Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Mois : avril 2021

Christiane Ayotte – Podium

Excellent reportage sur Christiane Ayotte, la grande dame de la lutte contre le dopage, directrice depuis 1991 du laboratoire de contrôle du dopage sportif à l’INRS-Institut Armand Frappier à Laval, Québec.

Le sport lui doit beaucoup depuis plus de 30 ans.

Une inspiration.

Le Tour de l’actualité

1 – Tour du Pays Basque. C’est le coureur américain de 23 ans Brandon McNulty qui a pris la tête du général hier, 23 secondes devant Primoz Roglic.

C’est une surprise, bien que sa 2e place dans le chrono du premier jour nous permettait de croire qu’il est en grande condition.

Ce fut surtout une 4e étape où les erreurs tactiques ont été monstrueuses, à peine croyable pour des pros.

L’accélération de McNulty pour rejoindre Landa et Chaves au sommet de la dernière bosse était certainement bien joué par UAE Team Emirates qui plaçait ainsi Tadej Pogacar en position de force dans le final. McNulty est allé au bout avec l’échappée, a pris plus de temps que prévu, du coup UAE se retrouve avec de belles options pour les deux prochaines étapes.

Chez Jumbo-Visma, ça ne s’améliore pas. Après avoir bien contrôlé les attaques de Landa et Chaves dans la dernière ascension, Jonas Vingegaard a laissé son leader qui défendait le maillot jaune rappelons-le pour se glisser dans l’échappée devant, avec une vingtaine de kilomètres de descente et de plat à faire.

Faut qu’on m’explique là! Qu’espérait-il au juste?

Vingegaard aurait bien sûr dû rester avec Roglic pour continuer à assurer la chasse derrière l’échappée. Il y avait un maillot à défendre!

Pire, deux équipiers de Roglic, soit Antwan Tolhoek et Sam Oomen, étaient encore avec lui dans le final; on ne les a pas vu assurer la chasse pour défendre le maillot! L’un d’eux a commencé à travailler à 5km de la ligne environ, pour ensuite porter des accélérations inutiles qui foutaient le bordel dans le groupe de chasse.

Faudra aussi qu’on m’explique celle-là.

Je pense que Roglic aurait pu facilement garder le maillot, si Vingegaard, Tolhoek et Oomen s’étaient coordonnés et mis au service de la chasse derrière l’échappée sur ces 20 derniers kms.

Est-ce un calcul des Jumbo-Visma à l’approche des deux prochaines étapes? Faut voir, mais ca ne sera pas simple pour Roglic de se débarrasser de Pogacar qui a désormais bien des atouts dans son jeu. Pogacar voudra certainement aider McNulty à remporter la course, mais si ce dernier flanche sur une accélération de Roglic, Pogacar pourra en profiter et le contrer à la fin.

Bref, le Tour du Pays Basque est loin d’être fini, avec deux étapes compliquées aujourd’hui et surtout demain. Ca monte, ca descend, il faut être vigilant tout le temps, et la dernière ascension samedi sera l’occasion pour plusieurs de jouer leur va-tout. Ils sont encore cinq à moins d’une minute du maillot jaune!

Rappelons également que McNulty, sans grand résultat chez les pros jusqu’ici, a remporté le… Tour de l’Abitibi chez nous au Québec en 2016, soit il n’y a pas si longtemps que ca.

Mike Woods a dû abandonner la course espagnole, étant victime d’une chute avant-hier durant la 3e étape et au pied d’une montée spectaculaire que je ne connaissais pas, Ermualde et ses rampes à 22%. Payez-vous les images, très intéressant.

Pour Mike, c’est un nouveau coup dur après une bronchite plus tôt cette saison. Mais il nous assure qu’il sera de retour à temps pour la campagne des Ardennaises, ouf.

2 – Bidons. L’interdiction nouvelle de l’UCI de jeter les bidons à d’autres endroits que des endroits désignés fait couler beaucoup d’encre, et avec raison selon moi.

À quelque part, cette mesure va à l’encontre de l’histoire populaire du cyclisme: qui n’a jamais rêvé d’obtenir un bidon d’un coureur, alors que nous sommes sur le bord de la route à les encourager? Les yeux des enfants brillent à cette simple perspective. Ca fait également un souvenir de qualité pour les adultes, et un objet de culte pour les passionnés!

