Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Auteur/autrice : Laurent Page 150 of 352

Un ciel pas tout à fait clair pour l’équipe Sky

Très intéressant commentaire à propos de l’équipe Sky laissé par Alain39, un fidèle lecteur de La Flamme Rouge. Je reprend la balle au bond, et me permet quelques commentaires supplémentaires.

Le commentaire d’Alain porte sur la suspicion qu’engendrent les performances peu communes de l’équipe Sky sur le récent Tour de France. Revenons sur les éléments crédibles pouvant alimenter cette suspicion, question d’étoffer un peu le discours sans verser dans le jugement facile.

1 – Les calculs de puissance. Antoine Vayer est sans appel: les puissances moyennes ont ré-augmenté sur le Tour cette année, après quelques années où elles étaient en baisse. On est revenu, dans certains cas, aux valeurs des belles années EPO, notamment dans ce col de Peyresourde que Wiggins et Froome ont grimpé seulement 34 secondes plus lentement que Rasmussen et Contador dans le Tour 2007, alors qu’ils se tiraient la bourre à raison de grands sprints sur-réalistes. Wiggins et Froome ont ensuite réussi à accélérer le rythme dans la dernière montée sur Peyragues!

Bref, il convient de regarder ces performances avec un peu de recul car elles sont surprenantes. Limites même.

2 – l’AICAR. Ce produit miracle est-il vraiment détectable comme on le laisse penser? Pas sûr. Dans le doute, on ne peut avoir la certitude que les coureurs du Tour étaient propres, ce produit ayant pu échapper aux contrôles. Peut-être pas pour bien longtemps, et c’est là un véritable espoir si des tests rétroactifs sont appliqués.

3 – Ténérife. Comme c’est la mode depuis quelques années, les grands favoris du Tour s’éclipsent dans les 3 semaines précédents la compétition, voire en mai (c’est de plus en plus fréquent). Wiggins a choisi Ténérife pour s’entrainer un mois durant, adoptant apparemment une vie de moine (il aurait grimpé 100,000m de dénivelé en un mois!). Le but était triple: s’acclimater à la chaleur, grimper des cols (un volcan) et s’acclimater à l’altitude. Ténérife est aussi un des lieux où officie un certain Michele Ferrari. Un hasard, probablement. Que voulez-vous, c’est bien connu: on ne choisit pas ses voisins…

4 – Tim Kerrison. Le « scientifique du sport » chez Sky, l’homme qui a transformé Bradley Wiggins. Il travaillait auparavant comme entraineur en… natation. C’est bien connu aussi: rien de tel qu’une approche « nouvelle » pour repousser les limites. Nous n’avons pour l’instant rien à reprocher à M. Kerrison, mais la transformation Wiggins qu’il a dirigé est assez spectaculaire merci.

5 – L’affaire de la Vuelta 2010. Un mystérieux virus. De nombreux coureurs de l’équipe affectés. Flecha à l’hopital. Et le décès d’un soigneur sur septicémie. Une affaire jamais élucidée, qui est restée sans réponse. Bizarre.

Ces cinq éléments me paraissent pour le moment les plus crédibles pour soulever un doute raisonnable quant à la probité des coureurs chez Sky. Laissons le temps faire son oeuvre, de la même façon qu’il a agit pour l’équipe américaine US Postal. Pour le moment, il convient de les féliciter de leur Tour 2012, c’était d’une maitrise parfaite.

Le Tour de l’actualité

Pas mal de nouvelles à couvrir aujourd’hui. On commence par le plus incroyable.

1 – Deux participants du récent GranFondo New York sont positifs à… l’EPO! Voilà une preuve supplémentaire que ça se dope aussi sur la scène des cyclosportives, parfois même avec des produits très sophistiqués. Vous êtes battus par plus fort que vous sur la Marmotte? Sans être parano, sachez relativiser: êtes-vous bien sûr de la probité et de l’éthique de vos adversaires? Ce que je veux dire? Je veux dire qu’il faut se rappeler l’essentiel: que nous faisons du vélo pour le plaisir, pour repousser nos propres limites et pour relever des défis. Et pour vivre en santé.

2 – Cet article d’Antoine Vayer publié dans le journal français Le Monde sur les récentes performances offertes sur le Tour, y compris de Voeckler, a de quoi déstabiliser. Une lecture obligée pour ceux qui veulent être des observateurs éclairés du cyclisme.

3 – Excellent bilan du Tour, équipe par équipe.

4 – Après Greg LeMond en 1984, Tejay Van Garderen est le deuxième américain à ramener le maillot blanc de meilleur jeune du Tour à Paris. LeMond voit chez le jeune coureur américain un gros potentiel pour les années à venir, et je suis plutôt d’accord avec lui. Ca tombe bien, Van Garderen aussi.

5 – Excellent vidéo avec Alex Stieda, le premier Canadien (et nord-américain) à avoir porté le maillot jaune sur le Tour de France. C’était en 1986. Ca fait plaisir de revoir Alex aussi en forme, cut, et l’esprit vif. Il revient notamment sur son Tour de France 1986 et la façon dont il a vécu tout cela. Très intéressant! Ca donne le goût d’aller rouler avec lui.

6 – La course sur route des JO de Londres aura lieu samedi prochain (dimanche, ça sera au tour des femmes). Le parcours est ici, la liste des partants est ici. Cavendish et l’équipe britannique, qui jouent à domicile, sont évidemment les épouvantails à battre. Personnellement, je pense que Peter Sagan pourrait créer la surprise, mais il est cependant seul de son pays. Comme Ryder Hesjedal, seul représentant canadien. Pour Hesjedal, ça sera l’occasion de reprendre la compétition en préparation aux GP de Québec et Montréal en septembre.

7 – Le groupe Campagnolo Athena sera électrique en 2013. Attendez avant de vous précipiter, les rumeurs veulent que le groupe électronique chez Campa ne soit pas encore tout à fait au point.

8 – Un documentaire sur la vie et la chute de Marco Pantani est en gestation et pourrait sortir sur les écrans en 2013. Quoi de plus actuel considérant l’actualité récente dans le monde du cyclisme?

