D’entrée, je ne cacherai pas une certaine affection pour Lyne Bessette que je connais un peu, cette fille tellement sympathique et qui aime profondément, c’est évident, le sport, surtout le cyclisme. Et dont la probité n’a jamais été questionnée par quiconque durant et après sa carrière professionnelle.
Lyne a lancé un certain « cri du coeur » ces dernières heures, notamment dans Le Devoir, affirmant que les athlètes dopés ne payent pas leur dû. Ses déclarations sont évidemment dans le contexte de la sortie, demain vendredi, du film « La petite reine » inspiré librement de la vie de Geneviève Jeanson.
Lyne se questionne notamment sur les sommes de Cyclisme Canada qu’a reçues Jeanson au temps de sa carrière: les a-t-elles remboursées? Pire encore, elle a privé d’autres athlètes – propres – d’une place sur l’équipe nationale et d’un soutien financier.
Je suis parfaitement d’accord avec Lyne: les athlètes dopés n’ont pas encore de sanctions assez lourdes et il faut le dénoncer avec vigueur. François Parisien l’a également fait au cours des derniers mois, à plusieurs reprises, et lui aussi a raison. Il s’était notamment dit frustré par les aveux de dopage de Rider Hesjedal, ce coureur qui, au fond, l’a parfois privé d’une sélection sur l’équipe nationale, voire de commandites si importantes dans le développement d’un athlète.
Guillaume Prébois, dans un cri du coeur annonçant qu’il ne parlerait plus jamais dopage il y a quelques mois, avait lui-aussi dénoncé ces ex-dopés qui demeurent des commentateurs populaires sur France Télévision ou Eurosport, ou encore des égéries de grandes marques comme Richard Virenque pour… Festina Watches (n’ajustez pas votre appareil).
Plus encore, Georges Hincapie continue de manoeuvrer pour se poser en victime d’une époque et ainsi préserver son capital sympathie aux États-Unis, notamment pour des raisons commerciales puisqu’il a lancé, au cours des dernières années, sa ligne de vêtements cyclistes. Son livre autobiographique vient d’être sévèrement critiqué – avec justesse! – sur le site VeloNews (merci à Thierry Mtl pour le lien). Une chance! Et faites-moi confiance, vous ne me verrez jamais porter de vêtements Hincapie…
Actuellement, Lance Armstrong continue de tenter de toutes les façons possibles et imaginables d’éviter des procès du Gouvernement des États Unis et de la firme SCA Promotions qui tentent de récupérer les sommes qui lui ont été versées, évidemment injustement car l’athlète était dopé. Par chance, les démarches juridiques d’Armstrong et son armée d’avocats n’ont pas encore donné les résultats escomptés.
Sur le plan sportif, certaines avancées sont encourageantes, notamment la décision, prise lors de la Conférence sur le dopage à Johannesbourg en 2013, de faire passer la suspension de 2 à 4 ans pour une première offense.
Il est maintenant temps que les autorités du sport et juridiques se penchent sur les autres sanctions, essentiellement financières, qui demeurent largement insuffisantes. Lance Armstrong a engrengé des millions de dollars de revenus lors de ses années victorieuses, mais en trichant. N’est-il pas normal qu’il soit forcé de rembourser tout cet argent injustement gagné?
Et si on ne pourra probablement jamais compenser les athlètes propres (cela suggererait qu’on dispose d’une liste d’athlètes propres à 100% qu’on pourrait dédomager… comment savoir?), les recouvrements de sommes pourraient servir à financer directement la lutte contre le dopage. Dans le cas d’Armstrong, cela ferait un joli magot investi contre le dopage!
Quoi qu’il en soit, je salue aujourd’hui le courage de Lyne de manifester ainsi publiquement son dégoût, elle a tout à fait raison. La société fait encore une trop large place aux ex-dopés une fois leur carrière terminée.
Lyne, je comprends ta frustration et la partage. Je t’offre ces vers, qui dictent ma vie depuis fort longtemps déjà:
“Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît
Et modeste d’ailleurs, se dire: mon petit,
Soit satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis à vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul!”
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac