Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Auteur/autrice : Laurent Page 146 of 352

Entrevue avec Peter Pouly, récent vainqueur de la Haute Route 2012

En complément de l’analyse « quantitative » des performances sur la récente Haute Route proposée hier par Frédéric Portoleau et diffusée sur ce site, Peter Pouly, vainqueur de l’épreuve, a très gentiment accepté de répondre à mes questions, ajoutant un volet « qualitatif » à cette rétrospective. Je le joins en Thailande.

La Flamme Rouge: Bonjour Peter, bienvenue sur La Flamme Rouge! Tu es actuellement en Thailande, ton pays d’adoption, ou tu organises notamment des camps d’entrainement cyclistes. Peux-tu te présenter un peu à nous?

Peter Pouly: Bonjour et merci de me donner la parole sur ce site!  Je vis en effet en Thailande depuis 3 ans, pays que j’ai découvert après l’arrêt de ma carrière professionnelle en VTT en 2005.  Aujourd’hui, je suis gérant d’une société de sourcing et consulting dans le domaine du sport (ndlr: pour en savoir plus, consultez http://www.peterpouly.com). Depuis deux ans et demi, j’ai retrouvé en Thailande le plaisir de faire du vélo et j’essaie de le partager avec d’autres, en organisant des stages d’entrainement et des voyages. Ma société organise tout cela à la carte, et je travaille avec des sportifs de tous les niveaux.

LFR: Je crois que tu as eu du succès en VTT avant de te lancer dans le cyclisme sur route. Peux-tu nous résumer ta carrière cycliste jusqu’ici?

PP: J’ai d’abord commencé par le BMX dès l’âge de 7ans. Ensuite, à 15 ans, j’ai découvert le VTT, un sport qui m’a permis de comprendre mes bonnes capacités d’endurance. À 17 ans, je signais un premier contrat de coureur professionnel après avoir été Champion de France Junior et pris la 4ème place des Championnats du monde, derrière un certain… Cadel Evans. Au cours de ma carrière de 1995 à 2005, j’ai gagné en tout cinq titres de Champion de France, le Roc d’Azur en Elite et j’ai réalisé quelques top 10 sur des épreuves de Coupe du Monde.

LFR: Je crois que tu connais bien Antoine Vayer et Frédéric Portoleau, qui fréquentent tous deux La Flamme Rouge? Antoine a été ton entraineur?

PP: Antoine a en effet été mon entraineur et ce, dès l’âge de 17 ans. J’ai beaucoup appris de lui, son suivi de ma progression était très sérieux et nous faisions beaucoup de tests de toutes sortes. Bref, il était très proche de moi et aujourd’hui encore, je continue de m’entrainer de la même façon, sur les mêmes bases qu’il m’a transmise. Je connais également Frédéric depuis pas d’années, j’ai fait pas mal de stages et je lui ai parfois servi d’étalon pour calibrer ses calculs de puissance! C’est un personnage atypique et très intéressant dans le milieu cycliste et j’aime échanger avec lui ainsi que lire ses analyses de puissance.

LFR: Antoine me disait en tout cas que physiquement, tu es un immense talent qu’on avait vu dès l’âge de 16 ans. Tu as toujours eu de la « facilité » sur un vélo?

PP: Ce que je peux dire, c’est que quand j’ai commencé le VTT à l’âge de 15 ans, je roulais souvent avec des adultes qui courraient au niveau régional et ces derniers n’arrivaient souvent pas à me suivre! J’ai cependant totalement arrêté le vélo pendant cinq ans et j’ai repris sérieusement en novembre 2010. Au bout de 15 jours, j’avais déjà de bonnes sensations et j’ai pu accumuler rapidement de nombreux kilomètres en Thaïlande.

LFR: Tu participes désormais à plusieurs cyclosportives chaque année. Tu étais à l’Étape du Tour dans les Alpes en juillet, puis sur la Haute Route. La course cycliste pure et dure, c’est terminé pour toi? Tu as pourtant de belles dispositions.

PP: J’ai toujours aimé faire des cyclosportives, car les parcours sont toujours magnifiques et montagneux. Ceci étant, j’aimerais vraiment refaire des courses UCI sur le circuit asiatique, il y a vraiment de belles courses par étapes d’une longueur qui varie entre 4 et 7 jours. À ce jour cependant, aucune opportunité ne s’est présentée à moi pour intégrer une équipe continentale asiatique, mais je ne désespère pas! Entre temps, j’ai couru quelques courses au Vietnam et en Thailande, dont une course célèbre ici, la montée du Doi Inthanon, une course de côte de 42 kms, très très difficile. Je l’ai remporté en établissant le record de l’ascension. Plus tôt cette année, j’ai passé 2 mois en France et j’ai participé à cinq courses FFC de 2ième caté: j’en ai gagné quatre! Cet été, je suis venu sur l’Étape du Tour (qui me tenait à coeur) avec des amis thailandais. Nous avons passé 10 jours en France, je leur ai servi de guide tout en ayant organisé tout le séjour. Étant arrivé la veille de l’Étape du Tour et ayant passé toute la journée au salon du vélo organisé en marge de l’événement, j’ai trouvé la cyclosportive difficile et j’ai terminé très fatigué!

LFR: venons-en à cette Haute Route, que nous avons tous les deux faite. Ironique de se parler par courriel aujourd’hui alors que j’ai passé 40 bornes dans ta roue lors de la première étape, en sortant de Genève! Tu as apprécié l’épreuve autant que moi? La météo et l’organisation, en tout cas, ont été parfaites…

PP: Oui, c’est dommage de n’avoir pu échanger ensemble durant cette Haute Route!  J’apprécie vraiment cette épreuve qui est organisée par un ami et je l’avais déjà faite l’an dernier. J’y avais vécu quelque chose de vraiment unique, et la Haute Route est un vrai challenge personnel pour tous les participants. Cette année, le parcours et la météo ont tout simplement été parfaits.

LFR: tu as dominé la course de la tête et des épaules, terminant loin devant Michel Chocol, 2e. As-tu été inquiété par tes concurrents lors de ces 7 étapes?

PP: C’est vrai que j’ai dominé l’épreuve. L’an dernier, la Haute Route était nouvelle pour moi et je gérais vraiment ma course afin de ne pas avoir de jour sans.  Cette année, avec l’expérience de l’an dernier, j’étais dans un tout autre état d’esprit. J’avais coché certaines ascensions et je suis parti avec l’objectif cette année de faire ces montées le plus rapidement possible car je me savais en bonne condition, donc capable d’établir de vrais bons chronos qu’il me serait difficile de répéter dans les prochaines années, et aussi pour attirer l’attention des équipes continentales en Asie. Mais ca, c’était sur le papier avant la course. La première chose à faire sur la course a été de juger la concurrence lors de la première étape entre Genève et Mégève.

LFR: chaque jour, ton équipe et toi établissiez une stratégie de course ou c’était improvisé sur la route?

PP: Nous avions pas vraiment de plan précis dans l’équipe. Deux coureurs, en particulier, étaient capables de gagner des étapes si la course tournait à leur avantage mais cela n’a jamais été le cas, malheureusement. Tous les jours, il y a eu une féroce bataille pour la 3ème place scratch entre Ben Blaugrund, un Kenyan et Emma Pooley, avec comme impact d’éliminer progressivement, à mesure que les étapes passaient, mes équipiers et leur chance de victoire.

LFR: je crois que comme moi, tu as été surpris par le courage, la détermination et le niveau d’Emma Pooley. Impressionnante, cette fille!

PP: Emma m’a surtout impressionné par sa générosité sur le vélo: elle prenait tous ses relais et elle attaquait tout le temps!  C’est pour cette raison que je tenais tant à franchir la ligne d’arrivée de la dernière étape, à Vence, avec elle. Un beau moment.

LFR: tu gagnes au chrono de l’Alpe d’Huez en 42 minutes. On sent que celle-là, tu la voulais particulièrement, non ?

PP: Ce qui me tenait vraiment a coeur le matin de l’étape, c’était le record amateur tel que disponible sur… Strava!  Ce site est super car il n’y a pas de doute sur le temps effectué. C’était un moment magique que l’étape chrono sur l’Alpe d’Huez, qui demeure une montée mythique. En plus, ma fille de 5 ans m’a suivi en moto lors de mon ascension et m’encourageait!  C’était vraiment un moment particulier pour moi.

LFR: ton meilleur moment sur la Haute Route? Le mien fut l’étape de la Bonnette: j’avais de bonnes jambes, il faisait très beau, et que la montagne était belle! J’ai beaucoup souffert, mais j’étais heureux d’être là. Et quelle descente sur Risoul!

PP: J’ai trouvé magique le départ de Genève, et tous ces visages des participants sur lesquels on pouvait sentir certes l’inquiétude liée à ce grand défi personnel, mais aussi l’envie et la détermination d’aller jusqu’à Nice.

LFR: allez, tu peux maintenant nous dire ta moins bonne journée, la course est finie! De mon côté, ce fut les étapes 1 vers Morzine (crampes dans le final) et 5 vers Risoul, pas de jambes (j’ai peut-être payé mes efforts de la veille, sur le chrono de l’Alpe d’Huez). J’ai essayé de vous suivre dans le Lautaret, j’ai explosé après 4 bornes et je crois bien que ca m’a coûté cher dans l’Izoard!

