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Sur les micro-doses

Si comme moi vous cherchez à comprendre ce qui se passe actuellement dans le monde du cyclisme professionnel, je vous recommande la lecture de deux articles intéressants parus récemment.

Le premier fait suite à la démission de Michael Ashenden de son poste d’expert indépendant siégeant sur la commission de l’UCI de revue des données du passeport biologique.

Ashenden estime ses droits trop limités quant à ses possibilités d’exprimer ses craintes face à ce qu’il constate actuellement dans ces données du passeport biologique de plusieurs athlètes.

L’article dont je vous parle est disponible ici et présente les méthodes très probablement utilisées aujourd’hui dans le peloton pour se doper: les micro-doses.

Celles-ci passeraient totalement sous le radar et permettraient des gains de puissance de 20 à 30 watts, soit largement suffisant pour faire la différence dans un peloton déjà bien entrainé.

L’article fait également état du besoin d’adapter le passeport biologique à cette nouvelle réalité, ce dernier étant devenu quelque peu inutile face à la nouvelle technique de micro-dosage.

Au même moment, un autre article fait état des récents progrès dans les méthodes de détection de l’EPO qui permettraient de prolonger la fenêtre de détection, comme d’avoir des mesures plus sensibles aux faibles quantités. Dans cet article, on affirme que des centaines d’échantillons des JO de Beijing en 2008 pourraient être re-testés pour vérifier la probité des athlètes.

Voilà deux articles qui montrent bien que les techniques de dopage et de détection du dopage sont en constante évolution et qu’il convient d’être toujours sur le pied de guerre. En ce sens, je trouve la position du récent retraité David Millar bien arrogante lorsqu’il déclare que l’UCI n’a aucune idée de ce qui se passe dans le peloton et que c’est la technologie qui permet aujourd’hui aux coureurs de rouler si vite.

Un papier lamentable

« If you can’t take drugs out of cycling – which the UCI has just admitted – that leaves you with two choices. Stop checking for drugs, or keep checking for lies. »

C’est la conclusion d’un papier lamentable publié cette semaine dans le journal anglophone The Globe and Mail par un certain Cathal Kelly.

Un torchon. Je suis sidéré de lire pareille ordure.

En gros, l’auteur argumente que le cyclisme a tout faux en essayant de lutter contre le dopage, que cette lutte, impossible à gagner, ne fait que miner le sport tout simplement.

D’où la conclusion.

Remarquez que l’auteur ne manque pas d’humour: « If you visited Paris that July, there was an off chance you’d end up winning the Tour de France, just because you were the only person in the city without the testosterone levels of a silverback gorilla. »

On rit jaune cependant. (sans jeu de mots, vous me suivez?)

Arrêter le lutter contre le dopage? Vraiment? Comment soutenir pareille argumentation?

Continuer de chercher des mensonges? Le cyclisme ne cherche pas de mensonges, il cherche simplement à avoir un sport sain. Dans cette recherche oui, forcément, des tricheurs tombent – encore un cas malheureux cette semaine chez AG2R – La Mondiale, mais attendons les résultats de l’échantillon B avant d’aller plus loin – mais c’est un mal nécessaire.

Je vais vous dire une fois pour toute: je préfère 1000 fois mieux un sport qui cherche à s’assurer que le meilleur gagne, plutôt que le plus chargé. Je préfère 1000 fois mieux un sport qui ose chercher la vérité plutôt que de se mettre la tête dans le sable et de prétendre que tout va bien.

Et je préfère 1000 fois mieux le cyclisme à la plupart des autres sports – sports américains en premier lieu comme le hockey, le football, le baseball, le basket mais aussi d’autres sports comme le golf ou le tennis qui sont aussi rongés – on pourrait soutenir « plus » rongés – que le cyclisme par le dopage.

Plus on luttera contre le dopage dans le cyclisme, plus l’édifice des autres sports se lézardera et plus les désillusions des amateurs de ces sports seront grandes. Ca a déjà commencé.

Visiblement, cet auteur ne s’est pas questionné quant au (triste) spectacle auquel il assiste en voyant une partie de football de la NFL…

Voir clair dans le cyclisme de 2015

Le rapport de la Commission Indépendante pour la Réforme du Cyclisme (CIRC) est clair: le dopage est encore en vogue dans le peloton.

Jusqu’ici, rien de bien nouveau, on le savait.

Selon certains témoins cités dans le rapport, 20% du peloton serait dopé; pour d’autres, 90%. La marge est énorme.

Comment voir clair?

Pour moi, c’est clair, pour voir clair (!), il faut se référer à des gens n’ayant plus d’intérêts directs dans le cyclisme pro, mais qui connaissent très bien ce milieu pour en avoir fait partie à une époque de leur vie.

Qui n’ont donc rien à cacher, rien à protéger, rien à perdre, et qui aiment encore profondément le cyclisme.

Ces gens sont peu nombreux.

Greg LeMond est assurément un de ceux là.

Antoine Vayer aussi. Ancien entraineur de l’équipe Festina (avant le scandale), il a également entrainé des pointures comme Christophe Bassons, Peter Pouly ou encore Jean-Christophe Péraud, lui permettant d’avoir une excellente idée des capacités de la machine humaine saine.

Plus récemment, il a travaillé, en collaboration avec Frédéric Portoleau, au développement des calculs indirects de puissance qui permettent d’identifier les coureurs offrant des niveaux de performance « mutants », à priori hors de portée de la race humaine. Faute d’avoir accès aux données SRM des coureurs, je défends depuis longtemps sur La Flamme Rouge l’idée que les calculs indirects de puissance devraient être utilisés dans la lutte contre le dopage afin d’identifier les coureurs suspects, et ainsi mieux cibler les contrôles.

J’avais publié, avec mon ami Raphaël de Vélochronique, une longue interview en 2005 avec Antoine. Depuis, nous sommes restés en contact, tout particulièrement lors de la création du mouvement Change Cycling Now dont il a fait partie et qui a contribué à défaire Pat McQuaid lors de la dernière élection pour la présidence de l’UCI.

