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Pantani: l’implication de la mafia se confirme

C’est une sacré histoire que celle de l’exclusion de Marco Pantani la veille de l’arrivée du Giro 1999, alors qu’il était bien installé en rose, en raison d’un taux d’hématocrite (52%) dépassant la limite autorisée de 50%.

De nouveaux faits viennent étayer davantage encore l’hypothèse selon laquelle cette exclusion aurait en fait été commandée de toute pièce par la mafia napolitaine, ceci dans le but d’éviter de perdre trop d’argent, celle-ci ayant parié sur la victoire d’un autre coureur.

Une victoire de Pantani aurait engendré des pertes d’argent trop importantes.

La mafia aurait réussi à corrompre les responsables du contrôle sanguin, d’où ce verdict de 52%, deux petits points au-dessus de la limite permise.

Personnellement, je crois qu’on tient là la véritable histoire. Trop de choses clochent en effet.

D’une part, la corruption dans le milieu du sport en Italie n’est pas nouvelle ; je pense à l’affaire de Savone ayant touché Eddy Merckx en 1969, surprenamment semblable à celle de Pantani, ou encore l’affaire de l’équipe Napoli de Maradona dans les années 1980, encore sur les paris sportifs.

D’autre part, il m’a toujours paru totalement invraisemblable que Pantani ai pu se faire prendre à 24h de l’arrivée à Milan, alors qu’il savait pertinemment que maillot rose de la course, il serait contrôlé. Il a toujours affirmé avoir contrôlé son taux d’hématocrite avec son équipe quelques minutes avant que les contrôleurs ne débarquent, et que ce dernier était en deçà de la limite permise. Comment alors expliquer que quelques minutes plus tard, ce taux avait augmenté de plusieurs points de pourcentage?

Le visage hagard de Pantani sur des images désormais tristement célèbres alors qu’il quittait son hôtel ne laissent aucun doute sur sa surprise totale.

Autre indice d’une manipulation, le niveau des plaquettes contenues dans le sang de Pantani qui a aussi changé significativement entre l’échantillon positif, et l’échantillon repris quelques heures plus tard à Imola par Pantani lors d’un test « contrôle » en privé. Ce test contrôle aurait montré un taux d’hématocrite cohérent avec le premier test du jour.

Enfin, cette hypothèse devient crédible dans la mesure où de nouveaux témoignages de gens proches du milieu de la mafia italienne aient été portés à notre attention au cours des  derniers mois, notamment grâce à la Gazzetta. Ces témoignages concordent tous: toutes les personnes affirment que c’est bien la mafia qui a manipulé le résultat du contrôle antidopage, ceci afin que Pantani ne gagne pas le Giro, et ainsi éviter des pertes monétaires importantes.

Évidemment, les regards se tournent désormais vers les personnes qui ont procédé à ce test antidopage. Il est toutefois probable que la pression soit forte pour que ces personnes ne parlent pas…

Cette histoire n’est évidemment pas à propos de l’usage ou non de produits dopants par Marco Pantani: il est clair que le champion italien en a fait usage durant des années, comme bien d’autres (mais pas tous…) à l’époque. Cette histoire est plutôt à propos des rouages du sport professionnel, quel qu’il soit. Il est clair que depuis 10 ou 15 ans, le public découvre avec parfois stupeur que le sport – ou par principe le meilleur doit gagner – est manipulé et corrompu. Dans le cas de Marco Pantani, une preuve irréfutable de l’implication de la mafia serait également une forme de rédemption compte tenu du préjudice dont il a été victime. S’il ne s’agit pas de l’absoudre pour l’usage de produits dopants, on pourra au moins affirmer qu’il a été victime d’un adversaire extra-sportif qui l’a tout simplement abattu.

Rêvons un peu: de quoi aurait l’air du cyclisme aujourd’hui si Marco Pantani avait gagné le Giro 1999?

C’eut été sa troisième victoire consécutive sur un grand tour, après le Giro et le Tour 1998.

Il serait parti sur le Tour de France grand favori, champion défendant, pour y rencontrer Lance Armstrong.

Je pense que ce dernier n’aurait pas fait le poids en montagne, aucun coureur, pas même Ullrich ou Virenque, n’ayant pu suivre Pantani en montagne en 1997, 1998 ou 1999.

