Mine de rien, c’est un grand champion qui a pris sa retraite du peloton pro dimanche au terme de Paris-Roubaix.
Outre son palmarès sportif, Tom Boonen aura fait du bien au cyclisme pendant plusieurs années noires, alors que le vélo traversait des temps difficiles avec Lance Armstrong au milieu des années 2000.
Comme Fabian Cancellara l’an dernier, je pense que « Tommeke » aura su partir au bon moment, en laissant une bonne impression à tout le monde. C’eut été encore mieux avec une victoire à Roubaix dimanche, ce qui en aurait fait le recordman absolu devant le mythique Roger de Vlaeminck. L’avoir déjà égalé, et avoir remporté trois Tours des Flandres, un Championnat du monde ainsi que 6 étapes sur le Tour situe le champion qu’il a été.
Une carrière en trois temps
Je vois personnellement la carrière de Tom Boonen en cinq temps.
D’abord, l’avènement, entre 2002 et 2007. Ensuite, la période trouble, de 2008 à 2011. Puis le renouveau, en 2012, les blessures, de 2013 à 2015 puis la sortie, en 2016 et (début) 2017.
L’avènement (2002-2007)
C’est sur Paris-Roubaix qu’on a découvert Tom Boonen en 2002, alors qu’il avait terminé 3e en travaillant d’arrache-pied pour son leader chez US Postal, George Hincapie. Tout le monde avait été bluffé par la force qu’il dégageait sur les pavés, et c’est avec une grande classe selon moi que Boonen a tenu à terminer sa carrière comme il l’avait commencé, sur les pavés de Paris-Roubaix.
Après deux années de construction (2003 et 2004) à apprendre le métier, Boonen explose en 2005 avec son premier doublé Flandres–Roubaix, puis le titre de champion du monde. Il remporte l’année suivante un nouveau Tour des Flandres puis, en 2007, ramène le maillot vert à Paris.
La période trouble (2008-2011)
Durant cette période, on a l’impression que Boonen vit plus souvent qu’autrement sur sa classe. Il aligne certes quelques victoires de prestige (victoire sur Paris-Roubaix en 2008 et 2009, champion de Belgique 2009), mais ses performances sont en dents de scie. Surtout, il est piqué positif en juin 2008 pour consommation de cocaïne, et se voit privé du Tour cette année là.
Ca recommence en avril 2009, où il est de nouveau contrôlé positif à la cocaine. Boonen avouera alors une dépendance à l’alcool et à cette drogue, un aveux bien reçu de ses fans belges qui le soutiendront sans faille les mois suivants. Je pense que sa franchise, au bout du compte, lui aura servi à relancer sa carrière les années suivantes.
Le renouveau (2012)
Après deux saisons (2010 et 2011) assez médiocres suivant ses deux contrôles positifs hors compétition, Tom Boonen revient au premier plan en 2012, avec un nouveau doublé Flandres–Roubaix. Il remporte même durant la campagne des Classiques d’avril Gent-Wevelgem et le GP E3, en faisant l’homme fort du début de saison. Il décroche également cette saison là son 2e titre de champion de Belgique.
Sa carrière bien relancée, il fait oublier complètement ses problèmes personnels et se replace comme LE champion belge de l’époque aux yeux de la Belgique.
Les blessures (2013-2015)
Les cinq dernières années de la carrière de Tom Boonen seront plus compliquées, souvent sous le signe de la malchance et des blessures.
En 2013, il est blessé au coude en début de saison, puis chute coup sur coup sur Gent-Wevelgem puis au Tour des Flandres, le condamnant pour Paris-Roubaix une semaine plus tard.
En 2014, un drame familial le touche avant Milan SanRemo, sa conjointe faisant une fausse couche.
En 2015, il chute lourdement dans la 1ere étape de Paris-Nice, encore dans sa préparation pour les Classiques qu’il rate au complet. Pire, il chute lourdement en octobre au Tour d’Abou Dabi, se fracturant le crâne et perdant de façon permanente des facultés auditives.
La sortie (2016-2017)
Enfin épargné par les blessures en 2016, il termine 2e de Paris-Roubaix, prouvant à tous qu’il peut encore gagner cette grande classique. Il termine sa saison en beauté avec une 3e place aux Mondiaux de Doha.