Récemment, le site ChronosWatts a réalisé une très longue interview avec Antoine, publiée en quatre partie.

Cette entrevue est un bijou.

Je vous invite à prendre le temps de tout lire, si vous voulez vraiment enrichir votre bagage de connaissances sur le cyclisme et sur le fléau du dopage.

Dans la première partie, l’entrevue porte sur le parcours sportif d’Antoine.

Dans la deuxième partie, très intéressante, l’entrevue porte sur l’expérience Festina d’Antoine, et sur ses premières désillusions face au dopage. Il nous livre également « l’Affaire Festina » vu par quelqu’un qui a vécu l’histoire de très près.

Dans la troisième partie, il est question des calculs de puissance, qu’Antoine défend bien entendu. Je suis assez d’accord avec lui, les gains que procurent le matériel, la diététique, la condition des routes, sont bien marginaux…

Enfin, dans la quatrième partie, il est question des performances dans le cyclisme d’aujourd’hui, des doutes que nous devons continuer d’entretenir, des performances hallucinantes de Vicenzo Nibali lors du dernier Tour de France et de l’avenir du cyclisme.

Enfin, je vous parlais récemment du spectacle que nous ont offert Contador et Froome sur le récent Tour d’Andalousie, remporté finalement par Froome deux petites secondes devant Contador.

Les calculs de puissance sont désormais disponibles lors des deux arrivées en altitude.

Conclusion? Froome et Contador évoluent déjà à un niveau proche de leur niveau maximum, en février! Apparemment, dans le nouveau cyclisme post-2011, les grands champions réussissent, peut-être pour la première fois de l’histoire du cyclisme moderne, à rester en très grande condition pendant des mois.

Mieux, plus besoin de courir pour peaufiner sa condition: on s’entraine dans son petit coin et bang! première course on joue la gagne.

Surprenant. Comme le niveau de maigreur, d’affutage de certains si tôt en saison.

Enfin bref, j’invite enfin ceux qui voudront une fois de plus débattre de la précision de ces calculs indirects de puissance à lire ce récent article de Frédéric Portoleau portant sur ce sujet.

Merci à l’auteur du site ChronosWatts pour tous ces articles très intéressants et hautement pertinents compte tenu de l’actualité récente dans le monde du cyclisme professionnel sur route.

Le Tour de l’actualité

L’actualité cycliste tourne évidemment beaucoup autour du rapport de la CICR, rendu public hier. On en oublie presque les résultats sportifs.

1 – Strade Bianche. Comme moi, vous étiez probablement plusieurs à penser, en voyant Valverde, Stybar et Van Avermaet dans les derniers kilomètres de la course, que l’Espagnol allait l’emporter facilement au profit de la dernière ascension située après la flamme rouge.

Et bien, il n’en fut rien, l’Espagnol étant le premier coureur décroché sur une accélération de Van Avermaet. Victime de crampes, Valverde payait ses efforts et avait probablement présumé de trop ses forces.

J’ai alors pensé, comme vous, que Van Avermaet en tenait enfin une belle: il n’en fut rien encore une fois. Y’a pas à dire, mais le Belge me fait de plus en plus penser à George Hincapie: éternel abonné aux places d’honneur, rarement vainqueur!

C’est donc le Tchèque Stybar qui a gagné à la pédale, à la régulière. Un nouveau succès pour l’équipe Etixx-Quick Step qui gagne beaucoup ces temps-ci (mais qui en perd aussi des belles, rappelez-vous sur le Het Nieuswblad).

Parmi les autres enseignements de l’épreuve, la condition à la hausse de Fabian Cancellara, encore un peu juste mais qui était visiblement alimenté par l’envie de progresser lorsqu’il a mené une chasse vigoureuse dans le final de la course.

Sep Vanmarcke a également rassuré sur sa condition, terminant 4e après avoir chassé solo dans le final derrière les trois fuyards. Celui-là sera un sacré client sur les Flandriennes, c’est certain.

La déception vient évidemment de Peter Sagan, présent à l’approche du final puis plus rien, et terminant à plus de 5 minutes. Si vous avez des explications…

2 – Etixx-Quick Step. Coup dur pour l’équipe belge aujourd’hui sur Paris-Nice puisque Tom Boonen a abandonné sur chute, touché à une épaule. Le champion belge manquera probablement les Flandriennes dans un mois. Dommage, mais l’équipe a des leaders de rechange avec Stybar, Kwiatkowski, Terpstra voire Vandenbergh…

3 – Prologue de Paris-Nice. Victoire d’un autre Etixx-Quick Step, Michal Kwiatkowski, au forceps celle-là: à peine 0,4 seconde devant Rohan Dennis, actuel détenteur du record de l’heure rappelons-le. Tony Martin a terminé 3e, mais la vraie surprise est venu de Bradley Wiggins, qui est passé complètement au travers de son prologue: seulement 12e à 15 secondes. Compte-tenu de son palmarès dans les chronos, on s’attendait à beaucoup mieux du champion britannique qui se sert de Paris-Nice pour peaufiner sa condition à l’approche de Paris-Roubaix, son grand objectif en début de saison.

Un prologue étant souvent – mais pas toujours – révélateur des coureurs en bonne condition, à noter les belles prestations des Tom Dumoulin, Geraint Thomas, Tony Galopin, Tejay Van Garderen (attention à lui pour la gagne au général), Richie Porte et un certain… Philippe Gilbert, manifestement en bien meilleure condition que l’an dernier.

