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La (dernière) revanche d’Alex Harvey

Milan SanRemo attendra 24h de plus, je ne peux pas passer sous silence les émotions vécues ce week-end grâce au fondeur québécois Alex Harvey qui concluait sa carrière chez lui, lors de la finale de la Coupe du Monde de ski de fond sur les Plaines d’Abraham à Québec.

C’est qu’outre le cyclisme, j’aime aussi – et de plus en plus – le ski de fond, un sport qui demande un engagement physique et mental total, un sport difficile, ingrat parfois, technique et complet.

Harvey s’est arraché samedi pour aller chercher une 2e place au 15km classique, littéralement porté par la foule. Les émotions étaient vives à l’arrivée, et il était difficile de contenir les miennes en le voyant ainsi! Dimanche, dans un contexte différent, il a aussi décroché la 2 place du 15km style libre, sa toute dernière course en carrière, après plus de 10 ans sur le circuit de la Coupe du Monde.

J’ai rarement autant vibré! Ces dernières années, même le cyclisme ne m’a pas apporté autant d’émotions.

Payez-vous les images des deux courses (samedi, dimanche), électrisant.

Surtout, je pense que la 2e place acquise hier en style libre a eu un doux parfum de revanche pour Alex, voire pour tout le clan Harvey (surtout son père Pierre) puisqu’il coiffe sur la ligne un russe, Bolshunov. Au départ, Alex lui a tapé dans le dos, sans doute pour lui dire « bonne course »; le russe est resté de marbre, comme si rien de s’était passé, ignorant jusqu’à la présence d’Harvey. Typiquement russe: antipathique.

L’ambiance n’est probablement pas au beau fixe entre Harvey et le clan russe, dont nombre de leurs fondeurs ont connu des résultats stupéfiants cette saison (Bolshunov, Ustiugov, Chervotkin, Larkov, Melnichenko, Spitsov). En effet, Harvey n’a jamais hésité à dénoncer le dopage (dont on connait aujourd’hui l’ampleur en Russie…), ainsi que sa frustration d’avoir vu deux russes le devancer lors de l’épreuve de 50 km des derniers Jeux Olympiques. Z’auraient même pas dû être là, les Russes…

Harvey et Klaebo ont laissé le bourrin russe Bolshunov courir comme un con hier, c’est à dire dans l’fond dès le départ, pour n’avoir aucun mal à le devancer dans les tous derniers mètres. Bulshanov a répété cette façon de courir « sans finesse aucune » ad nauseam cette saison, parfois avec de bons résultats étant donné sa force, mais souvent avec comme résultat de se faire moucher dans le final, surtout par les Norvégiens qui doivent être morts de rire de voir le bourrin russe répéter à chaque course la même erreur. Une fois Klaebo rattrapé hier, c’était Harvey qui avait le plus d’intérêt à ce que ca ne revienne pas derrière. Pas Klaebo, pas Bolshunov non plus!

Un vrai champion

Je ne me rappelle pas d’avoir admiré autant un sportif qu’Alex Harvey. Pas même un cycliste pro au cours des 30 dernières années.

Pour ses résultats bien sûr: après tout, Alex Harvey est le meilleur fondeur que le Canada a connu. Il y a d’abord eu Alex, le fils de Pierre. Aujourd’hui, il y a Pierre, le père d’Alex…

Pour son intégrité ensuite, dans un contexte qui n’a pas été facile ces deux dernières décennies: Alex Harvey fait partie des rares athlètes dans les sports d’endurance dont je suis sûr à 100% qu’il ne s’est jamais dopé.

Pour son humilité, sa modestie, sa politesse et son jugement également, des qualités qui lui viennent assurément d’un milieu familial et professionnel sain, attentif et structurant. Des valeurs à la bonne place, comme on dit!

Pour preuve, je n’avais jamais encore vu un athlète de son envergure terminer une conférence de presse en remerciant les médias de l’avoir si bien soutenu au fil de sa carrière, lui permettant notamment d’obtenir des sponsors. Pour avoir assisté à plusieurs conférences de presse avec Peter Sagan, je peux vous dire qu’on est loin de ça, ce dernier méprisant les journalistes.

Les témoignages de respect que lui ont porté ses adversaires durant le week-end dernier en disaient également long sur le gentleman qu’il peut être en course, et hors des courses. Klaebo, les autres Norvégiens, Pellegrino, beaucoup ont eu des gestes ou des mots touchants pour le champion québécois.

Enfin, sa fin de carrière ce week-end n’était que plus belle parce qu’il a eu le mérite de rester authentique durant sa carrière lorsque face à l’adversité. Loin de ces messages aseptisés contrôlés par les faiseurs d’image que nous servent la plupart des stars du sport, Alex n’a jamais hésité à parler franc et à nous confier ses hauts et ses bas, par exemple en janvier dernier où il a abandonné le Tour de ski pour rentrer à Québec, une première dans sa carrière à ce stade de la saison.

Parfois en effet, tout le monde a « besoin d’un break ».

Ainsi, Alex a su se tenir loin de l’image du champion construit, distant voire inaccessible, et je suis convaincu que c’est ce qui a conduit à sa popularité énorme au Québec et dans le monde du ski de fond en Europe.

Bref, je suis plus que jamais convaincu que les plus grands champions viennent des sports les plus difficiles, tout simplement parce que ces sports te gardent les deux pieds sur terre. Tu y prends souvent des sacrées claques, et donc tu ne perds jamais de vue l’humilité, la modestie et le respect de tes adversaires.

À l’heure où tout le monde parle de l’héritage d’Alex Harvey, pour moi c’est simple: il a redéfini ce que doit être un vrai champion. Parce qu’au delà de nous inspirer à être meilleur sur des skis et dans le sport, Alex Harvey nous inspire également à être meilleur dans la vie.