9 – Contador le retour: c’est planifié au Eneco Tour, en préparation de la Vuelta dont il sera un des favoris. Rappelons qu’on y attend aussi Chris Froome et Jurgen Van Den Broeck. Ca pourrait être intéressant, en particulier en montagne.

10 – J’aime ce BH UltraLight. Il aurait été un précieux atout sur la Haute Route!

11 – Vous vivez dans la région d’Ottawa-Gatineau? Vous n’avez rien de spécial mercredi soir prochain? Participez au sympathique « Hell Climb 2012 », un chrono de 6.2 kms sur la montée Fortune, dans le Parc de la Gatineau, au profit de l’hôpital d’Ottawa et son unité de recherche sur les reins. 10$ (ou plus!) l’entrée, et la chance de nous prouver que vous pouvez vraiment monter « Fortune » très rapidement. Ca commence à 18h. Le record Strava tombera-t-il?!

Ils sortent frustrés du Tour

La Promenade des Anglais s’était déplacée de Nice à Paris hier pour l’arrivée du Tour: à Bradley Wiggins le Tour, à Mark Cavendish la dernière étape!

Wiggins inscrit donc son nom dans l’Histoire du cyclisme comme premier anglais vainqueur du Tour. Ce fut une presque une ballade de santé et il n’aura jamais été inquiété durant les trois semaines de course. Seul son équipier Froome semblait en mesure de le déstabiliser en montagne, mais son avance grâce au chrono était tout-de-même confortable.

Si plusieurs ont réussi leur Tour, d’autres en sortent frustrés très certainement. Petit tour d’horizon:

1 – BMC. La Dream Team du vélo sur papier début 2012. Des grosses pointures: Evans, Gilbert, Hushovd. Sur le Tour, ce fut la catastrophe presque complète puisque seul Tejay Van Garderen vient sauver les meubles avec une belle place de premier jeune de l’épreuve. Pas une seule victoire d’étape, trois semaines d’anonymat pour Philippe Gilbert, et l’effondrement de Cadel Evans dans les Alpes. Ce n’est pas un bilan satisfaisant pour l’une des trois plus importantes équipes cyclistes professionnelles du peloton.

2 – Matthew Goss. Il a essayé tous les jours, il a fait roulé son équipe GreenEdge mais au final, pas une seule victoire d’étape. Sagan, Greipel et Cavendish ont démontré que Goss n’avait pas, pour le moment, ce qu’il fallait pour rivaliser avec eux. Ce manque de réussite a dû être très frustrant pour Goss et pour ses équipiers ces trois dernières semaines.

3 – Chris Froome. En montagne, tout le monde s’entend pour affirmer qu’il était probablement le plus fort. S’il avait été dans une autre équipe, j’aurais aimé voir ce qu’il aurait pu faire en attaquant de plus loin Bradley Wiggins… Bref, Froome passe à côté d’une éventuelle victoire dans la plus grande course cycliste du monde et ça, ça doit être très frustrant pour lui. Je ne serais pas surpris de le voir dans une autre équipe en 2013!

4 – AG2R La Mondiale et Cofidis. Quant on sait l’importance du Tour de France pour les équipes françaises, on peut être inquiet de l’avenir des équipes AG2R La Mondiale et Cofidis qui passent à côté d’une victoire d’étape sur le Tour, alors qu’Europcar et La Française des Jeux ont fait un carton plein. Seule consolation du côté de l’équipe AG2R, la belle 12e place de Nicolas Roche, mais qui loupe quand même le top-10. Pour Cofidis, c’est la disgrâce complète si on ajoute l’Affaire DiGregorio.

5 – Chris Anker Sorensen. Devant sur de nombreuses étapes, notamment en montagne, il a couru après une victoire d’étape sans relâche et… sans succès. Frustrant pour lui, et pour toute son équipe SaxoBank qui aurait bien eu besoin d’une telle victoire.

6 – Jérome Coppel et l’équipe Saur-Sojasun. On ne les a beaucoup vu ces trois dernières semaines, ni dans les échappées, ni devant grâce à Coppel, pas au mieux physiquement il est vrai. Pourtant, sur le papier, Coppel et son équipe Saur sont plein de talents. Frustrants pour eux.

7 – Robert Gesink. Le leader de la Rabobank semble être maudit en juillet sur les routes du Tour. Le vainqueur du Tour de Californie passe encore à travers la Grande Boucle. Rabobank a cependant sauvé la mise avec son coureur espagnol, Luis Leon Sanchez.

8 – Tyler Farrar. Le sprinter américain a été totalement absent. Le début de la fin?

9 – Ryder Hesjedal. Comment oublier Ryder? Abandon sur chute, de quoi être très frustré alors qu’on tient la condition physique de sa vie. Je suis convaincu, à la lumière de ces trois dernières semaines, que Ryder aurait pu terminer 3e de ce Tour de France, devant Nibali.

10 – Nous, les fans. Les trois dernières semaines nous ont replongé dans l’époque ennuyeuse d’Indurain et d’Armstrong: le premier chrono pour faire une différence, puis une équipe survitaminée pour tout contrôler le reste de la course. Pas spécialement excitant. Un autre Tour comme celui-là et nous serons nombreux à décrocher pour aller voir le Giro, autrement plus passionnant cette année.

Londres 2012 par Louis Garneau

Look « vintage » pour les vêtements fabriqués par Louis Garneau de l’équipe cycliste canadienne des Jeux Olympiques de Londres qui s’amorcent sous peu. Ryder Hesjedal sera facile à identifier dans le peloton!

Je trouve l’ensemble assez réussi, d’une sobriété efficace.

              

Les surprises du Tour

Reportons-nous, l’espace d’un instant, il y a quatre semaines, soit quelques jours avant le Tour de France. De cet angle, nous sommes mieux capables d’identifier les vraies surprises et révélations de ce Tour.