4 – 1ere étape de Paris-Nice. Victoire au sprint d’Alexandr Kristoff, là encore à la pédale: il était sans conteste le plus puissant dans les 200 derniers mètres. Nader Bouhanni, qui a fait des sprints de ce Paris-Nice son premier grand objectif de sa saison, termine 2e, de quoi nourrir des regrets à peine voilés puisqu’il a déclaré à l’arrivée: «Je suis déçu, mais voilà, le plus fort (Alexander Kristoff) a gagné… J’ai viré en 20e position et j’ai dû faire deux sprints pour revenir au contact. J’avais déjà donné beaucoup avant le sprint. Mais dans les prochains jours, si je ne fais aucun effort superflu, il y a la possibilité de gagner

Espérons que sa garde rapprochée, incluant le Québécois Dominique Rollin, aura compris le message car j’ai bien l’impression qu’il s’impatiente, le Nacer! (avec raison). Il lui reste deux belles étapes pour espérer s’imposer au sprint.

5 – Cookson. À lire absolument, cette interview publiée au journal Le Monde avec Brian Cookson suite à la parution du rapport de la CICR. Très intéressant!

Cookson a notamment appelé Hein Verbruggen à démissionner de son poste de président honoraire de l’UCI, estimant que le rapport soulevait trop d’éléments quant à son intégrité. À l’image de l’USADA, Cookson n’a pas non plus exclut des poursuites judiciaires à l’endroit de Verbruggen et McQuaid, fort des révélations contenues dans le rapport de la CICR.

J’ai par ailleurs bien aimé sa franchise: « L’UCI a ouvert, et a toujours, une ligne téléphonique d’assistance contre le dopage, qui n’est pas utilisée. » Rappelons qu’il y a une paire d’années, McQuaid avait fait l’annonce en grande pompe de la mise en place de cette ligne téléphonique, y voyant un moyen de lutter efficacement contre le dopage (j’en avais parlé sur La Flamme Rouge, voir ici). Ben voyons!!! McQuaid se foutait carrément de notre gueule, c’est clair…

J’aime bien Cookson quant il déclare encore: « Je ne sais pas si endémique est le mot juste (ndlr: à propos du dopage dans le cyclisme, à tous les niveaux) mais c’est tout aussi inquiétant. Et je pense qu’il est vrai que des cyclistes amateurs, des « hommes d’affaires d’une cinquantaine d’années » comme le dit le rapport, se dopent pour disputer des cyclosportives. J’ai un message à leur faire passer : mais vous croyez tromper qui ? Achetez-vous une vie ! Vous vous dopez pour battre vos copains dans une course amateur, les gars. »

Il y a là certes matière à réflexion pour certains d’entre nous, même au Québec au sein des pelotons amateurs et cyclosportifs!

6 – 18e dimension. Ou la dimension dans laquelle vit Hein Verbruggen. Je vous laisse seuls juges de ses propos. Lamentable! Ce type se prend pour le roi du monde, méprise tous ses semblables et demeure une immense insulte à l’intelligence humaine. Fort heureusement, il ne dupe plus personne.

7 – Straight to the point. Ou les propos du Canadien Dick Pound, un homme sans détour qui dit les choses telles qu’elles le sont, sans langue de bois. Avec des mecs comme lui ou Tygaart de l’USADA, je peux vous dire que les choses changeraient, et vite! Lueur d’espoir: comme nous, il estime qu’avec Brian Cookson à l’UCI, les choses évoluent dans la bonne direction en ce moment.

8 – Astana. On devrait être fixés d’ici la mi-mars sur l’avenir de cette formation au sein du WorldTour. La lutte est désormais du côté légal de l’affaire, entre avocats. Mettons que la pression est cependant forte actuellement avec la sortie du rapport de la CICR pour des mesures fermes à l’endroit des tricheurs.

9 – Apple Watch. Le géant californien Apple a donc sorti sa Apple Watch lundi. La société Strava n’a pas tardé pour annoncer une application spécialement conçue pour la nouvelle montre. Avant de vous « garocher » cependant, je vous invite à la réflexion! Des produits comme le Polar V800 ou, encore mieux, le Garmin Forerunner 920xt sont de meilleurs achats selon moi du point de vue cycliste.

CICR de l’UCI: les conclusions/recommandations

Je mets en sourdine pour 24h les résultats sportifs du week-end – Strade Bianche et prologue de Paris-Nice – pour commenter la parution du rapport final de la Commission Indépendante pour la Réforme du Cyclisme (CICR) mandaté par l’UCI il y a environ un an.

Car c’est très important.

Soulignons d’entrée de jeu que rares sont les sports ayant osé ce genre d’exercice d’introspection, les dommages potentiels ou collatéraux étant bien évidemment importants. C’est tout à l’honneur du cyclisme et de Brian Cookson qui avait fait du CICR une promesse lors de son élection à la présidence de l’UCI.

Les conclusions

Elles sont parfois accablantes. Allons-y dans un certain ordre:

1 – Le dopage persiste « de façon évidente » dans le milieu cycliste professionnel. Il persiste pour diverses raisons: présence dans le sport de personnes au lourd passé en la matière dont certains médecins (Ferrari et Fuentes continueraient d’être actifs dans le peloton), instabilité financière et exigence d’attirer et de retenir les sponsors (donc besoin de résultats) et structure des équipes qui parfois favorise l’éloignement des coureurs qui peuvent donc « merdouiller » dans leur coin, voire développer leur équipe de soutien en parallèle à l’encadrement officiel de leur équipe. Le dopage serait aujourd’hui passé à l’ère du micro-dosage permettant une régularité dans les paramètres sanguins, régularité évidemment souhaitée à l’égard du passeport sanguin. Les gains en performance ne seraient plus aussi spectaculaires qu’à la belle époque de l’EPO (+10 à 15%), mais sensibles et suffisants (+2 à 5%).

2 – Le dopage d’aujourd’hui vise aussi la perte de poids, permettant une amélioration du rapport poids-puissance non-négligeable. Dans ce domaine, les corticoïdes seraient particulièrement en usage (on se rappellera les soupçons d’usage de ces produits au sein de l’équipe Europcar en 2011…).

3 – Parmi les nouvelles substances « à la mode », on retrouverait l’AICAR, le HGH, le GW1516, l’ozonothérapie (Greg Van Avermaet en a récemment été soupçonné…), les formes artificielles de testostérone, voire des mélanges tranquillisants-antidépresseurs dont une des conséquences serait des chutes plus fréquentes au sein du peloton.