PP: Contrairement à l’an passé où j’avais eu une défaillance dans les trois derniers kilomètres de la montée des Arcs, cette année je dois avouer que je me suis senti très bien tous les jours!

LFR: j’ai cru lire que tu avais une revanche à prendre dans le col du Glandon franchi lors de la 3e étape, après une mésaventure dans l’Étape du Tour. Peux-tu nous en parler?

PP: Je n’avais jamais monté le Glandon avant l’Étape du Tour cet été et cela a été un vrai chemin de croix ce jour là. Pourtant, une semaine avant, je tenais facilement 340 watts à l’entrainement et ce jour-là, probablement dû à la fatigue du voyage, j’avais du mal à pousser 280 watts! J’ai vu le groupe de tête partir devant moi, sans rien pouvoir faire et ce fut un moment très frustrant. Alors sur la Haute Route quelques semaines plus tard, je voulais vraiment prendre ma revanche sur ce Glandon en me faisant plaisir. Ce fut le cas et cela m’a réconcilié avec ce col difficile!

LFR: avais-tu fait une préparation physique spécifique pour être prêt sur la Haute Route cette année?

PP: Après avoir observé une coupure d’un mois et demi, j’ai repris l’entrainement début juin et j’ai effectué 6000 kms avant le départ de la Haute Route. Je me suis entrainé comme Antoine Vayer me l’a appris, c’est à dire en faisant des séries assez longue à une intensité de I2-I3 (tempo), suivant mon niveau de fatigue. Par ailleurs, j’essaie toujours de garder l’envie car à mon avis personnel, il est impératif d’arriver mentalement frais sur une épreuve comme la Haute Route, avec une grosse envie de monter des cols et d’aller au bout de soi-même.

LFR: après les avoir cotoyé de près, tu crois que les Kenyan Riders pourront réaliser leur rêve de Grande Boucle d’ici quelques années?

PP: Rien d’impossible, seulement il faut du temps et de la patience!

LFR: je termine dans ta roue à Nice, mais endeuillé par le décès tragique d’un concurrent. Comme moi, tu as trouvé que les concurrents de cette Haute Route prenaient par moment des risques insensés dans les descentes?

PP: Difficile de commenter là-dessus, j’ai été, comme tous les autres participants de la Haute Route, très choqué par le décès de ce coureur.

LFR: reviendras-tu l’an prochain sur les Haute Route Alpes et Pyrénées?

PP: Oui je l’espère, avec de nouveaux objectifs humains ou sportifs, ca reste à voir!

LFR: Merci Peter, je te souhaite bonne route dans les prochains mois et au plaisir de te retrouver, l’an prochain, au départ d’une cyclo en France ou ailleurs. Et qui sait, peut-être pourrais-je aller te rejoindre en Thailande pour un camp d’entrainement en début de saison? Nous les Québécois avons bien besoin de tels camps, on se les gêle ici durant l’hiver et le home-trainer a ses limites!

PP: Merci Laurent, j’espère bien te rencontrer un jour et bienvenue en Thailande, un pays où les montagnes sont raides et très longues… davantage encore que sur cette Haute Route!

Les chiffres de la Haute Route, avec Frédéric Portoleau

En complément de ma couverture de la Haute Route (village-départétape 1étape 2étape 3étape 4étape 5étape 6étape 7), Frédéric Portoleau nous propose aujourd’hui une analyse ô combien intéressante et pertinente des puissances développées sur les différents cols par Peter Pouly, le vainqueur de l’épreuve. Frédéric a été assez gentil pour établir quelques comparaisons avec moi, notamment sur l’étape de l’Alpe d’Huez chrono, ce qui vous permet de situer les niveaux. Merci à Frédéric de partager ainsi sur La Flamme Rouge ses analyses!

Et jeudi, La Flamme Rouge diffusera un autre très beau complément à cette rétrospective de la Haute Route 2012!

La Haute Route 2012, par Frédéric Portoleau

600 coureurs cyclosportifs avaient rendez-vous pour un véritable défi physique, celui de traverser à vélo les Alpes Françaises du Nord au Sud en 7 jours en franchissant les grands cols mythiques. La difficulté de l’épreuve m’a intrigué et je me suis alors demandé quel fut le niveau des participants de cette Haute Route 2012? Ayant l’habitude d’analyser le potentiel des coureurs professionnels, j’ai appliqué la même méthode d’évaluation des performances avec le calcul des puissances développées sur les ascensions.

La Haute Route ne fait pas partie de la grille de programme des chaînes de télévision, on ne peut donc visualiser le passage des coureurs devant des points de référence. Cependant, les résultats des ascensions chronométrées ainsi que les nombreuses données (positionnement GPS et puissance) disponibles sur le site Strava m’ont permis de réaliser cette analyse avec un excellent niveau de précision.

Au classement général, on peut dire qu’il y a eu moins de suspense qu’au Tour d’Espagne chez les pros! De plus, l’épreuve de la Haute Route est mixte, et une cinquantaine d’inscrites n’ont pas eu peur du parcours proposé, se présentant sur la ligne de départ à Genève. Emma Pooley et Peter Pouly ont pris la tête de l’épreuve dans leur catégorie respective dès la première étape pour ensuite creuser l’écart sur les autres concurrents jours après jours.

Il y avait donc eux et les autres sur cette Haute Route. Emma Pooley, 30 ans dans quelques semaines, est une cycliste Britannique de très haut niveau, championne du monde du contre la montre en 2010. Peter Pouly, 35 ans, ancien champion de France de VTT, a repris sérieusement le vélo fin 2010 après une interruption de 5 ans.

L’Alpe d’Huez, la plus célèbre montée cycliste des Alpes, avec ses 27 arrivées d’étape dans le Tour de France, était au programme le quatrième jour sous la forme d’un contre la montre. Une première comparaison chiffrée avec l’étape du Tour de France 2004, disputée elle-aussi sous la forme de l’effort solitaire, peut donc être réalisée.

Peter Pouly a réalisé le meilleur temps du chrono sur la Haute Route, franchissant les 21 lacets en 42min20s sur une distance de 13,9 km. Le parcours de référence du Tour de France de 13,8 km débute dès les premiers forts pourcentages. En 2004, Lance Armstrong avait grimpé ces 13,8 km en 37min36s, soit approximativement 4min30s de moins que Peter Pouly sur la Haute Route. Ce dernier aurait pu (en théorie) terminer autour de la quarantième place de l’étape du Tour de France. Le contexte apparaît différent car les coureurs professionnels escaladaient l’Alpe d’Huez en troisième semaine du Tour de France. En puissance étalon 78 kg avec vélo, Lance Armstrong avait fourni 465 watts (6,6 w/kg) en 2004 en tenant compte du vent de face présent dans les derniers kilomètres. David Moncoutié, récent jeune retraité du peloton, avait terminé 9iéme de l’étape avec un temps d’ascension de 39min56s, soit 425 watts en puissance étalon (6,05 w/kg) pour le Français.

Peter Pouly a développé 400 watts en puissance étalon (360 watts en puissance réelle et 5,9 w/kg) lors de la Haute Route, soit 14% de puissance moyenne en moins que Lance Armstrong et 6% de moins que David Moncoutié.  Il a tout de même établi un nouveau record amateur de la montée de l’Alpe d’Huez.

En comparaison, l’auteur de ce site aura développé, sur son temps de 1h00min09sec, une puissance que j’estime à 240 watts, soit 4 w/kg. Rappelons toutefois que les coureurs de la Haute Route abordaient le chrono de l’Alpe d’Huez avec déjà trois étapes dans les jambes, dont une très difficile la veille par delà les cols de la Madeleine et du Glandon, sans compter l’ascension finale vers l’Alpe d’Huez via Villars-Reculas. (note de l’auteur de ce site: la puissance estimée par Frédéric Portoleau est très proche de mes valeurs estimées depuis quelques années au moyen de différents tests. Ma PAM est estimée, sur 7 minutes, à environ 340 watts. Je pèse 60 kg (132 livres) au poids de forme. Mes pulsations cardiaques maximales sont, cette saison, de 175. J’ai gravi l’Alpe D’Huez à des pulsations assez stables autour de 160-162. Mes longues sorties tempo dans l’Outaouais sont réalisées à une puissance moyenne estimée de 220-225 watts, mais je rentre minable!).

Cela ne m’étonne guère de voir Peter Pouly briller sur une telle ascension. Son potentiel physique a été repéré assez jeune puisque sa consommation maximale d’oxygène atteignait déjà 78 ml/min/kg à l’âge de 16 ans. Au maximum de sa forme, quand il était coureur professionnel en VTT, elle est montée à 88 ml/min/kg.

Sa puissance réelle fut de 405 watts dans les deux premiers kilomètres de l’Alpe d’Huez, c’est à dire jusqu’au premier village de La Garde, puis de 355 watts jusqu’à l’entrée de l’Alpe d’Huez et enfin de 320 watts dans la station.