1 – Thibault Pinot. Déjà auteur de quelques belles perfs, on savait le coureur français capable de belles choses. Mais de là à être 10e du général du Tour à trois jours de l’arrivée à Paris, non. À 22 ans, il fait presque jeu égal avec son compatriote Pierre Rolland, actuel 8e du général 1min30 devant lui et aussi vainqueur d’une étape. Rappelons que Thibault Pinot est le coureur le plus jeune de cette édition du Tour, à 22 ans et 2 mois. Il est, pour moi, LA grande révélation de ce Tour.

2 – Chris Froome, ou Froome, c’est fou. Une aisance indécente dans les cols, une maigreur incroyable, il se pose comme le vainqueur du Tour 2013, pourvu que ce dernier fasse plus de place à la montagne. Car que vaudra un Contador en pleine possession de ses moyens face à un Froome dans une condition équivalente ? La question se pose… Chose certaine, gageons que le Tour 2013 sera différent de l’édition actuelle, Christian Prudhomme ayant déclaré être déçu du manque d’initiative des leaders en montagne. Je doute qu’on voit un premier grand chrono à la sortie de la première semaine l’an prochain!

3 – Tejay Van Garderen. Le coureur américain, actuel 5e du général, se paye le luxe d’être devant son leader Cadel Evans chez BMC, il est vrai pas au mieux. Maillot blanc du Tour en tant que meilleur jeune, il a encore quelques années devant lui pour s’améliorer. Un champion en devenir sur les courses par étapes, à n’en pas douter. Les États-Unis tiennent en lui quelqu’un capable de gagner le Tour après Greg LeMond et Lance Armstrong.

4 – Thomas Voeckler. Qui l’eut cru après un mois de juin catastrophique? Vainqueur du classement de meilleur grimpeur, deux grandes victoires d’étape en montagne, il a su réussir son Tour comme l’an dernier. Incroyable.

5 – Chris Horner. Et dire que Johan Bruyneel voulait le laisser à la maison! À presque 41 ans, il est actuellement 13e du général à un peu plus de 14 minutes de Wiggins. Toute une performance! Rigolo d’ailleurs, le plus jeune coureur du Tour (Pinot) est 10e du général, le deuxième coureur le plus âgé (après Voigt) est juste derrière, 13e. Presque 20 ans les séparent!!!

6 – Peter Sagan. Très jeune lui-aussi (22 ans), il décroche pas moins de trois victoires d’étape jusqu’ici et semble avoir le maillot vert acquis. Pas mal pour un premier Tour de France! C’est LE grand coureur de Classiques en devenir, tout en rappelant que Sagan sait aussi grimper quant il le faut.

Bref, avec Van Garderen, Pinot et Sagan, ce Tour de France a fait une belle place à la jeune génération âgée de 24 ans ou moins, sans oublier les Boasson Hagen et Rein Taaramae.

7 – L’équipe RadioShack. Avec tous les problèmes auxquels elle doit faire face actuellement (contrôle positif de Franck Schleck, rumeur de non-paiement des coureurs, poursuite de Jakob Fulgsang, accusations à l’endroit de Johan Bruyneel, etc.), l’équipe aurait pu s’effondrer. Voilà plutôt qu’elle est en tête du classement par équipe grâce à Zubeldia, Horner et Kloden. Voigt réalise aussi un bon Tour. De quoi replacer tous les coureurs en fin d’année si jamais l’équipe met la clef sous la porte! D’ailleurs, les plus récentes rumeurs de transfert envoient les frères Schleck chez… Astana la saison prochaine. Astana chercherait en effet à remplacer Vinokourov (retraite) et Kreuziger (en partance pour d’autres horizons) et son service-course est situé au… Luxembourg. Par ailleurs, il est intéressant d’apprendre la façon dont sont payés les coureurs pros de premier plan qui touchent plusieurs millions d’euros chaque année: via des sociétés à leur nom qui sont enregistrées dans des endroits exotiques comme le Panama et dont les fonds transiteraient par plusieurs pays avant d’aboutir à leur destination finale.

Un « jour sans » pour l’enthousiasme

Je sais pas vous, mais mon enthousiasme en a pris un sérieux coup ces jours derniers. Pourtant, on est en plein Tour de France, la grande fête du vélo. L’inspiration devrait être facile devant les exploits des forçats de la route, nos champions.

Et bien non.

Ce manque d’enthousiasme est évidemment lié aux affaires de dopage qui secouent actuellement le peloton pro: affaire Armstrong, affaire DiGregorio, affaire Schleck, et voilà qu’il faut rajouter depuis quelques heures affaire Gabrovski (EPO) et affaire Leleivyte (EPO). Ca la fout mal.

C’est aussi lié à une course que je ne comprends plus. Un Thomas Voeckler largué en montagne tous les jours sur le Dauphiné, blessé au genou en juin, et qui réalise sur ce Tour, quelques semaines plus tard seulement, deux très grands numéros, déposant tout le monde dans les cols. Donnez-moi sa recette, j’achète illico en préparation de la Haute Route! Et chose certaine, je suis le premier à le reconnaître: Voeckler me l’a mise dans les dents! (par rapport à mon scepticisme quant à sa sélection sur l’équipe Europcar avant le Tour).

De même, je ne comprends plus comment des Bradley Wiggins et Chris Froome anorexiques dominent outrageusement l’épreuve, bouche fermée dans les cols. Des équipiers Sky surpuissants après pourtant des mois voire des années d’inexistence (Rogers, Porte). Une course aseptisée, sans grande initiative tellement tout le monde préfère conserver sa position au général pour marquer des points UCI plutôt que risquer une attaque. Enfin, un milieu qui continue de se protéger comme une société fermée désireuse de préserver son image, ses acquis. Je lis que Franck Schleck plaidera rien de moins que l’empoisonnement. Une vaste conspiration des forces du mal ont conduit à un projet de l’empoisonner…

Le clou? Je lis qu’Andy Schleck est « dégouté du cyclisme ». Hey! Dégouté du cyclisme? Qui devrait être dégouté du cyclisme? Qui se dope? Chez qui retrouvons-nous des traces de produits qui ne devraient pas se trouver là?

