Beaucoup de choses à dire sur ce 109e Paris-Roubaix !
Tout d’abord, le vainqueur: Johan Van Summeren a créé la surprise hier dans un Paris-Roubaix estival et poussiéreux en s’imposant en solitaire après s’être dégagé de ses compagnons d’échappée sur le secteur pavé du Carrefour de l’Arbre, à quelques 15 kms de l’arrivée. C’est une victoire qui fait plaisir car celle d’un coureur plus habitué à penser aux autres – ses leaders – qu’à lui-même. Équipier de luxe, combien de fois, au cours des dernières années, l’avons-nous en effet vu tirer d’interminables bouts droits afin de chasser des coureurs échappés et ainsi donner une chance à ses patrons de gagner une course? Pour une fois que la chance a souri à cet infatiguable coureur qu’est Johan Van Summeren, je suis rudement content qu’il ne se soit pas loupé!
Superbe course également du Québécois David Veilleux qui a passé une grosse partie de sa journée devant, en échappée! Et dire qu’il y a presque exactement un an jour pour jour, je faisais un brin de causette avec lui à l’arrivée du GP de Calabogie qu’il venait de remporter haut la main… J’étais loin de m’imaginer que je causais avec quelqu’un qui animerait une course comme Paris-Roubaix un an plus tard ! Bravo David, vraiment. À chacun de tes relais, j’étais debout devant mon ordinateur et mon petit Lucas, 5 ans, s’égosillait à mes côtés pour t’encourager ! Et il a fait du vélo seul sur deux roues pour la première fois cet après-midi… Je m’en souviendrai, de ce jour-là.
Veilleux avait reçu la consigne de se glisser dans une échappée, ce qu’il a réussi à faire autour du km 85. Le groupe était important (un peu plus d’une dizaine de coureurs) et c’était la bonne en quelque sorte puisque Maarten Tjallingii, dans son groupe, termine 3e à Roubaix. C’est ainsi que pendant deux bonnes heures, le public québécois a eu l’immense plaisir de régulièrement voir David à l’avant de Paris-Roubaix. Il paraissait même assez à l’aise sur les pavés. À environ 30 bornes de l’arrivée, alors que l’explication finale avait commencé, David s’est fait distancer du groupe sur un secteur pavé, la fatigue prenant le pas sur la motivation. Comment le lui reprocher ? Rappelons-nous que c’est sa première année à ce niveau et que c’était également sa première participation à l’Enfer du Nord.
Je me permettrai un petit commentaire à David, en toute modestie puisqu’il a bien plus d’expérience que moi sur des courses cyclistes. Mais parfois, l’analyse d’un observateur externe, qui possède le recul qu’un acteur de la course ne peut avoir, peut être utile pour l’avenir. J’ai trouvé que David en faisait beaucoup dans l’échappée comparativement aux autres. Vu à la télé, il passait souvent devant, prenait du vent, même dans les roues où il était souvent décalé. À ce niveau, il faut savoir s’économiser et surtout, ne pas trop en faire par rapport aux autres qui seront toujours sans merci plus tard, lors du final. Mais bon, c’est tout de même 10 sur 10 comme prestation !
Je donne par ailleurs un gros, un énorme carton rouge à Thor Hushovd et Alessandro Ballan pour leur manque total de lucidité et de jugement dans le final, lorsqu’ils étaient tous deux en train de revenir sur l’avant grâce aux efforts d’un Cancellara volontaire et puissant. Cancellara, sans rien demander, a bouché à lui seul une minute des 1min30 qui le séparait alors de l’échappée devant avec environ 30 bornes à faire. Hushovd et Ballan ont alors refusé de le relayer. Résultat, Cancellara s’est relevé avec raison, et l’écart est remonté au delà de la minute. Si Hushovd et Ballan avaient relayé, c’était tout bénef selon moi: tous trois seraient remontés dans l’échappée, Cancellara aurait demeuré isolé et Hushovd aurait été en position de force avec Van Summeren avec lui. Quant on connaît les risques de chutes, de crevaisons sur Paris-Roubaix, deux coureurs devant valent toujours mieux qu’un seul…
Certains penseront que l’équipe Garmin a joué la carte Van Summeren en interdisant à Hushovd de relayer Cancellara pour rentrer. Je n’en crois rien: la course n’était pas encore décantée devant, il y avait plusieurs Lotto et Van Summeren offrait tout de même peu de garantie. Ballan, quant à lui, n’avait aucune raison de s’économiser à ce moment de la course.
Les Sky de Flecha se sont par ailleurs éteints bien vite dans les 20 derniers kms… Seul Leukemans aura vraiment épaulé Cancellara dans les derniers 10 kms, répondant présent dans le final alors qu’il était déjà allé… trois fois au tapis avant ! Un guerrier, celui-là.
Mais l’homme fort du jour était une fois de plus Cancellara selon moi, sa 2e place en attestant. Il aura payé très cher son statut de favori, étant marqué à la culotte. Déplorable attitude des autres qui ont couru pour le faire perdre et non pour gagner… Ceci étant, Cancellara était tout de même très isolé très tôt dans le final, n’ayant plus d’équipiers Leopard avec lui. C’est probablement ce qui lui a manqué le plus et gageons que Leopard sera très actif à la fin de l’année pour recruter quelques autres pointures pour épauler Spartacus sur les Classiques. C’est probablement Bjarne Riis qui devait encore une fois bien rigoler dans sa bagnole, ayant par ailleurs un Baden Cooke retrouvé dans le final.
Cancellara fait (virtuellement seul) tout de même 2e de Milan SanRemo, 3e du Ronde et 2e de Paris-Roubaix en 3 semaines. Cela vous situe le bonhomme et les garanties de résultat qu’il offre sur les Classiques !
L’autre Québécois, Dominique Rollin, a été victime de malchance peu de temps après Arenberg, brisant son dérailleur en raison d’une chute survenue devant lui. C’est dommage car il avait apparemment de très bonnes jambes… L’Amstel, Dominique ?
La situation aura aussi été cafardeuse pour l’équipe Quick Step, décimée en quelques kilomètres seulement, Boonen étant stoppé dans Arenberg puis chutant quelques kms plus loin alors qu’il chassait pour remonter. Presque en même temps, Chavanel allait durement au tapis. Quand ce n’est pas votre jour…