La meilleure marque mesurée sur l’Alpe d’Huez reste celle de Pantani de 1995 avec 36min50s. Ce dernier n’était pourtant pas dans sa meilleure forme cette année là et avait manqué un virage dans l’Alpe d’Huez. Pantani avait les moyens de descendre sous la barre des 36 minutes avec son potentiel du Tour de France 1998 ou du Tour d’Italie 1999.

Emma Pooley, pour sa part, a grimpé l’Alpe d’Huez dans un remarquable temps de 49min50s à 16,74 km/h. J’évalue sa puissance moyenne à 5 w/kg. Elle devance de 1min44s Laetitia Roux qui a monté l’Alpe d’Huez en 51min34s à la puissance moyenne de 4,75 w/kg. Laetita Roux était une invitée de marque sur la Haute Route, car elle est 5 fois championne du monde de ski alpinisme (http://laetitiaroux.blogspot.fr/). Elle n’est pas, comme Emma Pooley, une véritable spécialiste du cyclisme mais la « grimpe » constitue son royaume puisqu’elle détient le record du monde de vitesse ascensionnelle en course à pied de montagne avec un temps de 37min55s (1580m/h) sur le kilomètre vertical de Fully en Suisse. Son potentiel physique est élevé puisque sa consommation maximale d’oxygène serait de 72 ml/min/kg (http://www.raid-rando-trail.com/gros-plan-trail-interview-laetitia-roux-3-136.html).  Laetita Roux n’avait cependant pas participé aux trois premières étapes de la Haute Route ; elle a donc gravi l’Alpe d’Huez avec probablement plus de réserves que la grande majorité des concurrents.

Pour les autres concurrents masculin, l’échelle de performance en w/kg d’Andrew Coggan bien appropriée pour les contre la montre me permet d’évaluer le niveau général de la Haute Route (voir http://home.trainingpeaks.com/articles/cycling/power-profiling.aspx).

D’après l’auteur, la puissance développée sur un contre la montre d’une heure est bien corrélée avec la puissance indiquée dans la colonne FT (Functional Threshold power).

Sachant que les concurrents avaient dans les jambes les efforts des 3 premiers jours, le niveau réel des concurrents est probablement un peu supérieur à cette échelle de référence. Pour ceux qui ont grimpé l’Alpe d’Huez en moins de 50 minutes, soit les 6 premiers de l’étape, l’effort plus court fausse un peu le lien entre catégorie et le rapport w/kg. Le but reste une évaluation grossière du niveau de la Haute Route. Les catégories indiquées sont celles du cyclisme au Etats-Unis. Selon le tableau suivant, seuls les dix premiers de la récente Haute Route auraient le niveau « cat 1 » aux Etats Unis.

Position Alpe d’Huez

Puissance w/kg

Niveau/catégories

10

4,6

excellent cat 1

20

4,35

very good cat 2

30

4,25

very good cat 2

40

4,15

good cat 3

50

4,1

good cat 3

100

3,85

good cat 3

200

3,55

good cat 3

Revenons sur la performance d’ensemble du vainqueur de l’épreuve chez les hommes, Peter Pouly. D’une manière générale, Peter a géré ses étapes en  produisant généralement son effort lors de la dernière ascension du jour.

Voici donc le détail de ses performances sur la Haute Route 2012:

Etape 1

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Genève-Megève Romme Colombière Aravis
315 w (5,1 w/kg) 315 w (5,1 w/kg) 320 w (5,3 w/kg)

 

Peter Pouly « Sur cette première étape, j’ai pu me rendre compte rapidement quels allaient être mes adversaires sur cette Haute Route. Je connaissais bien Benjamin (Blaugrund) mais pas trop Michel (Chocol). Sur le sommet de la Colombière, j’ai accéléré et poursuivi mon effort jusqu’à Megève. J’ai pris un maximum de temps d’avance pour pouvoir gérer sur l’étape du lendemain qui était plus piégeuse où j’aurais bien aimé faire gagner un équipier  ».

Etape 2

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Megève-Courchevel Saisies Courchevel
280 w (4,55 w/kg) 330 w (5,4 w/kg)

 

Peter Pouly «Etape piégeuse car une longue vallée séparait les 2 cols du jours. Emma a fait un gros forcing dans les Saisies et de ce fait il n’y a pas vraiment eu de tactique. Dans la montée vers Courchevel, j’ai été surpris sur les premiers kilomètres par le gros tempo de Michel Chocol et par le coureur Kenyan qui s’est accroché sur la moitié du col. A 5 kms du sommet, j’ai produit mon effort pour distancer à nouveau Michel ».

Etape 3

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Moutier-Alpe d’Huez Madeleine Glandon Villard Reculas Alpe d’Huez (fin)
275 w (4,5 w/kg) 315 w (5,1 w/kg) 285 w (4,65 w/kg) 290 w (4,75 w/kg)

 

Peter Pouly «  J’avais une revanche à prendre sur le Glandon. A l’Étape du tour, j’avais vécu un moment difficile».

Etape 4

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Alpe d’Huez (CLM) Alpe d’Huez (CLM)
360 w (5,9 w/kg)

 

Peter Pouly « Je suis parti  vite, je voulais battre le record amateur de la montée de l’Alpe, mais après La Garde, j’ai eu peur de ne pas tenir le rythme, alors j’ai un peu ralenti. Plus haut, quand je me suis rendu compte que je pouvais encore accrocher le record, j’ai relancé  avant de finir à ma main après le passage devant l’Office de tourisme, dans la station ».

Etape 5

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Alped’Huez-Risoul Lautaret Izoard Risoul
280 w (4,55 w/kg) 280 w (4,55 w/kg) 345 w (5,65 w/kg)

 

Peter Pouly «L’Izoard est toujours un moment magique sur la Haute Route. Les coureurs Kenyan étaient très forts ce jour là. Il y avait une bataille pour la 3ème place au classement général. J’ai pu produire mon effort comme je l’avais prévu dans la montée de Risoul. J’ai eu vraiment de bonnes sensations et je suis très satisfait de mon chrono du jour  ».

Etape 6

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Risoul-Auron Vars Bonette Auron
275 w (4,5 w/kg) 290 w (4,75 w/kg) 335 w (5,5 w/kg)

 

Peter Pouly «Toujours la bataille pour la 3ème place entre Ben, Emma et le coureur Kenyan. J’ai essayé de ne pas influencer leur lutte et je me suis retrouvé rapidement seul dans la Bonette. C’était exceptionnel, nous avions des conditions parfaites ».

Etape 7

Cols en cours d’étape

Derniers cols
Auron-Nice Couillolle Saint Raphaël Vence
295 w (4,8 w/kg) 305 w (5 w/kg) 290 w (4,75 w/kg)

 

Peter Pouly «Durant cette Haute Route, les aléas de la course ne m’ont pas permis d’aider un équipier à remporter une étape. J’ai été impressionné toute la semaine par Emma, toujours à l’attaque, généreuse dans l’effort, tout ce que j’aime voir dans le cyclisme. J’avais vraiment envie de partager une victoire avec elle. Notre petite stratégie a fonctionné et nous avons pu arriver à Vence, arrêt du chrono avant la descente sur Nice, main dans la main pour un vrai moment de sport unique à vivre avec cette championne. »

Bilan des performances de Peter Pouly :

Cols en cours d’étape

Derniers cols
MOYENNESHaute Route 292 w (4,8 w/kg)330 watts étalon 78kg avec vélo 325 w (5,3 w/kg)365 watts étalon 78 kg avec vélo
MOYENNESTour de France 375 watts étalon 78kg avec vélo 420 étalon 78 kg avec vélo

 

La montée de l’Alpe d’Huez constitue la meilleure performance de Peter Pouly sur cette Haute Route 2012. Il ne faut également pas oublier sa montée rapide vers Risoul, à 5,65 w/kg en fin d’étape.

Peter a en moyenne développé 12 % de puissance en moins qu’un vainqueur d’un grand Tour chez les professionnels (niveau 2012), à la fois lors des cols en cours d’étape que lors des cols en fin d’étape.

Pour la suite, des projets trottent dans sa tête comme la course par étapes de VTT en duo en Afrique du Sud (la Cap Epic) ainsi que des triathlons ou des courses sur route en Asie (il réside en Thaïlande).

The Secret Race: dur, mais nécessaire

« The truth really will set you free. »

La dernière phrase du livre « The Secret Race » de Tyler Hamilton résume à elle-seule l’esprit de l’ouvrage: dire la vérité, pour se libérer d’un lourd passé.

Un coming-out, version longue (la version courte est l’émission 60 minutes, où Hamilton était passé aux aveux).

Et ce faisant, Hamilton fait aussi un immense cadeau au sport cycliste: l’opportunité, rare, de pouvoir comprendre la vie en arrière-scène d’un coureur pro. « So yes, I think people have the right to know the truth. People need to know how it all really happened, and then they can make up their own minds. »

Et grâce à Tyler Hamilton, on peut en comprendre, des choses. Notamment:

1 – comment les médecins d’équipe « amènent » les néo-pros vers le dopage

2 – comment le dopage s’organise au sein d’une équipe

3 – à quel point avoir un bon médecin est crucial pour une équipe. Lance Armstrong bénéficiait du meilleur selon Hamilton, c’est à dire Michele Ferrari. Ce dernier, interdit de travailler avec les coureurs cyclistes pro, continue d’officier dans le peloton: Fillipo Pozzato a été récemment suspendu pour avoir travaillé avec lui.

