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Catégorie : Dopage Page 13 of 26

Entre Martel…

Benjamin, j'ai bien sûr lu le communiqué que tu as fait publier sur le populaire site québécois de nouvelles cyclistes Veloptimum. Ce communiqué est en réaction à la récente décision du Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES) de te suspendre pour 2 ans à la suite d'un contrôle positif à la testostérone.

Ce communiqué m'a troublé, car tu y affirmes avec aplomb ne rien avoir à te reprocher. Tu expliques ton contrôle positif à la testostérone comme la conséquence directe de l'usage d'une crème pour tenter de régler une induration à la selle.

Comment savoir? Qui suis-je pour te juger?

Sur une base toute personnelle, je tiens à te dire que je n'ai à priori aucune raison de ne pas croire en ta bonne foi. Après tout, je ne te connais pas!

Et je peux t'assurer de ma compréhension dans le contexte des moments difficiles que tu vis probablement depuis quelques semaines.

Mais tu ne peux pas te poser en victime comme tu le fais dans ton communiqué en écrivant "Il est toujours facile pour certaines personnes de porter des jugements hâtifs, mais sachez que cette situation peut arriver à n’importe quelle personne ou athlète. Il serait bon de connaître la vérité avant de parler. Il est toujours plus facile d’incriminer une personne que de chercher à savoir la vérité. Voilà ce qui m’est arrivé."

Et comment veux-tu que nous connaissions la vérité? De quelle vérité parles-tu? La tienne? De quels jugements hâtifs parles-tu?

Chercher la vérité, ce fut précisément le travail du CCES au cours des dernières semaines. Le CCES t'a donné la chance de t'expliquer, t'a écouté. Le CCES a examiné la situation de près puis a rendu un verdict. Hâtif? Je ne crois pas. 

Et le verdict du CCES est clair: tu n'as pas réussi à démontrer "aucune faute ou négligence" ni "l'absence de faute ou de négligence significative".

Faute ou négligence, on ne sait pas dans ce jugement du CCES. Mais coupable oui. C'est exactement la même chose avec le récent cas Contador.

Dans ce contexte, tu te dois de comprendre les gens: ils n'ont d'autres choix que de croire les autorités compétentes en la matière. Tu ne peux leur reprocher. Tu ne peux les accuser de ne pas comprendre. Les gens font confiance au CCES et c'est normal. Surtout dans le contexte ou malheureusement, les coureurs cyclistes pris pour dopage ces 15 dernières années ne les ont pas convaincu de leur empressement à dire la vérité!

Tu ne peux pas non plus reprocher aux gens de se poser des questions logiques parmi lesquelles celle-ci: qu'une crème pour soigner les indurations contienne de la cortisone ça va, mais de la testostérone?

En terminant, je tiens à t'assurer de ma prudence dans les délicates affaires de dopage. Je peux t'assurer que je reprends chaque fois les personnes qui me disent "tous les coureurs cyclistes sont dopés". Justement non.

Je peux aussi t'assurer que je reprends chaque fois les personnes qui me disent "tous les dopés mentent". Justement non. Certains ne mentent probablement pas. Certains sont peut-être victimes d'erreurs, comme certaines personnes sont victimes d'erreurs judiciaires. Mais cela reste très rare, et les autorités de la lutte contre le dopage sont compétentes. Pour preuve, un grand nombre de coureurs positifs finissent par avouer… au bout d'un certain temps, prouvant bien que le jugement des autorités était le bon.

Enfin, je tiens à t'assurer de ma capacité à croire en ceux qui veulent une deuxième chance. Une fois que la première faute est payée.

Benjamin, la seule vérité qui, au fond, importe est la tienne: c'est ta conscience. Elle nous permet de soutenir, seul, notre regard dans un miroir, et c'est tout ce qui compte.

Et de la conscience, nous en avons terriblement besoin en ce moment dans le cyclisme…

Pas innocent, le récent voyage de Contador en Israel ?

Comme vous peut-être, j'ai été surpris d'apprendre, il y a quelques semaines, qu'Alberto Contador et son équipe Saxo Bank dirigée par Bjarne Riis allait tenir son premier camp d'entrainement en… Israel ! À ma connaissance, c'est la première fois qu'une équipe cycliste professionnelle se rend dans ce pays pour s'y entrainer. On est en effet habitué à d'autres destinations comme Majorque, les Baléares, le sud de l'Italie ou encore de l'Espagne.