Il y a des mesures plus importantes à prendre selon moi pour la sécurité des coureurs et le respect de l’environnement, et espérons que l’UCI pourra ajuster un peu les nouveaux règlements.

3 – Cofidis. La société de crédit française, présente dans le cyclisme professionnel depuis… 1996 (rappelez-vous la victoire de Frank Vandenbroucke sur Liège-Bastogne-Liège en 1999 sous les couleurs Cofidis de l’époque!), annonce qu’elle poursuit son engagement jusqu’en 2025, avec une révision à la hausse du budget, question de se donner des moyens de plus.

La dernière victoire d’étape sur le Tour de France de l’équipe Cofidis remonte à… 2008. Présente de nouveau au sein du World Tour depuis deux ans, elle a obtenu de bonnes places ces 24 derniers mois, mais pas de grandes victoires. Elle compte notamment en ses rangs Guillaume Martin, Nicolas Edet, Christophe Laporte et Elia Viviani pour monter sur les podiums.

L’excellente nouvelle, c’est la création d’une équipe féminine de DN2 dans un premier temps, avec un bon budget de départ (on parle d’un million d’euros). C’est très, très bien et Cofidis rejoint ainsi certaines autres équipes qui ont une présence à la fois dans le cyclisme masculin et féminin. Je pense à Movistar, à Jumbo-Visma, à DSM, à Trek-Segafredo, à la FDJ, ainsi qu’à BikeExchange.

4 – Le retour du pneu? Intéressant, les coureurs de Elegant-Quick Step ont fait le récent Tour des Flandres sur des roues montées de pneus, avec chambres à air à l’intérieur.

Les pneus étaient évidemment de marque Specialized, et en cotton. On avait monté à l’intérieur des chambres à air en latex, plus souples et plus légères. Ca fait effectivement une différence, mais mon expérience avec les chambres latex est qu’elles percent beaucoup plus facilement. Le pneu doit donc d’être irréprochable à ce niveau.

Le boyau, si populaire chez les pros en course, serait-il en perte de vitesse? À voir! Mais le tubuless gruge un peu, malgré des expériences moins positives sur la scène des Classiques ces 24 derniers mois.

Dans l’histoire, les avancées majeures des dernières années, ce sont surtout sur les sections, étant passé d’un standard 23mm à du 25 voire du 28mm en courses professionnelles. Le monde du boyau s’est-il ajusté rapidement? Pas sûr.

Côté aérodynamique, les études récentes tentent à montrer qu’il ne faut surtout pas négliger l’interface jante-pneu. On a aussi beaucoup gagné à ce niveau au sein des nouvelles générations de roues.

5 – Peter Sagan. Les dirigeants de son équipe Bora-Hansgrohe semblent perdre patience devant les insuccès de la star au cours des deux dernières années. On a même vu un Sagan quelque peu nonchalant sur les routes du Tour en septembre dernier face au défi du maillot vert.

Du coup, y’a du sable dans l’engrenage, Sagan n’ayant pas apprécié les derniers propos de ses managers, rendus publics.

On lie actuellement Sagan à la Deceuninck-Quick Step pour 2022.

Une bonne nouvelle? Pour Sagan, peut-être!

Mais pas pour le vélo selon moi.

La Deceuninck présente déjà dans ses rangs Alaphilippe, Evenepoel (qui vient de re-signer chez eux jusqu’en 2026), Bennett, Almeida, Asgreen, Ballerini, Cavagna, Lampaerts, Sénéchal, Stybar… ouf! Peter Sagan en plus? D’une part, on comprend mieux les ambitions budgétaires de Patrick Lefevere qui est actuellement à la recherche de nouveaux partenaires pour rallonger son budget, et on s’inquiète de voir cette « super-puissance » du cyclisme émerger.

À un moment donné, si Deceuninck gagne 60% des courses d’un jour, et on en est pas si loin, ca sera forcément moins intéressant.

Jusqu’ici le cyclisme était quelque peu protégé de ces super-équipes, par la nature même du travail d’équipe nécessaire à la victoire au niveau professionnel. Tu ne peux pas avoir 8 leaders différents au sein de la même équipe, sous peine de conflits internes.