4 – comment les coureurs s’approvisionnent en produits dopants, sur et en dehors des courses

5 – comment il est facile de déjouer les contrôles

6 – que LA méthode de dopage du peloton est les auto-transfusions, toujours indétectables à ce jour

7 – comment les autorités du sport ont protégé Lance Armstrong, voire comment ce dernier manipulait ces autorités

Le livre propose également quelques révélations choc au fil des 290 pages. Parmi celles m’ayant surpris, le fait que la chute d’Hamilton, alors chez Phonak en 2004, était en fait liée à… Lance Armstrong lui-même. Ce dernier, fou de rage d’avoir été battu par Hamilton au Mont Ventoux sur le Dauphiné, a alors appelé Hein Verbruggen, le président de l’UCI, pour lui demander de convoquer Hamilton à l’UCI et pour lui demander également de « surveiller » de près le coureur. Quelques mois plus tard, au sortir de la Vuelta, Hamilton était piqué pour transfusions sanguines homologues (d’un autre donneur) alors qu’il ne pratiquait que des transfusions autologues (son propre sang). « Lance had called the UCI on June 10th, the day I’d beaten him on Ventoux, the same date they (ndlr: l’UCI) told me to come in, the same date of the warning letter they’d sent to Girona. Lance called Hein, and Hein called me. » Plus loin, Hamilton écrit « Lance worked the system – hell, Lance was the system. »

Bon nombre de ces révélations portent sur le dopage chez US Postal, donc dans l’équipe de Lance Armstrong. Pourtant, il ne faut pas se méprendre sur le but du livre qui n’est pas à propos de Lance Armstrong ni de l’UCI. Hamilton parle d’abord et avant tout de lui, de ses propres dérives, de son propre dopage. S’il parle des autres, c’est pour nous faire comprendre le contexte dans lequel il évoluait. À propos de Lance Armstrong, on sent même que Tyler Hamilton lui voue un certain respect, malgré de graves incidents, notamment en 2011 dans un restaurant d’Aspen, peu de temps après la diffusion de l’émission 60 minutes. Ainsi, Hamilton écrit: « The thing was, Lance was always different from the rest of us. We all wanted to win. But Lance needed to win. He had to make 100 percent sure that he won, every time, and that made him do some things that went way over the line, in my opinion. I understand that he’s done a lot of good for a lot of people, but it still isn’t right. Should he be prosecuted, go to prison for what he did? I don’t think so. But should he have won seven Tours in a row? Absolutely not. »

La crédibilité? Elle transpire de l’ouvrage. D’abord par le niveau de détail, de précision: impossible de « construire », d’inventer une telle histoire! C’est aussi l’avis d’Alain Gravel de Christiane Ayotte, tous deux interviewés sur le livre hier matin sur les ondes de l’émission Médium Large de la Première chaine de la radio de Radio-Canada. Mentionnons aussi que le co-auteur du livre, Daniel Coyle, avait imposé comme condition à son partenariat avec Hamilton la possibilité de vérifier tous les faits évoqués par Hamilton au moyen de sources indépendantes. À de nombreuses reprises, on trouve d’ailleurs des notes de bas de page par Doyle et qui viennent préciser les propos d’Hamilton, voire donner la version d’un autre témoin.

Construit de façon chronologique, de sa découverte du monde des pros chez Montgomery-Bell en 1996-1997 à sa descente aux enfers en 2008, 2009 et 2010 (Hamilton a tout perdu, fortune, travail, amis, mariage), j’ai trouvé l’ouvrage passionnant, mais également très dur. C’est un ouvrage propre à vous donner un sacré « reality check » à propos du monde des coureurs cyclistes professionnels. J’estime personnellement ce « reality check » nécessaire pour ne pas incarner le passionné ignorant qu’on dupe facilement, voire que la « machine commerciale » méprise parfois.

Sombre, « à vomir » selon Christiane Ayotte tant le monde décrit par Hamilton est glauque, le livre comporte pourtant des éléments d’espoir dont celui de comprendre les coureurs qui se dopent puis de travailler tous ensemble à édifier un milieu dans lequel le dopage ne sera plus utile. Je laisse le mot de la fin à Tyler Hamilton lui-même: « … I think everybody who wants to judge dopers should think about it, just for a second. You spend your life working to get to the brink of success, and then you are given a choice: either join in or quit and go home. What would you do? »

« I want to tell it (ndlr: son histoire) so people might focus their energy on the real challenge: creating a culture that tips people away from doping. »

L’UCI ferait bien de lire ce bouquin et d’entendre le message!

(Le livre est disponible sur ITunes ou Amazon, en langue anglaise. Je ne connais pas de traduction française pour le moment, mais elle va venir, c’est sûr.)

En marge de cet article, à lire l’opinion récente de Michael Ashenden, un expert mondial de la lutte anti-dopage, concernant l’omerta du milieu et les moyens de la combattre. Son idée de mettre sur pied une commission d’enquête, puis une unité d’enquête indépendante, m’apparait excellente et à même de convaincre les plus réfractaires de parler ouvertement de leur expérience. Chose certaine, l’omerta du milieu existe toujours, elle s’est simplement mutée en une forme différente à la suite de tous les scandales des 15 dernières années.

GP de Québec et Montréal: des suggestions aux organisateurs

Les récents GP de Québec et Montréal ont connu cette année encore un franc succès et il faut s’en réjouir puisque le cyclisme canadien continue d’afficher une belle santé. Je dirais même que le succès a été plus grand encore à Québec qu’à Montréal puisque malgré une météo parfaite, il semble qu’il y ait eu un peu moins de monde sur le circuit de Montréal cette année comparativement aux deux dernières années.

J’ai beaucoup discuté avec de nombreuses personnes qui sont allées soit à Québec, soit à Montréal, voire aux deux endroits. Quelques suggestions se dégagent de mes discussions et il peut être intéressant pour les organisateurs de les entendre.

En gros, c’est simple: mettre à disposition des spectateurs sur le bord de la route un moyen de suivre toute la course.

Certains proposent de créer, sur le circuit, un mini réseau internet accessible permettant de suivre, sur les appareils électroniques portables (IPad, IPhone, etc.) la course. Tous m’ont signifié qu’un accès payant à ce réseau (5, 10$ pour la journée) ne serait absolument pas un problème puisque la course, elle, est gratuite.

Les gens veulent suivre toute la course, et pas seulement voir les coureurs 15 secondes passer devant eux. Qui plus est, ils veulent comprendre ce qui s’est passé avant et après avoir vu tel ou tel coureur en échappée passer devant eux.

Un autre moyen serait de multiplier les écrans géants, que tous trouvent actuellement nettement insuffisants. Pourquoi ne pas fonctionner avec 3 ou 4 écrans géants? À Québec, outre la ligne départ/arrivée, il serait judicieux d’en placer sur le haut de la côte de la Montagne, au Carré d’Youville ainsi qu’en bas de la rue St-Jean, voire près de la traverse de Lévis. À Montréal, le belvédère Camilien Houde, le sommet de Camilien Houde et l’avenue Édouard Montpetit seraient également des endroits stratégiques.

Chose certaine, de nombreuses personnes m’ont dit qu’il était nettement plus agréable d’être sur le parcours de Québec que de Montréal. À Québec, la course passe dans le Vieux-Québec, où cafés, restaurants, magasins, galeries d’art et commerces en tout genre foisonnent. Voilà qui donne aux spectateurs de quoi meubler l’attente entre les passages des coureurs!

À Montréal, beaucoup souligne qu’on est prisonnier du parcours: une fois dans Camilien Houde, il n’y a strictement rien à faire entre les passages des coureurs. Le circuit traversant de nombreuses zones résidentielles, et non commerciales, le temps est long sur le bord des routes une fois la course passée, conduisant très probablement à un essoufflement, d’une année à l’autre, de l’enthousiasme des spectateurs venus sur le bord de la route.

Je trouve personnellement l’idée de déployer un réseau sans fil couvrant le circuit et permettant aux spectateurs de suivre, sur leurs portables, la course moyennant un forfait de 5 ou 10$ pour la journée, particulièrement intéressante et susceptible de ramener certains amateurs de cyclisme sur le circuit l’an prochain. Ils auraient ainsi le meilleur des deux mondes: voir en direct les coureurs, sentir l’ambiance de la course, sans perdre un seul instant du déroulement de la course sur les autres portions du circuit.

The Secret Race

Vous n’avez pas le choix: il faut lire le livre de Tyler Hamilton, The Secret Race, si vous voulez comprendre le cyclisme professionnel.

Point final.

J’en suis à un peu plus de la moitié et ce livre est passionnant. Disponible sur Amazon.ca ou sur ITunes, c’est un 15$ très bien investi dans votre culture cycliste et dans votre capacité à être un observateur éclairé du cyclisme.