Contador et ses équipiers en ont même profité pour aider à la construction d'une école pour les enfants.

Je viens cependant de réaliser que la décision attendue très bientôt du Tribunal d'Arbitrage du Sport dans l'affaire de dopage au clenbuterol de Contador sera prise par un jury composé de trois personnes. Le président de ce jury est Efraim Barak, un… israélien. Ce dernier a d'ailleurs été invité deux fois, au cours des dernières semaines, à prononcer des conférences en… Espagne.

L'Agence Mondiale Anti-dopage s'est déclarée outrée de cette apparence de conflit d'intérêt, avec raison. Il est vrai que la coïncidence est très troublante…

Inquiétants effets à long terme du dopage

Le sujet n'est pas nouveau, aucune étude récente n'a été publiée sur le sujet mais il est bon de rester conscient de la situation, d'où ce texte.

Le journal français La Croix a récemment publié un article intitulé "Quand la maladie touche d'anciens champions" qui porte sur les effets à long terme d'usage de produits dopants.

On y rappelle certains résultats tirés des rares études existants sur le sujet. Notamment que les cyclistes, en principe pétants de santé, présentent pourtant des probabilités de décès, notamment par crise cardiaque, supérieures (de l'ordre de cinq fois plus!) à l'ensemble de la population. Cette étude, réalisée par Jean-Pierre de Mondenard, portait sur une vaste cohorte de cyclistes professionnels ayant participé au Tour de France entre 1947 et 1998.

Fait intéressant, on y apprend que 167 ex-sportifs de l'ex-RDA (Allemagne de l'Est) reçoivent actuellement une indemnité, souffrant de problèmes de santé découlant d'un "dopage d'État" durant leur carrière, essentiellement à la testostérone et aux anabolisants. Troubles psychiatriques, cancers du foie, de la prostate ou de l'organe reproducteur féminin, perturbations endocriniennes, problème de fertilité, la liste est longue!

Tout cela est assez inquiétant et on peut raisonnablement se demander comment vieilliront les cyclistes ayant été coureurs professionnels durant les années 1990 et 2000 dont beaucoup ont fait usage massif de dopage sanguin. Il faudra probablement attendre qu'ils aient 50, 60 voire 70 ans pour en savoir davantage, donc réponse d'ici une dizaine d'années au plus tôt, sinon vingt !

Dopage: je ne comprends pas l’incompréhension

De nombreuses réactions aux deux cas de dopage qui secouent le cyclisme au Québec témoignent d'une certaine surprise et d'une certaine incompréhension. 

C'est une réaction que je ne comprends pas !

Trois ans après les aveux de Geneviève Jeanson, n'avons-nous pas tiré des leçons de cette triste histoire ?

Il me semble que les constats sont très clairs:

1 – le dopage dans le cyclisme touche tous les niveaux de pratique: professionnels bien sûr, mais aussi coureurs amateurs, des Maitres (plus de 30 ans) jusqu'au rang juniors, ainsi que cyclosportifs. Les quinze dernières années nous ont prouvé cela à maintes reprises.

2 – le dopage, c'est aussi au Québec. Il y a eu plusieurs cas dans le passé, le plus triste étant celui de Geneviève Jeanson.

3 – l'accès aux produits dopants est facile, notamment avec les moyens modernes de communication et de distribution dans un monde globalisé.

4 – l'attrait du dopage, dans un sport d'endurance aussi exigeant que le cyclisme, est et demeurera très élevé, probablement plus que pour les athlètes d'autres sports reposant davantage sur l'habileté ou l'adresse, voire se déroulant sur des périodes de compétitions beaucoup plus courtes. 

5 – certains professionnels se dopent pour pouvoir gagner des courses, donc gagner de l'argent et de la gloire. Ils se dopent aussi et surtout pour gagner ou garder leur place, pour obtenir des contrats de travail. Ils se dopent enfin par pression des sponsors, de leur encadrement voire du milieu.

Certains jeunes coureurs en dessous du niveau pro, qu'ils soient juniors ou U23, se dopent aussi pour avoir des contrats, mais surtout pour progresser dans l'échelle. À 22 ans, Arnaud Papillon espérait surement passer au niveau supérieur, par exemple chez SpiderTech pour pouvoir courir en Europe. 

