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Alexandre Lavallée : « Intelligence et discipline, les clefs pour réussir au plus haut niveau »

Coureur québécois bien connu durant sa carrière, Alexandre Lavallée a pris sa retraite sportive fin 2007 pour devenir directeur sportif à temps plein de l’équipe élite EVA-Devinci basée au Saguenay, équipe parmi laquelle figuraient notamment cette saison les Dominique Perras, Mathieu Toulouse, Stéphane Cossette, Guillaume Boivin, Jean-Sébastien Perron et Georges-Édouard Duquette. L’équipe annonçait début octobre ne maintenir pour 2009 que son volet "junior" et laissait donc tomber l’équipe élite

La Flamme Rouge vous propose aujourd’hui une entrevue avec Alexandre qui revient sur l’équipe EVA – DeVinci, nous parle de sa fonction de directeur sportif et évoque ses souvenirs de coureur cycliste.

La Flamme Rouge : Alexandre, le sponsor principal de l’équipe EVA était la Société de la vallée de l’aluminium, un regroupement de gens d’affaire visant à positionner le Saguenay Lac St-Jean comme un des principaux pôles de l’industrie de la transformation de l’aluminium. L’annonce de l’arrêt de l’équipe élite contenait peu d’information sur les raisons de cette décision. Tout au plus apprenait-on qu’il s’agissait d’une décision du conseil d’administration. Dans la mesure ou cette information pourrait être utile à d’autres afin de bien comprendre les atouts et les faiblesses du cyclisme lorsque vient le temps d’approcher d’éventuels sponsors, connais-tu les raisons du CA derrière cet arrêt ? Est-ce tout simplement la conséquence d’un changement de personnes dans ce même CA ?
 
Alexandre Lavallée : Il y a plusieurs facteurs qui ont mené à la décision de ne pas renouveler le volet élite de l’équipe EVA-DeVinci. Je dois d’abord rappeler que nous avons fait des miracles pour mener de front les programmes élite et junior qui ont chacun connu du succès. Or, avec les moyens financiers dont nous disposions, il devenait difficile de maintenir les deux volets. Après deux années essoufflantles, il était devenu évident qu’il fallait sacrifier soit les seniors, soit les juniors, nos moyens ne permettant pas de maintenir ces deux programmes de façon satisfaisante. Compte tenu de l’expérience en cyclisme de compétition du comité, il a été jugé qu’il était plus sage de se consacrer qu’au volet junior de l’équipe.
 
Quoi qu’il en soit, j’estime que l’expérience EVA Devinci est très positive tant pour les coureurs qui ont fait parti du programme que pour le cyclisme québécois, malgré quelques aléas que nous avons dû surmonter ces dernières saisons.
 
De cette expérience, je retiens que pour les gens qui ont envie de mener un projet semblable, il est surtout important de faire un plan de match simple, efficace et précis en s’appuyant sur l’expérience acquise par ceux ayant déjà monté de tels projets. Il faut également que chacun connaisse son rôle, soit actif et porte un projet commun. La présence aux courses, par exemple, m’apparaît essentiel même pour le commanditaire qui pourra ainsi bien comprendre les besoins des coureurs et se développer une passion pour la course cycliste. J’ajoute qu’il faut souvent faire preuve d’abnégation pour le succès du projet d’équipe. Autrement dit, il faut non seulement savoir ramer, mais aussi ramer tous ensemble dans la même direction !
 
La Flamme Rouge : Avec l’arrêt de Calyon, cela fait beaucoup de coureurs québécois se cherchant une nouvelle équipe pour 2009, non ?
 
Alexandre Lavallée : Un coureur qui a son développement à cœur va toujours se trouver une équipe au Québec ou ailleurs. Cela se complique toutefois lorsque ce coureur est de niveau pour faire l’équipe nationale espoir. Je m’explique.
 
Pour bien progresser, il faut que les coureurs aient accès à des courses relevées. Les bons entraînements ne suffisent pas. En d’autres mots, faut se faire taper sur la gueule par d’autres et que ces derniers ne ralentissent pas quand ça fait mal. Y’à juste Armstrong et quelques autres qui n’ont d’autres choix que de se faire mal tout seul…!
 