En 2017, sa préparation des Classiques se fait sans trop d’anicroches, et il tire sa révérence sur une 13e place sur le vélodrome de Roubaix. Je pense qu’il est parti au bon moment, alors que sa cote de popularité est encore au maximum, et ayant pu faire oublier les galères de sa carrière. C’est aussi ça un grand champion: savoir se retirer au bon moment…
Il manque à son palmarès
Une course, une grande classique: Milan SanRemo, qu’il n’a jamais pu gagner. Il a terminé deux fois sur le podium.
Ses équipes
Y’a pas à dire, Tom Boonen aura été fidèle dans sa carrière, n’ayant connu que deux équipes: US Postal en 2002, et Quick-Step de 2003 à 2017. Inutile de vous dire que ses liens avec notamment Patrick Lefevere sont profonds. En même temps, lorsqu’on est le manager d’une équipe professionnelle belge, on ne veut certainement pas laisser partir le coureur le plus populaire du pays, capable de gagner les deux plus grandes classiques flandriennes de la saison!
L’homme
Salut champion!
Tchmil
J’avais un peu oublié qu’il avait commencé chez US Postal.
Par contre ce qui a été marquant aura été son bref duel avec Johan Museeuw (adversaire et équipier). C’était un grand symbole de voir la fin du plus grand coureur de classiques à ce moment-là, puis son remplacement par celui qu’on sentait devenir son héritier flandrien.
Je ne sais pas s’il a pris le dessus sur Museeuw, mais il est assez proche de le rejoindre dans l’histoire du cyclisme.
nikko
Juste sur Paris-Roubaix :
Quand bien même Boonen aurait mis la barre à 5, De Vlaeminck restait l’hyper spécialiste (du moins est-ce mon avis non objectif, je l’avoue) :
Honneur aux anciens, De Vlaeminck :
13 participations, 4 fois 1er, 4 fois 2ème, une fois 3ème, une fois 6ème et 2 fois 7ème et un abandon.
12 fois classé dans les 10 premiers…
Son codétenteur de 4 victoires, Tom Boonen :
14 participations, 4 fois 1er, 2 fois 2ème et une fois 3ème, 5ème, 6ème, 9ème, 10ème, 13ème, 24ème et…un abandon.
Ce qui fait 11 fois dans les 10.
Après, de Vlaeminck est encore devant en nombre de podiums, 9 contre 7.
p'tit lucien
N’y avait-il pas eu aussi durant sa « période d’avènement » un ou deux Tours du Qatar où il avait gagné absolument toutes les étapes en plus de remporter le classement final ? ok cette course n’a rien à voir avec les classiques, mais quand même c’est rarement vu.
Andy Lamarre Mtl.
OUI, un formidable coureur.
Tu étais l’un de mes favoris.
Repose-toi, tu l’as mérité.
BRAVO……
thierry (mtl) bécyk
Il aurait pu faire du Valverdisme et devenir soudainement un « top gun » en haute montagne et CLM à 36 ans.
le bourrin iserois
Tchmil qui parle de museeuw, c’est bon ça!
Tchmil
Eh oui ! J’aimais pas trop le coureur Museeuw, mais je reconnais qu’il a marqué le cyclisme et fait la fierté des Flandres.
Et Tchmil, c’est pour le cycliste et l’homme !
SCHWARTZ Patrick
@ nikko,
ok avec toi, même si j’ai beaucoup d’estime pour Tom,(palmarès,style,charisme), au niveau palmarès général,celui du « Gitan » est bien plus étoffé, carrément incroyable au niveau classiques et semi-classiques belges et italiennes (pas seulement Roubaix ou le Ronde)!!! et Liège Bastogne liège, la Flèche Wallonne, MSR, le Tour de Lombardie, de vraies places dans les Tours, Italie,Suisse et courses d’une semaine …
Rendez vous sur Google-Wikipédia,les sceptiques apprécieront …Mais je ne veux pas dénigrer « gentleman-Tom » qui a été fabuleux sur le Roubaix, c’était sa course…et sa gentillesse naturelle, sa disponibilité,ce mélange d’élégance et de pugnacité ! A moi aussi, il me manque déjà! je ne l’imagine d’ailleurs pas ne pas satisfaire à sa séance de « décrassage » le lundi ou le mardi matin, accrocher son bike dans la cave et l’oublier pour un (long?) moment …
Edgar Allan Poe
Je me permets juste une petite correction : Tom Boonen a concédé un problème avec l’alcool, mais pas forcément une dépendance. Suite à son contrôle positif en 2009, il déclare franchir les bornes, en terme de consommation d’alcool, quand il se lache après 3 ou 4 mois de travail intensif. Mais il ne parle pas de dépendance.