Certains coureurs Maîtres se dopent pour épater la galerie, pour parfois vivre à la hauteur de leur réputation d'antan voire pour compenser pour une préparation défaillante ou pour les sensations que ça procure, tout simplement.

Dans tous les cas, y compris en dehors du cyclisme, on se dope dans le but de se valoriser par rapport aux autres. 

6 – tous les coureurs, quel que soit le niveau de pratique, ne sont pas dopés ! Il convient donc de ne jamais généraliser.

7 – le cyclisme n'est pas le le seul sport entaché par le dopage. On se dope dans beaucoup d'autres sports, voire dans beaucoup de sphères de l'activité humaine.

Les bonnes nouvelles… chez les pros

Bref, pour moi, ces constats sont du domaine du connu, du statique. Revenir encore sur ces points est une perte de temps. Passons au dynamique, ce qui change. Et là, il y a plusieurs bonnes nouvelles.

1 – le cyclisme a fait plus que n'importe quel sport en matière de lutte contre le dopage au cours des dix dernières années. Les coureurs cyclistes professionnels sont les athlètes les plus testés du globe. Ceci étant, ce n'est pas un argument recevable pour laisser croire que les nouveaux scandales sont des cas isolés, puisqu'il y a régulièrement de nouveaux scandales !

2 – à la lumière de la saison professionnelle 2011, le dopage chez les pros a probablement récemment régressé, laissant croire que les efforts des dernières années portent fruit. Ceci étant, il ne faut pas baisser les bras et la vigilance est de mise, de même que les investissements en recherche de nouveaux moyens de dépistage.

Les moins bonnes nouvelles… dans les catégories en dessous des pros

1 – malgré ce qu'on essaie de nous faire croire, les jeunes générations de coureurs pros et pas encore pros ne sont pas forcément moins dopées. On retrouve, parmi les cas positifs récents, de jeunes coureurs formés dans l'ère post-Festina. 

2 – peu a été fait aux échelons inférieurs pour augmenter la lutte contre le dopage au cours des dix dernières années. On a certes augmenté un peu le nombre de contrôles lors des grands événements amateurs, mais ça demeure nettement insuffisant à l'échelon local.

3 – le financement de la lutte contre le dopage à tous les niveaux de pratique demeure un problème. 

Quelques solutions 

Au niveau professionnel, beaucoup a déjà été fait. D'autres projets de l'UCI, comme le "no needle policy" ou celui d'interdire à vie aux dopés de travailler dans le milieu cycliste après leur carrière de coureur, une suggestion que j'avais déjà formulée dans mon texte daté du… 5 décembre 2005 (!!!), vont dans la bonne direction. D'autres pourraient être entrepris, comme de rendre obligatoire la présence de médecins indépendants dans toute équipe World Tour, médecins en charge du suivi biologique, de tests inopinés et de la surveillance des médicaments en circulation. Les équipes ne seraient pas d'accord, comme elles ne sont pas d'accord avec le projet de suppression des oreillettes ? N'est-ce pas le rôle des autorités que celui d'imposer les règles, surtout celles visant à préserver la crédibilité et l'image du sport ?

Au niveau inférieur, beaucoup reste à faire. Deux suggestions, évoquées dans mon texte il y a quelques jours:

1 – que la FQSC ne délivre de licences de coureur cycliste qu'aux personnes ayant suivi une formation en ligne sur le dopage. Cette formation serait à reprendre chaque année. Pas de formation, pas de licence, c'est aussi simple que ca. Si on veut faire de la prévention par l'éducation, voilà un moyen simple et efficace de rejoindre tous les coureurs, où qu'ils soient, dans le confort de leur maison. Surtout les plus jeunes. Et la vaste majorité des gens ont désormais accès à internet.

2 – suggérée par un ami et reprenant l'idée d'augmenter le coût de la licence pour financer la lutte contre le dopage aux niveaux inférieurs évoquée dans mon texte il y a quelques jours, inclure, dans l'achat d'une licence de course, un contrôle anti-dopage. Ce contrôle serait réservé au titulaire de la licence, mais administré au hasard de l'année cycliste, sans avertissement préalable. L'achat de votre licence vous garantit donc que vous serez testé au moins une fois durant la saison, vous avez payé pour ! Ce contrôle coûte 250$ ? Très bien, la licence devient 250$+les autres frais. Trop cher ? La vaste majorité des cyclistes amateurs roulent sur des vélos dernier cri. De plus, ce montant additionnel pourra être justifié par le fait qu'il vous garantit des compétitions plus équitables et qu'il vous revient en quelque sorte. Et qu'il défend la crédibilité du cyclisme, votre sport. 