S’il y a bien quelqu’un qui devrait être dégouté du cyclisme, c’est bien nous, les fans et passionnés de vélo. Rien ne change. 14 ans après l’électrochoc de l’affaire Festina, je vois peu de motifs de se réjouir. Tout n’est certes pas noir sur ce Tour de France et la lutte contre le dopage en général a sans l’ombre d’un doute fait des progrès ces dernières années, mais force est de reconnaître que des produits dopants sont encore en circulation et que des acteurs peu recommandables sont encore actifs dans la gestion des équipes ou du cyclisme de façon générale. Et que des performances sportives nous laissent encore perplexes tant elles fleurtent avec les limites humaines.

Au fond, certains lecteurs, dont Bikelarue, ont probablement raison: ce n’est pas du sport, c’est du spectacle. Ce n’est pas « que le meilleur gagne », c’est « que gagne celui qui saura ne pas se faire prendre ». Et j’ajoute « qui saura ne pas se faire prendre sur le fait ». Car se faire prendre plus tard, ce n’est pas grave…

Et pourtant, je demeure convaincu que certains coureurs pro présents sur le Tour sont propres. La situation du cyclisme est tellement triste pour eux comme pour nous.

Bonne fin de Tour à tous.

Le Tour de France vu par Serge Chapleau, célèbre caricaturiste au Québec et travaillant pour le journal La Presse:

(Triste) bilan du Tour

À quelques jours de l’arrivée à Paris, petit bilan bien personnel du Tour de France 2012.

1 – Comment ne pas commencer par une nouvelle affaire de dopage, celle qui touche Franck Schleck, positif à un diurétique, le Xipamide, lors de l’étape du Cap d’Agde.

Pour le moment, restons prudent, l’échantillon B n’ayant pas encore confirmé la présence de ce produit dans son organisme.

Mais force est de reconnaître qu’on se serait bien passé d’une telle nouvelle, Franck Schleck n’étant pas tout à fait un coureur anonyme. C’est encore une affaire de dopage qui fera du bruit, et un grand tort au cyclisme qui passe une fois de plus pour un sport de dopés.

Franck Schleck a décidé de quitter le Tour et a été entendu par la police hier soir. C’est un nouveau coup dur pour l’équipe RadioShack qui fait l’objet de bien des crises cette saison. Gageons que l’équipe ne sera pas reconduite en 2013…

Que dire de plus? Deux choses: d’abord, il faut rappeler que Franck Schleck avait fait, en 2008, un paiement au docteur Fuentes, celui-là même au coeur du scandale Puerto qui a notamment conduit à la suspension de Basso, de Valverde et à l’arrêt de la carrière de Jan Ullrich. L’agence anti-dopage luxembourgeoise avait décidé de ne pas poursuivre Franck Schleck dans cette affaire, contrairement à d’autres agences anti-dopage qui ont poursuivi leurs coureurs.

Secondo, si l’échantillon B est lui-aussi positif, il faudra expliquer la présence de ce produit dans l’organisme du coureur. Il est probable qu’on nous serve tout et n’importe quoi, à la hauteur des explications que nous a déjà servi Alberto Contador. Le plus probable est l’usage du Xipamide comme produit masquant afin de passer les contrôles.

Je ne sais pas vous, mais je trouve peu de matière à réjouissance dans le cyclisme ces jours-ci. J’en ai vraiment marre de toutes ces affaires de dopage. Comment conserver notre enthousiasme? Et nous n’avons pas le choix, il faut en parler. Antoine Vayer, lui, en parle et rit jaune, comme nous.

2 – La course elle-même. On est revenu aux Tours soporifiques de Miguel Indurain et Lance Armstrong: détruire l’opposition dans le premier grand chrono, puis gérer en montagne avec une équipe surpuissante. Bref, le suspense cette année est ailleurs que dans la course au maillot jaune, surtout dans le contexte où Chris Froome est tenu de respecter les consignes d’équipe. Les courses au maillot à pois et au maillot blanc me passionne davantage. Aujourd’hui dans la grande étape de montagne de ce Tour, les Français Pierre Rolland (pour les pois) et Thibault Pinot (pour le blanc) ont un bon coup à jouer.

Pour le général, seul Nibali me semble en mesure d’inquiéter les Sky, qui ont toutefois le nombre pour le contrôler. Basso pourra-t-il tenter quelque chose tôt lors d’une étape pour aider le Requin de Messine? C’est à souhaiter. Par ailleurs, je ne crois plus aux chances de Cadel Evans sur ce Tour. Il pourrait perdre encore du temps aujourd’hui dans les Pyrénées.

Quant aux autres, beaucoup de coureurs voudront préserver leur place dans les 10 premiers du général plutôt que de tenter le tout pour le tout et s’exposer à une défaillance. Dans le cyclisme d’aujourd’hui, les points UCI valent chers lors des renouvellements de contrats…

3 – Chose certaine, c’est Bradley Wiggins qui doit être ravi de l’histoire de dopage qui touche Franck Schleck. Voilà qui occupera les journalistes et le public et qui détournera les soupçons dont son équipe et lui font l’objet étant donné leur domination et leur maigreur extrême. Les AICAR entre eux et les autres sont grands…

4 – Il convient cependant d’être prudent concernant l’équipe Sky. Frédéric Portoleau nous informe à propos des puissances développées sur ce Tour. Elles sont très élevées, mais demeurent en lien avec celles des années précédentes. En bref, si des performances extraordinaires (devrais-je dire extraterrestres?) comme celle de Contador à Verbier en 2009 sont nettement plus rares, il demeure que les coureurs pros continuent d’évoluer à des seuils très élevés. Pour preuve, Chris Froome a développé 467 watts pendant 16 minutes à la Planche des Belles Filles contre 390 watts pendant 21 minutes pour Contador sur Verbier en 2009. Si Contador est plus léger que Froome, ça demeure une sacré perf de ce dernier. Et un peu surprenante à la lumière de son palmarès jusqu’ici pour moi, mais pas pour Michel Thèze, son ancien directeur au Centre mondial de cyclisme: apparemment, Froome aurait un sacré moteur.