Donc pour moi, l’idéal est de faire une course de niveau international par mois.
Pour cela, il faut se trouver une équipe qui va permettre aux coureurs de prendre part à un bon calendrier international et de gagner un peu d’argent pour vivre afin de durer jusqu’à ce qu’il commence à être vraiment bon et pouvoir vivre de son sport. C’est souvent en équipe nationale qu’on a cette chance et les places y sont chères.
 
Dans ce contexte et considérant qu’on commence à être bon et constant en vélo seulement vers 25-26 ans, c’est une bonne chose que beaucoup d’athlètes en cyclisme au Québec poursuivent leurs études jusqu’à l’université. Le problème est que lorsqu’ils obtiennent leur diplôme, souvent un peu en retard, vers l’âge de 23 ans voire plus, ils doivent choisir entre un travail de diplômé souvent bien rémunéré ou poursuivre leur carrière cycliste en vivotant sous le seuil de la pauvreté avec tous les sacrifices que cela implique. Ajoutez à cela le spectre du dopage. Beaucoup font le choix logique…
 
Je persiste à croire que ce qui manque au Québec est une équipe professionnelle et que dans ce contexte, l’arrêt de Calyon est dommage. Steve Bauer et Josée Laroque font un super job avec Team Race en Ontario. Steve a la passion de la course et utilise son expérience et sa notoriété pour mener à bien un super projet. Les coureurs de cette équipe sont privilégiés. Ils ont le devoir d’être disciplinés. Je souhaite que Team Race ait beaucoup de succès et gravisse progressivement les échelons jusqu’au plus haut niveau.
 
La Flamme Rouge : De nouvelles équipes pourraient-elles voir le jour en 2009 sur la scène élite au Québec ? As-tu des contacts avec d’éventuels sponsors ?
 
Alexandre Lavallée : J’aimerais dire oui, mais la réalité est que je n’ai aucun contact avec d’éventuels sponsors. Paradoxalement, avec l’expérience acquise au cours des dernières années, je pense que j’aurais maintenant beaucoup de plaisir et d’aptitude pour bien diriger une équipe en tant que directeur sportif.
 
La Flamme Rouge : La FQSC vous assiste-t-elle dans la recherche de nouveaux sponsors pouvant prendre en charge une équipe cycliste entière?
 
Alexandre Lavallée : Ce n’est pas le premier rôle de la Fédération. La gestion d’une fédération sportive comporte beaucoup d’aspects. Selon moi, Louis Barbeau fait un super job. Sylvain Richard aussi d’ailleurs. Donc, si nous avions besoin du support de la Fédé pour mener à terme un projet d’envergure d’équipe cycliste, je suis persuadé qu’elle nous donnerait toute sa collaboration.
 
La Flamme Rouge : Dominique Perras a pris sa retraite sportive. Jean-Sébastien Perron et Stéphane Cossette ont déjà annoncé qu’ils se joignaient à l’équipe Volkswagen en 2009. Les autres coureurs de l’équipe ont-ils tous retrouvé une équipe pour 2009 ?
 
Alexandre Lavallée : Je ne suis pas trop au courant des démarches de tous les coureurs. Guillaume Boivin doit choisir entre l’Europe et une équipe américaine. Je pense que David Maltais va aller chez Apogée-Kuota. Certains autres sont en réflexion.
 
La Flamme Rouge : Tu as commencé à te reconvertir dès 2006 chez Garneau-Optik en devenant capitaine de route et responsable de la dimension sportive de l’équipe. Toujours coureur en 2007, mais à temps partiel, tu devenais directeur sportif chez EVA pour le devenir à temps plein en 2008. Cette reconversion comme directeur sportif trahit une volonté farouche de continuer à rester près du milieu cycliste. As-tu des projets pour 2009 ?
 
Alexandre Lavallée : J’ai gradué en design industriel à l’Université de Montréal en 2003. Lorsqu’on m’a contacté pour collaborer au projet d’équipe Garneau-Optik, j’ai tout de suite vu une belle occasion de faire du développement de produits pour Louis Garneau. Ce fut une très bonne expérience. J’ai eu la chance de côtoyer un homme d’affaire exemplaire en Louis Garneau et de connaître David Veilleux, un athlète exceptionnel par sa discipline et son intelligence.
 
Ceci étant dit, je n’ai jamais forcé le destin jusqu’à maintenant. Je dirais que je suis dans le vélo simplement parce que j’aime ça. 
 