4 – 90% des autorisations pour usage thérapeutique (AUT) seraient liées à une pratique dopante. 90%!

5 – Dopage technique, une possible réalité: «La commission croit qu’en réponse aux améliorations dans l’antidopage, la tricherie technique a augmenté, (…) y compris en utilisant des moteurs dans les cadres.» Les auteurs ont certainement d’excellentes informations et certitudes pour écrire cela.

6 – L’UCI a jadis informé les équipes des nouvelles méthodes de détection des produits dopants, comme les a informé des fenêtres de détection. Aie. Peu importe ce qu’en disent Messieurs Verbruggen et McQuaid, celle-là fait mal…

7 – Le CICR soulève des « soucis d’ordre général » à l’égard de la conduite de la lutte contre le dopage dans le cyclisme.

8 – Corruption à l’UCI: si cette partie du rapport est restée confidentielle, les auteurs ont néanmoins jugé bon de recommander à l’UCI de procéder à une commission d’enquête à ce sujet, ou de mandater un comité indépendant pour se pencher sur la question. C’est donc que la CICR a de sérieux doutes à cet égard là encore.

9 – Lance Armstrong a bel et bien bénéficié d’un traitement de faveur de la part de l’UCI alors qu’il était un coureur actif.

10 – Le rapport conclut que Pat McQuaid a constitué un président « faible » de l’UCI, ne parvenant jamais à se distancer d’Hein Verbruggen. Pat McQuaid s’est également mis en situation de conflit d’intérêt par ses relations avec Lance Armstrong.

Les recommandations clés maintenant:

1 – La lutte contre le dopage devrait être plus qualitative que quantitative. À quand la reconnaissance des calculs de puissance pour identifier les coureurs suspects qui devraient faire l’objet d’un suivi plus serré?

2 – Les tests anti-dopage menés devraient être plus imprévisibles, et certains devraient être réalisés la nuit pour pallier au micro-dopage dont la fenêtre de détection est très limitée.

3 – Les autorités anti-dopage doivent établir des liens plus étroits avec les grandes compagnies pharmaceutiques. Cela pourrait en effet permettre de placer des traceurs dans les produits mis en marché, ceci afin de facilement pouvoir les retracer dans les organismes où ils ne devraient pas s’y trouver.

4 – L’UCI devrait revoir, clarifier et être plus transparente sur ses règles d’élection de son président.

5 – L’UCI devrait revoir sa commission d’éthique.

6 – L’UCI devrait systématiquement faire une enquête sur les coureurs soupçonnés de dopage dans le passé, ceci dans le but de pouvoir les écarter du peloton ou de son entourage.

7 – L’UCI devrait être plus vigilante dans l’octroi des AUT.

8 – L’UCI devrait s’attaquer au problème du manque de stabilité dans le financement des équipes cyclistes professionnelles.

En conclusion

Je n’ai pas encore eu le temps de tout lire le rapport final et je pourrais donc vous reparler de cette CICR dans les prochains jours.

Ceci étant dit, la montagne a-t-elle accouchée d’une souris?

Je crois que non.

Ce rapport sera utile ne serait-ce que pour justifier les prochaines actions à entreprendre. Il constitue donc une base solide sur laquelle construire l’avenir. Notamment pour Cookson, qui a désormais du pain sur la planche et une feuille de route plus précise.

Si on pourra déplorer l’absence de noms, de révélations-choc (il aurait pu y en avoir), le sérieux des conclusions a de quoi identifier une période sombre de notre sport, ceci afin de travailler afin qu’une telle période ne soit jamais revécue (tout en étant réaliste sur la période actuelle, loin d’être rose…). Plus encore, l’aspect public du rapport permet aujourd’hui à tous de mieux comprendre les rouages d’un sport professionnel, et ainsi prendre un peu plus de recul sur la situation probable dans les autres sports.

De quoi changer définitivement notre vision du sport professionnel…

Astana dans les cordes

On apprenait hier que l’UCI a recommandé à la commission des licences que l’équipe Astana se voit retirer sa licence WorldTour.

Cette recommandation fait suite aux résultats de l’audit exigé par l’UCI lors de l’octroi, à l’automne dernier, de la dite-licence. Cet audit a été mené de façon indépendante par l’Institut des Sports de l’Université de Lausanne.

Le rapport final conclurait qu’un important décalage existe entre les politiques et structures annoncées par l’équipe Astana sur le papier, et la réalité. Ben voyons! (et l’UCI ferait peut-être bien d’étendre l’exercice à toutes les équipes, nous aurions assurément d’autres conclusions du genre).

Le rapport final présenterait également de nombreux éléments troublants touchant des coureurs et du personnel d’encadrement dans le contexte de l’enquête de Padoue, une vaste enquête sur le dopage dans le sport menée en Italie.

Enfin, l’UCI déplore que le manager général de l’équipe Astana, Alexandre Vinokourov, ait catégoriquement refusé d’aller s’expliquer devant la commission indépendante de réforme du cyclisme (CIRC).

Pour moi, il s’agit évidemment d’une bonne nouvelle: j’estime que non, l’équipe Astana ne devrait pas avoir de licence WorldTour, ne serait-ce que parce qu’elle est dirigée par un multirécidiviste en matière de dopage. Comment, dans ce contexte, faire confiance à cet homme qui a triché toute sa carrière? Le cyclisme n’a tout simplement plus les moyens de tolérer de tels individus en son sein, pour des raisons évidentes de crédibilité. Les 5 affaires de dopage à la fin de l’an dernier ainsi que d’autres performances troublantes ces dernières années, je pense notamment aux victoires-surprise en 2012 d’Enrico Gasparotto sur l’Amstel suivi, quelques jours plus tard, de celle de Maxim Iglinski sur Liège-Bastogne-Liège, laissent trop de doutes.