Il y a surement beaucoup d'autres solutions visant la lutte contre le dopage aux niveaux inférieurs à celui professionnel et qui pourraient être rapidement entreprises. Je vous invite à partager sur La Flamme Rouge vos idées en laissant un commentaire ci-bas. 

Il est selon moi grand temps d'aller de l'avant, de prendre action. Les fédérations ont un rôle capital à jouer dans la lutte contre le dopage aux échelons inférieurs. L'inaction serait catastrophique pour l'avenir même du sport, en particulier au Québec, et la garantie probable de se retrouver encore au même point qu'aujourd'hui dans quelques années. 

Jeannie Longo: le mythe déboulonné ?

Le journal français L'Équipe et son journaliste étoile, Damien Ressiot, celui du dossier "Le mensonge Armstrong", publie une bombe ce matin en dévoilant que le mari de Jeannie Longo, Patrice Ciprelli, aurait acheté, en 2007, des doses d'EPO apparemment destinées à sa femme. C'est du moins ce qu'affirme en entrevue Joe Papp, ancien coureur américain "reconverti" dans le traffic d'EPO. 

Cette nouvelle suggère que Jeannie Longo aurait fait usage de tels produits au cours des dernières années.

La Fédération Française de Cyclisme (FFC) a d'ors et déjà suspendu Patrice Ciprelli et ouvert une procédure disciplinaire à son endroit. Ce dernier nie en bloc bien évidemment.

C'est un choc pour tout le milieu du cyclisme car jusqu'ici, Jeannie Longo jouissait d'une réputation sans faille à l'égard du dopage, reflétant l'image d'une femme proche de la nature, s'alimentant bio et vivant une vie à la fois simple et saine. Il faut également rappeler que Longo est une des sportives les plus aimées du public en France. 

"L'Affaire Longo" a commencé la semaine dernière avec les révélations, dans la presse, de ses manquements au système ADAMS de localisation en temps réel des coureurs(es) professionnels(elles). Comme d'autres, je n'y avais pas porté une grande attention, estimant qu'il pouvait s'agir de simples oublis.

Mais aujourd'hui, force est de reconnaître qu'il y a autre chose et que l'affaire prend des proportions beaucoup, beaucoup plus importantes. Attendons la suite avant d'épiloguer sur son cas mais chose certaine, cette histoire soulève un doute (malheureux) dans mon esprit. 

Il FAUT lire Vayer

Être un observateur éclairé du cyclisme professionnel est à ce prix. Il FAUT lire les analyses d'Antoine Vayer, ex-entraineur de l'équipe Festina (1995 à 1998) et depuis fin analyste des performances sportives des plus grands coureurs cyclistes de ce monde.

Vayer revient avec les analyses de puissance faites notamment en collaboration avec Porteleau pour poser un regard très critique sur les performances récentes des candidats au podium de ce Tour de France. Quoi qu'on en dise, les analyses de la puissance sont très précises et permettent d'estimer avec une précision toujours surprenante le temps des coureurs dans les grandes ascensions. Comme Vayer, je suis d'avis que ces mesures sont plus efficaces que le suivi biologique des coureurs pour identifier ceux chez qui un dopage sanguin est plus que probable. 

Le premier article à lire est ici. On y trouve des conclusions intéressantes quant aux récentes performances des Franck Schleck, Damiano Cunego, Alberto Contador, Bradley Wiggins, entre autres. De quoi vous permettre de relativiser ce que vous ne manquerez pas de voir dans les grandes ascensions du Tour de France.

Le deuxième article est ici. Il nous permet de comprendre pourquoi le dopage sanguin est si efficace et qu'il peut en effet transformer un bourrin en cheval de course. 

