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Paris -Nice s’enflamme

Comme souvent, les trois premiers jours de Paris-Nice auraient pu présenter une terne course d’attente avant les tronçons plus accidentés, ils nous montrèrent avec force le cyclisme sous diverses facettes riches d’évènements, facettes modernes, anciennes et malheureusement persistantes. D’abord, un contre-la-montre initial très court et tracé pour les rouleurs, gagné en sur-classement par le grimpeur poids plume Alberto Contador qui sur 9,3 km distança le champion olympique et double champion du monde de poursuite Bradley Wiggins de 7", puis les spécialistes Luis-Leon Sanchez, Tony Martin et son énorme braquet, David Millar et Joost Posthuma de 9", 11", 14" et 18"! Cyclisme moderne… Ensuite, une première étape à nouveau marquée par de nombreuses chutes, misères de ce sport qui de tous temps brisèrent en quelques secondes tant d’espoirs et d’investissements, et même des carrières. Le tableau des favoris en fut bouleversé. Fracture d’une côte et de la clavicule avec déplacement pour Rémi Pauriol, éliminé de l’épreuve et éloigné des premières places qui lui étaient promises ce printemps. Rendez-vous au Dauphiné ! Jose Angel Gomez Marchante éliminé (fracture du radius), Vladimir Efimkin, Sébastien Joly, et Amaël Moinard durement touchés, David Montcoutié piégé et relégué à 2’13 par ses appréhensions à frotter (au moins n’est-il pas tombé!), Joost Posthuma, Daniel Martin malades et à l’abandon, tandis que Christian Vandevelde avait lui chuté et perdu tout espoir dès le contre-la-montre rendu glissant par la pluie. De cette étape, retenons tout de même en positif le beau sprint de Heinrich Haussler, un beau coureur celui-là qui s’annonce pour les classiques flandriennes. La première étape nous réconcilia avec notre sport. Ceux qui eurent la chance de la suivre sur leur petit écran se souviendront d’une superbe bagarre. Remercions l’équipe Rabobank, à priori sans prétendant et malheureusement affaiblie par l’absence du surpuissant Posthuma, d’avoir semé le bazar dans un peloton qu’elle fit éclater en de multiples groupes par un coup de bordure mémorable. C’est ainsi qu’à 40 km de l’arrivée, on vit surgir l’armada orange composée de Juan Antonio Flecha, Sebastian Langeveld, Juan Manuel Garate, Bram Tankink, Maarten Tjalingi, Nick Nuyens et Mathew Hayman. Par une météo de circonstances, pluie glaciale accompagnée d’un bon vent de ¾ dos, les hommes du nord se mirent à écraser les pédales sans se retourner. Le peloton ne cassa pas tout de suite, mais les héritiers de la grande équipe Raleigh eurent le mérite d’insister. La pression finit par le briser, une fois, puis deux, et après une dizaine de km une petite bosse éparpilla les coureurs partout ; impressionnantes images d’un cyclisme à l’ancienne qu’on se réjouit toujours de revivre. On vit même Contador tenter de sauter seul du 3ème au 2ème groupe, en vain malgré le retour soudain de Christophe Moreau dans le sillage de la moto qui suivait le leader espagnol ; un œil exercé constatait d’ailleurs que les motos jouaient, et c’est regrettable, un grand rôle dans les repositionnements des uns et des autres ! Encore dix kms et le premier groupe perdait la moitié de son effectif pour n’être plus composé que de Flecha, Garate, Langeveld, Sylain Chavanel et Kevin Seeldrayers qui s’étaient enfin décidés à relayer (tous deux de la Quick Step), Stephane Auger seul rescapé d’une échappée matinale, Jürgen Roelandts et le redoutable Marcus Burghardt qui préparait son final bien calé dans les roues. Une crevaison à quelques encablures de l’arrivée eut raison de ses ambitions. Les deux derniers km nous offrirent un petit remake de Kurne-Bruxelles-Kurne avec un nouveau mano à mano entre Flecha et Sylvain Chavanel, à nouveau à l’avantage du français qui s’octroya un beau succès et 10 secondes de bonification (en plus de 3 autres glanées en cours de route). Bilan chronométrique : esseulé et sauvé par les Saxo-Bank dont surtout Jens Voigt, Contador termine à 1’09 (l’allemand se serait trouvé devant au service de Franck Schleck et Paris-Nice était plié pour Contador), tout comme Luis-Leon et Samuel Sanchez, Montfort, Knees, Nocentini, Trofimov, Hivert, Colom, Karpets, Kroon, Voigt et Schleck, puis Fuglsang, Efimkin, Kreuziger, Markus Fothen, Rolland, Casar, Voeckler et Moinard lâchaient 2’50, Calzati, Joly, Evans, Chris Anker Sörensen, Roche et Martin Velits perdaient 10’08, et Pereiro, Bouet, Vogondy, Montcoutié et Veikkanen bien plus encore. Mauvaise journée pour les trois équipes françaises en vue depuis le début de saison, Cofidis, Bbox et Agritubel. Avec ses 4ème, 5ème et 7ème place sur le Giro, Juan Manuel Garate a des références. Il était très fort hier, tiendra-t-il dans la montagne ? Sylvain Chavanel se pose-t-il en favori, avec Kevin Seeldrayers en embuscade ? Quelle va être la réaction d’Alberto Contador, et le comportement de Voigt et Schleck ? Que de questions palpitantes, sans oublier de garder un œil sur les Sanchez, Nocentini, Colom et Karpets qui restent en embuscade. Et bien sûr, l’incertitude et de nouvelles surprises toujours possibles. Dès aujourd’hui, on peut s’attendre à des réactions d’orgueil, dans une étape pas facile qui testera les capacités organiques sur les corps meurtris par le froid et les efforts d’hier. Le temps sera aux fraîches giboulées avec un vent légèrement favorable. En France, une diffusion télévisée sera assurée sur France 4 de 14h45 aux alentours de 16h30 (avec un Laurent Jalabert en grande forme), et sur Eurosport dès 14h30 précédée de la rediffusion de la dernière heure de la veille (il y en a qui ont de la chance !) et suivie de la première étape de Tirreno-Adriatico. Enfin, je me permets de me réjouir de la défaite de l’équipe de France de Coupe Davis dimanche dernier. Pas que j’ai quelque chose contre le tennis, il m’arrive encore de prendre plaisir à regarder ce beau jeu. Mais il est médiatisé dans notre pays avec un regard devenu tellement patriotique que la présence des couleurs bleu-blanc-rouge le rend exclusif (et son absence de le jeter aux oubliettes). Le sélectionneur Guy Forget avait un discours plutôt sympa quand il prit la suite de Yannick Noah, il perdit cette part d’humanité que su garder son prédécesseur pour finir par se répandre dans des tirades tournant autour de la Marseillaise et de l’amour du drapeau qui le rapproche désormais d’un Bernard Laporte (donc, du côté du manche) que, vous l’avez compris, je n’aime pas. Par sa nature, le cyclisme permet difficilement cela (un peu plus sur piste). Délaissant et c’est bien dommage la Coupe Davis qui pourtant va se poursuivre (vous voyez que j’aime le tennis), les chaines de télé ne nous imposeront plus cette année des week-ends entiers de patriotisme sportif (par exemple, ne fut télévisée qu’une portion congrue de la plupart des Tour des Flandres de ces derniers années, dont certes l’édition 2009 ne coïncide plus avec la Coupe Davis).

