Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Mois : octobre 2008

Comprendre l’Affaire Puerto

Nouveau rebondissement – malheureux – dans l’Affaire Puerto aujourd’hui: le juge espagnol Antonio Serrano a décidé de classer le dossier "sans suite", mettant un terme juridique à toute cette histoire.

C’est pour moi l’occasion de faire le point sur cette affaire, ceci afin d’en comprendre tous les impacts.

L’Affaire Puerto, c’est vraissemblablement le plus gros scandale de dopage de l’histoire du cyclisme. Cette affaire avait débuté le 23 mai 2006 avec l’arrestation du Dr. Eufemiano Fuentes, un médecin oeuvrant dans le monde du cyclisme et suspecté d’être l’artisan d’un vaste système de dopage chez les coureurs cyclistes professionnels. Peu de temps avant, des perquisitions effectuées dans des appartements anonymes de Saragosse et de Madrid avaient permis la saisie de quantité de poches de sang congelées, de plasma sanguin, de stéroides, d’hormones de croissance, d’EPO, de matériel médical comme des centrifugeuses ainsi que d’ordinateurs contenant des fichiers présumés de clients.

Si l’affaire a commencé doucement, c’est dans l’antichambre du Tour de France 2006 qu’elle pris vraiment de l’ampleur, rattrapant les grands favoris de l’épreuve en cette première année sans Lance Armstrong : Jan Ullrich, Ivan Basso et, dans une moindre mesure, Fransceco Mancebo. Tous trois seront privés de départ et Basso avouera quelques semaines plus tard avoir effectivement été un client du Dr. Fuentes dans son intention – notez bien le mot, intention – de se doper. Basso jure toujours ne jamais s’être dopé mais seulement en avoir eu l’intention. Je n’en crois personnellement pas un mot, son Giro 2006 étant trop faste pour cela et son équipe d’appartenance du moment étant la CSC de Bjarne Riis, un homme qui a déjà vu une seringue dans sa vie.

Dans le cas d’Ullrich et de Mancebo, ces coureurs auront choisi une autre stratégie, celle de prendre immédiatement leur retraite du peloton. Depuis, Ullrich s’est enfermé dans un certain mutisme, non sans avoir pourtant promis qu’il parlerait "un jour". On attend toujours ce jour… Mancebo, quant à lui, est revenu dans le peloton continental espagnol depuis deux saisons, sans grand résultat. Il traine sa misère… n’ayant rien d’autre à faire que de pédaler. Quant je vous dis que ce sont les coureurs qui ont besoin du Tour, pas l’inverse…

D’autres noms de coureurs avaient circulé en 2006 pour leur possible lien avec le Dr. Fuentes: Contador, Valverde et Hamilton sont les plus connus. Si les soupçons sont forts, ils n’auront jamais pu être suspendus comme Basso puisque Fuentes fonctionnait par nom de code (Basso fut trahi par le nom de son chien!).  En l’absence d’aveux, impossible donc de les suspendre, démontrant bien que la seule règle intelligente à suivre pour un coureur soupçonné de dopage est de nier tout en bloc, une stratégie qu’utilisent actuellement Cancellara, Frank Schleck et Contador.

L’Affaire Puerto a déjà été classé "sans suite" une première fois en mars 2007. Le Conseil Supérieur des Sports en Espagne, sorte de ministère des sports, avait alors fait appel de cette décision avec l’appui de l’UCI et permis la réouverture de l’enquête judiciaire, toujours instruite par le même juge Serrano. C’est ce juge qui, aujourd’hui, classe pour la deuxième fois le dossier Puerto "sans suite". Pourquoi ?

Parce que selon le juge Serrano, les lois en vigueur en Espagne en 2006, soit au moment de l’affaire, ne permettent pas d’aller plus loin. Aucune loi anti-dopage n’existait alors en Espagne. Si de l’EPO a bel et bien été retrouvé dans les poches de sang congelées, les quantités ne constitueraient pas une menace pour la santé, privant le juge de l’opportunité de porter cette cause comme un problème sanitaire. C’est donc le cul-de-sac et une conséquence évidente du laxisme de l’Espagne en matière de dopage, laxisme qui a toutefois été corrigé timidement par l’introduction, en novembre 2007, d’une loi anti-dopage. Comment se fait-il qu’en France le dopage fasse l’objet de lois en limitant la circulation et l’usage depuis presque 10 ans déjà ? Cyclisme à deux vitesses vous dites ?