5 – J’ai bien aimé les victoires françaises sur ce Tour, au nombre de quatre: Pinot, Voeckler, Rolland et Fedrigo. Deux chez Europcar, deux à la Française des Jeux du passionné Marc Madiot (pour preuve, ce vidéo qui témoigne que Madiot ne s’énervait pas derrière son coureur pour la première fois!). Ces équipes ont déjà réussi leur Tour de France. Malheureusement, la guigne continue de s’abattre sur l’équipe AG2R La Mondiale, de Chambéry, sans succès à ce jour sur le Tour et au milieu d’une saison frustrante, sans grand résultat. Nicolas Roche, 13e, voudra sauver les meubles, peut-être en tentant de décrocher une étape dans les prochains jours?

6 – Reportage video sympa au coeur de l’équipe Europcar sur ce Tour de France. À ne pas manquer.

7 – Reportage sur les rois de la montagne sur le Tour de France, cette race de coureurs fragiles mais très spectaculaires dont certains ont mal fini, malheureusement.

44e Tour de l’Abitibi

En attendant demain la présentation d’un bilan du Tour de France à l’occasion de la 2e journée de repos, détour aujourd’hui par le Tour de l’Abitibi qui est au calendrier des coureurs juniors ce que le Tour est au calendrier des pros: la plus prestigieuse course par étapes du calendrier, point final.

Le Tour de l’Abitibi figure en effet au calendrier UCI des juniors et constitue la plus longue des courses par étapes offertes aux coureurs de 17 et 18 ans.

Depuis 1969, de nombreux coureurs pro de premier plan sont passés par le Tour de l’Abitibi: on pense à Andy Hampsten, Laurent Jalabert, Steve Bauer ou Bobby Julich par exemple. J’ajouterais, ces dernières années, Denis Menchov, David Veilleux, Tyler Farrar, Taylor Phinney ou encore Arnaud Demare. Que du beau monde!

Bref, le Tour de l’Abitibi est une épreuve de référence qui vous situe un coureur junior. Une victoire en Abitibi augmente très significativement vos chances de percer au plus haut niveau.

Pour se mettre dans l’ambiance, à ne pas manquer cet excellent documentaire long métrage réalisé sur l’épreuve: le Tour des rêves. Comme ils écrivent: « Ils rêvent du Tour de France. C’est en Abitibi que ce rêve commence« . Vrai dans bien des cas!

L’édition 2012

Au menu, 7 étapes pour un total d’environ 600 kms à parcourir, dont un court chrono de 10 bornes jeudi. La première étape, entre Amos et Rouyn-Noranda, présente de grosses difficultés. Les étapes 5 et 7, entre Timiskaming et Lorrainville puis entre Mont Brun et Rouyn-Noranda, seront également des étapes difficiles. Outre le chrono et les chutes, c’est durant ces étapes que le maillot brun tant convoité de leader du général devrait logiquement se jouer. Un maillot orange (points) et bleu (meilleur temps chez les juniors 1ere année) sont également attribués.

Le peloton sera constitué d’environ 140 coureurs répartis en 23 équipes d’au maximum six coureurs. On y retrouve six équipes nationales, soit le Canada, les États-Unis, le Mexique, la Colombie, le Guatemala ainsi que la Thaïlande. Malheureusement, pas d’équipe de France cette année en Abitibi. Un lien avec l’année olympique peut-être? Je l’ignore. Le gros des coureurs est de nationalité américaine, suivi des Canadiens. Ca sera intéressant de suivre la progression des coureurs colombiens, habituellement rompus aux parcours accidentés.

Pour suivre la course, deux sites en particulier. Le premier, TVGO, donne accès à d’intéressants vidéo de la course et ce, tous les jours. Le deuxième est celui d’un blogueur, Olivier Grondin, qui présente quelques bons articles sur l’histoire de cette course.

Ca commence bien

En marge de la course, le Tour de l’Abitibi organisait hier un challenge sprint selon la formule déjà présente lors du GP de Québec World Tour. C’est un coureur de l’équipe du Québec qui a gagné, Elliot Doyle, devant un coureur de l’équipe canadienne, Brandon Etlz. Le troisième est de l’équipe des États-Unis.

Je souhaite personnellement un bon Tour de l’Abitibi aux coureurs ainsi qu’à toute l’équipe d’organisation!

Un GP OBC frustrant pour moi

Excellentes conditions météo pour cette édition du GP OBC, le grand rendez-vous annuel dans le superbe Parc de la Gatineau: beau et très chaud, peu de vent.

Journée faste pour mon équipe des Rouleurs de l’Outaouais puisque Chantal Gosselin a remporté la course des Maîtres Femmes et que Gino Ainsley a loupé le podium de peu chez les Maîtres 30-39 ans, terminant 4e. Les Rouleurs ajoutent à cela deux autres top-10, chez les femmes Seniors 1-2 (Anais Courteille 8e) et chez les Maîtres C (Gilbert Marois 9e). J’aurais tant aimé apporter ma contribution à ce beau tableau!

Je participais à la course Maîtres A, la préférant à celle de ma catégorie (Maîtres B) afin d’accumuler les kilomètres et les efforts en vue de la Haute Route. Yves Lefebvre, qui part aussi sur la Haute Route, avait choisi la même option que moi.

En fait, le GP OBC était pour moi un test après un gros mois d’entrainement, surtout que la météo était parfaite pour moi. Et bien le test a été échoué.

La course s’est élancée sur des bases très rapides puisque le premier tour avec mon peloton fut bouclé en 29min22sec, soit le tour le plus rapide de toutes les catégories hier, Séniors 1-2 (pro) compris! En 10 bornes, notre peloton avait déjà rattrapé le peloton des Juniors/Seniors 3, pourtant parti deux grosses minutes avant nous. Cela a d’ailleurs créé une jolie confusion pendant des kilomètres, les juniors/séniors3 se mêlant aux Maîtres A.