Cette dimension a changé avec le cyclisme d’aujourd’hui, les enjeux sont tels que les managers ne veulent plus miser sur un seul leader pour gagner des courses. On a bien sûr des exceptions (Fenix-Alpecin de Mathieu Van Der Poel par exemple, quoique d’autres peuvent gagner de temps en temps aussi, comme Merlier, Philipsen, Dillier ou encore Vakoc), mais la majorité des équipes présentent aujourd’hui deux ou trois coureurs de premier plan oeuvrant sur la même scène.

Mais y’a une limite à se packter une équipe selon moi!!!

6 – Mathieu Van Der Poel. C’est le running gag en ce moment: apparemment, lorsqu’il roule avec son cuissard blanc, il gagne. Avec le cuissard noir, il perd… La Strade Bianche étant bien évidemment l’exception qui confirme la règle!

Fallait-il bannir la position « supertuck »?

Ce n’est pas un poisson d’avril.

Le 1er avril dernier, la position de descente dite « supertuck » est devenue interdite selon les nouvelles règles de l’Union cycliste internationale. Cette mesure s’ajoute à une série d’autres visant à accroitre la sécurité des coureurs en course.

Amende prévue pour les coureurs pro qui continueraient d’utiliser la position « supertuck »: 135 euros. En cas de récidive, ça fera plus mal encore: disqualification, donc perte des précieux points UCI qui établissent le classement mondial, et donc indirectement les salaires.

De façon générale, la mesure a été critiquée par une majorité de coureurs et d’observateurs du cyclisme.

Je suis d’accord: parce qu’il existe surtout d’autres priorités que celle-là pour améliorer la sécurité des coureurs en course. Notamment à l’égard des véhicules circulant autour d’eux (rappelez-vous l’incident Alaphilippe sur le Ronde 2020), des barrières à utiliser dans le dernier kilomètre, du signalement des obstacles en course, du choix des parcours et de la configuration du dernier kilomètre, etc.

La position supertuck est-elle vraiment dangereuse pour les coureurs pro? Je n’en suis pas sûr du tout.

D’abord, la course, c’est la course. Tu veux aller le plus vite possible, c’est l’essence même du truc. La science est claire à propos de la position supertuck: gain d’environ 15% en aérodynamisme. Cette position permet effectivement aux coureurs de descendre plus vite. Aucun doute là-dessus.

Rappelons ensuite que les coureurs pro passent entre 20 et 30 heures sur le vélo chaque semaine. Ce sont pour la plupart des équilibristes. Ils ont l’occasion d’expérimenter, de se familiariser avant d’utiliser.

De plus, ils évoluent en course sur des routes fermées à toute circulation automobile.

Enfin, leurs vélos sont toujours nickels, en parfait ordre de marche, notamment au niveau des pneumatiques et des freins (ce qui ne veut pas dire que des soucis ne peuvent pas arriver).

Alors pourquoi interdire cette position?

L’UCI ne tire-t-elle pas dans le pied du cyclisme en agissant ainsi ? La position est spectaculaire, impressionnante, propre à donner un côté excitant et intense au sport cycliste sur route quant on voit les coureurs en échappée dévaler des cols à près de 100km/h, sans que ceux derrière ne puissent rentrer.

Autrement dit, la position supertuck augmentait certainement les chances de succès des attaques en descente. Traditionnellement, en cyclisme, on t’enseignait que les descentes étaient le dernier endroit où attaquer, car faire la différence n’était pas possible à ces endroits. Depuis quelques années, on voit des attaques dans les descentes de cols, et certains coureurs creusent l’écart.

Les dangers de la position supertuck

La position est plus rapide certes, mais elle est aussi plus dangereuse, on ne peut pas le nier (même si peu de chutes sont survenues au sein du peloton pro en raison de cette position).

Le poids repose beaucoup sur l’avant du vélo dans cette position; la répartition des masses est donc très modifiée, et avec elle le comportement complet du vélo qui devient soudainement plus réactif de l’avant.

Ramassé ainsi sur le guidon, le coureur a également plus de mal à effectuer un changement rapide de direction si un obstacle inattendu survient devant lui.

Les pros maitrisent, pas de doute.

Mais l’UCI a assurément voulu tenir compte de l’effet « imitation »: les cyclistes amateurs veulent toujours imiter les pros!

N’achetons-nous pas plus volontiers le matos qu’on retrouve sur les coureurs de premier plan?

Le dimanche matin avec les copains, on veut tous être Mathieu Van Der Poel ou Julian Alaphilippe…

Alors dans les descentes, question d’impressionner, on adopte la supertuck.