Pour 2009, je pense faire du développement de produits. Je suis à mon compte et mon principal client demeure la société cycliste DeVinci. Je suis aussi chef de produits pour les sacs de transport de vélo Nomad (www.nomadbikecase.com). C’est très stimulant. J’aimerais m’entraîner un peu plus aussi!
 
La Flamme Rouge : Coureur cycliste et directeur sportif, on imagine que c’est très différent. Qu’as-tu trouvé le plus difficile dans ta reconversion?
 
Alexandre Lavallée : Je n’ai pas trouvé la transition trop difficile. Par contre, dans les courses que j’ai faites récemment, j’aurais aimé avoir la forme que j’avais naguère juste pour mieux rivaliser avec mes concurrents. Disons que j’ai désormais une autre perspective du peloton !
 
La Flamme Rouge : Directeur sportif d’une équipe au Québec, cela consiste en quoi exactement?
 
Alexandre Lavallée : Directeur sportif d’une équipe au Québec, on fait tout ! Budget, inscriptions aux courses, réservations d’hôtel, établissement du calendrier de course, règlement des conflits, préparation des bidons et du ravitaillement, planification de l’horaire des week-ends de course, coordination des point de rencontre de l’équipe, design des vêtements et des vélos, commandes auprès des commanditaires, rédaction de communiqués de presse, négociation des contrats, présence aux meetings des directeurs sportifs, chauffeur du véhicule d’équipe sur les courses, établissement et discussion des tactiques de course, directives de course aux coureurs via la radio, conseils d’entraînement et de nutrition, parfois même entretien des vélos, des vêtements et des véhicules voire même, dans mon cas, être parfois coureur…En fait, si j’y pense bien, la seule chose que je n’ai pas fait est de prodiguer des massages !
 
La Flamme Rouge : Quel fut, selon toi, le point marquant de la saison 2008 de l’équipe EVA ?
 
Alexandre Lavallée : C’est difficile pour moi de n’en choisir qu’un. J’ai bien aimé le Tour de Beauce que nous avons fait. Nous avons eu 5 coureurs jusqu’à la fin de l’épreuve et avons bien pris part à la bataille. Nous avons également fait un beau Montréal-Québec sans oublier le Championnat canadien où nous avons eu plusieurs coureurs dans les dix premiers.
 
Avec le recul, je pense que je choisirais la victoire de Simon Brassard à la course sur route des Championnats québécois comme point marquant de la saison. Cette victoire représente parfaitement l’esprit initial du projet EVA DeVinci puisqu’un jeune cycliste du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec peu d’expérience à son actif remporte une course d’envergure du calendrier québécois.
 
La Flamme Rouge : On parle beaucoup du jeune Stéphane Cossette décrit par Éric Van Den Eynde comme "un des plus beaux talents que j’ai vu". Qu’en penses-tu ?
 
Alexandre Lavallée : J’imagine que tu parles de talent pour la piste. Effectivement, avec les temps qu’il réalise sur la piste, il a effectivement du talent. Le talent n’est cependant pas garant du succès. Un athlète doit être discipliné pour réussir. Pour le moment, Stéphane doit encore en faire la preuve.
 
La Flamme Rouge : Quelles impressions t’ont laissé un coureur de la région de l’Outaouais, Jean-Sébastien Perron, réputé très bon grimpeur ? Peut-il encore progresser selon toi ?
 
Alexandre Lavallée : Jean-Sébastien est un coureur à qui je voue beaucoup de respect. Premièrement, il est intelligent et discipliné. De plus, il a de multiples facettes à son talent cycliste. Il est complet. Ce n’est pas un pur grimpeur, mais il passe bien les bosses. Il possède un bon sprint et, élément peut-être moins connu, est un très bon rouleur. Si, une fois ses études universitaires complétées, il décidait de vivre plus modestement quelque temps pour se consacrer au vélo, il possède selon moi ce qu’il faut pour réussir.
 
La Flamme Rouge : Le cyclisme québécois semble vivre un "golden age" avec beaucoup de bons coureurs comme Dominique Rollin, Charles Dionne, François Parisien, etc. Des jeunes poussent derrière comme les Eric Boily, Guillaume Boivin ou Simon Lambert-Lemay. De ton point de vue privilégié, lesquels présentent selon toi le plus grand potentiel pour atteindre le professionnalisme aux États-Unis ou en Europe ?
 