Quoi qu’il en soit, le Conseil Supérieur des Sports a déjà annoncé qu’il porterait de nouveau la décision en appel, cette fois devant une audience nationale compétente pour les situations complexes. L’UCI, l’AMA et le CIO ont également fait part de leur intention d’appuyer toute initiative visant à la ré-ouverture du dossier Puerto. C’est évidemment la bonne chose à faire selon moi, surtout compte tenu des nouveaux rebondissements, dont le possible lien entre l’Affaire Puerto et les coureurs Fabian Cancellara et Frank Schleck.

Mon intuition ? L’Affaire Puerto est effectivement le plus gros scandale de dopage de l’histoire du cyclisme et a toujours le potentiel de faire tomber les Valverde, Contador, Schleck, Cancellara et probablement bien d’autres encore, jusqu’à 50 coureurs professionnels ayant probablement été clients du Dr. Fuentes, dont peut-être (probablement ?) Lance Armstrong lui-même et toute l’armada américaine qui n’avaient probablement pas choisi Gérone comme camp de base pour rien… Il faut aller au bout de cette histoire, tout en traquant sans relâche les nouveaux Dr. Fuentes de ce monde dont nombre se terrent probablement encore en Espagne mais aussi en Italie, en Autriche et dans les pays de l’Est.

Quelques nouvelles…

1 – La Flamme Rouge était hors d’usage plus tôt aujourd’hui, une situation en dehors de mon contrôle puisque le problème venait de la compagnie qui héberge le site, une compagnie localisée en Californie. Ces interruptions de service dues au serveur demeurent toutefois rares.

2 – La Flamme Rouge a été mis à jour: la nouvelle adresse courriel figure sur le lien "courriel" situé en haut de la page et nos archives sont maintenant disponibles en fonction du mois de publication au bas de la colonne du centre. La migration au début de l’année sur une nouvelle plate-forme a cependant rompu beaucoup de liens hypertextes dans nos archives et a brisé les catégories. Je travaille actuellement à rebâtir tout cela mais ca sera long. Merci de votre compréhension.

3 – La nouvelle du jour est évidemment le limogage par la société ASO, propriétaire du Tour de France, de son président Patrice Clerc. Son adjoint a également été remplacé.

Que doit-on penser de cette nouvelle ?

Je pense que c’est un limogage attendu et qui s’inscrit dans le cadre de la reprise des négociations entre ASO et l’UCI. Patrice Clerc s’était opposé très vivement à l’UCI et à son président Pat McQuaid. Je demeure convaincu que cela a eu du bon pour préserver les intérêts et la crédibilité du cyclisme et du Tour de France au cours des dernières années. L’heure étant à la reprise du dialogue, Clerc ne pouvait plus représenter, pour ASO, un intervenant dans ce dossier. ASO a donc préféré s’en départir, peut-être un peu cavalièrement, afin d’assurer l’UCI de sa bonne foi dans ce renouveau du dialogue. Il n’est pas non plus impossible que ce soit là une condition imposée par l’UCI qui aurait en échange fait des concessions ailleurs. 

Quoi qu’il en soit, le limogage de Patrice Clerc quelques jours après l’annonce de la reprise des négociations – voire de la signature d’une paix – entre ASO et l’UCI ne peut être le fruit du hasard. Mon avis est qu’il s’agit de concessions d’ASO en échange de concessions de la part de l’UCI, concessions dont on ignore la nature (droits télé ?) pour l’instant.

4 – L’autre nouvelle du jour, c’est que le laboratoire de Chatenay-Malabry devrait dévoiler ce vendredi ou lundi prochain le nom de trois coureurs positifs sur le dernier Tour de France, conséquence d’analyses plus poussées effectuées au cours des dernières semaines.

On précise qu’à la fin de la semaine prochaine, trente (!!!) autres coureurs pourraient être incriminés. Du jamais vu ! Si cela se confirme, ca sera la grosse catastrophe pour le cyclisme.

En attendant, les noms de Cancellara, Schlek et O’Grady circulent. Il est intéressant de noter que tous appartiennent à l’équipe CSC, une équipe qui a pourtant instauré en 2008, selon les dires même de son manager Bjarne Riis, le programme anti-dopage le plus poussé jamais vu, programme qui devait assurer l’absolue propreté des coureurs de l’équipe. Je vous ai déjà dit que pour moi, ce programme n’était qu’un exercice de marketing et de relations publiques et en aucun cas une quelconque garantie quant à la propreté des coureurs de l’équipe.

Wait and see…

5 – L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) propose à Lance Armstrong qu’il demande lui-même l’analyse de ses échantillons urinaires prélevés lors du Tour de France 1999 et qui ont fait l’objet, par le labo de Chatenay-Malabry, d’une analyse positive publiée dans un dossier-choc du journal sportif L’Équipe il y a deux ans.

Quelque chose me dit que M. Armstrong s’y refusera…

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