Et c’est là que souvent, c’est très dangereux.

Routes ouvertes à la circulation. Peu de pratique avant, donc peu d’aisance dans la position. Le drame guète.

Perso, j’ai vu de nombreux cyclistes adopter cette position en descente depuis 4-5 ans, même dans les descentes du Parc de la Gatineau. Je ne suis jamais resté dans leur sillage, pas une seule fois. Je n’ai simplement pas confiance. Tu le vois même lorsque le coureur tente de s’installer dans la position: le geste est hésitant. Une fois installé, tu vois le vélo osciller sous le cycliste, une proportion importante du poids étant désormais sur la roue avant. Je me barre.

J’ai été témoin de deux chutes liées à cette position, dont une lors d’une grande cyclosportive en France. Le cul coincé sous sa selle, le coureur n’a pu sortir à temps de cette position et n’a pas pu prendre le lacet devant lui.

Bref, j’aurais préféré que l’UCI n’interdise pas son usage au sein des courses professionnelles. Parce qu’interdire la « supertuck » pour les pros en course ne changera probablement pas grand chose pour les « week-end warriors » out there qui continueront à l’utiliser très certainement, car c’est toujours cool de descendre plus vite que les copains.

L’UCI a probablement voulu privilégier la sécurité pour tous. Est-ce là son mandat?

Du beau monde au pays basque

Tadej Pogacar. Tao Geoghegan. Primoz Roglic. Soit les vainqueurs du Tour, du Giro et de la Vuelta la saison dernière.

Adam Yates, vainqueur du Tour de Catalogne il y a une semaine. Alejandro Valverde, vainqueur du GP Miguel Indurain ce week-end.

Jakob Fuglsang. Enric Mas. David Gaudu. Mike Woods. Bauke Mollema. Richard Carapaz. Guillaume Martin. Mikel Landa. Fabio Aru. Benoit Cosnefroy. Pierre Latour. Hugh Carthy. Marc Hirschi. Mikel Nieve. Alexey Lutsenko. Esteban Chaves.

C’est pas compliqué, c’est le plus beau peloton à date en 2021. Et c’est cette semaine sur le Tour du Pays Basque, probablement l’épreuve la plus sous-estimée du calendrier pro avec le Tour de Catalogne.

L’absent de marque, ben c’est Egan Bernal. Il ne manque que lui.

Le pays basque, c’est une terre de cyclisme et c’est dur, car ca monte et ca descend tout le temps.

Cette année, six étapes. Les étapes 4, 5 et 6 à la fin de la semaine seront celles à surveiller, car elles comportent de belles patates propre à mettre le feu aux poudres.

Le travail d’équipe y sera essentiel.

La Movistar, Ineos-Grenadier et la Jumbo ont la pression. La première car elle court à domicile, et Valverde vient de renouer avec la victoire, de bien belle façon.

Ineos-Grenadier parce qu’avec Adam Yates, Richard Carapaz et Tao Geoghegan, tu te dois d’obtenir un résultat.

Enfin Jumbo parce que Primoz Roglic, no1 mondial.

Le vainqueur du Tour, Tadej Pogacar, est présent, mais un peu en figure de premier outsider.

Beaucoup, comme Mike Woods, voudront tirer leur épingle du jeu. Ca sera passionnant toute la semaine. Deux autres coureurs canadiens au sein de son équipe Israel-Start Up Nation, soit Cataford et Piccoli.

Hier dans le chrono de 14 kms, Roglic s’est imposé logiquement, en puissance. Pogacar, Yates, Kelderman, Hirschi, Fuglsang, Latour, Valverde, Carapaz et Landa sont dans le coup.

L’équipe Jumbo me semble un peu faible, privée de ses lieutenants de premier plan que sont Bennett, Kuss, Kruijswijk ou encore Gesink. Il faudra voir comment Roglic pourra s’en sortir s’il est attaqué par plusieurs équipes dans le final des étapes cette semaine. Rien n’est joué!

Asgreen, simplement le plus fort

Au terme de la dernière ascension du Oude Kwaremont, nous pensions tous que Mathieu Van Der Poel se dirigeait vers un 2e succès de suite sur le Tour des Flandres.

Il venait de lâcher Wout Van Aert, qui payait à cet instant ses efforts parfois inutiles au cours des kilomètres précédents, privé de l’aide de ses équipiers qui étaient nulle part dans ce final du Ronde.