Durant les trois premiers tours, sur cinq à faire, je me baladais. Très bonnes sensations. J’ai essayé deux fois de fausser compagnie au peloton, mais celui-ci réagissait au quart de tour, ne laissant personne s’échapper. Jusque là, le test était très concluant.

À un kilomètre du début de la 4e ascension de la grosse bosse du parcours, Fortune, chute importante au milieu du peloton. Je passe près d’aller au tapis avec mon équipier Gino. Nous perdons quelques places, mais rien de grave. Et là, dans la bosse, incapable d’hausser mon effort! Les pulsations cardiaques à 166 (sur un maxi de 178), rien de trop intense, mais une grosse fatigue me tombe dessus sans avertissement. Le moteur bloqué, je ne peux hausser le rythme, ce que je faisais sans problème 15 bornes avant. La panne de jambes, dans sa meilleure définition. Allez comprendre.

J’ai bouclé ce 4e tour en maintenant un bon effort, 1min30 derrière le peloton que je n’ai jamais pu rejoindre malgré une chasse. Le 5e et dernier tour a été bouclé à un bon rythme avec 4 autres compagnons dont Fred Chenard qui roulait très bien avec moi. J’ai assuré le tempo dans à peu près toutes les bosses. Je ne peux en dire autant de nos trois autres compagnons qui visiblement avaient encore des choses à apprendre côté cyclisme. Tout ce joli monde m’a déposé à 200m de la ligne pour se claquer un sprint endiablé pour la… 32e place. Je ne comprendrai jamais.

Résultats, je termine 37e à 6 minutes du premier peloton que je n’aurais jamais dû quitter. Je termine surtout très frustré après moi.

Bref, à 35 jours du départ de la Haute Route, il y a lieu de se poser quelques questions. Fatigue après un gros mois d’entrainement? Allergies (toujours présentes)? Perte de puissance musculaire? Anémie? Erreurs d’alimentation durant la course? Ce dernier point est à surveiller, je n’ai probablement pas assez bu et mangé, trompé par d’excellentes sensations dans les trois premiers tours.

Quoi qu’il en soit, c’est décidé: je m’accorde un peu de repos total cette semaine!

La Toussuire: que de rebondissements!

Y’a pas à dire, l’étape d’hier a été riche en surprises et en rebondissements. Voyons un peu.

1 – Tout d’abord, un doublé français, Rolland premier et Pinot deuxième. Qui l’eut cru? L’équipe Europcar m’a une fois de plus fait mentir, avec une belle cohésion sur l’étape d’hier. Malacarne a roulé dans la Madeleine, relayé ensuite par un Christophe Kern déchainé dans le col du Glandon-Croix de Fer. Rolland a bien terminé le boulôt, allant au bout de lui-même dans les derniers kilomètres. Pinot a également été très costaud et m’a beaucoup surpris à ce niveau de compétition. Un tout bon celui-là.

2 – Evans qui craque à 5 kms de l’arrivée. Visiblement, Evans est un ton en dessous sur ce Tour de France, et son chrono moyen de l’autre jour était annonciateur de la suite qui n’a pas loupé. Cadel Evans a perdu le Tour hier. Reste à entendre le sursaut d’orgueil du champion, probablement dans les Pyrénées. Van Garderen est meilleur que lui pour BMC cette année.

3 – Froome le plus fort? Celui-là, il étonne tout le monde! Quel avion de chasse! Il monte presque la bouche fermée et on se demande d’où vient sa puissance à la vue de ses jambes rachitiques. Il a largué son leader Wiggins à 5 bornes de l’arrivée alors qu’il roulait pour rentrer sur le groupe Nibali juste devant. Wiggins a évoqué un problème de radio mais je n’y crois pas trop: celle de Froome semblait marcher au poil. En tout cas, personne n’a été dupe et il semble bien que Froome est plus costaud encore que Wiggins. L’équipe Sky est désormais 1-2 au général et peut voir venir. C’est la fin du suspense sur l’épreuve. Si Wiggins sombre, Froome sera là pour reprendre où l’autre laissera.

4 – Nibali le meilleur des autres. Quelles belles attaques du requin de Messine dans l’ascension finale! Quelle giclette! Dommage que Nibali n’ait pas pu concrétiser, mais l’Italien semble définitivement être le plus costaud après Froome et Wiggins. Son équipe Liquigas pourra l’épauler dans les prochains jours, Basso et Sagan sont costauds eux-aussi. Il est le seul me paraissant capable de dynamiter la course n’importe quand, même dans les descentes.

5 – Van Garderen solide. La course au maillot de meilleur jeune est presque la plus passionnante de ce Tour de France, entre Van Garderen et Pinot. Pour le moment, Van Garderen possède une priorité de presque 2 minutes sur Pinot, mais attention aux étapes pyrénéennes. Taaramae a sombré ces derniers jours et est out de cette course.

6 – Beau collectif RadioShack avec, devant en montagne, pas moins de 4 coureurs: Franck Schleck, Chris Horner, Aimar Zubeldia et Maxime Monfort. L’équipe RadioShack est en tête du classement par équipe avec plus de 12 minutes d’avance sur les Sky. Rafraichissant.

7 – La course pour le maillot de meilleur grimpeur n’est pas terminée non plus puisque seulement 11 petits points séparent actuellement Kessiakoff de Rolland. Misez Rolland à Paris.

Bref, on pourrait résumer en affirmant qu’à défaut d’avoir du suspense pour le maillot jaune, on en a un peu partout ailleurs et que les coureurs français nous offrent un joli spectacle. Ce Tour de France n’est pas si mal dans le fond.

Retour sur la victoire de Voeckler

Commentaire intéressant de Legaffm qui a trouvé que Voeckler a plutôt mal couru sur la route de Bellegarde, énervant ses compagnons d’échappée avec des petites relances fréquentes et avec des signes de mauvaise humeur dans le final. C’est un bon point, Voeckler a surement énervé ses adversaires ce jour-là par son attitude. Il a aussi beaucoup donné de sa personne.

Voeckler me la mets dans les dents!