Le Tour de France est une épreuve merveilleuse, une idée de génie. Le cyclisme demeure un sport fantastique aussi, couplant homme et machine face aux difficultés des éléments. Mais le dopage demeure aussi la grande gangrène de ce sport et visiblement, c'est encore loin d'être gagné, qu'en disent les Pat McQuaid et Christian Prudhomme de ce monde. Il est de notre responsabilité à tous de ne pas se voiler la face.

Merci à Toutouille pour les liens. 

Vansevenant: c’est pas clair

Nouveau scandale de dopage ? Preuve supplémentaire que rien n'a changé dans le milieu ? 

Plusieurs tireront ces conclusions des récentes nouvelles émanant de Belgique: un colis en provenance d'Australie à l'intention de Win Vansevenant, un coureur retraité depuis 2 ans et public relation dans l'équipe Lotto-Omega Pharma de Philippe Gilbert, a été intercepté par les douanes à Bruxelles. Le colis contenait des produits dopants "hyper-sophystiqués" selon ce qu'on en dit ce matin. 

Vansenenant a déjà déclaré que ces produits étaient pour son usage personnel. Considérant qu'il y en avait pour plusieurs milliers d'euros, c'est louche, c'est très louche.

Évidemment, le staff de l'équipe Lotto-Omega Pharma affirme tomber des nues. Affirment aussi qu'ils n'avaient que des contacts "limités" avec Vansevenant. Et que l'individu a déjà été écarté de tout rôle sur le prochain Tour de France.

Ca sent la gestion de crise à plein nez. "Merde, les mecs, le colis de Vansevenant s'est fait piqué à la douane. On nie tout en bloc bien sûr."

Une enquête a été ouverte. 

Peut-être plus inquiétant encore, la surprise de certains experts de l'Agence Mondiale Anti-dopage. Mais sur quelle planète vivent-ils ? Il me semble que les 15 dernières années ont prouvé que les sportifs – coureurs cyclistes en particulier – ne reculeront devant rien pour obtenir un avantage sur les autres.

La fin du cyclisme ?

Les déclarations de Tyler Hamilton à l'émission 60 minutes provoquent de nombreuses réactions dans tout le cyclisme et même en dehors tant la couverture médiatique est importante.

On peut penser que tout ceci n'est toutefois que la pointe de l'iceberg.

Hamilton a parlé publiquement de sa déposition devant Novitsky et ses enquêteurs parce qu'il a reçu l'immunité. Cela signifie qu'il a reçu la garantie qu'il serait à l'abri de toutes poursuites ou procès du moment qu'il disait la vérité – et rien que la vérité – aux enquêteurs devant lui.

On peut penser que George Hincapie a parlé pour les mêmes raisons. 

Le truc classique dans les enquêtes policières: briser la solidarité d'un groupe soupçonné en isolant les individus et en les informant des risques qu'ils encourent s'ils ne parlent pas. À un moment donné, c'est chacun pour sa pomme et Tyler Hamilton a bien expliqué, dans l'émission 60 minutes, pourquoi il avait d'abord menti il y a quelques années puis dit la vérité à Novitsky récemment.

Si telle est la technique, on peut penser que l'enquête Novitsky progresse bien et qu'elle va bien au delà de simples accusations éventuelles autour de Lance Armstrong et Johan Bruyneel. À mesure que le travail de Novitsky prend de l'ampleur, on peut penser que d'autres prendront peut-être peur et voudront dire la vérité s'ils sont interrogés.

Novitsky s'est montré très discret jusqu'ici et je pense que son travail avance. Je pense que ses techniques lui ont permis d'étendre très largement son enquête et qu'elle touchera non seulement Armstrong, Bruyneel, l'US Postal mais aussi tout le mode de fonctionnement du cyclisme, UCI y compris bien sûr. Novitsky n'a d'ailleurs pas hésité à traverser l'océan pour aller interroger des gens en Europe, prouvant bien qu'il ne recule devant rien pour faire avancer son travail.

L'ex-président de l'UCI Hein Verbruggen a beau déclarer ce matin ignorer tout de ce contrôle positif étouffé d'Armstrong sur le Tour de Suisse 2001, gageons qu'il prend un gros risque car Novitsky détient peut-être déjà des documents prouvant hors de tout doute l'implication de l'UCI. Si tel est le cas, les récentes déclarations de Verbruggen joueront directement contre lui et montreront à la face du monde que l'homme est un menteur. Idem pour Ekimov qui peut bien nier les accusations de Tyler Hamilton: lui aussi résistera-t-il au rapport Novitsky?