Kasper Asgreen parvenait à s’accrocher à VDP, mais on se disait tous qu’il était en sursis, et que le Paterberg deux kilomètres plus loin l’achèverait.

Ben non. J’ai eu une première indication que Asgreen était dans un grand jour au sommet du Paterberg: c’est lui qui vire en tête, Mathieu dans sa roue.

Là, tu te dis que le Danois est sacrément costaud et que Mathieu ferait bien de s’en méfier.

Et tu te dis qu’Asgreen va tenter de la finir solo, parce que contre VDP au sprint, aucune chance.

Ben non. Deuxième erreur. Asgreen attendra patiemment le sprint, pour battre Mathieu fair and square. Sur les derniers 13 kms tout plat, les deux se sont partagés le travail équitablement, beau à voir. Très sportif.

Le plus fort a gagné, point barre.

Rien à ajouter. Asgreen a été réglo, a très bien couru, une bataille loyale qui s’est faite à la pédale.

Après, on peut refaire 100 fois le sprint. Mathieu avait-il une dent de trop? Je le pense, il a semblé avoir rapidement les jambes autour du cou. Peut-être avait-il mal aux jambes et c’est tout ce qu’il pouvait mettre comme braquet?

Chose certaine, un sprint à deux après 254 kilomètres, c’est très différent d’un sprint massif après 200 bornes. Surtout sur le Tour des Flandres, qui reste pour moi comme pour beaucoup de suiveurs la course d’un jour la plus difficile de la saison cycliste.

La Elegant-Quick Step l’a bien joué hier en misant rapidement dans le final sur la carte Asgreen. Alaphilippe a joué le collectif, donnant le feu vert à Asgreen pour attaquer alors qu’il était encore dans le coup.

Greg Van Avermaet sauve les meubles pour AG2R – Citroen en complétant le podium. Il peut dire ouf! C’était la dernière chance sur les Classiques flandriennes pour un bon résultat.

Mention très bien encore une fois à Anthony Turgis (8e), auteur d’un sacré truc dans le final lorsqu’il a bouché solo un trou d’une quinzaine de secondes pour revenir sur la bonne échappée devant qui, à ce moment, incluait VDP, Van Aert et Alaphilippe, excusez-un-peu. Manque de chance pour Turgis, ca a attaqué presqu’au moment où il a fait contact. Mais cet effort ne laisse aucun doute sur la caisse de Turgis en ce moment.

Chez les Français, Sénéchal est 9e et Laporte 12e, pas mal du tout à ce niveau.

Mention très bien également au québécois Hugo Houle, dans l’échappée matinale. Hugo s’est payé une belle sortie bien rythmée, avant de faiblir sans surprise sur la fin, c’est normal. Il a montré le maillot pour Astana! Une équipe Astana totalement inexistante outre Houle hier, le premier coureur Astana sur la ligne est… le Canadien Ben Perry, en 70e place, dans l’autobus qui contenait aussi Houle.

Antoine Duchesne et Guillaume Boivin étaient également de la partie (le startlist jeudi dernier n’en faisait pas mention). Boivin est allé au bout, mais pas Duchesne qui était arrivé au dernier moment comme remplaçant à la FDJ.

La suite

On commence aujourd’hui le Tour du Pays Basque, une course qui révèle toujours qui sera devant sur les Ardennaises prochainement. Le Pays Basque, c’est une course difficile, très difficile. À surveiller, un certain Mike Woods, ainsi que le « vieux » briscard Alejandro Valverde, qui vient de remporter solo le GP Miguel Indurain.

Mathieu Van Der Poel remontera quant à lui sur son vélo de Mtb plus tard cette semaine, question de débuter sa préparation pour son objectif principal cette saison, l’épreuve de Mtb des prochains Jeux Olympiques. Il y retrouvera un certain Nino Schurter.

Wout Van Aert a décidé de mettre l’Amstel à son programme, en remplacement de Paris-Roubaix, reporté en octobre prochain pour cause de pandémie en France.

100 kms de vélo sur la neige

Question d’amuser un peu nos lecteurs français, voici un petit video de moins de six minutes réalisé par Adam Roberge, coureur pro québécois, témoignant de son 100 kms de vélo sur la neige réalisé cet hiver par une température de -20 degrés Celsius.