Vicenzo Nibali? Malheureusement, je pense que ce coureur n’évolue pas dans la bonne équipe. Rien ne nous permet par ailleurs d’entretenir des soupçons à son endroit pour le moment, sa progression de carrière ayant été bien logique et ses puissances développées estimées demeurant du domaine du possible, même si c’est parfois limite.

La touche Vinokourov…

Y’a pas à dire, on pourra se surprendre du résultat sur le difficile et récent Tour de Murcie, disputé samedi dernier.

La description du parcours est ici, en images. Pas de quoi mégoter: à ce temps-ci de l’année, on peut dire que le parcours était casse-pattes.

Résultats de l’épreuve:

1 Rein Taaramäe (Est) Astana
2 Bauke Mollema (Ned) Trek Factory Racing
3 Zdenek Stybar (Cze) Etixx-QuickStep
4 Fabio Felline (Ita) Trek Factory Racing
5 Luis Leon Sanchez (Spa) Astana
6 Maciej Paterski (Pol) CCC Sprandi Polkowice
7 Tiago Machado (Por) Team Katusha
8 Arthur Vichot (Fra) FDJ
9 Floris de Tier (Bel) Topsport Vlaanderen – Baloise
10 Marco Canola (Ita) UnitedHealthcare

Rein Taaramäe! Depuis trois ans (2012-2013-2014) chez Cofidis, on le croyait perdu: en gros, zéro résultat probant (une seule petite victoire depuis 3 ans, le modeste Tour du Doubs l’an dernier), pour un coureur qu’on annonçait pourtant, il y a quelques années, comme un champion en devenir.

Quelques mois chez Astana et hop! revoici Taaramäe au top…

Formidable!

Idem pour Luis Leon Sanchez: l’an dernier chez Caja Rural pour manque de résultats probants et soupçons persistant de dopage, il signe cette année chez Astana et hop! le revoici devant, parmi les tous meilleurs.

Taaramäe ou Sanchez vainqueur du prochain Paris-Nice?

Je sais pas vous, mais de mon côté c’est clair, j’estime qu’il y a lieu de se poser quelques questions sur « la touche Vino » et l’équipe Astana, une équipe pas spécialement au dessus de tout soupçon depuis quelques mois, et notamment ces 5 (!) contrôles positifs consécutifs fin 2015.

Attention, je n’ai aucune preuve pour affirmer que ces résultats sont le fruit d’actions peu recommandables. Donc je n’affirme pas: mais j’affirme que c’est louche, et qu’on peut raisonnablement se poser des questions, en observateurs éclairés du cyclisme.

Et encore une fois, j’ai l’impression qu’on nous prend pour des imbéciles…

Je souligne enfin la belle 8e place d’Arthur Vichot, de quoi lui donner confiance pour les prochaines Classiques de mars et avril.

Le Tour de l’actualité

Plusieurs nouvelles à couvrir aujourd’hui, certaines résolument déprimantes, d’autres bien meilleures…

1 – Dopage. Si c’est encore un peu le foutoir du côté de la fermeté de l’UCI dans la lutte contre le dopage, force est d’admettre que d’autres ne mégotent pas et, en ce sens, oeuvrent pour redonner une certaine crédibilité au sport cycliste. Ainsi, l’USADA, responsable rappelons-le d’avoir fait éclater la vérité au grand jour quant à  Lance Armstrong, vient de bannir à vie le médecin Geert Leinders, reconnu coupable de multiples violations aux règlements anti-dopage, et notamment d’avoir recommandé, possédé et administré des substances dopantes à des coureurs.

Qui est Geert Leinders? L’ancien médecin de l’équipe néerlandaise Rabobank. C’est notamment grâce au témoignage de Michael Rasmussen – rappelez-vous de lui – qu’on a ainsi pu coincer Leinders.

2 – Sky et dopage. Le pire dans l’histoire, c’est qu’après l’époque Rabobank, Leinders est devenu médecin de l’équipe… Sky en 2012, année du succès de Bradley Wiggins sur le Tour de France.

On nous prend encore une fois vraiment pour des cons lorsqu’on lit le communiqué de presse de l’équipe Sky en réaction à la nouvelle de la suspension de Leinders. En gros, on y lit que l’équipe Sky se réjouit d’une telle suspension pour cet individu et qu’elle continuera à gagner des courses proprement.

Rappelons que durant le Tour de France 2012, Sky a défendu bec et ongle Leinders et la probité de l’équipe face aux soupçons générés par la domination de l’équipe.

Sky affirme qu’elle ignorait le passé de Leinders avant de l’engager. Ben voyons! Dans un si petit monde fermé qu’est celui du cyclisme professionnel européen!

C’est clair pour moi, cette histoire jette une nouvelle fois un doute raisonnable sur les résultats de l’équipe Sky en 2012. Comme Lance Armstrong à une certaine époque, on nous a servi de belles histoires comme celle de « marginal gains » pour nous convaincre du comment Sky parvenait ainsi à dominer son sport. Aujourd’hui, cette domination – comme celle d’Armstrong à une autre époque pas si lointaine d’ailleurs – reposait peut-être – et toujours – sur les mêmes bases, et c’est désespérant.

3 – UCI. Mais il y a pire, croyez le ou non. Le même rapport USADA (décidément, ils en font du dégât ces gens-là, preuve qu’ils travaillent sérieusement, avec célérité et dans l’intérêt des athlètes propres) fait état d’agissements louches de… Mario Zorzoli, qui occupe un poste de médecin en chef à l’UCI depuis plusieurs années, ainsi que de conseiller en matière d’antidopage. Leinders aurait agi auprès de l’équipe Rabobank suite à des discussions avec Zorzoli qui lui aurait recommandé certains produits dopants, tout en l’assurant que ses coureurs seraient tranquilles du coté des risques de se faire prendre.

Aie aie aie.

Devant la gravité des allégations contenues dans le rapport USADA, l’UCI a suspendu Zorzoli, le temps de faire la lumière sur ces allégations.

Évidemment, il est déjà à prévoir que Zorzoli niera tout en bloc.

