Après quelques jours perturbés dus à une charge de travail inhabituelle, je reprends le service normal sur La Flamme Rouge.
Plusieurs lecteurs ont réagi à l’article portant sur les puissances développées par les coureurs lors du dernier Giro. Comme d’habitude, plusieurs soulèvent des doutes, des critiques à l’endroit de cet outil d’analyse.
Je fais partie des convaincus de cet outil, puisque je sais la précision très bonne. J’ai toutefois échangé récemment avec Frédéric Portoleau sur le détail de ses calculs et je vous livre aujourd’hui quelques éléments visant, sans détour aucun, à vous convaincre qu’il faut prendre ces mesures au sérieux. Elles pourraient être, selon moi, aussi utiles que le passeport biologique pour cibler les campagnes anti-dopage parmi les coureurs pros.
L’action de Frédéric est premièrement bénévole. Il n’en vit pas et lorsqu’il publie des résultats, c’est qu’il a en main les données nécessaires pour une précision satisfaisante. Lorsque les données lui manquent, il ne publie tout simplement pas de puissances. Donc il use de jugement dans son travail.
La précision de ses calculs est validée par une comparaison convaincante, celle qu’il effectue régulièrement avec des coureurs pros usant de capteurs SRM. La dernière comparaison en date a été faite avec Jérémy Roy et les différences entre ses calculs et la mesure SRM était d’au plus 1% la plupart du temps. Ces mêmes comparaisons avaient été faites en 2010 avec Chris Horner, pour des résultats similaires, ainsi que sur la montée de l’Alpe d’Huez régulièrement, pour là encore des résultats similaires: 1% de marge d’erreur.
Détails des calculs en réponse à quelques questions
Lorsque la masse du coureur et de son vélo est connue avec une bonne précision (par exemple 500gr d’erreur absolue sur la masse totale), que le vent est faible et que les coureurs se déplacent à faible vitesse sur un fort pourcentage, il faut considérer les valeurs données avec une incertitude de ± 2%, pour être conservateur.
Ceci est également valable pour la puissance étalon 78 kg avec vélo puisque l’on fixe la valeur de la masse totale coureur plus équipement.
De plus, lorqu’on propose une moyenne de plusieurs valeurs, l’incertitude relative à tendance à diminuer même si il n’y a que 4 ou 5 mesures. En première approche, on peut utiliser l’ecart-type. La puissance moyenne sur les derniers cols d’un grand tour devient un paramètre pertinent. Elle est tout de même influencée par les conditions de course (météo, rythme général) ainsi que par la durée moyenne des ascensions. Une différence de 10 watts environ pour des puissances de professionnel (typiquement 400 watts) sur la moyenne d’un grands tours est significative.
Une autre possibilité est d’estimer les incertitudes de chaque paramètres de calcul puis d’étudier la propagation de celles-ci sur le résultats final. Nous obtenons des résultats assez proche de la méthode précédente.
En ce qui concerne le vent, voià rapidemment la méthode:
Quand c’est possible, on évite les routes qui passent près des cols ou des crêtes sans végétation (exemple: les derniers kilomètres du Mont Ventoux). On réalise des estimations du puissance uniquement quand l’échelle de beaufort terrestre pour la force du vent ne dépasse pas 3. Les prévisions météo donnent généralement la vitesse et la direction du vent synoptique (flux atmosphérique de grande échelle) à 10m de hauteur. Ensuite le profil logarithmique du vent ainsi que la rugosité du terrain (village, zone ouverte, forêt) permettent d’évaluer une vitesse de vent moyenne à 2m de hauteur.
Enfin, je tiens compte de la géométrie de la route, c’est à dire du ratio « distance à vol d’oiseau »/ »distance réelle ». L’idéal est une route forestière en fort poucentage comportant beaucoup de lacets.
Batrick P
Je voudrais prendre du temps à y consacrer, je demanderais le détail des formules et calculs à F. Portoleau, et poserais quelques questions comme: « comment connais-tu le poids (précis) des coureurs (le jour de la course »? J’ai tendance à être sceptique sur la fiabilité in fine de ces calculs, mais ferais ces demandes scientifiquement, c’est-à-dire sans a priori.
Mais.
Je me contente (pour moi) de ne pas vraiment me poser la question du dopage, sujet sur lequel je ne suis ni dupe ni plein de certitudes. En fait, je suis en pleins paradoxes (apparents, au moins) dans ma relation à cette activité, somme toute futile, et là est l’essentiel: je me fous un peu du sujet du dopage dans le sport, je suis fermement pour la lutte anti-dopage, je crois que la justice ne doit pas se partager sous peine d’être amoindrie partout, je suis le cyclisme professionnel à la télé (surtout en montagne et aussi pour les montagnes).
Julien
Septique aussi pour ma part quant à la précision de la méthode… Comment peut-on arriver avec 1% de marge d’erreur quand même les SRM et les capteurs de puissance intégrés aux pédales fournissent des résultats avec 2% de marge d’erreur.
Septique aussi lorsqu’on tente de comparer les valeurs étalons entre les époques. Il me semble alors qu’on néglige l’impact énorme des progrès technologiques qui ont été réalisés ces 20 dernières années sur la rigidité, donc le rendu de puissance, des vélos, des pédales, des souliers, etc.