Vous avez bien lu: -20 degrés Celsius.

Comme quoi, le vélo au Québec, c’est 365 jours par année!!!

Adam en profite pour nous parler de la différence entre la pratique naïve et la pratique délibérée. À l’aube d’une nouvelle saison de vélo sur route, cela pourra en inspirer certains afin de franchir de nouveaux paliers.

Je remercie Adam d’avoir porté ce vidéo à mon attention.

Le cheminement de Geneviève Jeanson

Je trouve la démarche très intéressante, utile. Admirable même.

Geneviève Jeanson a fait parvenir hier une lettre à l’UCI exprimant ses inquiétudes quant aux sanctions réservées à Patrick Van Gansen, l’ex-manager de l’équipe féminine Health Mate convaincu d’harcèlement physique et psychologique envers plusieurs coureuses.

Le cas avait fait du bruit: onze femmes ont rapporté des comportements inappropriés, et quatre plaintes formelles ont été logées auprès de la Commission d’éthique de l’UCI.

Van Gansen a été condamné par la Commission de discipline de l’UCI à un peu moins de trois ans de suspension, rétroactive, soit du 16 avril 2020 au 31 décembre 2022.

Jeanson trouve la sanction insuffisante. Je suis parfaitement d’accord avec elle.

Elle évoque, à titre de comparaison, qu’un(e) athlète pris pour dopage aujourd’hui écope de quatre ans de suspension, et d’une suspension à vie en cas de récidive. Elle mentionne également que dans la société civile, une agression sexuelle est passible d’une peine de prison. Bons points.

Difficile de trouver une personne mieux placée et plus crédible qu’elle pour témoigner des effets dévastateurs que peuvent avoir des entraineurs abuseurs sur de jeunes athlètes.

Et son initiative arrive à un très bon moment, alors que le Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports tient en France sa 2e convention nationale de prévention des violences dans le sport.

Des cas isolés? Détrompez-vous: les chiffres sont effarants. En France seulement, 407 affaires de violences sexuelles dans le sport au cours de la dernière année, mettant en cause 445 personnes et 48 fédérations sportives. Le cas de Sarah Abitbol est probablement le plus médiatique.

On attend toujours une décision de la Commission de discipline de l’UCI dans le dossier d’harcèlement sexuel opposant Marion Sicot et Mark Bracke. La Commission d’éthique de l’UCI a déjà statué que le code d’éthique avait bel et bien été enfreint par Bracke.

Au Canada et au Québec, Natation artistique Canada est actuellement même au coeur d’un gros scandale d’abus psychologiques de la part d’entraineurs envers plusieurs athlètes. Même l’ex-olympienne Sylvie Fréchette s’en est mêlée.

Faut que ca cesse. Et vite. Vivement cette plate-forme pour les lanceurs d’alerte, promise par l’UCI.

La réhabilitation de Jeanson

Je trouve le geste de Geneviève Jeanson admirable car il témoigne d’une volonté de contribuer aujourd’hui concrètement à prévenir ce genre de comportements totalement inacceptables et extrêmement préjudiciables pour les jeunes sportifs(ves).

Et de s’assurer que les abuseurs sont sanctionnés de façon appropriée. Devons-nous rappeler ici qu’André Aubut, son ex-entraineur, a récidivé depuis sur d’autres femmes?

Ce qui n’est pas pleinement compris se répète, dit-on.

Geneviève Jeanson aurait pu rester loin de tout ça.

En ce sens, son geste est courageux aussi, car il implique de se replonger dans un chapitre de sa vie certainement toujours douloureux pour elle. Sa lettre est manifeste en ce sens:

The abuse that I endured by my coach damaged me. I never thought I would be good at anything else, or be able to function in a normal society. I sought professional help in 2008, and stayed in therapy until 2019. I can proudly say that I am now living a healthy and happy life, but not all young women cyclists have the same opportunities to heal that I had: most will suffer in silence for the rest of their lives.

(…)

It took me 7 years to touch a bike after I was suspended and I retired. I will never know what would have become of my life if I would have had an enriching and healthy career. I’m still bitter about that. Can you believe that it took a failed EPO test and a 10 year suspension to save my life? That suspension allowed me to escape from the imprisonment of my abuser. 

Let’s not have that happen to other riders.

Genevieve jeanson

De toute évidence, Geneviève Jeanson a beaucoup cheminé depuis ses aveux en 2007. C’est tout à son honneur.