Je trouve le tout hallucinant, mais aussi peu surprenant. Nous savons depuis fort longtemps que le milieu du cyclisme professionnel européen est un tout petit monde au sein duquel règne l’omerta. Ces gens vivent 250 jours par an ensemble, se côtoient chaque semaine – parfois chaque jour – sur les courses, dans les hôtels, dans les bagnoles, sur les sites départ-arrivées. Ce milieu a ses règles, connaît aussi la musique. Dans ce contexte, il est très difficile d’éviter des situations tels que révélées dans le rapport USADA qui, manifestement, pointe vers une seule solution: un grand ménage au niveau des acteurs clef. Je l’ai souvent répété sur ces colonnes: que font encore Bjarne Riis ou Alexandre Vinokourov dans le vélo professionnel ?

Tout cela est désespérant.

4 – Greg LeMond. Le champion américain ne décolère toujours pas à l’endroit de Lance Armstrong et il a raison, comme ici Lyne Bessette a toujours raison de dénoncer avoir été victime du dopage de ses rivales. J’approuve.

Il est grand temps que l’on véhicule davantage l’idée que le dopage, c’est tout simplement un vol à l’endroit des athlètes propres et des amateurs du sport. Vol de revenus potentiels d’abord, vol d’une carrière et d’un palmarès ensuite pour les athlètes. Vol de la jouissance des amateurs, de leur envie d’y croire, de leur capacité à s’enthousiasmer pour ces « merveilleux fous pédalants ».

5 – Les vélos Canyon m’impressionnent ces temps-ci. On peut découvrir ici ceux des équipes Movistar et Katyusha. On y voit apparaitre, sur le modèle aéro, des pièces de carénage près de la roue arrière. Même sur les photos, à l’arrêt, ces vélos dégagent une impression de rapidité, d’efficacité!

6 – Tour de San Luis. La course est arrivée sur des parcours accidentés et pour l’heure, c’est un coureur argentin, Daniel Diaz, qui occupe la première place au général, fort de sa victoire d’étape lors de la 4e étape, une arrivée en altitude. Nairo Quintana, la pointure de l’épreuve, occupe actuellement en 4e place à 1min23 du leader, avec encore 3 étapes à faire.

Les Québécois Hugo Houle  (77e du général) et Antoine Duchesne (106e) font pour leur part une rentrée tout à fait correcte considérant les autres pointures qui ne font pas mieux, comme Pozzato, Betancur, Cavendish ou encore Paolini.

7 – Les coureurs colombiens. À ne surtout pas manquer, cet article du journal L’Équipe sur le cyclisme colombien et les jeunes coureurs qui débarqueront prochainement en Europe. Les Uran, Betancur, Quintana et autres ne sont peut-être que les précurseurs d’une nouvelle génération très prometteuse. Le cyclisme de demain, ça sera peut-être un cyclisme davantage colombien!

8 – Tour Down Under. Doublé BMC sur la 3e étape, avec Rohan Dennis et Cadel Evans qui, à quelques jours de sa retraite, livre toute une performance, question de sortir par la grande porte. Les deux coureurs BMC occupent désormais les deux premières places du général et la suite sera très intéressante: voudra-t-on, chez BMC, favoriser la victoire de Cadel Evans, question de l’honorer et de lui permettre de sortir sur une belle victoire? Le solide Tom Dumoulin pointe en 3e place à 9 secondes, Richie Porte est 4e à 15 secondes, les jeux sont loin d’être faits!

9 – Outaouais. Excellente nouvelle pour les cyclistes de la région d’Ottawa-Gatineau, la municipalité de Chelsea investira dès cette année dans la réfection de la route 105 qui mène à Wakefield et qui en a bien besoin. Des travaux d’asphaltage ainsi que d’élargissement pour permettre des bas-côtés plus larges seront réalisés au printemps et durant l’été. Yes!

Dopage de masse: quelles solutions?

Je fais écho à l’article publié hier sur le site-ami Trimes, un site s’intéressant en premier lieu au triathlon.

Cet article parle du dopage dans le triathlon, dont nombre d’épreuves s’adressent aux amateurs qui y viennent en très grand nombre.

Trimes rapporte que des études récentes montrent que 20% des coureurs amateurs sur certains triathlons – c’est un participant sur cinq! – seraient dopés. Apparemment, les raccourcis du type « tous dopés » et qui minent la crédibilité du sport cycliste de haut niveau commenceraient à apparaitre dans le triathlon et toucheraient même les athlètes amateurs.

Trimes a raison – et nous l’avons souvent dit sur ces colonnes – de rappeler qu’il est faux de prétendre que tous les athlètes se dopent. Ce à quoi il faut rajouter que parmi les dopés, tous ne se dopent pas de la même façon! Certains – souvent les meilleurs, donc les plus riches – ont accès à des protocoles et des produits dopants autrement plus sophistiqués que le néo-pro qui émarge à 40 000 euros par an…

Trimes cherche des solutions à ce problème apparemment grandissant dans le triathlon. Parmi celles évoquées, on note que les médias devraient aussi insister sur les « athlètes à la mentalité béton qui se soumettent à des programmes très contraignants de lutte contre le dopage dans une optique de sport propre« . Le problème, c’est qu’ils ne sont vraiment pas nombreux, du moins en cyclisme: peu osent publier leurs données, leurs analyses sanguines. Lance Armstrong, évoquant son retour en 2009, avait annoncé à grande voie qu’il publierait toutes ses données physiologiques, sous contrôle médical indépendant, permettant de faire taire toutes les critiques à son endroit; il s’était vite ravisé et rien n’a été fait, bien entendu… Dans ce contexte, comment être totalement sûr de la probité des athlètes? Le passeport sanguin, en vigueur dans le cyclisme, demeure pour le moment confidentiel…

Trimes suggère aussi de mieux cibler les tricheurs potentiels. Là, je suis tout à fait d’accord et c’est notamment là un des buts du passeport biologique en cyclisme. J’ai également souvent affirmé que les calculs de puissance sont suffisamment précis – pas exacts mais suffisamment précis – pour servir  ce but d’identifier les coureurs générant trop de puissance, et ainsi les avoir à l’oeil.

