La volonté exprimée par Arnaud Papillon, ce prometteur coureur cycliste trouvé positif à l’EPO il y a 2 ans, de revenir à la compétition au sein du club cycliste de Boucherville a défrayé la chronique au cours de la semaine dernière suite à la sortie de l’ex-coureur pro François Parisien qui a refusé de partager la même tribune que M. Papillon lors du prochain camp de formation de l’équipe.
La nouvelle a même été reprise par Simon Drouin de La Presse vendredi dernier.
Plusieurs d’entre vous m’ont demandé ce que j’en pense.
Premièrement, je tiens à rassurer François, et vous tous: je suis fermement contre le dopage dans le cyclisme (en doutiez-vous?!), et je lutte à ma façon depuis plus de 10 ans contre ce cancer du cyclisme. Comme François, comme Lyne, comme plusieurs autres, je suis révolté par les coureurs qui osent se doper, car ces derniers volent tout simplement la carrière, les revenus et pire encore les rêves d’autres athlètes qui, eux, respectent les règles.
Je vous rappelle qu’il est faux de croire que tous les coureurs se dopent, comme il est faux de croire que parmi ceux qui se dopent, tous se dopent de la même façon.
Anyway comme François, j’en veux à Michael Barry et Ryder Hesjedal de l’avoir parfois volé de places sur l’équipe nationale.
Comme Lyne, j’en veux à Geneviève Jeanson d’avoir limité son épanouissement sportif. Intrinsèquement, Lyne était pourtant une athlète plus douée physiquement que Geneviève.
Comme vous tous, j’en veux à Lance Armstrong d’avoir fait tant de tort au cyclisme tout entier par ses mensonges éhontés des années durant. J’en veux aux innombrables coureurs pro dopés ces 15 ou 20 dernières années d’avoir placé ce si beau sport là où il est aujourd’hui dans l’opinion publique: un sport de triche, un sport peu crédible.
Et comme François, j’ai toujours estimé que les sanctions à l’égard des dopés n’étaient pas assez sévères. Je l’ai souvent exprimé sur ces pages.
Bref, je comprends tout à fait la position de François Parisien. Elle a l’immense mérite de laisser clairement voir les frustrations que le dopage amène parmi les coureurs sains, d’une façon différente de celle de Christophe Bassons ou Gilles Delion. Les autorités devraient en prendre acte. La justice concerne aussi les victimes!
Ceci étant, est-il acceptable voire moral qu’Arnaud Papillon revienne au cyclisme?
Je pense que oui.
Il a en effet payé sa dette selon les règles. La sanction est-elle suffisante? C’est une autre question qui concerne d’autres acteurs, notamment les institutions chargées de la gouvernance du cyclisme.
Arnaud a également reconnu s’être dopé. Ce n’est pas tous les piqués positifs qui le font, au mépris même de l’intelligence des amateurs de cyclisme.
Arnaud a donc assumé la responsabilité de ses actes.
Dans notre société de droit, chaque faute a une sanction. Une fois la sanction purgée, je suis d’avis que tout le monde a le droit à une deuxième chance.
Comme Érik Lyman avant lui, comme Benjamin Martel à la fin de la saison dernière, je suis donc d’avis qu’Arnaud Papillon doit pouvoir – s’il le souhaite et en trouve les moyens – ré-intégrer le peloton. Il sera peut-être davantage surveillé par les autorités dans l’avenir, c’est normal.
Ayant avoué avoir commis une erreur, repentant, je suis même d’avis que son expérience peut servir les plus jeunes à éviter de tomber dans le piège du dopage. Quoi de mieux côté crédibilité qu’un ex-alcoolique pour parler lors d’une soirée des AA? En ce sens, Arnaud peut oeuvrer pour le bien commun en partageant ses dérives pour faire de la prévention.
Je rejoins donc l’opinion de Simon Lambert-Lemay en quelque sorte, en ajoutant cependant que Simon devrait comprendre les frustrations de François qui sont légitimes.
J’apporte cependant une nuance très importante à cette position.
Si le fait qu’Arnaud Papillon ou d’autres ex-dopés reviennent EN COURSE après avoir purgé une suspension pour dopage me parait recevable, je suis absolument catégorique quant à permettre aux ex-dopés d’occuper, une fois la retraite sportive arrivée, des emplois dans l’univers du cyclisme lorsque ces emplois sont liés à l’encadrement – entrainement ou autre – de coureurs, quels qu’ils soient, en activité. C’est non.
L’UCI a d’ailleurs adopté, en 2011, une politique visant à interdire que des ex-dopés puissent travailler au sein d’équipe: l’UCI ne leur délivre tout simplement pas de licence à cet égard. L’esprit de ce règlement est très clair: tu t’es dopé durant ta carrière? Une fois celle-ci terminée, tu ne peux pas travailler dans l’entourage de cyclistes ou encadrer d’autres athlètes. Point final. Do something else.
Ainsi, la présence de Bjarne Riis ou Alexandr Vinokourov comme managers des équipes Tinkoff-Saxo et Astana m’apparait absolument intolérable. Comme la présence d’Erik Zabel au sein de l’encadrement chez Movistar, et tant d’autres encore. Pas surprenant dans ce contexte que le cyclisme peine à s’en sortir et que l’omerta soit toujours la règle #1…
C’est une question de confiance rompue: coureur, on peut toujours tester plus souvent ces repentis qui reviennent à la compétition. Dans l’encadrement, comment s’assurer, une fois les portes closes, de leurs bons conseils face à de jeunes coureurs qui demandent ce qu’il faut faire pour réussir au plus haut niveau?
Le vrai scandale est là selon moi: tous ces ex-dopés qui travaillent aujourd’hui encore avec de jeunes coureurs ou de jeunes pros rêvant de percer au plus haut niveau. Comment leur faire confiance le jour où, détruit par une course terminée loin derrière, le jeune néo-pro pose les vraies questions?