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  1. Vinnnch

    Bel article Patrick, merci beaucoup.
    Juste un bémol quant à la marseillaise et au cyclisme. Pour ma part j’ai vu l’arrivée de ce sentiment trop national dans la couverture sportive à partir, en gros, de la coupe du monde 1998 et la victoire de « la bande à Zidane ». C’est particulèrement aux JO de 2000 que les media ne nous ont plus présenté QUE les épreuves dans lesquelles les français avaient leurs chances. Au point de ne pas nous tenir informés du résultat d’épreuves majeures car elles se tenaient en même temps que d’autres à forte présence française…
    Hors depuis ce temps-là, les cyclistes français sont sous la vague (pour moi à cause du dopage, pour d’autres parce que ce sont tous des fainéants qui s’entraînent trop peu (ça me rappelle une nouvelle fois les discours de certain président de la république (mon dieu je deviens monomaniaque))). Pour moi, le cocoriquisme forcené aurait également lieu dans le cyclisme si nos français y brillaient. J’éprouve très peu de respect pour nos journalistes, sportifs ou non, en général. Et ceux qui traitent du cyclisme faisant plutôt partie du bas du pavé, je suis convaincu qu’on aurait droit à de grandes tirades sur l’honneur retrouvé de la France et autres commentaires navrants…

  2. steph@ane

    « La première étape nous réconcilia avec notre sport »

    il s’agissait plutôt de la seconde 😉

  3. Roger13

    Oui un très bel article de Patrick et je ne crois pas, Vinnnch qu’il y a une contradiction entre tes propos et ceux de Patrick concernant le « cocoricorisme ». Patrick dit juste que le cyclisme s’y prête moins (car les équipes ne sont pas nationales je suppose).
    Maintenant en ce qui concerne le niveau des français, il y a je crois d’autres raisons que le seul dopage. Je pense que, en raison de la nature des compétitions, (trop de courses type vir-vir) les meilleurs jeunes cyclistes et champions potentiels ne peuvent pas s’exprimer et ne sont pas remarqués.

  4. Patrick B

    Précision à Winnnch et Roger13: je crois que le cyclisme sur route et en ligne s’y prête moins parce que les coureurs roulent « en vrac » et tous en même temps.

  5. nikkos

    Roger13 : Course vir-vir ? C’est quoi ?

  6. Roger13

    Je parlais des courses on l’on tourne autour d’un pâté de maisons et où il faut enchaîner virages et relances. Très interressant d’un point de vue technique. J’ai remarqué en observant des très jeunes que les plus forts physiquement sont souvent les moins à l’aise en technique (évidemment pas toujours mais c’est une tendance). Car ceux qui sont plus forts physiquement font moins appel à l’adresse sur le vélo et peuvent « cultiver » des lacunes techniques (en virage, en descente). Len entraîneurs passent quelquefois à côté de véritables « moteurs » mais qui étant des pilotes lamentables ne gagnent jamais. C’est à ces gars qu’il faut apprendre à faire du vélo.
    Enfin c’est mon point de vue.

  7. JOCE

    Beau commentaire, il me semble juste que contador ait essayé de passer du 2Eme groupe au 1 er,chose difficilement réalisable, et si ce n’avait pas été contador, s’il n’y avait pas eu le moto TV? croyez vous qu moreau y serait allé? Sinon, cela a été vraiment le pied, cette étape!!!

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