Auteur d’un 2e doublé Giro-Tour, il aurait égalé la performance de Miguel Indurain en 1992 et 1993.

L’Italie et l’Europe tout entière se serait déchainée pour Pantani et le cyclisme tant ce coureur était aimé du public qui voyait chez lui un cycliste volontaire, spectaculaire, courant avec panache, mais aussi sensible. Son look et son style en montagne, mains en bas du guidon, à eux seuls, ne laissaient personne indifférent.

On aurait donc pu assister à quelques années de domination de Pantani sur les grands tours selon moi, probablement jusqu’en 2001 ou 2002.

Plus encore, Pantani absent et Armstrong débarquant en 1999 sur le Tour, je pense que cela a ouvert grand la porte aux compagnies américaines – Trek, Giant, Cannondale, Giro, Oakley, etc. – pour débarquer dans le cyclisme européen (le début du déclin de marques comme Colnago, DeRosa et d’autres encore correspond à peu près à la fin des années 1990). Pantani présent, l’industrie italienne et européenne tout entière du cyclisme se porterait surement différemment aujourd’hui, notamment Campagnolo.

Le plus malin dans tout ça? Michele Ferrari. Préparateur physique de Pantani d’environ 1994 à 1999 (Ferrari a collaboré à la Carrera), il s’est vite reconverti sur Armstrong!

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15 Commentaires

  1. Patrick

    L’horreur que tu décris est celle d’un monde où l’argent (il y a aussi la propriété) a pris une place qu’il n’aurait pas du prendre, si on écoutait les penseurs depuis les philosophes grecs (et certainement d’autres avant). En particulier, les jeux, les paris, soit on les interdit, soit ils causent des morts (et d’autres souffrances).
    A son niveau, Pantani a été un jouet. Aux nôtres, beaucoup d’entre nous en sommes aussi.
    En passant, je me permets l’évocation d’un autre cycliste décédé dans des circonstances que, visiblement, visiblement, l’absence d’éclaircissement par justice espagnole autorise de macabres suspicions: Xavier Tondo.

  2. Bernard

    Belle analyse que je partage totalement, un peu sur la base de mes souvenirs, beaucoup grâce à la lecture d’un bel ouvrage conseillé par un fin connaisseur du sujet.
    Pantani avait le génie du cyclisme mais il n’avait pas d’équilibre affectif et il était facilement piégé par la drogue. Il faisait une victime facile, hélas.
    Avec Jimenez puis Contador, il fait partie des plus grands grimpeurs connus.
    Au passage, il y a de quoi s’inquiéter sur la domination de certains cyclistes ou équipes liées au pouvoir politique ou médiatique. On peut manipuler…
    Incontestablement, il y a eu un déclin progressif du cyclisme européen, du Sud en particulier. Il suffit de voir que seul une équipe espagnole (Movistar) et une équipe italienne (Lampre) subsistent au haut niveau. Certes l’économie de ces pays a plongé, mais cela n’explique pas tout.

  3. Christian

    Tres bon article.
    Les cas de suspicion de manipulation sur les contrôles reviennent régulièrement… surtout depuis les années Armstrong.

    J’en ai plusieurs qui me viennent spontanément:
    – le contrôle d’Armstrong durant le Tour de Suisse à l’EPO. C’est décrié, mais Landis et Hamilton affirment tous les deux qu’il aurait déclaré: « c’est arrangé », en rigolant!
    – le contrôle d’Hamilton aux JO. Il affirme qu’il était bien dopé… mais pas à ce que les autorités prétendent. A cette époque, le boss c’était Armstrong et Hamilton raconte dans son livre qu’avant cette histoire c’était deja Armstrong qui l’avait fait convoquer par l’UCI pour « parametres suspects » (après le Dauphiné, alors qu’il avait battu Armstrong dans le contre-la-montre du Ventoux). Il montrait alors qu’il avait le bras long.
    – Toujours Armstrong sur son 1er tour, positif dès le 1er jour!
    – Laurent Brochard, positif lors des championnats du monde! Mais il fallait éviter le scandale…
    – Cette histoire de manipulation avec Pantani. On peut aussi ajouter Merckx. Et il y en surement bien d’autres.