La crédibilité? Très bonne, aucun doute là-dessus. Le degré de détails que donne Tyler Hamilton ne laisse absolument aucun doute. Le ton aussi: calme, posé, sans rancoeur. Qui plus est, le co-auteur, Daniel Coyle, avait mis quelques conditions à sa collaboration, dont celle de pouvoir corroborer chaque fait rapporté par Hamilton au moyen d’une source indépendante.

Le président de l’AMA, David Howman, a également lu avec un grand intérêt le livre et estime qu’il sera utile dans la lutte contre le dopage.

Mais attention, ce livre est aussi explosif. On y apprend surtout le côté sombre du cyclisme, comment les coureurs jonglent avec le dopage. Dans la première partie, on y apprend aussi la personnalité de Lance Armstrong, peu recommandable. Et on y apprend, faits à l’appui, que le dopage était bien institutionnalisé chez US Postal et ce, dès 1998, année du retour d’Armstrong au premier plan.

Je vous proposerai une critique plus complète de ce livre d’ici quelques jours. Mais d’ors et déjà, je peux vous affirmer que tous ceux qui veulent comprendre le milieu cycliste professionnel et cesser d’être manipulés par les déclarations loufoques des cyclistes pro à la presse quant au dopage doivent lire ce livre.

Pool de cyclisme: près de 1500 points pour le leader!

Exceptionnellement, je publie les résultats du pool de cyclisme sur la page principale de La Flamme Rouge, le temps de régler un problème technique!

La présente mise à jour tient compte des courses depuis la fin du Tour de France: Classica San Sebastian, ENECO Tour, Tour de Pologne, Jeux Olympiques (chrono et route), Cyclassics, Plouay, Vuelta et GP de Québec et Montréal.

Au classement général, Éric Blettery domine avec… 1427 points déjà! Et c’est normal lorsqu’on regarde son équipe: outre Wiggins, Sagan et Boonen, il a eu le flair d’aller chercher des coureurs comme Moreno Moser, Arnaud Demare, Tony Gallopin ou encore Alejandro Valverde. Tous ses coureurs « marchent » bien!

Éric dispose d’une confortable avance sur la deuxième du général, Claudia Dao, 1343 points. Le troisième, Christian Tremblay, n’est que 20 points derrière (1323) et ca s’annonce donc chaud pour la 2e place puisqu’il reste encore les courses suivantes: Mondiaux, Paris-Tours, le Tour de Lombardie et le Tour de Beijing.

Je ne suis personnellement pas mécontent de ma… 11e place au général!

Voici le classement général en date du 13 septembre:

Nom du participant Total points
1 – Eric Blettery 1427
2 – Claudia Dao 1343
3 – Christian Tremblay 1323
François-Xavier Beloeil 1288
Mathias Urbain 1273
Pascal Lussier Duquette 1263
Martin Charron 1250
Dédé 1239
Julien Gagnon 1225
Sébastien Moquin 1214
Laurent Martel 1191
Bernard Houle 1183
Rémi Lavoie 1156
Éric Wiseman 1156
Stéfan de Vichy 1120
Jérémie Durieu 1099
Sylvain Blais 1085
Alexis Sicard 1079
Rémi Bérubé 1077
Guillaume Pincon 1051
Dominique Beaulieu 1035
Frédéric Fernandez 1028
Richard Pilon 1027
Pschau 1021
Louis Dupuis 1015
Jean-Michel Plantard 1003
Francis Cloutier 994
Hugo Tardif 994
Jean-Pierre Lavoie 973
Fabrice Kohl 968
Marco Desbiens 965
Jean-Daniel Azuelos 960
Mario Beauregard 956
Éric Tardif 955
Audrey Lemay 950
André Lamarche 949
David St-Martin 947
Ismael Choesmel 943
Benoit Gagnon 937
Pierre Authier 937
Stéphane Bayle 927
Stéphane Martel 922
Éric LeRoux 908
Jean-Sylvain Gauthier 907
Claude Bourrier 887
Jean-Christophe Serra 873
Patrice Beaulieu 873
Mulot 864
Marc-André Latour 864
magicrème! 857
Éric Guimbard 850
Claude Bouchard 847
Fred 841
Pierre-Luc Croteau 832
Xavier Martin 814
Gilles Manzano 812
Le Stéphanois 806
Guy Bergeron 792
VC Gauthier & Gauthier 790
Éric Ladouceur 786
Michel Gervais 780
Philippe Lanthier 780
Dominic Picard 778
Pascale Panter 774
Vincent Rucquoy 770
jpierre riehl 763
Rock Desbiens 746
Marc Beaulieu 738
Dan Simard 713
David Desjardins 709
Éric Le Page 701
Jean-Pierre Charest 687
Pascal Leroux 685
Daniel Masse 685
Cédric Renzi 684
Bernard Fouquet 663
Marmotte 660
Rock Mathieu 658
Pierre Coulombe 656
Marc Gagnon 652
Vincent Courcy 652
Michel Onsow 640
David Gendron 630
Karl Clavet 629
Vapiano 627
Jean-Sébastien Zahra 626
Olivier Richard 625
Luc Bérubé 618
David Onsow 617
Maxime Morin 614
Virginie Ordano 613
Audrey Troye 602
Robert Caron 600
Yannick Dusseault 576
Denis Doyon 575
David Caharel 574
P’tit Lucien 567
Élise Saindon 566
Hugo Pelletier 560
Sébastien Houde 560
Martin Caya 548
Dédé la moulinette 546
Mathieu Lapointe 542
Nicolas Roques 533
Tactacbadaboum 532
Alain Dauphin 524
Denis Laberge 517
Philippe Rucquoy 507
Noé Castille 503
Laetitia Nicetta 502
Claude Taillon 500
Alexandre Bideau 496
Martin Lessard 494
Jasmin Houle 490
babassteam2012 485
Jean-François Bourrier 475
Patrice Marcotte 465
Francine Marseille 464
Bird 450
Philippe Dessureault 449
Michel Vignola 449
Hugo Gosselin 447
Linda Filion 410
Dominic Fillion 387
Lucas Bourrier 382
Nicolas Tremblay 380
Richard Marcotte 378
Annie Charette 370
Aroussen Laflamme 365
Andy Lamarre 357
Christian Pouliot 356
Alexis Zarégradsky 352
Kenneth Trueman 339
Pierre-Alexandre Lenoir 335
Claire Croteau 321
Christophe Bourrier 301
Mike 299
Simon Dubuc 293
Robert Garneau 281
Marc-Olivier Abel 250
Alain-Philippe Le Guelte 228

Au chapitre des courses par étapes, voici les 10 premiers du classement:

Nom du participant Total Étapes
Mathias Urbain 1091
François-Xavier Beloeil 1067
Eric Blettery 1060
Martin Charron 1057
Christian Tremblay 1032
Julien Gagnon 1032
Dédé 1026
Claudia Dao 997
Rémi Bérubé 983
Sébastien Moquin 974

Et enfin au chapitre des courses d’un jour, voici les 10 premiers du classement:

Nom du participant Total Un Jour
Marmotte 445
Mario Beauregard 439
Richard Pilon 429
André Lamarche 413
Marco Desbiens 409
Jean-Daniel Azuelos 394
Vincent Courcy 387
Pschau 385
Sylvain Blais 377
magicrème! 377

Prochaine mise à jour après les Mondiaux!

Sur les petites jambes des coureurs pro…

S’étonnant des « petites jambes » de nombreux coureurs professionnels qu’il a pu voir de très près lors du récent GP de Québec, un lecteur de La Flamme Rouge me demande comment ces coureurs peuvent-ils générer 500 watts de puissance dans ces conditions, avec en apparence si peu de muscles visibles? Évoquant par exemple Ryder Hesjedal et ses échasses en guise de jambes, il se demande ce qui explique cette physionomie particulière et si une technique d’entrainement ou le dopage sont derrière tout ca.

M’étant moi-aussi posé ces questions il y a cependant fort longtemps, voici, cher lecteur, les réponses. Et surtout, je vous remercie de votre intérêt pour La Flamme Rouge!

En fait, il existe non pas une, mais bien des physionomies parmi les coureurs cyclistes pro, de la même façon que pour le grand public.

Ainsi, les jambes des sprinters ou des spécialistes des chronos seront habituellement plutôt musclées, impressionnantes, hypertrophiées. Celles d’un André Greipel par exemple sont éloquentes à ce sujet. Mark Cavendish a également une bonne paire de cuisses, sans évoquer celles de Tony Martin ou de Fabian Cancellara! Ces coureurs ont habituellement un grand nombre de fibres musculaires rouges, dites rapides, leur permettant de générer beaucoup, beaucoup de watts sur une période de temps assez brève (de quelques secondes à maximum une heure environ).

Les jambes des grimpeurs (Andy Schleck, Joaquim Rodriguez) ou des coureurs plus complets (Alberto Contador, Alejandro Valverde, etc.) seront souvent plus fines, élancées, voire émaciées. Dans certains cas, on aura du mal à voir les mollets! (c’est souvent le cas chez les coureurs très grands comme par exemple Hesjedal, Froome, Wiggins, les Schleck ou Van Summeren). Leurs muscles sont à dominante de fibres blanches dites lentes, permettant de soutenir des efforts d’extrême endurance. La puissance est certes moindre, mais le rapport poids/puissance est optimisé. Ces coureurs ne peuvent rivaliser, sur le plat, avec les meilleurs sprinters ou spécialistes du chrono qui disposent de beaucoup plus de force, de puissance pour tourner les pédales; par contre, dès que la pente s’élève, c’est une autre histoire, car la gravité prend son importance! Et la gravité tire la masse vers le bas!