D’ailleurs, encore aujourd’hui, est-ce qu’on sait quel pourcentage de la puissance transmise aux pédales se transfert effectivement aux roues? Et y a-t-il des différences notables de rendement selon les types de roues (plus molle ou plus rigide, profilée ou non etc.) ou l’équipement? En gros, est-ce qu’un même wattage développé se traduit vraiment par une même vitesse d’avancement si l’équipement change? Sans compter la position du coureur dans le peloton ou son positionnement plus au moins aéro sur le vélo.
binz
@Julien : Etant donné que les performances ont diminuées depuis quelques années, il faudrait que toutes les équipes se soient décidées à utiliser des roues qui vont moins vite, des pédales molles et des cadres de supermarché… 😉
pour le poids des coureurs, on peut douter de la précision des calculs sur les performances d’il y a 30 ans. Mais on parlera alors d’écart de puissance tel que les 2-3 kilos d’erreur ne combleront pas les 100watts de différence.
Batrick P
100 Watts ?
pitechoune
On a des données pour des ascensions mais est-il possible d’avoir les mêmes pour des CLM ?
Marmotte
Je ne crois pas à cette marge d’erreur de 1%. Ça semble très, très approximatif.
Julien
@binz
J’ose optimistement croire que, si les performances des meilleurs ont baissées ces dernières années, c’est qu’il y a moins de dopage, notamment depuis l’an dernier. Par contre, je ne suis pas prêt à croire aveuglément qu’il y avait plus de dopage dans les années 2000 que dans les années 80 ou 90. Les watts estimés du passé le sont à partir de calculs de puissance étalon d’aujourd’hui. Et je demeure convaincu qu’il faut générer moins de watts aujourd’hui pour aller à une même vitesse (à dopage égal :)). Ce qui nous amène forcément à sous estimer les wattages passés… Et nous faire douter des watts d’aujourd’hui ou surestimer l’effet dopage.
Ceci dit, l’exercise de Portoleau reste très intéressant. Les conclusions pourraient juste être un peu plus nuancées. Par exemple, si on parlait plutôt de 10%, voir 5%, de marge d’erreur, ce serait déjà mieux.
D’ailleurs, Ça pourrait être bien de faire le test avec un vieux vélo, les souliers de l’époque, les pédales à cales pieds et même les vêtements pas très aéro. Je ne suis pas sûr qu’on n’irait pas chercher près de 100 watts, surtout après 200 km dans le cul (sans passer toute la course à ne pas donner un coup de pédale de trop) et après quelques jours de courses et etc. 🙂
Fabrice
Concernant les puissance a transmettre c’est relativement facile dans les calculs car une méthode existe.
Celà se nome la resitance des matériaux et les calculs d’usures et de frotements.(calculs utilisés en bâtiment, aéronotique ect…)
Il est donc très facile de trouver le pertes de puissance transmise , aux différents corps du vélo.
Ajouté à celà les tests d’éfforts, les tests de terrains,la coréllation des 3 donne des résultats trés proches de la réalité, puisque l’étalonage reste le même sur une coureur X lambda ayant toujours le même coef de départ.
La variation alors permet de voir l’évolution de la puissance.
De plus, je pense que les calculs ont commencé il y a une 20 d’années et donc les évolutions sont certes significatives au niveau matériel et ont été prises en comptes mais je ne pense pas qu’elles ont pu permettre de prendre 100 watts de puissance sur lavaleur étalon.
Une exemple, en F1 une évolution technique aérodynamique permet de gagner quelques centiemes de secondes sur un tour de circuit à 300kms/h , alors une cycliste roulant même à même 30kms/h ,,, c’est de l’ordre de l’infini. On parlera alors de puissance qui la fait vraiment la différence.
Marmotte
@ Fabrice
Très mauvais exemple la F1. Ce qui limite le gain aérodynamique sont les courbes !!!!! Si c’était un concours de vitesse sur ligne droite, le gain serait ÉNORME. Par ailleurs, si les F1 roulent encore à la même vitesse qu’il y a 15 ans, c’est que la puissance des moteurs a été limitée tandis que les innovations aérodynamiques sont encadrées. Sans oublier les courbes… on ne peut pas rouler 400 km/h dans une ligne droite d’un km s’il y a une chicane au bout…
Marmotte
Pour ce qui est de l’efficacité énergétique d’un vélo, c’est très élevé, de l’ordre de 95% de puissance transmise du soulier jusqu’au pneu. Ce n’est pas là que les principaux gains de puissance ont eu lieu depuis 20 ans.
Les histoires de semelle plus rigide et de pédale plus large, c’est surtout une question de mieux répartir la charge/force sur tout le pied et sur différents groupes musculaires, pour diminuer la fatigue et ainsi indirectement améliorer la performance.
thomas
100 watts, c’est la différence entre un pro à fond à 420 watts et toi sur ton wattbike à 520 watt!!!
Batrickp
Et sans dopage. Mais comme Alfredo Binda à l’époque sur le Giro, les organisateurs du Tour me payent pour que je ne vienne pas écraser la course.
toutouille26
corrompu alors!