Davide Rebellin s’est imposé aujourd’hui dans Liège-Bastogne-Liège dans ce qu’il convient d’appeler un remake de dimanche dernier puisqu’il a encore battu au sprint un Boogerd qui, décidemment, trouve en l’Italien sa bête noire. Rebellin déclarait à l’arrivée que sa victoire dans l’Amstel représentait la libération, celle de la Flèche la confirmation et celle d’aujourd’hui la réalisation, l’accomplissement.
Rebellin gagne cependant moins élégamment qu’à l’Amstel ou à la Flèche Wallonne puisqu’il a largement profité du travail des autres aujourd’hui, notamment celui de Vinokourov et de Boogerd. Bon joueur, Rebellin en est d’ailleurs conscient, ayant déclaré à l’arrivée « Si j’ai gagné, c’est aussi grâce à Boogerd, c’est lui qui a fait la sélection. J’ai basé ma course sur lui. »
Ce fut une nouvelle fois une course bizarre pour une Classique, une course d’attente ou 60 coureurs étaient encore groupés au pied de la dernière bosse à… 6 kms de l’arrivée, la côte de Saint-Nicolas. C’est là que tout s’est joué, Boogerd passant à l’offensive et Rebellin comme Vinokourov parvenant à contrer. Ces trois lascards filaient alors jusqu’à l’arrivée et c’est Rebellin qui a le mieux joué le coup à l’approche de la ligne, d’abord laissant le soin à Boogerd d’aller chercher Vinokourov à deux reprises, ce dernier essayant de se défaire de ses deux compagnons d’échappée. Rebellin savait que Boogerd irait chercher Vino puisqu’il avait davantage de pression pour gagner ; en ayant vaincu à l’Amstel et à la Flèche, Rebellin avait déjà, en quelque sorte, rempli son contrat, et non Boogerd. Une belle maîtrise des nerfs donc de la part de Rebellin dans les tous derniers hectomètres, et une victoire – certes moins spectaculaire – à la clef.
Dans l’autre grosse bosse de la Doyenne, la côte de la Redoute, c’est Bettini et Garzelli qui passèrent à l’offensive, sans créer de réels dommages au sein du peloton cependant. Un signe qu’ils évoluaient un ton en-dessous des Rebellin, Boogerd et Vinokourov. Van Petegem a également fait figure un petit moment dans les 20 derniers kms, pour s’effacer rapidement ensuite. Au classement final, certains sont à leur place compte tenu de leur condition actuelle et de leur objectif : Hamilton (9e), Basso (8e), Wesemann (11e), Freire (14e), Menchov (15e).
Les cartons rouges : Vandenbroucke (16e), Bettini (22e), Van Petegem (25e), Bartoli (27e), Popovytch (28e), Merckx (55e), Garzelli (62e) et Verbrugghe (86e).
Le Canadien Michael Barry termine au 98e rang, à 11min38 du vainqueur. On peut penser qu’il est à sa place sur ce genre de classique.
Rebellin s’impose donc dans ce qu’on appelait jadis le « week-end ardennais » qui consiste à faire le doublé Flèche Wallonne – la Doyenne. Rebellin fait même mieux puisqu’il a également triomphé sur l’Amstel il y a une semaine. Le dernier doublé dans les Ardennaises remontait à 1991 avec un autre Italien, Moreno Argentin, qui avait gagné le week-end ardennais cette année-là.
Une saison des Classiques bizarre
La Doyenne met un terme à la saison des Classiques puisqu’on s’oriente désormais vers les grands tours : Romandie, Italie, Allemagne, Dauphiné, puis Tour de France. La saison des Classiques laisse cette année un goôt amer, celui que les favoris n’assumèrent pas toujours leurs responsabilités de « coureurs protégés » en ne faisant pas la sélection. Voir des pelotons entiers dans le final de telles épreuves est inhabituel. Un signe, peut-être, que le peloton est désormais très homogène dans sa condition physique et surement trop calculateur. La faute aux oreillettes ?
Chose certaine, il faudra, dans l’avenir, que les grands leaders revoient leur stratégie car il n’est désormais plus possible d’attendre les toutes dernières difficultés d’une course pour songer tout faire pêter et s’imposer. On l’a vu dans Milan SanRemo, dans la Flèche et encore aujourd’hui, il est illusoire de penser décrocher un peloton de 50 ou 60 unités si près de l’arrivée, qui plus est quant la course n’a pas été très dure auparavant. Les grands leaders devront réapprivoiser l’art de partir de loin… ou nous (les amateurs) seront confrontés à des courses de plus en plus imprevisibles…