Vous avez vu beaucoup de coureurs aux jambes fines, élancées à Québec tout simplement parce que les équipes ont sélectionné des coureurs susceptibles de bien faire sur des parcours accidentés comme ceux des GP de Québec et Montréal. L’équipe Sky, par exemple, savait pertinemment qu’il était inutile de s’amener avec Mark Cavendish au Canada car les chances que les courses se terminent au sprint étaient à peu près nulles. Idem pour Lotto avec Greipel.

Mais il y a plus.

Ce plus, c’est qu’il n’y a absolument aucun lien entre grosseur des muscles des jambes et performance en cyclisme. Rendez-vous, cher lecteur, sur une course FQSC au Québec: vous y verrez des coureurs aux muscles impressionnants, bien définis. À côté d’eux, j’ai l’air d’un chétif poulet!!! Mon ami Dominic Picard est impressionnant à ce chapitre! Actuel champion québécois Maître A (30-39 ans) sur le chrono et sur route, excusez-un-peu (mes félicitations en passant Dominic!), il n’est cependant pas coureur pro pour autant, même si sa musculature n’a rien à envier à celle de Cancellara.

Tout cela pour dire que ce qui fait un coureur pro, c’est une chose et une seule: le moteur. C’est à dire la VO2max, la capacité pulmonaire, les facultés de récupération, bref la « santé ». Et tout cela est en très grande partie déterminé par les aptitudes physiques à la naissance. Par les gênes.

En gros, vous l’avez ou vous l’avez pas. Et si vous ne l’avez pas, ben il n’y a rien à faire pour l’avoir! Les carottes sont cuites.

J’aurais personnellement pu m’entrainer 30 heures / semaine depuis l’âge de 12 ans, jamais je ne serais passé pro. Je n’ai tout simplement pas hérité d’un bagage génétique me permettant d’atteindre ce niveau. Mes parents, mes grands-parents n’étaient pas de grands athlètes privilégiés par un bagage génétique idoine. Par contre, Taylor Phinney, Nicolas Roche, Andy et Franck Schleck, Moreno Moser, etc. le sont tous. Les exemples de transmission de ces gênes de pères en fils sont légion dans le peloton. Certaines familles toutes entières sont même passées à l’histoire comme les Vandenbroucke en Belgique tant il y a eu des coureurs cyclistes pro parmi elles!

Il faut donc savoir que le cyclisme sur route est un de ces seuls sports ou le travail, l’entrainement ne suffit pas: il faut avoir les dispositions physiques au départ. Les dispositions mentales peuvent se travailler par la suite, mais sans les dispositions physiques, point de salut.

Bref, ne devient pas coureur cycliste professionnel qui veut. Tous les coureurs pro du World Tour présentent des prédispositions génétiques à la naissance. Par exemple, à 12 ou 14 ans, ils auront « coté » 70 ml/min/kg à un test de VO2max tandis que vous aurez coté 45. Avec l’entrainement, ils seront passés à 88 et vous à 60 car leur réaction aux stimulis d’entrainement est également meilleure que la vôtre. S’il est bien connu que Lance Armstrong ne disposait pas d’une VO2max très importante lorsque comparé à d’autres champions cyclistes, il était tout de même à plus de 70 après plusieurs mois de chimiothérapie et 6 mois d’arrêt complet. Je n’ai pour ma part jamais coté plus haut que 67 au meilleur de ma forme!!!

Enfin, l’entrainement permet d’optimiser cette VO2max, de la bonifier mais dans des proportions modestes. L’entrainement permet surtout de développer d’autres facettes importantes dans le sport cycliste, comme la récupération dont une partie des qualités émanent aussi d’aptitudes à la naissance.

Voilà donc réponse à vos questions, c’est-à-dire pourquoi certains coureurs pro ont l’air de frêles gamins au départ d’une course et qu’il vous soit difficilement concevable que ces gamins puissent rouler 250 bornes à 43 de moyenne sur un parcours d’enfer. Rappelez-vous ceci: ces gamins en apparence disposent d’avantages physiologiques sur vous et vous êtes hors concours avant même d’avoir enfourché votre vélo! J’écrivais, en début de texte, m’être posé les mêmes questions que vous, mais il y a longtemps: j’avais été particulièrement impressionné par Viatcheslav Bobrik (équipe Gewiss à l’époque) au départ de l’étape de Cluses sur le Tour 1994, alors que j’avais 23 ans: Bobrik avait de plus petites jambes que moi (aucun muscle apparent) et ce coureur qui se changeait juste à mes côtés était un coureur du Tour! Pourquoi pas moi alors?!

Voilà aussi pourquoi, si vous êtes pratiquant, vous serez un jour écoeuré de voir un nain bedonnant vous dépasser dans un col, alors que vous souffrez en montant à votre limite et que vous êtes affuté comme une dague: il a certainement un meilleur moteur que vous.

Voilà surtout pourquoi en cyclisme, la modestie est toujours, toujours de mise. Les crâneurs, les vantards sont habituellement remis à leur place assez rapidement merci! Une seule sortie suffit… Les « grands » coureurs pro sont aussi ceux qui savent rester modestes en respectant les autres cyclistes, quels qu’ils soient, puisque même si ces derniers roulent moins vite qu’eux, la souffrance est la même pour tous du moment qu’on roule tous « accotés ». À 52 ou à 32 de moyenne, un chrono peut être aussi difficile pour deux coureurs, selon leurs moyens physiques.

Deux autres choses encore.

Le dopage permet quant à lui d’améliorer les performances. Le dopage « classique », soit avant les années 1990, ne permettait pas de changer la hiérarchie naturelle (basée sur la génétique à la naissance), même au sein du peloton pro. Le drame avec le dopage sanguin, c’est qu’il peut transformer un « modeste » coureur pro en un vainqueur du Tour de France. Les exemples de Bjarne Riis et de Lance Armstrong, deux coureurs qui n’auraient jamais remporté le Tour sans un recours massif au dopage sanguin, sont éloquents à ce sujet. Ces deux coureurs disposaient cependant de dispositions génétiques à la naissance leur permettant d’être de bons coureurs pros, comme plusieurs autres.

Finalement, vous évoquez « une shape d’anorexique » et vous avez raison. La maigreur de certains coureurs pro depuis quelques années étonne jusqu’aux meilleurs médecins par ailleurs totalement étrangers au sport cycliste et disposant donc d’un regard teinté de recul. Il est possible que certains nouveaux produits dopants, comme l’AICAR, soient liés à cette situation puisque ces produits maximisent la force musculaire tout en brulant les graisses, faisant atteindre à ceux qui en prennent des taux de gras vraiment très bas tout en bonifiant leur puissance. Si on ne saurait, par un simple examen visuel, conclure au dopage pour des coureurs très maigres (après tout, Fausto Coppi n’était pas, à l’oeil, très gros dans les années 1940 et 1950!) il est probablement de mise de rester prudent quant à l’interprétation des performances de certains coureurs pro de premier plan présentant des profils émaciés. Dans ce contexte, les analyses de puissance de M. Portoleau (voir mon texte d’hier) sont un éclairage utile pour tous ceux voulant être des observateurs éclairés du cyclisme.

Puissance à la hausse sur la Vuelta

Tous ceux qui veulent être des observateurs éclairés du cyclisme n’ont d’autres choix que de lire les analyses de puissance développée par les meilleurs coureurs de la récente Vuelta et proposées par Frédéric Portoleau. La précision des calculs n’est plus à démontrer.

Je sais que plusieurs d’entre vous demeurent cependant sceptiques sur l’outil. Je ne le suis pas, estimant qu’il s’agit là d’un authentique outil de lutte contre le dopage. La machine humaine est ce qu’elle est et on sait depuis fort longtemps déjà ce que l’humain peut faire du côté athlétique. Il y a des puissances qui n’ont tout simplement aucun sens, surtout en fin d’étape, après 150 ou 200 bornes et plusieurs cols au programme.

Globalement, Portoleau montre que les puissances développées sur la récente Vuelta étaient plus élevées que sur le Giro et le Tour cette année. Rodriguez a fleurté avec des puissances très élevées, limites louches: Portoleau estime sa VO2max à 95! Considérant qu’il est habituellement reconnu que le fondeur Bjorn Daelhie est l’être humain à avoir testé le plus haut sur cet indice (96 – Greg Lemond était à 92), c’est exceptionnel de la part de Rodriguez.

Portoleau montre aussi que Contador était au moins à son niveau du Giro 2011 qu’il avait dominé de la tête et des épaules. Sa récente suspension n’aura donc pas nuit à sa puissance de travail!