Alexandre Lavallée : Je ne connais pas beaucoup Simon Lambert-Lemay. Je suis ses résultats depuis plusieurs années et il me semble avoir un bon potentiel. Il a la passion, c’est évident. Il me semble également très discipline et intelligent. Donc au premier coup d’oeil, il a ce qu’il faut lui-aussi pour réussir.
 
Pour moi cependant, c’est David Veilleux qui possède le plus grand potentiel actuellement. Il ne cesse de m’impressionner depuis que nous avons couru ensemble chez Garneau-Optik. Les résultats qu’il a eus cette saison aux États-Unis sont encourageants. En plus, il est bien encadré par Pierre Hutsebault.
 
La Flamme Rouge : Ayant comme toi vécu longtemps à Sherbrooke, je te connais depuis un moment et j’ai pu suivre ta carrière de coureur. Est-il exact d’affirmer que ta plus belle victoire est venue en 1999 alors que tu t’imposais au Univest GP pour l’équipe Kissena ?
 
Alexandre Lavallée : J’ai porté le maillot jaune au Tour de Qinghai Lake en Chine après avoir remporté le prologue. Mais effectivement, je dois dire que la victoire au Univest GP devant le jeune Tom Boonen demeure un très bon souvenir.
 
La Flamme Rouge : Comment s’était déroulée la course ?
 
Alexandre Lavallée : Disons que j’étais dans un grand jour. Je sortais du Tour Trans-Canada, une épreuve de 9 étapes avec des équipes comme la Française des Jeux, Mercury, Kelme, Mapei. Ça me faisait un bon camp d’entraînement !
 
Sur le Univest GP, je me suis retrouvé en échappée avec un américain après seulement 10 kms de course. On fait 30 bornes ensemble puis on s’est fait reprendre au pied de la première bosse. Du coup, un nouveau groupe d’échappée se forme sur un contre. J’y compte un de mes coéquipiers donc je demeure dans le peloton pour me refaire une santé, au cas où.
 
“Au cas où” arriva lorsque l’équipe belge de Boonen prend la chasse à son compte. L’échappée est reprise dès le premier tour du circuit final, environ au km 110. Le circuit final comportait 10 boucles d’environ 6 kms à effectuer. Flairant le contre, je rode aux avant-postes. Dès la jonction effectuée et de façon prévisible, un coureur de l’équipe belge attaque. Je prends immédiatement sa roue. Même dans sa roue, la caisse est à fond. Je me dis que lui aussi doit être à fond sinon c’est Superman ! Bref, l’attaque était tellement cinglante et sèche que je n’ai même pas eu besoin de regarder derrière… je savais qu’à une telle vitesse, personne n’avait pu s’accrocher.
 
Au premier écart sur la ligne, environ 5 kms plus loin, nous avions une minute sur le peloton principal. J’étais toujours à fond, mais je passais mes relais, péniblement. Mon compagnon belge était très volontaire dans l’effort et semblait prendre un certain plaisir à me montrer qu’il était fort. Je fis donc acte d’humilité et passa tant bien que mal. Après un petit moment, j’ai réussi à me refaire une nouvelle santé. Je partageais désormais le travail complètement. Ne voulant pas montrer ma soudaine fraîcheur retrouvée, je lui laissais dicter l’allure de notre échappée.
 
Au bout d’une quarantaine de kms d’escapade à deux (environ au 150e km), le Flamand me fait un commentaire étrange après tous nos efforts et me dit; “it’s hard hein?”. J’hoche la tête lourdement pour acquiescer que oui. Or, je n’étais pas trop mal et je savais maintenant qu’à l’avant-dernière montée du circuit j’allais lui mettre la plus grosse mine que je pouvais.
 
Donc à 10 bornes de l’arrivée, je me laisse détacher dans la montée, je mets la plaque puis prends mon élan… et “BANG ”, dans les gencives, je passe mon compagnon d’échappée 10 km/h plus vite. Le temps qu’il réagisse, je lui avais déjà mis 10-15 secondes dans la vue. Il est resté à 20 secondes pendant 5 kms avant d’exploser complètement. Je gagne donc le Univest GP avec 1min50 sur le groupe de chasse réglé au sprint par nul autre que Tom Boonen. Mon compagnon d’échappée, Wouter Demeulemeesler, termine 6e. 
 
