement, on peut estimer que l’UCI fait fausse route. Le simple fait de l’avoir écrit dans votre lettre traduit sans l’ombre d’un doute votre conscience des profondes lacunes de l’UCI.

"En favorisant la sortie du cadre fédératif d’un organisateur, le ministère donne, de facto, sa bénédiction à la création d’une ligue privée". Mais de quelle ligue privée parle-t-on ici ? Il n’a jamais été question d’une ligue privée, il n’y en a jamais eu dans le cyclisme jusqu’ici, exceptée le ProTour. C’est l’UCI qui a cherché à mettre en place une telle ligue privée en créant le ProTour. En dehors de celui-ci, il y a des organisateurs de courses cyclistes, point final.

En conclusion, espérons qu’ASO maintienne sa position, que les équipes prennent le départ de Paris-Nice demain peu importe ce que menace de faire l’UCI. Parce que l’UCI n’a aucun pouvoir. En excluant les équipes qui prendraient le départ de Paris-Nice des futures courses au calendrier de son ProTour, l’UCI ne fait rien d’autre que de le condamner inexorablement. Parce que le public et les coureurs, eux, s’intéresseront toujours aux monuments du cyclisme qui ont construit la légende de ce sport, pas à des courses construites de toute pièce sur l’hôtel de la mondialisation comme la Vattenfall Cyclassics qui ne présente strictement aucun intérêt.

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