Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Le Tour de Foglia

foglia.jpgNous venons de terminer la lecture du livre « Le Tour de Foglia » paru récemment aux Éditions La Presse avec la collaboration de Vélo Mag. Ce livre connaît actuellement un certain succès au Québec, étant premier au palmarès des ventes de la librairie Clément Morin par exemple.

Pour nos lecteurs européens, Pierre Foglia est un populaire journaliste – chroniqueur social au journal La Presse, « le plus grand quotidien francophone d’Amérique ». Bon vulgarisateur, posant un regard unique sur le monde qui l’entoure, il écrit depuis de nombreuses années des éditoriaux, des billets très populaires sur des sujets qu’il choisit au gré de l’actualité ou de ses états d’âme. D’origine italienne mais installé au Québec depuis son enfance, il est grand amateur – et pratiquant – de cyclisme. Il a couvert, depuis le début des années 1990, de nombreux Tours de France pour le bénéfice des lecteurs de La Presse, s’intéressant souvent – et avec brio – aux à-côtés du Tour plutôt qu’à la course elle-même. Plus récemment, il a beaucoup couvert les affaires Jeanson, s’étant lié d’amitié avec cette coureuse québécoise contreversée depuis les Championnats du monde d’Hamilton.

Son livre est en fait un recueil de ses chroniques passées sur le Tour, chroniques regroupées sous quelques thèmes : les seigneurs du peloton (Armstrong, Indurain, Ullrich), les Canadiens (Bauer, Fraser), les chevau-légers (Chiappucci, Hamilton, Hampsten, Jalabert, Pantani, Rominger, Virenque), le maillot noir, autour du Tour (Tour 101), la montagne, la tourpitude et la France du Tour.

C’est un véritable plaisir que de lire ce livre et La Flamme Rouge vous le recommande sans réserve si vous désirez passer un bon moment. N’étant pas un grand fan de Foglia lorsqu’il écrit sur le cyclisme, nous devons reconnaître qu’il sait captiver le lecteur par ses chroniques jamais banales. De plus, il nous rejoint sur notre façon de traiter du cyclisme : il essaie de poser un regard éclairé, n’hésitant pas à parler du cancer du cyclisme, le dopage. Cette chronique, en particulier, nous interpelle :

Circulez, y a rien à voir (chronique du 5 juillet 2003, soit au départ du Tour l’an dernier) :

« On nous dit que ce Tour de France du centenaire, en empruntant la route de ses pionniers, renouera avec ses valeurs fondamentales : courage, endurance, discipline. On nous dit ca. Si vous voulez mon avis, ce sont là de ronflants radotages tout à fait dans le style du directeur du Tour, Jean-Marie Leblanc. La réalité, c’est que le Tour est malade.

L’autre jour, avec des amis cyclos, nous parlions du jeune coureur français, Fabrice Salanson, 23 ans, trouvé mort dans sa chambre au départ de la première étape du Tour d’Allemagne. Nous évoquions évidemment le dopage. Quoi d’autre? Vous connaissez beaucoup de garçons de 23 ans, pas du tout malades la veille, ni l’avant-veille, ni jamais, qui sont morts comme ça, subitement, pendant la nuit, dans leur lit?

Aussitôt le résultat de l’autopsie connu – aucune trace de rien – l’Équipe, journal du Tour, s’est dépêché de faire honte à tous ceux qui, comme moi et mes amis cyclos, avaient osé penser dopage : « jamais les raccourcis et la suspicion d’une certaine presse à l’affôt des scandales n’ont été aussi déplacés », nous admonestrait notre confrère. Et Lance Armstrong d’en rajouter une couche: « Qu’on pense à sa mère ; c’est vraiment dégueulasse ». Le lendemain, les coéquipiers du malheureux garçon déclaraient qu’ils ne souhaitaient pas évoquer cet épisode douloureux.

C’est de ce silence là, opaque et agressif, dont souffrent le Tour de France et le vélo professionnel (et le sport en général). Ce garçon faisait partie de la jeune relève française, celle dont on dit qu’elle est en train de changer les mentalités du cyclisme. Voyez la portée du symbole, voyez le bond en arrière si on l’avait trouvé drogué. Dieu merci, on n’a rien trouvé dans sa chambre ni dans son sang. Youpi, ce garçon est mort à l’eau claire. Circulez, y a rien à voir.