    Le grand perdant là-dedans, c’est la lutte anti-dopage, car comment avoir confiance maintenant? On se rend compte que les résultats peuvent être manipulés: un dopé peut etre déclaré négatif et vice-versa.

    Quand on voit les autres sports, ce n’est vraiment pas mieux, même peut-etre pire (tennis, athletisme, natation, alterophilie, etc.). Sans parler de la corruption (matchs truqués, compétitions attribuées à celui qui arrose le plus les décideurs, etc.)

    J’étais un grand fan de sport à la télé autrefois. Maintenant, je me contente de le pratiquer.

  4. alain39

    plus de chances que Pantani ait été pris pour une erreur de dosage ou manipulation qu’à la demande de la mafia. La théorie du complot 12 ans après sa mort je ne suis pas friand.
    Pas d’éléments matériels comme le montant des paris en jeu ou autres informations concrètes.
    En 99 parier contre Pantani sur le giro alors qu’il tournait comme un avion je n’y crois pas du tout. En plus il n’avait pas de grand adversaire cette année là sur le giro (Ullrich, Armstrong ou autres).
    Il était aussi plus simple de le faire tomber que de payer un labo pour des faux résultats. On est sur du pénal et franchement pas facile de convaincre un labo de faire des fausses analyses. Et puis on oublie le sang qui était bien celui de Pantani et je ne sais pas si c’est possible d’augmenter le taux.
    Si on pousse plus loin on va bientôt dire que c’est la mafia qui l’a tué.
    Pantani a joué et il a perdu.
    Ne lui donnons pas le beau rôle de victime alors qu’il trichait éhontément. Il faut arrêter l’amoralité et même si on a aimé le coureur reste que le champion était un tricheur.
    Paix à son âme mais on ne va pas le sanctifier non plus.

    • Commentaire bête , un pari rapporte si un outsider gagne et non pas un grandissime favori ! De plus Marco Pantani a refusé de partir dans l’énorme équipe de l’époque « la Mapei » et ça les dirigeants ne lui ont jamais pardonné

  5. Stef

    Je suis abasourdi par les propos de LFR! Pourquoi prendre en pitié Pantani? Pourquoi s’intéresser à des racontars qui surviennent 12 ans plus tard. Tout ça, pour faire des hypothèses démontrant qu’Armstrong n’aurait pas gagné autant de Tours? Je ne suis pas un fan d’Armstrong et moi aussi je préférais Pantani. Mais là, c’est le délire.

    En passant, est-ce que l’UCI a vérifié le vélo de Cancellara lors de sa dernière victoire en Italie?

    Je lui souhaite de gagner une classique et pour couronner le tout, qu’il fasse scier son vélo devant les caméras pour faire taire ses détracteurs.

  6. Fore

    Beaucoup d’approximations dans cet article, je recommande la lecture de la biographie de Pantani par Matt Rendell qui reprend tous les éléments autour de Madonna di Campiglio de manière factuelle.
    Par ailleurs, même si j’aime bien l’histoire revisitée par Laurent « et si Pantani n’avait pas été pris », quelques éléments complémentaires :
    – Pantani n’avait pas prévu de faire le tour 99 (peur des gendarmes ?)
    – avec 2 longs contre-la-montre plats cette année là, il n’est du tout évident qu’il ait résisté à Armstrong et Zulle
    – Ferrari n’était pas le médecin de Pantani, il était pris en charge par Conconi en 94-95 avec le reste des Carrera, à l’époque Ferrari travallait avec les Gewiss et d’autres clients qui apparaissent dans ce fichier, mais pas Pantani http://wheelmenthebook.com/docs/Ferrari-Worksheet-(Un-Redacted).pdf
    – on voit aussi dans ce fichier que Ferrari ne « jouait » pas à monter l’hématocrite au delà de 51%, Pantani sous Conconi montait à 58-60 (voir le bouquin de Rendell)
    – les estimations de Vayer/Portoleau montrent que Pantani n’a pas perdu de puissance après la mise en place de la limite de 50% d’hématocrite, comme beaucoup d’autres, ce qui suggère qu’il jouait avec le feu et les dilution, on peut comprendre qu’une fois ça n’ait pas marché
    – enfin, et c’est peut-être la vraie explication, Rempi, le médecin de la Mercatone (chargé de ces hémodilutions ?) a passé la nuit en discothèque à Madonna di Campiglio et n’était pas là pour Marco le funeste matin du test.