Et les mauvaises langues diront qu’il n’est pas surprenant que ce soit en Espagne, parmi des cyclistes espagnols de surcroît, qu’on retrouve les puissances les plus élevées chez les coureurs cyclistes professionnels!!! Il faut remonter aux Tours de France 2007 et 2009 (gagnés par Contador) pour trouver des puissances moyennes comparables à celles observées sur la récente Vuelta.

Les calculs de Portoleau sont aussi très intéressants parce qu’il donne quelques comparaisons temporelles sur l’ascension des lacs de Cavadonga par exemple. Pas de doute possible: c’est vraiment à la fin des années 1990 que les puissances étaient les plus élevées. Il est également rassurant de constater que les puissances ont été à la baisse ces dernières années, bien que certaines valeurs, notamment développées par Rodriguez, demeurent exceptionnelles et… louches.

L’autre intérêt de l’article de Portoleau est qu’il met en relation les trois grands tours de l’année… et donc la puissance développée par le Canadien Ryder Hesjedal sur le dernier Giro qu’il a remporté. Rassurant de constater que des trois vainqueurs des grands tours en 2012 (Hesjedal, Wiggins et Contador), c’est le Canadien qui présente les performances les plus… humaines!

Bref, c’est à ne pas manquer.

L’article détaillant les puissances sur la première moitié de la Vuelta est ici.

L’article détaillant les puissances sur la deuxième moitié de la Vuelta est ici.

Le Tour de l’actualité

1 – GP de Montréal: victoire de Lars Petter Nordhaug devant Moreno Moser et Alexander Kolobnev dans une course au scénario similaire à celui de l’an dernier.

C’est en effet dans les 5 derniers kilomètres que la course s’est jouée, après la dernière difficulté de la côte Polytechnique. Sur Edouard Montpetit, tout le monde se regardait un peu et la victoire est allée à ceux qui ont osé prendre l’initiative: l’an dernier c’était Costa, Fedrigo et Denifl, cette année ce fut Moser, Kolobnev et Nordhaug.

Il y a des enseignements à tirer en prévision de la course l’an prochain! On dirait bien que tout le monde court après tout le monde tant qu’il y a des difficultés; une fois celles-ci terminées, tout le monde se regarde de nouveau et la dernière section, roulante, permet à quelques coureurs de souvent résister au retour du peloton.

Celui qui m’a le plus impressionné est sans conteste Moreno Moser, un jeune coureur italien issu d’une famille célèbre de cyclistes professionnels dont le plus connu est évidemment « Il Checo », Francesco Moser, notamment triple vainqueur de Paris-Roubaix et aussi vainqueur du Giro (dans la contreverse il est vrai, c’est certainement Laurent Fignon qui aurait dû gagner ce Giro 1984). Attention à ce jeune Moser, déjà vainqueur cette année du Tour de Pologne: c’est probablement un futur grand du cyclisme transalpin.

Quoi qu’il en soit, belle performance également de David Veilleux qui aura eu le mérite d’essayer de s’échapper dans la dernière ascension de Camilien Houde. Il est probablement parti un peu trop tôt et une attaque sur Côte-des-Neiges, pour surprendre tout le monde, aurait peut-être eu davantage de chance de fonctionner. Ryder Hesjedal a également été vu à son avantage dans le final, mais il lui aura notamment manqué un équipier.

2 – GP de Montréal bis: ce n’est peut-être qu’une impression, mais j’ai cru voir nettement moins de spectateurs que l’an dernier sur les derniers hectomètres de la montée Camilien Houde. En 2010 et 2011, trois rangées de spectateurs bordaient la route; cette année, j’ai cru voir à la télé des espaces de libre, et seulement une rangée éparse de spectateurs. Quelqu’un sur le circuit peut confirmer? La présence de spectateurs sur le parcours aurait-elle été moindre cette année?

3 – GP de Montréal encore: couverture télé à TVA. Au secours! Ou plutôt, « oh la la ». Insupportable, ce commentateur Randy Ferguson était carrément insupportable, du moins pour mes oreilles. Je me suis beaucoup ennuyé de Dominique Perras, passé chez RDS…

4 – Victoire d’Alberto Contador sur la Vuelta après une 20e étape difficile avant-hier ou il s’est fait décroché par Rodriguez dans les tous derniers kms de la montée vers Bola del Mundo. Les images de la foule, de la pente étaient assez spectaculaires encore une fois.

Par cette victoire au général, Contador se replace comme un des grands coureurs cyclistes du moment et se désigne un des favoris du Tour 2013. Il sauve sa saison, mais surtout sa réputation. La question: sera-t-il des Mondiaux dans deux semaines?

L’autre enseignement de cette Vuelta, c’est l’arrivée de Degenkolb comme un très grand sprinter: 5 victoires d’étape! Celui-là, il sera l’un des favoris pour les sprints du prochain Tour de France et il se pose comme un des principaux challengers de Mark Cavendish en 2013.

5 – Dominique Rollin. Le Québécois termine cette Vuelta après avoir quasiment terminé le Giro en mai dernier, bouclant pour ainsi dire deux grands tours dans sa saison, excusez-un-peu. De quoi lui donner une caisse plus importante encore. J’espère de tout coeur que cette charge de travail saura lui être bénéfique en vue de la saison 2013 ou une grande victoire serait bien méritée.

6 – Mondiaux aux Pays-Bas: outre Philippe Gilbert, il faudra probablement compter avec Tom Boonen qui vient de remporter la Classique Paris-Bruxelles. Selon le dicton populaire « abondance de biens nuit » et le sélectionneur belge aura bien du mal à faire cohabiter Gilbert et Boonen au sein de l’équipe de Belgique, les deux voulant probablement jouer la gagne sur ces Mondiaux. Boonen accepterait-il de se mettre au service de Gilbert qui a davantage besoin que lui d’une victoire? L’approche intelligente serait de laisser à Gilbert la chance de jouer sa carte personnelle dans une échappée dans le final et de garder Boonen en cas d’une arrivée au sprint au sein d’un petit groupe.

Beaucoup de nouvelles…

1 – GP de Québec. Après Robert Gesink l’an dernier, c’est Peter Sagan qui, hier, s’est cassé les dents sur ce difficile dernier kilomètre du GP de Québec.

En haut de la côte des Glacis, dernière difficulté du jour, je croyais bien que Sagan, parti à la chasse de Gerrans et Van Avermaet devant, avait course gagnée. Il s’est rapproché à quelques longueurs de vélo seulement des deux leaders à environ 1,2 kms de la ligne, pour faiblir ensuite puis se rapprocher de nouveau aux 500m. Il a finalement craqué dans les 400 derniers mètres. Le tempo rapide de la course et ce, dès le départ, a peut-être surpris plusieurs coureurs dans le final!

La victoire est donc revenue à Gerrans, qui connaît une très belle saison: champion d’Australie, vainqueur du Tour Down Under puis de Milan San Remo au printemps, il est revenu en force depuis un mois et sera assurément un favori aux prochains Mondiaux aux Pays-Bas. Le parcours de Québec convenait parfaitement au puncheur australien qui peut générer beaucoup de watts sur une brève période de temps.

Greg Van Avermaet termine 2e et Rui Costa, vainqueur l’an dernier du GP de Montréal, 3e. Attention à ce dernier dimanche dans les rues de Montréal!

Les Canadiens

Superbe course! Après s’être complètement loupés l’an dernier, les SpiderTech se sont bien repris cette fois-ci et ont montré le maillot grâce à Euser et Houle dans la longue échappée du jour. Le travail a été terminé par François Parisien, auteur d’une excellente 10e place qui fait plaisir lorsqu’on connaît les problèmes physiques du coureur en début de saison. Bravo donc aux SpiderTech pour une performance d’ensemble qui va certainement aider Steve Bauer dans sa recherche de partenaires financiers importants, question d’essayer de passer en World Tour dans les prochaines années.

Une mention toute spéciale à Bruno Langlois, un coureur que j’adore pour son tempérament agressif. Je crois bien que je n’ai jamais vu ce coureur prendre le départ d’une course sans tenter quelque chose. Langlois s’est échappé dans le final pour l’équipe canadienne avec Chris Anker Sorensen, et il fallait de la force pour le faire à ce moment. Chapeau bien bas.

Enfin, Ryder Hesjedal a craqué dans le final, mais c’était prévisible puisqu’il est actuellement à court de compétition.

2 – En marge du GP de Québec, ce reportage sur le cyclisme canadien publié par le site Vélochrono. Serge Arsenault, promoteur des GP, et moi y parlons du développement du cyclisme de ce côté-ci de l’Atlantique.

3 – Vuelta. Deuxième victoire d’étape pour Philippe Gilbert, qui est en train de sauver sa saison. Attention, il sera très certainement LE grand favori des prochains Mondiaux aux Pays-Bas, sur un parcours qui lui conviendra à merveille.

4 – Affaire Armstrong. L’Illustré, un magazine suisse, publie un dossier intitulé « Dopage: les preuves de l’imposture » en collaboration avec Antoine Vayer. Le dossier complet est disponible ici: Sujet dopage. Il faut le lire car Antoine Vayer sait de quoi il parle. S’il maitrise avec brio l’art de la formule-choc et qu’il se veut provocateur pour stimuler les réactions, ses propos doivent être pris au sérieux, n’en déplaise à l’UCI. Chiffres à l’appui, Vayer nous illustre les performances « surhumaines » de Lance Armstrong durant sa carrière. À quand l’utilisation des mesures de puissance comme outil de lutte contre le dopage?