Depuis cinq ans, depuis l’affaire Festina, c’est ce qu’on nous répète chaque fois: circulez, y a rien à voir. Les affaires continuent pourtant de se succéder à un rythme effarant. En plein Tour de France 2002, Igor Gonzalez de Galdeano, alors maillot jaune, est testé positif aux corticoides. Galdeano est blanchi par le président de l’Union Cycliste Internationale lui-même, qui conteste la validité des tests de l’Agence mondiale antidopage (de Richard Pound). Or, Galdeano vient d’être rétroactivement suspendu pour six mois.

À la fin du Tour 2002, Edita Rumsas est arrêtée à la frontière italienne, son auto pleine de produits dopants. Elle est la femme du Lituanien Raimondas Rumsas, révélation du Tour, troisième derrière Armstrong et Beloki. Lui non plus n’avait rien dans sa chambre ni dans son sang. (Rumsas vient de se faire épingler pour de l’EPO au Tour d’Italie).

En janvier, le coureur italien Denis Zanette meurt lui aussi de mort « naturelle » alors qu’il est chez son dentiste. Rupture d’anévrisme. L’autopsie ne révèlera rien.

Et en juin, ce jeune homme de 23 ans.

Le Tour est malade de ses mensonges, dont quelques uns sont mortels. Le Tour est malade et pourtant il n’est jamais allé aussi vite. C’est son autre maladie : la vitesse. Quand on leur reproche de se « soigner », de monter leur taux d’hématocrite à la limite du permis, de se faire délivrer des ordonnances de complaisance pour des corticoides, ils répondent que ces « soins » sont nécessaires parce que leur sport est très dur. Sauf que plus il se « soignent », plus ils vont vite. Cherchez l’erreur : plus ils vont vite, plus leur sport est dur.

Plus ils vont vite, plus le spectacle est nul. Plus le peloton va vite, plus il est difficile d’en sortir. Les étapes de plat se résument à 200 kilomètres de non-course avec un sprint massif au bout. Il ne se passe plus grand chose au Tour, et cela depuis près de 15 ans, depuis Miguel Indurain et ses cinq victoires de suite, toutes semblables. Indurain préfigurait le champion biologique (biochimique?) qu’est Lance Armstrong. Le Tour aujourd’hui se joue sur 15 kilomètres, généralement dans la première étape de haute montagne. Que dis-je, 15 kilomètres? Le Tour se joue sur le premier démarrage de Lance Armstrong, 500 mètres, parfois moins, et c’est fini. Le reste n’est que du remplissage publicitaire.

Le Tour n’est plus cet espace mythique ou se nouaient des drames, ou les échappées se développaient comme des chevauchées fantastiques dans des décors dantesques, ou naissaient des histoires qui faisaient de la course un événement littéraire autant que sportif. Aujourd’hui, les drames se nouent presque toujours en marge de la course elle-même, comme les affaires de dopage et leur judiciarisation, comme les morts accidentelles, celle de Fabio Casartelli en 1995, celle d’Andrei Kivilev dans Paris-Nice au début de la saison. C’est bête à dire, mais aujourd’hui, le Tour n’est vibrant que dans l’hommage à ses morts. À moins qu’ils n’embarrassent, comme ce jeune homme de 23 ans « mort de rien » dans sa chambre, la veille du Tour d’Allemagne. Alors on se dépêche de les enterrer en silence. Circulez, y a rien à voir. Taisez-vous, y a rien à dire.
Fin de l’extrait.

Toujours très engagé, Foglia se mouille toujours franchement, sans détour, intelligemment. S’il sait parler de sujets aussi sérieux que le dopage, la lecture de son recueil ne donne aucune impression de « lourdeur » mais est plutôt divertissante, souvent carrément amusante (extrait, parlant de l’arrivée à La Bourboule dans le Tour 92, étape gagnée par Stephen Roche : « L’arrivée de l’étape d’hier était d’ailleurs jugée dans le stationnement d’un terrain de golf. Les Français sont en train de capoter sur le golf. Pas à la portée du Français moyen, le golf, et c’est bien pour ça que ça pogne autant ; qui veut être moyen? Surtout pas le Français« .