Trimes souligne que l’argent est le nerf de la guerre, comme ailleurs. Comment ne pas être d’accord? Dans ce contexte, Trimes souligne que la lutte contre le dopage « doit venir des instances qui font le plus d’argent avec le sport« . Là encore, comment ne pas être d’accord? Le hic, c’est que ces compagnies qui font le plus d’argent avec le sport – IronMan certes, mais aussi la Ligue Nationale de Hockey, la NBA, la NFL, etc – ne voudront pas ternir l’image de leur produit si lucratif en s’attaquant au dopage… On a vu ce que ça a donné dans le baseball, et le football américain n’ose pas regarder sous la couverture de peur de ce qu’il y trouverait…

La solution selon moi passe par les instances internationales: refuser d’accorder des licences, des sanctions, à ces événements si les contrôles ne sont pas suffisamment en grand nombre. En cas de refus, pas de sanction, de reconnaissance officielle de l’événement, ni de contribution de ces épreuves à des classements généraux sur l’ensemble de la saison. Les compagnies seraient libres de créer leurs propres événements certes, sans offrir de garantie quant à la probité des athlètes. Le discrédit sur ces ligues privées pourrait être rapide selon moi si leurs épreuves sont constamment l’objet de soupçons, par rapport à d’autres aux contrôles plus stricts. Je préférerais en tout cas, en tant qu’athlète, m’inscrire dans une épreuve sanctionnée et dont on assure une certaine propreté des participants via de nombreux contrôles antidopage, que dans une autre épreuve « free for all » ou c’est du n’importe quoi!

Enfin, l’idée de jouer sur l’aspect psychologique en invitant tout le monde à faire pipi dans le pot sans dire lesquels de ces pots seront testés est bonne, mais difficilement gérable sur une épreuve comme la cyclosportive La Marmotte ou on a 7 500 participants (je sais que c’est aussi le cas de nombreux triathlons). Ca en fait, des pots de pipi à stocker!

Chose certaine, la réflexion est intéressante et cet article a la lucidité de montrer que le dopage, ce n’est pas qu’un problème présent dans le cyclisme, mais dans beaucoup d’autres sports, notamment d’endurance. Le cyclisme a l’immense mérite de s’y attaquer, ce qui lui vaut aussi une mauvaise presse à intervalles réguliers, bien malheureusement.

L’étrange histoire de l’eau de Malartic

L’histoire n’est pas banale, et il est difficile d’y voir clair.

Jack Burke, c’est ce jeune espoir canadien en cyclisme qui a terminé 4e du classement général du Tour de l’Abitibi en 2013, une belle performance pour un junior considérant le plateau relevé de l’épreuve qui attire chaque année des équipes européennes.

Un mois après, il recevait toutefois un avis de l’UCI: test positif à un produit diurétique, l’hydrochlorothiazide. Ce produit avait été retrouvé en quantité infime dans ses urines.

Considérant le contexte du cyclisme depuis 20 ans, on peut facilement comprendre l’onde de choc qu’a créé cette nouvelle, en particulier dans le milieu proche du jeune homme. Le doute s’était installé.

Jurant haut, fort et toujours ne s’être jamais dopé, Burke et sa famille – son père en particulier – ont voulu comprendre comment une telle situation était possible. Après avoir envisagé de multiples possibilités – dont le sabotage par d’autres coureurs, ça s’est déjà vu dans le cyclisme, ou encore la contamination croisée par des suppléments – ils ont été attirés par un détail, celui que le jeune coureur avait été le seul, le matin de l’étape où a eu lieu son contrôle positif, à remplir ses bidons d’eau à Malartic, étant en retard.

Fait troublant, ils ont aussi pu mettre en évidence le fait que la ville de Malartic ne traitait que légèrement (chlore c’est tout) son eau avant de la distribuer et que dans ce contexte, certains contaminants comme l’hydrochlorothiazide pouvaient ne pas être détruits.

Fort de cette explication, la famille Burke a gagné la cause auprès du CCES. L’UCI a certes porté la cause en appel par la suite, et le Tribunal d’Arbitrage du Sport a une nouvelle fois donné raison à la famille Burke.

L’eau de Malartic aurait donc été « contaminée » par l’hydrochlorothiazide ce jour-là d’été 2013. La source du produit? Possiblement les urines de personnes vivant dans la région et utilisant ce produit reconnu dans le traitement de la haute pression, notamment.

Mon opinion sur l’affaire

Quelle histoire! Il est selon moi extrêmement difficile de trancher qui a raison dans toute cette affaire.

D’une part, la famille Burke a toujours clamé haut et fort son innocence, et a manifestement été très perturbée par cette histoire. L’énergie employée pour expliquer la situation est également peu commune, montrant une volonté à toute épreuve de faire la lumière sur l’affaire. Cela me fait un peu penser à l’énergie employée par Claude Robinson dans sa cause contre Sinar, une énergie que seule la conviction de faire sortir la vérité peut générer.

Il y a des experts s’étant également prononcé quant à la résistance particulière de l’hydrochlorothiazide au traitement de chlorination.

Et puis, de l’eau contaminée, c’est tout à fait possible. Rappelons le triste épisode de Walkerton il y a quelques années…

De l’autre, il y a des avis de personnes respectables, notamment Mme Christine Ayotte de l’AMA, qui affirme qu’il est techniquement impossible qu’un produit pharmaceutique tel l’hydrochlorothiazide puisse se retrouver dans l’eau de Malartic puisque cette eau est puisée à même un esker, se trouvant à plus de 4 km au nord-ouest de la ville. Le maire de Malartic défend également avec vigueur la qualité de l’eau qu’on y retrouve, ce qui n’est pas une surprise.

Alors, qui dit vrai? Pas simple!