La Flamme Rouge : En 1997 et 1998, tu passais deux années en France. Est-ce un passage obligé pour les cyclistes d’ici voulant apprendre le cyclisme ?
 
Alexandre Lavallée : Selon moi, oui. Au niveau de l’entraînement, nous avons de bonnes notions en Amérique du Nord. Or, au niveau de la lecture de la course et pour l’apprentissage du métier, le meilleur endroit pour apprendre demeure l’Europe. Par contre, ce n’est pas tous les coureurs qui ont le moral pour passer 4-5 mois en Europe à vivre souvent dans un appartement minable.
 
Je crois que la meilleure option réside dans une combinaison des deux. Alterner les séjours de 2-3 mois en Europe avec du temps en Amérique tout en prenant soin d’identifier les bonnes périodes de courses dans les deux endroits. Il faut aussi savoir conjuguer les périodes de repos. Il s’agit d’un élément essentiel à la performance. “Ride hard, rest hard” disait Rolland Green…
 
La Flamme Rouge : En 1999, tu passais près d’enlever le titre de champion canadien dans la course sur route à Sherbrooke, dans ta ville. Des regrets ?
 
Alexandre Lavallée : Non, je n’ai aucun regret. J’étais jeune à ce moment et les coureurs devant moi étaient tous de grosses pointures. Je termine avec Mike Barry que je règle au sprint. Pas trop mal surtout que je suis parti seul, presque “sur le gun” comme on dit ici. J’ai donc fait près de 180 kms d’échappée dans cette course!
 
Ma déception est plutôt venue en 2004 où j’étais dans un groupe avec Fraser, Randall, Wholberg, Tuft et Cam Evans, ce dernier étant à l’époque dans la catégorie Espoir et qui ne comptait donc pas dans notre course sénior. Croyant en mes chances de victoire, j’ai attaqué dans la dernière montée en me disant que personne ne voudrait amener l’excellent sprinter Gord Fraser à l’arrivée. Hé bien c’est Cam Evans (qui gagnait ainsi le titre espoir étant le seul de cette catégorie dans notre groupe) qui ramène pour Svein Tuft, son coéquipier chez Symmetrics. Dès la jonction faite, Fraser a contré et gagné, Tuft finissant 2e et moi 3e.
 
La Flamme Rouge : Pourrais-tu nous dire quel est ton parcours d’entraînement préféré dans la région de Sherbrooke ? Le mien va forcément vers North Hatley puis Ayers’ Cliff, Magog et le Mont Orford…
 
Alexandre Lavallée : Je dirais que moi aussi j’affectionnais bien cette boucle. Comme un vieux singe, je faisais presque toujours les mêmes boucles ! Une boucle pour les entraînements de 3h, une autre pour ceux de 4h, encore une autre pour ceux de 5h, etc.
 
Ma boucle préférée était cependant celle de 6h et plus : je remontais le blv Portland pour me diriger vers Saint Élie d’Orford, faisais le tour du Mont Orford en passant par Jouvence, puis coupait à Bonsecours vers Eastman, rejoignait Magog puis Saint-Benoît-du-Lac, Bolton et Bolton-Sud ou je passais devant la fameuse « fusée », traversait les douanes américaines à Mansonville, arrivait à Newport au bout du lac Memphrémagog puis rentrait par le côté Est du lac, c’est-à-dire par Georgeville puis Magog puis chemin Venise jusque Deauville.
 
La Flamme Rouge : De ta carrière, tu laisses l’image d’un coureur plutôt à l’aise sur les courses longues et difficiles. Affectionnais-tu particulièrement ce genre de courses ?
 
Alexandre Lavallée : Oui, je pense que j’avais un bon moteur diesel, mais contrairement à un vieux Volks Rabbit diesel, j’étais capable de “burner”, c’est-à-dire de démarrer très sec, très rapidement afin de faire immédiatement le trou. En France, on dirait « une bonne giclette » ! Un bon entraîneur aurait cependant affirmé que j’aurais dû faire davantage d’intervalles. Or, dans ma carrière (si on peu appeler ça une carrière), j’ai dû faire une trentaine de vrais entraînements spécifiques sur le vélo, guère plus !
 