Par moment, on retrouve même chez Foglia un brin du génie d’Antoine Blondin, avec qui il partage l’art de porter un regard différent sur cette course voire, dans une moindre mesure, le jeu de mots : « Les coureurs passent à l’écran de la petite télé à piles en même temps que sur la route, juste devant. « Dépâche-toi, dépêche-toi, crie sa femme, les v’là ». « Reste là, je vais te voir à la télé », lui répond le bonhomme. C’est pas parce que la France d’en bas va à la montagne qu’elle prend de l’élévation. »

Bref, courrez-vite chez votre libraire vous procurez ce livre qui, pour le profane en cyclisme, saura vous faire passer un très bon moment et mieux connaître le Tour ainsi que le cyclisme. Si le puriste sera agacé à quelques reprises par un manque évident de culture cycliste, il saura lui-aussi avoir du plaisir à lire ces chroniques du Tour. Et à 30$, c’est un rapport qualité-prix exceptionnel!

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3 Commentaires

  1. erickk

    Merci de l’extrait. ce que j’en retiens c’est 3 phrases :

    – Les étapes de plat se résument à 200 kilomètres de non-course avec un sprint massif au bout

    – Indurain préfigurait le champion biologique (biochimique?) quêest Lance Armstrong

    – Le reste nêest que du remplissage publicitaire.

    Et effectivement, mon avis est que la 1ère semaine est à mourir d’ennui à part le prologue et le CLM par équipen spectaculaire par définition à part pour les fans de Petacchi/Cipo .

    Mon avis est aussi que des chmapions comme Jalabert pour ne citer que lui (le plus connu), hors de tout doute de dopage, est un chmapion hautement plus flamboyant qu’un Robocop américain ou qu’un Lion Italien. A la limite je rajouterais Vrienque même si je ne suis vraiment pas fan de ces 2 lascars.

    Enfin ce sport, notre sport, est devenu un peu comme la F1. Un non-spectacle qui a pour cadre le sport. A force de rechercher la perfection, on se coupe de la petite flamme de folie et de passion qui en a fait la légende. Imaginez-vous Gilles Villeneuve en F1 à doubler dans les puits par un ravitaillement au moment opportun ???

    erick

  2. erickk

    Merci de l’extrait. ce que j’en retiens c’est 3 phrases :

    – Les étapes de plat se résument à 200 kilomètres de non-course avec un sprint massif au bout

    – Indurain préfigurait le champion biologique (biochimique?) quêest Lance Armstrong

    – Le reste nêest que du remplissage publicitaire.

    Et effectivement, mon avis est que la 1ère semaine est à mourir d’ennui à part le prologue et le CLM par équipen spectaculaire par définition à part pour les fans de Petacchi/Cipo .

    Mon avis est aussi que des chmapions comme Jalabert pour ne citer que lui (le plus connu), hors de tout doute de dopage, est un chmapion hautement plus flamboyant qu’un Robocop américain ou qu’un Lion Italien. A la limite je rajouterais Vrienque même si je ne suis vraiment pas fan de ces 2 lascars.

    Enfin ce sport, notre sport, est devenu un peu comme la F1. Un non-spectacle qui a pour cadre le sport. A force de rechercher la perfection, on se coupe de la petite flamme de folie et de passion qui en a fait la légende. Imaginez-vous Gilles Villeneuve en F1 à doubler dans les puits par un ravitaillement au moment opportun ???

    erick

  3. erickk

    Merci de l’extrait. ce que j’en retiens c’est 3 phrases :

    – Les étapes de plat se résument à 200 kilomètres de non-course avec un sprint massif au bout

    – Indurain préfigurait le champion biologique (biochimique?) quêest Lance Armstrong

    – Le reste nêest que du remplissage publicitaire.

    Et effectivement, mon avis est que la 1ère semaine est à mourir d’ennui à part le prologue et le CLM par équipen spectaculaire par définition à part pour les fans de Petacchi/Cipo .

    Mon avis est aussi que des chmapions comme Jalabert pour ne citer que lui (le plus connu), hors de tout doute de dopage, est un chmapion hautement plus flamboyant qu’un Robocop américain ou qu’un Lion Italien. A la limite je rajouterais Vrienque même si je ne suis vraiment pas fan de ces 2 lascars.

    Enfin ce sport, notre sport, est devenu un peu comme la F1. Un non-spectacle qui a pour cadre le sport. A force de rechercher la perfection, on se coupe de la petite flamme de folie et de passion qui en a fait la légende. Imaginez-vous Gilles Villeneuve en F1 à doubler dans les puits par un ravitaillement au moment opportun ???

    erick

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