À parler ainsi publiquement, Verbruggen et Ekimov prennent de gros risques. De très gros risques. Ils ont sciemment mis leur crédibilité en jeu. En sont-ils seulement conscients ?

Bref, Novitsky est actuellement le maître du jeu. Il faut aimer le travail de Novitsky pour une raison: il est totalement étranger et indépendant au monde du cyclisme. Ni Armstrong, ni l'UCI, ni la fédé américaine n'a un quelconque contrôle sur quoi que ce soit, une première.

La publication du rapport Novitsky pourrait donc provoquer un gros raz-de-marée dans le monde du cyclisme en allant bien au delà de la simple mise en accusation de Lance Armstrong et Johan Bruyneel. Il pourrait éclabousser de façon majeure l'UCI et des médecins qui travaillent encore aujourd'hui avec des coureurs cyclistes professionnels. Si tel est le cas, le rapport Novitsky pourrait révéler au monde une organisation du cyclisme international corrompue et indigne de confiance.

Il pourrait surtout révéler ce qui deviendrait le plus gros scandale de l'histoire du sport : le septuple vainqueur du Tour de France convaincu d'avoir menti au public américain lorsqu'il déclarait être propre sur les Tours de France 1999 à 2005 et des fédérations nationales ou internationales qui oeuvraient derrière pour protéger le coureur américain. Le cyclisme tel qu'il existe aujourd'hui pourrait-il se relever d'un pareil coup ?

Tyler Hamilton: j’ai vu Lance Armstrong se doper

Bombe dans le milieu du cyclisme hier soir: Tyler Hamilton est sorti du placard et a avoué s'être dopé durant sa carrière cycliste

Une surprise pour personne. Rappelons qu'Hamilton avait été suspendu pour dopage (auto-transfusion) en 2004 puis en 2009 (stéroides). Il avait également été impliqué dans l'Affaire Puerto en 2006.

La véritable bombe est ailleurs: Tyler Hamilton affirme qu'il a vu de ses yeux Lance Armstrong se doper durant ses années (1999 à 2001) chez US Postal. EPO, hormones de croissance, auto-transfusions, la totale. 

Les déclarations d'Hamilton se sont faites dans le cadre de la populaire émission de télé "60 minutes" qui sera diffusée sur la chaine américaine CBS dimanche prochain à 19h. Un extrait des déclarations d'Hamilton sur Lance Armstrong est déjà disponible ici. À voir.

Réaction de Lance Armstrong sur son compte Twitter: "20+ year career. 500 drug controls worldwide, in and out of competition. Never a failed test. I rest my case."

Yeah, right.

Les déclarations d'Hamilton font suite à sa déposition dans le cadre de la vaste enquête dirigée par Jeff Novitsky et cherchant à vérifier si Lance Armstrong et Johan Bruyneel ont menti au peuple américain (US Postal est une compagnie publique) au début des années 2000 en affirmant ne pas avoir utilisé de produits dopants.

Dans une lettre assez poignante de sincérité, Hamilton affirme avoir voulu rendre publique sa déposition maintenant pour deux raisons: la première, pour se libérer d'un poids sur sa conscience suite à sa déposition devant Novitsky. La deuxième, pour le bien du cyclisme. Hamilton, désormais un entraineur de jeunes talents en cyclisme du côté de Boulder au Colorado, affirme ne pas vouloir que des jeunes soient sujets à passer par où lui est passé durant sa carrière en matière de dopage afin de réussir dans la profession. Selon lui, la seule façon de nettoyer le sport est de parler ouvertement du dopage afin de réformer le cyclisme. 

Quoi qu'il en soit, les déclarations d'Hamilton corroborent celles de Floyd Landis sur le fonctionnement de l'US Postal et Discovery. Elles corroborent celles de nombreux autres proches de l'équipe comme les Frankie et Betsi Andreu. Un nombre important de ces déclarations peuvent être lues dans les ouvrages de Walsh et Ballester, LA Confidentiel et LA Officiel, publiés il y a quelques années déjà.