    Là où je rejoins Laurent, c’est que si Marco n’avait pas subi cette humiliation, il n’aurait probablement pas pris de cocaïne dans les semaines suivantes et peut-être évité la spirale fatale qu’on connaît. Mais ça n’est même pas sûr au vu des fragilités du personnage : Jimenez n’a pas eu besoin d’un tel déclencheur pour sombrer, Vandenbroucke était déjàà junkie avant ses ennuis judiciaires

  7. Fore

    J’oubliais deux autres faits intéressants :
    – l’échantillon de Madonna di Campiglio a été saisi par la justice et retesté en 2000, avec les mêmes résultats et la preuve par l’ADN qu’il venait bien de Pantani
    – au Giro 98, Forconi, le coéquipier de Pantani a été exclu après un contrôle sanguin > 50% le dernier jour de la course. Quelques mois après, le directeur sportif d’Amore&Vita a lâché que l’échantillon de Forconi avait été permuté avec celui de Marco pour sauver son Giro. Lorsqu’une enquête a été menée pour retrouver l’échantillon et faire un test ADN pour prouver qu’il s’agissait bien du sang de Forconi, ce tube n’a pas comme par hasard pas été retrouvé.

    Ma conclusion est que si corruption il y a eu en Italie, cela a été plutôt pour préserver Pantani, mais la pression est telle, le lobbying de ses parents tellement fort, que même Gotti, vainqueur du Giro 99, déclarait être prêt à rendre son titre à Pantani… qui n’a pas fini cette course !

  8. Fore

    L’histoire de l’échantillon attribué Forconi disparu, « c’è più, è sparita » !!!

    « Per la cronaca: Pantani vinse quel Giro con 1’33” di vantaggio su Tonkov, russo della Mapei. La mattina della cronometro finale, che Pantani corre come una moto (lui scalatore finirà terzo), dopo un controllo a sorpresa di tutta la Mercatone Uno, il gregario Forconi, centesimo in classifica, viene mandato a casa con l’ematocrito oltre i 50: il tutto l’ultimo giorno e prima di una crono in cui non avrebbe nemmeno dovuto aiutare il suo capitano. Strano, non vi pare? Ma non è finita. Dopo l’intervista a Fanini, il giudice Guariniello apre un’inchiesta per fare luce sulla vicenda. Chiede di recuperare la provetta incriminata (di Forconi? Di Pantani?), all’ospedale Sant’Anna di Como dov’è depositata, per stabilire di chi effettivamente sia il Dna. Sorpresa: la provetta non c’è più, è sparita. Guariniello deve archiviare. »

    S’il y avait une mafia derrière tout ça dans les années 90, c’est plutôt du côté des directeurs sportifs et de l’UCI qu’il faudrait regarder…

    http://www.ilfattoquotidiano.it/2014/10/23/marco-pantani-positivo-epo-gia-giro-98-fu-eliminato-compagno-forconi/1167002/

  9. Christian

    Apres vous avoir lu, quand on y pense, Pantani vaut-il plus qu’un coureur comme Rico?
    Finalement, la différence est que Rico s’est fait avoir plus vite, avant d’avoir le palmarès de Pantani. Il n’avait pas la chance d’Avoir un entourage aussi compétent que Pantani.

    Ceci étant dit, j’ai des doutes sur la probité des gens qui réalisent les tests. C’est malheureux mais du coup je n’y crois plus.

  10. pijiu

    Riccò est tout simplement né quelques années trop tard…

  11. Zenou

    Quand un coureur surveille son taux d’hématocrite, c’est qu’il se dope. Un point c’est tout !

  12. Patrick

    Ton point affirmatif est inutile, Zénou. Je ne crois pas que tu trouves ici quiconque qui pense que Pantani ne se dopait pas! Tu vas devoir relire (lire?) et l’article et les commentaires pour prendre connaissance du sujet…

  13. Alex Meunier

    Et si Armstrong (et son entourage) avait eu un rôle à jouer (avec ou sans la mafia) dans la dégringolade de Pantani…?

  14. TRENTE Michel

    Bonjour Laurent
    Merci de me réinscrire à ta New lettre
    Cordialement Michel

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