Lance Armstrong ne peut (toujours) pas en dire autant.

Dimanche, Vlaanderens Mooiste!

Ou « la plus belle des Flandres »!

105e édition du Tour des Flandres dimanche, un des cinq grands monuments du cyclisme.

Météo annoncée, plutôt beau temps, 14 degrés et peu de vent. Autrement dit, rien pour durcir la course.

Pandémie oblige, la course aura lieu cette année encore sans public. L’ambiance ne sera donc pas tout à fait la même pour les coureurs.

Le parcours n’a pas encore été confirmé, mais il devrait être identique à celui de l’an dernier: 254 kms à couvrir, 19 monts et 17 secteurs pavés. Pas de Muur de Geraardsbergen, il faut s’y faire, mais trois passages sur le Vieux Quaremont, et le Paterberg comme dernière ascension avant 13 kms tout plats jusqu’à l’arrivée. Cette section peut faire une différence en ce sens qu’un coureur solo devant qui aurait fait la différence dans le Paterberg peut se faire reprendre si la chasse est organisée derrière.

C’est à partir du km 120 qu’il faudra être en mode course: les monts s’enchainent parfois à tous les 5 kms, ca n’arrête plus.

Les favoris

Pas moins de cinq anciens vainqueurs sont au départ du Ronde dimanche: Alexander Kristoff, Peter Sagan, Niki Terpstra, Alberto Bettiol et Mathieu Van Der Poel.

Deux archi-favoris se dégagent en particulier: Mathieu Van Der Poel et Wout Van Aert.

Le match revanche! L’an dernier, Mathieu a eu le dessus sur Wout dans un des beaux sprints de la saison, le couteau entre les dents car les deux la voulaient, celle-là.

Si ca arrive au sprint dimanche, je donne Wout favori sur Mathieu.

Ce qui sera intéressant, c’est que leur stratégie sera imprévisible: chacun d’eux ont montré qu’ils n’ont pas peur d’attaquer de loin, et peuvent aussi se passer de leurs équipiers pour évoluer solo. Mathieu, en particulier, a intérêt à partir de loin.

Leur stratégie dépendra aussi sûrement des actions des autres équipes comme la Deceuninck, qui s’amène avec une grosse armada: Alaphilippe, Lampaerts, Asgreen, Sénéchal peuvent tous s’imposer dimanche!!

La Deceuninck a récemment montré qu’elle est capable de prendre la course en étau. Je m’attends à cela dimanche, car ils ne voudront pas se louper sur un rendez-vous aussi important. Je me surprends juste de l’absence du line-up de l’équipe d’un Davide Ballerini, en cas d’arrivée au sprint parmi un petit groupe.

De nombreux autres coureurs auront à coeur de profiter des occasions qui se présenteront entre les archi-favoris.

Je pense évidemment à AG2R – Citroen, qui a la pression pour un grand résultat cette saison, question de justifier le recrutement de l’inter-saison. Van Avermaet a montré une excellente condition sur À travers la Flandre. Sauront-ils enfin profiter du travail de la Deceuninck et passer à l’offensive au bon moment?

Je pense aussi à l’équipe Ineos-Grenadier, sur une bonne lancée. Dylan Van Baarle vient de gagner mercredi dernier, et Thomas Pidcock pourrait surprendre, c’est un équilibriste sur un vélo et il pourrait trouver dans la succession des monts un terrain le favorisant. Ce sont les « underdogs » dimanche.

Jasper Stuyven et Mads Pedersen (s’il est au départ) sont de sérieux candidats chez Trek-Segafredo.

Michael Matthews, Matteo Trentin, Soren Kragh Andersen, Giacomo Nizzolo et Stephan Kung sont tous des coureurs que je m’attends à voir dans les 50 derniers kms.

Que nous réserve ce diable de Peter Sagan? Au prise avec la Covid-19 plus tôt cette année, il a montré des premiers signes de forme récemment, et c’est le gars qui peut faire le mort pendant 253 kms et surgir dans le dernier kilomètre. En toute logique, la succession des monts devrait l’éjecter selon moi, mais on ne sait pas trop ce qu’il est capable de faire. Chez Bora-Hansgrohe, c’est peut-être Daniel Oss qui est le plus à craindre!