5 – Comme prévu, il est probable que l’UCI ne fasse pas appel des sanctions appelées par l’USADA à l’encontre de Lance Armstrong, convaincu de dopage et ce, durant toute sa carrière. L’UCI a bien trop peur que la preuve soit rendue publique, révélant des éléments très embarrassants pour elle. Lance Armstrong sera donc lâché par ses amis de l’UCI sur ce coup-là. Que voulez-vous, à un moment donné, la solidarité ne tient plus quant il s’agit de sauver sa propre peau…

Chose certaine, la descente d’Armstrong se poursuit: le marathon de Chicago vient de lui interdire le départ, conformément à son banissement à vie prononcé par l’USADA.

6 – L’UCI pourrait introduire un concept « amnistie » dans le cas ou des coureurs pris pour dopage parlait ouvertement de leur expérience, permettant de mieux comprendre les techniques et les réseaux, et permettant surtout de confondre d’autres personnes également impliquées.

C’est évidemment une bonne idée, puisqu’elle pourrait inciter les coureurs à librement parler à l’UCI. Mais pourquoi diable n’y venons-nous que maintenant? Cette idée aurait dû être mise en place il y a des années déjà… C’est bien la preuve que l’UCI ne bouge en matière de dopage qu’au compte-goutte et quant elle y est contraint.

GP de Québec: les favoris

Le GP de Québec, épreuve UCI World Tour, sera disputé demain (départ 11h). Au menu des coureurs, 202 kms soit 16 tours du circuit du Vieux-Québec, un circuit qui comporte deux difficultés, la côte de la Montagne suivi de la côte de la Potasse/des Glacis. C’est un circuit sélectif, usant, créant une importante sélection par l’arrière. Pour preuve, les deux derniers vainqueurs, Thomas Voeckler et Philippe Gilbert, sont deux excellents coureurs.

La météo annoncée est bonne, la course sera donc agréable à regarder sur les bas-côtés de la route.

Le meilleur endroit pour regarder passer les coureurs est à mon avis le haut de la côte des Glacis, juste à l’entrée du Carré d’Youville. C’est à cet endroit que les coureurs sont au taquet et que la sélection s’opère très souvent. La côte de la Montagne n’est pas si difficile que ca puisque les coureurs s’y présentent frais après une récupération sur le boul. Champlain.

À la télé, la course sera retransmise sur le réseau TVA Sport au Québec et sur SportsNet au Canada.

Les favoris

Edvald Boasson Hagen. Le récent vainqueur du GP de Plouay est en forme et peut compter sur une bonne équipe Sky avec lui, notamment Lars Peter Nordhaug et Geraint Thomas. Pour moi, c’est le favori #1.

Peter Sagan. Le jeune prodige slovaque a connu jusqu’ici une saison remarquable, enchainant les grandes victoires. Le parcours de Québec lui convient encore mieux qu’à Montréal, en particulier cette dernière ligne droite en faux-plat ascendant sur la rue St-Louis/Grande Allée. Je ne vois tout simplement personne pour le battre s’il se présente à la flamme rouge en petit comité. Son équipe Liquigas me paraît toutefois un peu faible pour être capable de bien contrôler la course.

Ryder Hesjedal. On ne peut l’exclure des favoris, même si Hesjedal est dans l’inconnu, n’ayant pas couru depuis son abandon sur le Tour de France. Dans ce contexte, difficile de prédire s’il aura le rythme de la compétition pour être présent dans le final.

Thomas Voeckler. On ne peut l’exclure lui-aussi, surtout qu’il a gagné la course en 2010. Il dispose d’une bonne équipe Europcar à ses côtés, notamment avec Charteau, Gauthier, Kern et Veilleux.

David Veilleux. Le Québécois joue à domicile et il est en forme, sa victoire sur le Tre Valle Varesine l’ayant prouvé. Une victoire à Québec serait une grande surprise, un grand accomplissement et j’estime qu’il en est capable! Allez David!

Heinrich Haussler. Attention à lui, il a une saison à sauver et a montré des signes de forme récemment. Un Hesjedal pourrait bien cacher un Haussler chez Garmin!

Fabian Wegmann. Lui aussi est en forme et possède une grande expérience des courses en circuit. C’est un coureur pro accompli qui connaît toutes les ficelles du métier.

Rui Costa. Un homme en forme à l’automne, vainqueur du GP de Montréal l’an dernier. L’équipe Movistar sera assurément à son service.

Simon Gerrans. Si sa condition physique actuelle est inconnue, c’est un homme dangereux sur ce genre de parcours sélectif.

Jelle Vanendert. Une saison à sauver lui-aussi, un bon grimpeur qui a montré un bon sens tactique dans le passé. Son équipe Lotto devrait être capable de bien le servir.

Luis Leon Sanchez. Celui-là, il ne faut pas le laisser partir dans les 20 derniers kilomètres! Capable de tout, surtout de se faire oublier pour surgir au moment opportun!

Chris Horner. La saison a été longue pour le coureur américain de 40 ans, mais il possède un bon niveau et a souvent été aux avant-postes ces deux dernières années sur cette course. Avec Zubeldia, King et Gallopin, les RadioShack ont un bon coup à jouer et ils peuvent brouiller les cartes.

Les Canadiens/Québécois

Outre Michael Barry (Sky), Ryder Hesjedal (Garmin) et David Veilleux (Europcar), on note la présence de plusieurs autres coureurs canadiens/québécois sur l’épreuve: chez SpiderTech d’abord, les Guillaume Boivin, Ryan Anderson, Martin Gilbert, Hugo Houle (à surveiller), François Parisien et Ryan Roth. Les organisateurs ont aussi pu inclure une équipe nationale canadienne, ce qui est très bien puisque cela donne l’opportunité à de jeunes coureurs de se frotter à l’élite internationale l’espace d’une ou deux courses. Le Canada sera représenté par Rob Britton, Marsh Cooper (que je ne connais pas), Antoine Duchesne, Nic Hamilton (que je ne connais pas), Bruno Langlois (auteur d’une belle saison en Amérique du Nord), Rémi Pelletier-Roy, Sebastian Salas (un gros moteur) et Charly Vives.

Allez les gars, faut montrer le maillot!

Dominique Rollin (FDJ) est par ailleurs engagé sur la Vuelta et ne sera donc pas des courses World Tour au Québec.

Contador atomise la Vuelta

Celle-là, je vous avoue franchement ne pas l’avoir vu venir!

À 5 jours de l’arrivée à Madrid, alors que tout le monde croyait que Joaquim Rodriguez avait la Vuelta gagnée puisqu’il avait su répondre jusqu’ici à toutes les attaques de Contador voire avait su le distancer sur les derniers mètres des étapes grâce à son punch redoutable, voilà que Contador a renversé la course en remportant l’étape et en s’emparant du maillot amarillo! Le vidéo de l’étape est ici.

Contador s’est imposé au sommet du Fuente Dé en surprenant tout le monde par une course très axée sur l’attaque, après un gros travail de son équipe. Contador est parti à 40 bornes de l’arrivée, dans l’avant-dernière difficulté du jour, rejoignant dans un premier temps deux équipiers s’étant glissé dans un contre, puis partant seul pour escalader la dernière difficulté du jour. Joaquim Rodriguez a semblé dépassé par les événements, incapable d’hausser son niveau pour réagir à la course de mouvement créée par Contador. Rodriguez a également manqué d’équipiers autour de lui pour l’assister dans le sauvetage de son maillot (l’aide de Losada un temps fut très insuffisante!).

On pourra écrire ce qu’on veut sur la façon dont les pros arrivent à de tels niveaux de performance, force est de reconnaître aujourd’hui que Contador a eu du panache et a su prendre l’initiative, des qualités qu’on retrouve de plus en plus rarement au sein du peloton, devenu très calculateur en raison des enjeux financiers présents. En ce sens, cette étape de la Vuelta aura probablement été un des meilleurs jours de course en 2012! En tout cas, Contador m’a fait vibré l’espace de quelques instants avec cette attaque audacieuse, et j’ai cru retrouver un cyclisme des grands raids aujourd’hui disparu.

Bref, Alberto Contador se retrouve désormais leader de la Vuelta avec 4 étapes à faire, dont une seule présente encore un certain danger (la 20e étape et son arrivée au sommet du difficile Bola Del Mundo, samedi). Il possède presque 2 minutes d’avance sur Alejandro Valverde, 2e, et 2min28 sur Rodriguez, 3e. On voit mal comment Contador pourrait être inquiété!

Contador va donc sauver sa saison 2012 et se rétablir comme un des grands patrons du peloton. Plus encore, il se pose, par cette très probable victoire sur la Vuelta, comme un des favoris du Tour de France 2013. La course pourrait être intéressante l’an prochain si on a Wiggins, Froome (qui a sombré hier), Evans, Andy Schleck, Contador, Hesjedal, Rodriguez et Nibali au départ!

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