Dans la vie, il faut avoir le courage de reconnaître qu’on a eu tort. C’est une question d’honnêteté intellectuelle.

J’ai eu tort en affirmant que Jean-René Bernaudeau faisait une erreur de sélectionner Thomas Voeckler pour le Tour. Il a gagné son pari, il faut le reconnaître.

Thomas Voeckler a en effet répondu aux critiques en remportant de très belle manière l’étape d’hier sur le Tour de France. Cette étape n’était pas facile, avec le Grand Colombier à passer. Elle n’était pas facile pour Voeckler qui, visiblement, avait une pancarte dans le dos: ses compagnons d’échappée le marquait à la culotte. Voeckler a su la jouer avec finesse dans le final et je  dois reconnaître que sa victoire est sans équivoque. Du très beau boulôt. Sa victoire me fait très plaisir; je ne voulais pas voir Scarponi gagner, l’ayant trouvé, durant l’étape, trop avare de ses efforts et trop calculateur.

J’ajoute même que la simple honnêteté intellectuelle exige de reconnaître que l’équipe Europcar fait un Tour de France très correct jusqu’ici. On les a vu devant presque tous les jours durant la première semaine. Hier, Voeckler a gagné avec l’aide d’Arashiro, et Pierre Rolland a repris quelques secondes aux favoris.

Bref, l’équipe tient la route avec brio et dans ce contexte, les choix de Jean-René Bernaudeau sont justifiés. Il n’y a pas de honte à reconnaître que j’ai eu tort, même si j’estime toujours que ma position d’avant Tour était tout à fait défendable à la lumière des éléments dont on disposait. Voeckler a bel et bien failli abandonner lors des étapes 2 et 3, et c’était un pari risqué que de le sélectionner. Le pari est toutefois réussi.

Un mot enfin sur les articles de début de Tour suggérant que l’équipe Europcar fait usage de cortisone. Une enquête préliminaire a même été ouverte par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), service de gendarmerie en charge de l’axe pénal de la lutte antidopage sur le territoire français. Je n’ai pas voulu commenter, estimant qu’il était trop tôt pour le faire. Ceci étant, il est vrai que plusieurs coureurs de l’équipe ont semblé avoir des problèmes de genou au cours des derniers mois. Simple coïncidence? Je ne le sais pas. Chose certaine, Voeckler a réagi sur le vélo hier et est allé chercher son étape au courage, dans un final compliqué.

Thomas Voeckler hier: la tête et les jambes. C’est le cyclisme comme je l’aime. Je lui dis « bravo! ».

Aujourd’hui, la grande étape des Alpes

L’étape d’aujourd’hui est à ne pas manquer puisque c’est la seule vraie étape de montagne dans les Alpes cette année. Au menu des coureurs, « seulement » 148 bornes mais la Madeleine, la Croix de Fer et le Mollard à franchir avant d’attaquer la montée finale vers La Toussuire. Dur!

C’est sûr, une échappée de coureurs loin au général partira dans la Madeleine. Attention à Voeckler qui pourrait nous remettre ça question de défendre son maillot à pois et de servir de relais, plus loin, pour Pierre Rolland.

Pour les favoris, le meilleur endroit pour attaquer est selon moi après le village de St-Colomban-des-Villards, à 70 kms de l’arrivée et à 15 bornes du sommet de la Croix de Fer. À cet endroit, la pente devient progressivement plus raide et c’est franchement pentu sur les 2 derniers kms du Glandon. De quoi creuser des écarts. Ensuite, le début de la descente de la Croix de Fer est technique et pourra favoriser un petit groupe voire un homme seul qui ne lâcheront rien à cet endroit. Très rapidement, on attaque la courte ascension du Mollard, puis la descente est très technique, avec de très nombreux lacets. Un homme seul ne perdra rien sur un peloton dans cette descente, qui l’amène au pied de la dernière ascension où il faudra avoir les jambes.

Le dopage éclipse (malheureusement) le Tour

Triste, c’est actuellement assez triste dans le cyclisme: les affaires liées au dopage se multiplient.

À un tel point que cela éclipse la course sur le Tour de France.

Et il est inutile de se cacher la tête dans le sable, il faut en parler. Affronter nos problèmes de face. Ce n’est quand même pas la faute aux journalistes et blogueurs si les coureurs cyclistes se dopent!

Quatre affaires retiennent actuellement l’attention: Affaire Pozzato, Affaire DiGregorio, Affaire Armstrong et Affaire Wiggins.

Affaire Pozzato

Fillipo Pozzato a en effet avoué travailler depuis 2005 avec le fameux et sulfureux docteur italien Michele Ferrari, dont la réputation en matière de dopage n’est plus à faire. Si Pozzato n’est pas spécialement un gros poisson, cette affaire nous est utile en ce sens qu’elle nous apprend qu’en dépit de son bannissement à vie prononcé en 2002 en Italie, Ferrari continue encore aujourd’hui d’encadrer de très près des coureurs cyclistes professionnels.

Comment est-ce possible? Comment voulez-vous qu’on s’en sorte dans ces conditions? C’est désespérant.

Affaire DiGregorio

Elle est toute récente celle-là: la police française a placé en garde à vue Rémi DiGregorio pour une présumé affaire de dopage à Marseille. Deux autres personnes seraient également en garde à vue dans cette histoire de dopage. Les faits remonteraient à l’an dernier alors que DiGregorio courait pour l’équipe Astana et c’est un coup de téléphone mis sous écoute qui l’aurait trahi. Il se serait procuré des produits dopants à l’aide d’un réseau à Marseille.

L’équipe Cofidis a déjà réagi et suspendu DiGregorio qui quitte donc le Tour par la plus petite des portes.