Chez les Français et outre Alaphilippe et Sénéchal, Anthony Turgis, Warren Barguil et Christophe Laporte portent de belles promesses, et on se croise les doigts pour un bon résultat. Avec tous les monts, je me demande jusqu’où peut aller Barguil?

Deux Canadiens au départ pour Astana, Hugo Houle et Ben Perry. Houle était grippé récemment, je m’attends à une course difficile pour lui.

Suivre la course en direct

Au Québec et au Canada, FloBikes est le diffuseur officiel.

En France, France3 dès 13h35.

Sinon, les sites de live! streaming habituels vont permettre de suivre la course également.

Et les meilleurs, ca reste la RTBF!

Autour du Ronde

Le peloton pro, de l’intérieur cette saison. Ca frotte!!!

Bizarre À travers la Flandre.

Il faisait beau hier en Belgique. L’air était doux. Peu de vent.

Mais la course ne s’est pas déroulée comme on l’avait imaginée!

La chaleur (près de 25 degrés) a peut-être joué des tours à certains coureurs, Alaphilippe et Van Der Poel en premier lieu, les organismes n’étant pas encore très acclimatés.

Van Der Poel, panne de jambes.

Alaphilippe, pas au mieux.

La Deceuninck qui passe complètement à travers. Lampaerts (4e) et Sénéchal (9e) sauvent les meubles pour le WolfPack, mais ils ont été largement inexistants durant la course.

Idem pour les AG2R – Citroen, avec un Van Avermaet 7e et Naesen 19e. Van Avermaet s’est montré l’un des plus volontaires derrière Van Baarle, il faut lui accorder cela. Chose certaine, la pression monte pour les coureurs belges de l’équipe française, et ils commencent à en avoir ras le bol.

Un excellent et volontaire Warren Barguil dans le final s’est même fâché une fois l’arrivée franchie: aucune collaboration dans le groupe de chasse derrière Van Baarle échappé solo devant, les coureurs jouaient une place plutôt que la victoire. Autrement dit, plusieurs couraient sur la défensive. Van Baarle en a profité, même s’il convient de rappeler que ses 50 bornes solo devant sont un véritable exploit qui force l’admiration.

Le problème, c’est qu’ils ne roulent pas, même pas pour faire deuxième… C’est complètement débile.

warren barguil, lu sur Direct vélo

Il faut dire que la course a été menée à bon train: près de 100 kms couverts dans les deux premières heures, ca roulait à 50 à l’heure. La course a été sélective.

À 28 ans, Van Baarle n’est pas vraiment un coureur qui gagne souvent. Dans ce contexte, on oublie peut-être qu’il a été champion des Pays-Bas du chrono en 2018, prouvant qu’il sait rouler vite. Il signe hier sa plus belle victoire professionnelle selon moi, et donne un atout de taille à l’équipe Ineos pour dimanche prochain.

Mention très bien à la fois pour Christophe Laporte chez Cofidis et Tim Merlier chez Alpecin-Fenix qui vont tous deux chercher un résultat de premier plan pour leurs équipes respectives.

VDP, tout ou rien

Surprenant Mathieu de temps en temps, lorsqu’il explose: il explose vraiment, quitte à se mettre carrément à l’arrêt (ou presque) en pleine course.

Il a refait le coup hier, un peu comme aux Mondiaux 2019 sous la pluie. Il avait également connu une grosse baisse d’énergie dans le final de la 5e étape de Tirreno-Adriatico récemment, même s’il a pu aller au bout pour chercher la victoire d’étape.

Peut-être des coups de fringale? Mathieu est un gros gabarit, sa consommation énergétique doit être élevée. Oublie-t-il parfois de s’alimenter en quantité suffisante? On ne s’alimente pas en cyclo-cross, les épreuves étant trop courtes pour ca. Mais sur route, il faut le faire. Mathieu a-t-il payé hier dans le final des efforts intenses sur les deux premières heures, alors que ca roulait vite? Pas impossible… surtout que la consommation d’énergie n’est pas la même par 25 degrés versus 10 degrés…

La bonne nouvelle pour Mathieu et les autres coureurs, c’est qu’on annonce un temps clément en Belgique dimanche prochain, et beaucoup plus frais que hier: 14 degrés maximum. Voilà qui devrait donner d’excellentes conditions de course pour les coureurs, mais aussi peut-être une course moins sélective ou la sélection devra venir de l’avant.

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