Hamilton confirme également l'épisode du contrôle positif de Lance Armstrong sur le Tour de Suisse 2001, un contrôle qui aurait été "étouffé" par l'UCI. Floyd Landis avait également évoqué ce contrôle positif et cela avait permis de révéler la vérité sur les donations monétaires généreuses d'Armstrong à l'UCI à peu près à la même période. L'UCI et Pat McQuaid avaient d'ailleurs dû conclure publiquement qu'accepter un don de Lance Armstrong était "inapproprié" considérant la position de l'UCI dans la lutte anti-dopage.

Déjà, le clan Armstrong a repris sa stratégie habituelle: miner publiquement la crédibilité de la personne passant aux aveux. Après Floyd Landis dépeint comme un tricheur, au tour d'Hamilton, déjà dépeint comme un opportuniste voulant réaliser un coup d'argent avec la vente d'un livre. La création du site Facts4Lance est d'ailleurs une manifestation assez incroyable de la campagne menée par le clan Armstrong pour "défendre" l'athlète américain et protéger bien évidemment sa fondation LiveStrong.

Mon avis ? Évidemment qu'Hamilton dit la vérité. Il n'a rien à perdre, ayant déjà tout perdu ! Ses déclarations montrent également que l'enquête Novitsky a réussi à interroger les personnes clef dans l'entourage d'Armstrong et que les dépositions doivent s'accumuler. Difficile de dire si des preuves tangibles permettront de pincer Armstrong mais chose certaine, la publication des résultats de l'enquête sera un très sérieux coup à sa crédibilité comme champion cycliste, pour ce qu'il en reste.

Rappelons en terminant que Lance Armstrong traine d'autres grosses casseroles derrière lui, la plus importante étant sans aucun doute le dossier L'Équipe de 2005 montrant que plusieurs échantillons urinaires prélevés lors du Tour 1999 étaient en fait positif à l'EPO. Le test n'existant pas à l'époque, Armstrong n'avait pu être suspendu. On avait alors offert à Armstrong de tester rétrospectivement d'autres échantillons urinaires, notamment ceux des Tours 2000 et 2001, ce qu'il a bien évidemment refusé. 

Un individu digne d'estime et fréquentable ? Je vous laisse juger vous-même. Je souhaite que faute de tests positifs (pour toutes sortes de raisons, et le nombre de contrôle n'a aucun lien avec sa probabilité d'être pincé ou non), d'autres déclarations accablantes continuent de s'accumuler au cours des prochains mois, convaincu que je suis, notamment à travers de nombreuses lectures, qu'Armstrong a bel et bien copieusement usé de produits dopants durant sa carrière et ce, dès 1993. Son cancer n'a évidemment rien changé à ses pratiques. 

But cycling is business, don't forget.

Dopage: l’affaire de Mantoue prend de l’importance

On sait depuis quelques semaines déjà que la justice italienne enquête dans l'entourage de l'équipe Lampre et de ses présumés liens avec un pharmacien de Mantoue qui aurait fourni aux coureurs de l'équipe ces dernières années des produits dopants.

L'affaire continue actuellement de prendre de l'importance, notamment parce que la Gazzetta Dello Sport a récemment publié l'essentiel de conversations téléphoniques entre certains acteurs de l'équipe Lampre – dont des coureurs – et Guido Nigrelli, le pharmacien.

Du coup, l'équipe BMC a retiré de son alignement pour le prochain Giro les coureurs Alessandro Ballan et Mauro Santambrogio. L'équipe Lampre a également retiré Mauro Da Dalto ainsi que Marco Bandiera de son équipe du Giro. L'équipe espagnole Movistar pourrait faire de même dans les prochains jours avec Mario Bruseghin. 

Rappelons aussi que le nom de Damiano Cunego a également été invoqué à de nombreuses reprises dans cette nouvelle affaire de dopage en Italie. Il n'est pas impossible qu'il soit touché au cours des prochains jours.

Dans ce contexte, difficile de dire où tout cela s'arrêtera. Chose certaine, l'affaire prouve que des réseaux de dopage sont toujours très actifs autour des coureurs cyclistes professionnels.

Les Fédés sont-elles neutres?

Coup de théâtre aujourd’hui dans le monde du cyclisme: Franco Pellizotti et Pietro Caucchioli ont été suspendus pour deux ans par le Tribunal d’Arbitrage du Sport (TAS) pour variations anormales des paramètres de leur passeport biologique.