Cette affaire nous rappelle que depuis 14 ans, la majorité des coureurs pris pour dopage ne l’ont pas été suite à un contrôle positif, mais bien suite à une enquête ou une perquisition menées par la police. L’Affaire Puerto, l’Affaire Oil for Drugs, et maintenant l’Affaire DiGregorio nous rappelle donc que l’absence de contrôles positifs ne saurait en aucun cas être un gage de probité d’un athlète, n’en déplaise à… Lance Armstrong. À ma connaissance, Rémi DiGregorio n’a échoué aucun test antidopage l’an dernier…

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de remarquer que DiGregorio a eu quelques bons résultats en 2011 en cyclisme, alors qu’il était de passage dans une équipe non-française, à savoir Astana. Une de ses seules victoires professionnelles a été acquise l’an dernier lors de la 7e étape de Paris-Nice. Ayant ré-intégré une équipe française (Cofidis) en 2012, il n’a rien gagné cette année.

Ce que je veux dire? Rien du tout. Simplement je porte à votre attention que DiGregorio a eu ses meilleurs résultats la seule année de sa carrière où il était dans une équipe non-française et que sa récente arrestation est liée à l’usage de produits dopants justement l’an dernier. Troublant comme coïncidence.

Affaire Armstrong

Lance Armstrong est aux abois et ça parait: il cherche par tous les moyens possibles et imaginables à stopper l’USADA dans sa démarche. Il vient de reloger une poursuite auprès de la cour fédérale pour tenter d’invalider le recours de l’USADA à son endroit. Un premier juge l’a débouté avant-hier: on verra ce que fera la cour fédérale dans les prochains jours, elle a jusqu’au 14 juillet à 17h pour rendre une décision.

Lance Armstrong continue d’attaquer la légitimité de l’USADA, amenant le débat sur autre chose que le dopage. Car sur ce plan, il sait qu’il a déjà perdu. Seule solution, invalider l’action de l’USADA. Si la cour fédérale permet à l’USADA d’aller de l’avant le 14 juillet, je crois bien que M. Armstrong sera déchu rapidement de ses titres et de sa réputation, par ailleurs construits sur un mensonge.

Fait intéressant, trois personnes accusées en même temps que Lance Armstrong et Johan Bruyneel ont reçu hier une sentence de suspension à vie d’oeuvrer dans le milieu du cyclisme: Michele Ferrari, Luis Garcia Del Moral et Pepe Marti. Ces personnes n’ont pas réagi, ne contestant en rien la sentence prononcée à leur endroit: c’est dire comme ces personnes s’en foutent et c’est dire à quel point cette nouvelle sentence ne les empêchera probablement pas de poursuivre leurs activités dans le milieu du cyclisme. Ces activités devront simplement être dans l’ombre, les privant de tout rôle « officiel » auprès d’une équipe cycliste professionnelle.

Plus encore, l’UCI refuse de commenter cette affaire, estimant n’avoir rien à y voir. Elle refuse de commenter probablement parce qu’elle sait qu’elle est elle-même à risque d’être sérieusement éclaboussée, les rumeurs étant que le dossier de l’USADA renferme des preuves crédibles que l’UCI aurait bel et bien étouffé un contrôle positif d’Armstrong. Lance Armstrong lui-même a déclaré que le procès de l’USADA violait une « entente » qui serait en vigueur entre l’UCI et lui… Bref, vivement qu’on avance pour en savoir plus sur ce cirque.

C’est désespérant: comment croire que le cyclisme a une chance de devenir plus propre dans ces conditions?

Affaire Wiggins

Il n’y a pas d’affaire Wiggins, mais comme vous la maigreur impressionnante de plusieurs coureurs chez Sky ainsi que la domination de cette équipe sur l’actuel Tour me laisse sans voix. Dans le contexte du dopage dans le cyclisme depuis 14 ans, il est légitime, je pense, de se poser des questions, sans pour autant verser dans la paranoia. Encore une fois, il s’agit d’exercer avec jugement notre sens critique. Ne pas condamner sans faits, mais rester prudents sur notre interprétation du spectacle offert.

Soyons bien clair: nous n’avons actuellement aucune raison de remettre en doute la probité de Bradley Wiggins et de l’équipe Sky.

Ceci étant, nous savons par ailleurs qu’un des produits à la mode côté dopage est actuellement l’AICAR, ou aminoimidazole carboxamide ribonucleotide. Ce produit est souvent utilisé en conjonction avec le GW501516, ce qui rend les cures très dispendieuses et donc réservées à l’élite de pointe.

Or, une des propriétés de l’AICAR est de renforcer la musculature tout en brulant les graisses, provoquant donc à la fois gain de puissance et maigreur extrême. On sait aussi le produit extrêmement efficace, permettant des gains de performance très appréciables (+44% chez les souris!).

À priori, le produit serait toujours indétectable aux contrôles anti-dopage.(NDLR: merci à Sébastien B qui nous informe que l’AICAR serait détectable lors des contrôles depuis juin 2012. Voilà qui est intéressant, en espérant que des dérivés de l’AICAR ne soient pas déjà en circulation.)  

Dans ce contexte, comment exclure que dans 3, 4 ou 5 ans, les échantillons 2012 de certains coureurs, dont des coureurs Sky, soient re-testés et sortent positifs à l’AICAR?

On apprend également ce matin que le médecin Geert Leinders, chez Rabobank lors des affaires Rasmussen et Dekker (EPO), travaille désormais au sein de l’équipe Sky. Cela ne veut pas forcément dire grand chose, mais cela soulève suffisemment de questions pour que le patron de l’équipe, Dave Brailsford, ai cru bon de réagir publiquement. Cette situation pose une question: pourquoi diable l’équipe Sky a-t-elle pris le risque de travailler avec ce médecin?

Bref, à la vue de ces nouvelles affaires, il convient je pense de continuer d’exercer notre sens critique et notre jugement face aux performances offertes. Il ne faut pas pour autant sauter aux conclusions. Je demeure convaincu que plusieurs coureurs professionnels exercent avec éthique leur métier. Tous les coureurs pros dopés? Non. Le dopage est-il en régression? Pas sûr. On ne peut pas l’affirmer avec certitude. Pour les dopés, tous dopés égal? Non. Certains ont toujours accès à un dopage plus élaboré et efficace simplement parce qu’ils ont les moyens financiers d’y souscrire.

Comme toujours, la vérité est probablement quelque part dans la nuance.

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