Au terme d’une course usante nerveusement, voire dangereuse, Fabian Cancellara s’est imposé hier d’une façon inhabituelle pour lui, c’est à dire… au sprint, un peu comme Boonen l’a souvent fait sur ces Flandriennes. Il a ainsi dominé ses trois adversaires, Van Avermaet, Vanmarcke et Vandenbergh qui complète dans cet ordre les 4 premières positions.
Sprint par ailleurs très intelligent de Cancellara, puisque amorcé de loin: il sait qu’une fois sa vitesse maxi atteinte, il peut la maintenir plus longtemps que les autres. Cancellara ne l’a donc pas joué sur l’explosivité, mais sur l’endurance. Bien vu!
Cancellara rejoint donc Boonen et quatre autres coureurs dans l’Histoire du Ronde, avec 3 victoires chacun.
Cancellara rejoint aussi Boonen d’une autre façon, c’est à dire au chapitre du coureur en activité le plus titré dans les Grandes Classiques, avec sept victoires.
Boonen a un Paris Roubaix de plus que Cancellara, mais ce dernier s’est déjà imposé sur Milan SanRemo. Voilà qui met la table au niveau des enjeux dimanche prochain sur la Reine des Classiques!
La course
Ce fut d’abord un festival de chutes! Des chutes partout, tout le temps. À un certain moment, on ne comptait plus celles qui ont touché Stijn Devolder, qui mérite assurément la palme du plus malchanceux hier. Une de ces chutes a été provoquée par un îlot directionnel et a envoyé Johan Van Summeren ainsi qu’une dame de 65 ans à l’hosto. Le pronostic vital étant engagé pour la dame, cet accident est venu assombrir la course.
Et dire que le milieu pro défend le maintien des oreillettes en avançant en premier lieu l’argument de la sécurité!!! N’importe quoi…
Pourquoi tant de chutes? Plusieurs raisons selon moi: une météo clémente et donc une course moins sélective, laissant un gros peloton dans les 100 derniers kilomètres, des îlots directionnels sans cesse plus nombreux en Europe, des spectateurs qui prennent trop des risques (outre l’incident VanSummeren, Popovitch a également heurté un spectateur) et aussi l’homogénéité de la condition physique des coureurs, qui rend la sélection difficile.
Anyway, outre les chutes, la course a été une sélection par l’arrière d’abord, le vent en particulier durcissant la course. Puis, dans les 30 derniers kms, ce fut une sélection par l’avant pour départager les favoris.
C’est Van Avermaet qui a lancé les vraies hostilités à environ 33 kms de l’arrivée, amenant avec lui Vandenbergh qui couvrait ainsi pour l’équipe Omega Pharma-Quick Step. Cette dernière a donc bien manoeuvré toute la course, mais manque de résultats au final, Boonen et Terpstra étant trop justes pour finir le travail.
Van Avermaet était possiblement le plus costaud hier, creusant à lui seul rapidement un écart d’une trentaine de secondes sur le paquet de favoris. Quel beau coureur!
Puis, au même endroit que l’an dernier, soit la dernière ascension du Vieux Quaremont, Cancellara a mis en route solide. Seul Vanmarcke résistait. Exit donc Sagan, qui était laissé sur place, ce qui n’a pas manqué d’en surprendre plusieurs. On attend encore les explications de sa part sur ce qui s’est passé…
Cancellara a ensuite fait l’essentiel du travail pour revenir sur Van Avermaet et Vandenbergh devant. Ici, gros carton rouge à Vanmarcke qui, hier, n’a cherché qu’une seule chose: courir contre Cancellara. Lamentable si vous voulez mon avis. Vanmarcke assumait pourtant le leadership de la Belkin… Il voulait quoi de plus, Vanmarcke, dans le final? Pourquoi ne roulait-il pas davantage pour aider Cancellara à revenir?
Anway, jonction faite c’est encore Cancellara et Van Avermaet qui ont fait le gros du travail jusqu’aux trois kilomètres, moment où Vandenbergh a placé une mine prévisible. Si Van Avermaet est bien resté calé sur Vandenbergh, ce satané Vanmarcke a encore essayé de baiser Cancellara dans la poursuite… indigne!
Et à partir de la flamme rouge, Cancellara a parfaitement maitrisé le jeu, probablement aidé par l’expérience de la course.
Les enseignements
Il y en a plusieurs.
Un, Cancellara a lui-même avoué qu’il était un peu juste et qu’il ne pouvait pas faire la différence dans la dernière ascension du Paterberg. Il sera donc peut-être meilleur encore dans une semaine sur Paris-Roubaix!
Deux, Van Avermaet a prouvé à toute l’équipe BMC qu’il peut assumer le rôle de leader. Deuxième du Ronde, c’est le meilleur résultat chez BMC depuis un bon moment… Il était selon moi le plus costaud hier. Et de façon générale l’équipe BMC a bien joué hier, avec un excellent Taylor Phinney devant pendant un bon moment.
Trois, Sagan s’est encore écroulé d’un coup. Chez lui, et ça devient une habitude, c’est tout ou rien. Il court encore après une victoire sur une grande classique! Chez lui, on commence à parler d’un moral parfois défaillant…
Quatre, la guigne puis le moral de Devolder. Il est évident, à la façon dont le type s’est battu hier pour revenir après plusieurs chutes ou incidents, que Devolder a le couteau entre les dents. Attention à lui sur Paris-Roubaix, il voudra se reprendre et Cancellara pourrait vouloir partager si c’est au sein de son équipe… Espérons seulement que le coude de Devolder, salement amoché hier, sera rétabli pour dimanche prochain.
Cinq, la couardise de Vanmarcke. À un moment donné, quant tu es leader d’une équipe, que tu es devant pour la gagne dans une grande classique et dans une échappée en petit comité, que la situation est claire, tu te dois de rouler avec tes adversaires. Hier, les relais de Vanmarcke ont été inconstants et timides dans le final. C’est pas compliqué à mes yeux, il ne méritait pas de gagner.
Six, l’échec des Omega Pharma-Quick Step. En position de force jusqu’à 40 bornes de l’arrivée, l’édifice collectif s’est effondré par la suite. Boonen était trop juste dans les 30 derniers kms, Terpstra a réagi trop tard, et l’encadrement a tardé selon moi à donner le feu vert à Vandenbergh de collaborer devant.
Sept, les Lotto inexistants. C’est la cata pour l’équipe belge qui courait à domicile, rappelons-le. Le premier Lotto est le français Tony Gallopin, 23e! Pas de quoi être fier. C’est vrai cependant que l’équipe a manqué de chance, avec notamment la grave chute de Jurgen Roelandts qui devrait être out pour Paris-Roubaix la semaine prochaine.
Huit, Filippo Pozzato. J’attendais franchement mieux de ce coureur pétri de classe, au final « seulement » 17e. Idem de Paolini, duquel j’attendais mieux.
Neuf, la FDJ. Le premier coureur de l’équipe française qui mise une partie de sa saison sur les Flandriennes est Yoann Offredo, 21e. Ca ne doit pas plaire à Marc Madiot ça!