Cette décision du TAS vient invalider la décision prise précédemment par les autorités italiennes de blanchir ces coureurs de tous soupçons. C’est l’UCI qui, insatisfaite du verdict, avait porté la décision en appel auprès du TAS il y a quelques mois. 

La portée de ce jugement du TAS est grande parce qu’elle vient confirmer, en quelque sorte, la pertinence du passeport biologique pour confondre les tricheurs. Le maintien de la décision par le TAS aurait, à l’inverse, signifié la fin du passeport biologique comme outil direct de lutte contre le dopage.

Ce jugement vient surtout remettre en question l’impartialité des fédérations nationales, responsables en premier lieu d’imposer les sanctions lors de contrôles positifs. Le CONI avait d’abord blanchi les coureurs italiens. La Fédé espagnole a également blanchi Contador récemment. Même le premier ministre espagnol s’en était mêlé via des déclarations publiques favorables à Contador. Il y a quelques années, rappelons-nous que la Fédé du Kazhaskstan avait soutenu les cas de Vinokourov et Kaschekin et, plus récemment, la Fédé espagnole a longtemps soutenu Valverde malgré l’imposant dossier sur son implication dans l’Affaire Puerto. C’est finalement une autre fédération, le CONI justement, qui l’a suspendu de compétitions en Italie, puis la suspension a été étendue à toutes les courses professionnelles par le TAS.

Bref, on peut légitimement se poser quelques questions sur les responsabilités des diverses instances quant à la lutte contre le dopage. 

Pour moi, cela témoigne que le système est largement perfectible et qu’en fait, il faut que la lutte contre le dopage comme l’imposition des sanctions relèvent d’un organisme totalement indépendant à la fois de l’UCI comme des fédérations nationales. Il faut une sorte de "police du sport cycliste" qui ait les coudées franches et qui soit au-dessus des intérêts nationaux. La lutte contre le dopage et l’imposition des sanctions ne peut venir de l’UCI ou des fédérations puisque celles-ci sont en conflit d’intérêt, ayant parmi leur mandat la promotion du sport cycliste.

En tout cas, on pourra s’étonner de la situation actuelle tant elle semble ne pas être d’une grande logique! Et la décision aujourd’hui du TAS fait très mal paraître le CONI.

Le con

Ca vous paraîtra un peu cru comme titre, mais c’est le seul qui me vient en tête à la lecture des raisons présumées de l’hospitalisation récente du cycliste italien Riccardo Ricco.

Rappelons la nouvelle de dimanche dernier, quelque peu surprenante par ailleurs: Ricco a été admis d’urgence dans un hôpital italien, en état critique. Apparemment, des problèmes rénaux graves. Les médecins ont émis un pronostic "réservé", laissant bien entendre la gravité de son état.

Évidemment, une telle nouvelle surprend. Ricco est un jeune cycliste pro, normalement en très bonne condition physique. On se demande comment son état a pu se dégrader aussi vite pour compromettre son pronostic vital.

Son père évoquait l’éventuelle présence de calculs rénaux, non détectés jusqu’ici.

Mais on apprend aujourd’hui sur CyclingNews que Ricco aurait en fait informé ses médecins à son admission qu’il s’agirait d’un problème avec… une transfusion sanguine réalisée dimanche dernier. La nouvelle a d’abord filtré via la Gazzetta Dello Sport.

Ricco se serait donc improvisé médecin et se serait lui-même injecté du sang prélevé… 25 jours auparavant et gardé dans son frigo. Apparemment, il y aurait eu un problème avec la conservation du sang. Il se serait gravement empoisonné en se ré-injectant ce sang dimanche dernier.

La police a ouvert une enquête à l’endroit de Ricco pour approfondir la question.

Si tout cela est confirmé, la situation dépasse l’entendement. Rappelons que Ricco vient de revenir d’une suspension de deux ans pour dopage après s’être fait prendre positif à la CERA lors du Tour 2008.

Si, de par mes valeurs humaines, je souhaite à M. Ricco de retrouver rapidement la santé, je n’ai aucune pitié pour lui concernant les suites de sa carrière de cycliste professionnel si jamais l’hypothèse d’une transfusion sanguine était confirmée dans les prochains jours.

Et cela prouve une nouvelle fois hors de tout doute raisonnable que les cyclistes professionnels n’ont aucune crainte des contrôles anti-dopage ou du passeport biologique qui demeurent facilement déjouables.

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