Salut, champion!

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  1. mica

    Bravo pour ce superbe hommage à A. Harvey, certainement un athlète sincère et inspirant.
    Il est bon, je pense, de s’ intéresser à des sports différents, tant il y a à apprendre des autres!
    On voit bien que le sport de haut niveau est tjs. traversé par des problèmes de dopage quasiment insurmontables….
    Le cyclisme a depuis très longtemps ce même problème; il en posséde, hélas, 2 ou 3 de plus que l’ on évoque souvent ici et qui seraient faciles à résoudre si les autorités voulaient bien s’ en occuper…. En ski de fond, il n’ existe pas de « motos neige » aspirantes que je sache! C’ est déja ça!
    En parlant de sports « prenants », on pourrait évoquer aussi, par exemple, le trail: partir pour 50, 100, ou 150Km à travers la montagne, sans autre secours que ses jambes a quelque chose d’ extraordinaire…mais je ne suis pas naif, une certaine aide médicamenteuse ne doit pas être très loin…
    Parmi les sports qui peuvent me faire vibrer le Tennis peut tenir une grande place…quel engagement physique et aussi psychologique …Le trio majeur actuel,bien que vieillissant, nous a valu des matchs fabuleux…

  2. toto

    Fourcade ?

  3. Le Bourrin Ardéchois

    J’ai relevé deux passages dans ton texte – hommage, Laurent.
    – « Typiquement russe: antipathique. »
    Hum…
    – « je suis sûr à 100% qu’il ne s’est jamais dopé »
    Hum encore…
    Il doit bien exister des Russes sympathiques et des certitudes qu’il aurait mieux valu ne pas avoir…
    Je partage ton goût pour le ski de fond. Chez moi, l

  4. LBA

    Et question certitude, j’en ai aussi (aïe). Je suis sûr qu’en France beaucoup sont sûrs à 100% que Martin Fourcade ne s’est jamais dopé.

  5. mica

    Oui, LBA tu as raison, on ne peut être sur de rien….même si on a tendance à donner un blanc seing à ceux « de chez nous ».
    L’ histoire du sport doit nous inciter a douter……
    Et pas que l’ histoire du sport, l’ histoire tout court.

  6. slam99

    Magnifique athlète que ce Alex! Quel départ brutal ce fût hier sur les Plaines, dans le 15 km poursuite. Bolchounov a démarrer à toute vapeur et Harvey, une seconde derrière, a vraiment peiné pour lui coller aux baskets dans le premier tour. Il a semblé bien plus à l’aise par la suite mais est resté bien calé dans le sillage du Russe qui jouait, faut-il le dire, la victoire du cumulatif de la Coupe du monde. Il m’a semblé assez évident que Klaebo a usé de stratégie et a préféré se laisser rejoindre par ses deux poursuivants plutôt que de s’épuiser seul devant. Il s’est clairement refait une santé derrière ses deux compagnons durant un tour et demi, jusqu’à cette attaque dans les derniers mètres de la montée ultime du parcours contre un fort vent de face, tout juste devant nos yeux. Avec deux médailles d’argent et le meilleur temps de la poursuite d’hier, Harvey, en plus de se retirer du circuit avec panache, a été instrumental dans la conquête du Globe de cristal par le Norvégien. Une dernier pied de nez à ses «amis» russes avant de sortir de scène…

  7. Claudio

    Côté équipement, les russes devront peut-être changer de fournisseur de bâtons : on a vu Bolshunov en casser un en double poussée dans une montée. On a également vu une compétitrice russe casser son bâton sur le dos d’une adversaire au final (quelle classe!)…

  8. missbecaneenfolie

    Le terme  »revanche’, du titre peut faire sourciller.
    Ainsi, est-il besoin de spécifier le contexte qui est dans la carrière du plus grand skieur de fond canadien,Alex Harvey, l’absence de médaille olympique lors des derniers jeux olympiques, la 4è place aux 50 km laissant un goût amer.
    Mais que de compensations ici et là dont justement un championnat mondial du 50 km conquis de chaude lutte par la suite.
    Malheureusement en ski de fond, un biais important demeure le cirage et les Norvégiens en sont les maîtres incontestés. Aussi un sport national (plutôt que le hockey).
    Au niveau international, les règlements du ski de fond sont assez bizarres avec les tours de ski avec bonification de temps selon le classement obtenu à des épreuves regroupées. De même, l’apparition des sprints pour le spectacle mais dont notamment Klaebo, meilleur sprinteur sans contredit, a bénéficié pour reporter le classement général. S’il devance de 100 points au général le Russe, ce dernier termine largement premier sur la catégorie  »distance » avec 864 points alors que Klaebo est 9è rang avec 327 points.
    https://www.fis-ski.com/DB/cross-country/cup-standings.html?sectorcode=CC&seasoncode=2019&cupcode=WC&disciplinecode=DI&gendercode=M

    Sundby, champion du globe cristal plusieurs saisons a déjà été sanctionné 2 mois en 2016 pour prise irrégulière de ventolin, ayant perdu un globe, des bourses, etc.

    Alex a sans doute hérité des gènes de ses parents (mère étant Mireille Belzile, sportive de niveau en vélo et ski de fond) mais surtout d’un transfert de belles valeurs sportives, de discipline, respect, d’honnêteté, courage, énergie à la bonne place, d’esprit sportif et d’une ambiance réconfortante malgré séparation de ses parents, qui ont su conservé une amitié entre eux, pour poursuivre développement harmonieux de leurs enfants. Chapeau!

  9. Christian

    Merci Laurent pour ce bel article et bonne continuation à Alex Harvey!

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