J’apporte cette précision car il me parait très difficile de rester compétitif en vélo si l’on traine une dépendance à l’alcool derrière soi. Même si différents produis comme l’EPO, ont permis à certains coureurs de mener une vie beaucoup plus proche d’un sédentaire – quelques sorties nocturnes festives pendant les stages de préparation…voire certaines courses par étapes – , il n’est à mon sens pas possible d’être cycliste (de haut niveau) et alcoolique.
Boonen n’en reste pas moins un sacré champion, qui a d’ailleurs très mal vécu le fait d’avoir été spolié par Cancellara sur le tour des Flandres et Paris Roubaix. J’espère pour lui qu’un jour la vérité sera faite…
garolou
HORS SUJET.
Geraint Thomas:
« and maybe use the power meter a bit more. Everyone sees that as a negative, but I think using it as a gauge can be useful. »
Un autre coureur soporifique chez Sky…
Merci Boonen pour ta motivation. J’en ai tu fais des heures de hometrainer à regarder les Flandres/Roubaix dans les bonnes année de Tom.
nikko
@ SCHWARTZ Patrick
j’en rajoute une louche (juste une dernière pour ne pas parasiter ce post consacré à Boonen)en rappelant que RDV est le (seul) détenteur d’un autre record de victoires.
C’est sur Tirreno-Adriatico : 6 victoires finales consécutives de 1972 à 1977 et 15 victoires d’étapes.
Pour info : https://dernierblog.wordpress.com/2010/04/13/monsieur-tirreno-adriatico/
Sinon, Boonen, beau coureur, beau palmarès (3 Ronde !) dont un titre que n’a pas eue RDV, celui de champion du monde sur route…
Zardoz
Un grand champion, qui a peut-être été trop fort, trop tôt. Rappelez-vous quand même sa saison 2005, où, à 24 ans, il était devenu à la fois le meilleur coureur de classiques et le meilleur sprinteur du peloton. A cette époque, en Belgique, on lui prédisait carrément une carrière à la Merckx, voire plus, avec 10 victoires sur les Flandres et Roubaix, et pourquoi pas en parallèle, un futur de leader sur les Grands Tours.
L’année 2006 avait déjà été un retour assez difficile à la réalité, où malgré sa deuxième victoire sur les Flandres, il avait un peu déçu par sa prestation en demi-teinte sur Roubaix, et par son absence de victoire sur le Tour de France, incapable de prendre le dessus sur un McEwen pourtant plus tout jeune.
La suite a montré un Boonen peut-être un peu décevant par rapport aux espoirs soulevés en 2005, souvent gêné par des blessures et autres pépins, moins rapide dans le sprint qu’à ses débuts et donc plus en mesure de remporter des étapes sur les Grands Tours. Et pourtant, il a quand même grosso modo tenu son rang sur la durée, avec de nouvelles victoires de prestige çà et là, et surtout, son grand retour en force de 2012, malheureusement suivi par de nouvelles saisons un peu difficiles. Mais dans l’ensemble, j’ai tendance à dire qu’il aura été plus solide sur la durée qu’un Gilbert, qui a vraiment été très décevant chez BMC après avoir tout éclaté en 2011.
Au bout du compte, peut-être pas un deuxième Merckx, mais certainement le meilleur coureur belge de sa génération, et c’est déjà beaucoup.
Eric
Certainement le coureur que j’ai le plus apprécié au cours des 15 dernières années.
La classe, la réussite et son humanité aussi ont fait que je m’y suis attaché et que je l’ai suivi même dans ses années plus difficiles.
Un grand qui s’en va. Chapeau Tommeke!
regis
Svp cessez avec les comparaisons de palmarès, une époque n est pas l autre et ce qu a fait RDV on s en fout.
Merci à Tom pour son sens de la course et les envolées et le plaisir procuré!
Vivement que il soit directeur sportif pour communiquer sa science de la course aux autres , et pourquoi pas chez Sky!
Le Bourrin Ardéchois
Il y a du vélo: championnats du monde sur piste.
nikko
@ regis
« Vivement qu’il soit directeur sportif pour communiquer sa science de la course aux autres »…
Malheureusement, il me semble que ça ne se vérifie pas souvent et que les champions ne font pas obligatoirement de bons DS, à moins d’avoir un champion comme coureur !
A mon avis il finira plus sûrement derrière un micro pour les Flandriennes.