Peut-être que si j’avais mieux structuré mon entraînement j’aurais eu une autre carrière… Or, si j’ai couru aussi longtemps à ce niveau c’est aussi parce que je me faisais toujours plaisir. Je me suis toujours dit que je ferais le métier à 100% que lorsque j’aurais un contrat pro!
 
Ce contrat pro est arrivé en 2000 avec l’équipe américaine Noble House. Dominique Perras avait aussi signé pour cette équipe tout comme plusieurs coureurs de renom dont Marty Jemison qui arrivait de chez US Postal. J’avais reçu un vélo, des souliers et puis ce fut tout. Le camp d’entraînement a été annulé à la dernière minute et ç’a été fini, nous n’avons jamais su pourquoi. Après cette mésaventure, j’ai décidé de ne plus interrompre mes études à l’université et de faire du vélo que pour le plaisir. J’ai eu d’autres occasions par la suite de courir aux États-Unis, mais je n’avais pas envie de le faire pour 5000$ par année. 
 
La Flamme Rouge : De ta carrière, tu laisses aussi l’image d’un coureur toujours placé, mais rarement vainqueur, un peu comme Dominique Perras. Tu as notamment terminé à plusieurs occasions sur le podium de Montréal-Québec, sans jamais l’emporter. Des regrets ?
 
Alexandre Lavallée : Je n’ai pas de regrets. Tout est relatif… Je pense avoir été un bon coureur au Québec et je pense avoir eu les résultats que je méritais par rapport aux efforts que j’y consacrais. Ce que j’aimais par-dessus tout était de faire des courses. J’aimais aussi m’entraîner, mais pas de façon trop structurée.
 
En fait, sur les courses, je n’avais qu’un seul but, que mon équipe gagne la course. On aime tous gagner, mais je revenais toujours avec le sentiment du devoir accompli lorsque notre équipe gagnait la course, peu importe si ce n’était pas moi qui l’avait gagné. En ce sens, je pense que mon sens tactique faisait en sorte que ma contribution était meilleure pour gérer la course derrière une échappée dans laquelle j’avais un coéquipier. S’il ne gagnait pas, c’est comme si on perdait le match.
 
La Flamme Rouge : Comment te préparais-tu à Montréal-Québec ? Du spécifique ? De longues sorties ?
 
Alexandre Lavallée : Aucune préparation spécifique ! J’essayais surtout d’y arriver reposé. Je pense que pour bien performer à Montréal-Québec, il faut surtout être économe dans ses efforts durant toute la course… sans toutefois manquer la bonne. Pour ça, il faut être patient et discipliné. Encore la discipline !
 
La Flamme Rouge : Ta course la plus difficile en carrière, c’est laquelle et pourquoi ?
 
Alexandre Lavallée : J’ai tellement souffert souvent en course que je n’ai pas de souvenir précis d’une course en particulier. Une chose est sure, j’ai beaucoup souffert dans mes différents Tour de Beauce. Comme beaucoup de cyclistes!
 
La Flamme Rouge : On parle beaucoup du dopage dans le cyclisme professionnel, surtout en Europe, mais peu ici parmi l’élite du Québec. Devrait-on s’en inquiéter ?
 
Alexandre Lavallée : S’inquiéter du dopage est le début de la solution selon moi. Donc oui, il faut s’en inquiéter.
 
Bien que je ne sois pas dupe, je ne pense cependant pas que le dopage en cyclisme soit un gros problème au Québec. Je ne me rappelle pas avoir vu de performances douteuses de la part de coureurs au Québec. Or, et c’est malheureux, on ne doit présumer de rien. Toute performance au niveau international porte à questionnement. Je demeure toutefois convaincu qu’il est possible de performer au niveau international sans dopage.
 
J’ajouterais qu’au Québec, le problème du dopage est beaucoup plus grave dans les gyms et dans le hockey que ce qu’on peut croire. Ce qui fait le plus de tort à la lutte contre le dopage, ce sont les gens qui disent que tout va bien dans leur sport parce qu’ils ont des politiques strictes.
 
Bref, je crois sincèrement que plus on va en parler, mieux ce sera.
 