Je crois personnellement qu’on ne peut exclure dans aucune ville une contamination à divers produits en 2015. La population consomme une masse record de médicaments de toute sorte, dont bon nombre de molécules sont évacuées via l’urine. Comment, dans ce contexte, garantir qu’aucune de ces molécules ne peut se retrouver en quantité très faible dans l’eau que l’on retrouve en ouvrant son robinet?

Mais la conclusion qui m’apparait la plus importante dans toute cette histoire, c’est un enjeu autour de la sensibilité des appareils de détection utilisés dans la lutte contre le dopage. On est aujourd’hui capable de déceler des doses infinitésimales de produits dans l’urine ou le sang. Si de l’eau potable transporte de tels produits en très faibles quantités totalement inoffensives pour la santé humaine, est-il possible qu’en consommant cette eau, les athlètes deviennent à risque car la précision des appareils permet aujourd’hui de trouver ces faibles quantités qui, de toute façon, ne procurent aucun avantage sur le plan sportif?

Évidemment, tout le monde se rappellera, à ce stade-ci, l’affaire Contador et son steak contaminé. De façon générale, de plus en plus de cas similaires font les manchettes depuis quelques années.

Cela signifie peut-être qu’il est aujourd’hui nécessaire de bien estimer les seuils à partir desquels les athlètes seront déclarés positifs pour certains produits bien précis, potentiellement solubles dans l’eau. Les faux-positifs sont trop dommageables pour les athlètes que les faux-négatifs… et je ne voudrais pas être déclaré positif parce que j’ai rempli mes bidons d’eau claire à mon domicile de Gatineau un matin avant une course!

Suggestion

L’eau de Malartic n’a jamais été vraiment retestée pour trouver une contamination possible à l’hydrochlorothiazide, les conditions ayant pu changer depuis ce jour d’été 2013. Mais pourquoi ne pas procéder à un échantillonnage ? Par exemple, prendre, deux, trois jours par mois pendant 12 mois, peut-être un peu plus autour de la date du contrôle positif il y a deux ans, des échantillons pour les tester à divers produits? En cas de présence de contaminants, ce serait un indice fort permettant de croire que la famille Burke a non seulement mis le doigt sur la réelle cause, mais aussi sur la nécessaire révision des seuils pour faire en sorte que cette situation ne se répète plus.

Les nouvelles règles anti-dopage de l’UCI

Voici, en résumé, ce que vous devez savoir sur les nouvelles règles anti-dopage de l’UCI, qui s’harmonise ainsi davantage avec la mise à jour du code antidopage de l’Agence Mondiale Anti-dopage. Tout cela va dans la bonne direction!

1 – la suspension en cas de dopage lourd passe de 2 à 4 ans. De quoi faire réfléchir les tricheurs, 4 ans c’est très long! Si le dopage s’avère non intentionnel, cette suspension pourra toutefois être révisée.

2 – le délai de prescription passe de 8 à 10 ans. De quoi pouvoir poursuivre Chris Froome jusqu’en… 2023 suite à sa victoire sur le Tour 2013!

3 – il sera désormais possible d’imposer des sanctions suite à de la délation de la part d’une autre personne. Évidemment, des preuves ou des « évidences » suffisantes devront être fournies. Cela ouvre la porte à davantage de sanctions suite à des dossiers comme celui de l’USADA à l’encontre de Lance Armstrong. En clair, cette mesure pourrait contribuer à lutter contre la loi de l’omerta prévalant dans le milieu, les athlètes sains ayant désormais d’excellentes raisons de dénoncer les pratiques abusives de leurs adversaires. Et les journalistes d’enquête de fouiller davantage leurs dossiers!

4 – en cas de multiples cas de dopage au sein d’une équipe (deux, trois voire plus) à l’intérieur d’une période de 12 mois, cette équipe pourra se voir imposer une amende monétaire correspondant à 5% de son budget annuel, ainsi qu’une suspension de 15 à 45 jours de toute participation à des épreuves cyclistes. La mesure étant rétroactive, l’équipe Astana devra se tenir très à carreau en 2015 sous peine de passer à la trappe pour de bon.

5 – l’association d’un personnel d’une équipe cycliste, coureurs en premier lieu bien sûr, avec une personne bannie (par exemple Michele Ferrari) pourra désormais résulter en une suspension pour dopage. La mesure s’étend même à des collaborateurs de personnes bannies, par exemple si une personne est connue pour travailler avec Michele Ferrari, toute association avec cette personne peut aussi résulter en une suspension. Pas de doute, les médecins et entraineurs verreux devront redoubler de prudence, tout comme les coureurs voulant oeuvrer avec eux.

L’UCI précise également que des justifications comme « je ne l’ai contacté que pour des conseils liés à l’entrainement » ne seront plus acceptées et pourront entrainer des suspensions.

6 – les demandes pour des autorisations d’usage pour fins thérapeutiques devront désormais passer par l’UCI, qui émettra les autorisations.

Pas de doute, le nouveau code antidopage de l’AMA resserre les mailles du filet autour des tricheurs, et impose des sanctions plus lourdes. C’est un pas dans la bonne direction, même s’il reste encore du chemin à faire, notamment au niveau des sanctions monétaires en cas de dopage. Il demeure inacceptable et injuste selon moi que des coureurs convaincus de dopage puissent garder les primes de victoire acquises en trichant et le cas de l’équipe continentale Astana sur le dernier Tour de Qinghai Lake, tel que dénoncé par le Canadien Mike Woods, est éloquent et frustrant.

La peur du gendarme et de lourdes amendes, ça fonctionne toujours assez bien pour décourager les tricheurs!

Lance Armstrong – maillot jaune du dopage

Petit reportage de 20min très éclairant sur la « méthode » Armstrong pour déjouer les contrôles antidopage, question de ne jamais oublier que si le sport cycliste demeure le sport le plus surveillé, il reste facile de déjouer ces contrôles. Les récents événements dans le monde du dopage en cyclisme nous invite à rester vigilants et critiques face au spectacle qu’on nous offre au niveau professionnel et face aux concurrents qu’on aborde lors de nos propres événements.

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