La Flamme Rouge : Alex, dis-moi tout, es-tu un lecteur assidu de La Flamme Rouge et si oui, depuis combien de temps ? La Flamme Rouge est-elle lue des coureurs élite au Québec et de ton point de vue, a-t-elle une utilité ?
 
Alexandre Lavallée : Je fais mon tour sur La Flamme Rouge régulièrement. Je ne sais pas précisément depuis combien de temps. Disons quatre ans peut-être. Depuis combien de temps le site existe-t-il?
 
Je ne lis pas tout, mais j’aime lire les commentaires des gens pour prendre le pouls des amateurs de cyclisme. On y trouve des commentaires de toute sorte; allant de l’innommable épais au plus éclairé. J’estime que cela enrichit ma culture cycliste.
 
Oui, un site comme la Flamme Rouge est utile. Il s’agit d’un site neutre (je le souhaite) découlant simplement d’une passion honnête pour la course cyclisme.
 
Oui, je pense que La Flamme Rouge est lue des coureurs élite du Québec. Étant tous un peu narcissiques, nous prenons plaisir à lire sur des sujets dans lesquels nous sommes impliqués ! 
 
La Flamme Rouge : merci Alexandre!
 
Alexandre Lavallée faisait en octobre dernier un appel à tous les entrepreneurs ayant l’ambition de rêver d’un grand projet sportif en 2009. N’hésitez pas à entrer en contact avec Alexandre ou avec nous si l’aventure vous interpelle...

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Les brèves du début de semaine

  1. Super,

    En plus je me cherchais une façon de transporter mon vélo au Baléares en avril. Un petit lien dans l’article et youpi.

  2. mitch

    Belle interview,

    J’espère que nous pourrons en lire plus souvent sur les cyclistes Québécois!

  3. Mark Tremblay

    Très bel article qui m’a fait découvrir Alexandre en ses qualitée de cycliste et non de coach.
    Mes félicitations à toute l’équipe EVA-Devinci , les oranges ont marqué la scène provinciale depuis les 2 dernières années. Quel dommage……
    Je m’interroge sur l’avenir du cyclisme au Québec….
    Les équipes de haut niveau disparaissent trop rapidement ; Calyion , EVA-Devinci .
    Comment rendre le sport plus accessible ?
    Je n’ose pas imaginer ce que çe peut couter pour monter une équipe……
    Il faut trouver des solutions à court terme….

  4. Eric Fruttero

    Holly Macaroni !
    J’ai jamais autant scrolle..
    Ca va se deguster tranquillos ce soir !

    🙂

  5. michel legendre

    Bonjour,
    un aspect que j’ai noté dans cette interview c’est la description que fait Alexandre Lavallé des tâches du directeur sportif, dans un contexte québécois et de petit budget. Ca me semble une tâche énorme, un peu excessive et décourageante… possiblement.
    Je le felicite donc (Alexandre) pour ce travail accompli avec EVA.
    Il semble tres discret sur les possibilités de poursuivre avec une autre équipe existante ou nouvelle.
    Discret ou carrément inintéressé…Apres lecture de l’interview je ne suis pas certain.

    Merci pour cette super interview.
    A+

    Mleg

  6. michel legendre

    Désolé Alexandre, j’ai oublié un « E » a ton nom (Lavallée)

    salut

  7. zboy

    bon, ça m’a donné le goût de faire cette boucle de 6 hrs au printemps !!!

  8. michel legendre

    J’ai aussi noté la rando de 6hrs dans l’entrevue. Depuis l’article sur l’entrainement en vue de la Marmotte je voie bien que plusieurs optent pour des entrainements de 4 a 6 hrs assez regulierement…
    En passant, le compte rendu d’Alexandre sur sa course et la finale contre/avec le coureur QuickStep… super
    Ca prend des pieces d’anthologie comme ça pour donner l’ex. et l’envie de faire « pareil ».
    salut

  9. Quelqu’un a écouté le documentaire à Canal vie, qui s’intitule  »Le tour d’une vie »???

    C’est un reportage sur la traversée du Canada à vélo de Daniel Hurtubise et ses enfants, dans le but d’amasser des fonds pour la recherche sur le diabète. Malheureusement, Daniel et un autre cycliste sont décédés au Manitoba. Je vous conseille vraiment de regarder ce reportage d’une heure à Canal vie.
    Vraiment très touchant et en plus, très beau.
    C’est aussi très triste….

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