Le maillot jaune Chris Froome a été victime d’une chute hier à environ 3 kilomètres de l’arrivée, chute causée par une moto télé juste devant le groupe Froome-Porte-Mollema et qui aurait été stoppée en raison de la densité de la foule présente. L’organisation n’aurait pas eu le temps d’installer les deux kilomètres de barrières prévues avant la ligne d’arrivée étant donné la décision tardive de déplacer cette ligne d’arrivée au chalet Reynard plutôt qu’au sommet du Ventoux en raison des forts vents prévus.
La scène a donné lieu à des images surréaliste d’un maillot jaune en footing, courant sur la route sans son vélo, ce dernier ayant été brisé par une autre moto n’ayant pu l’éviter. La scène m’a fait immédiatement penser à Lance Armstrong, lui aussi maillot jaune, traversant à vélo un champs après avoir évité la chute de Joseba Beloki dans le col de la Rochette sur le Tour 2003. Depuis, on n’avait pas fait plus cocasse!
Froome sera dépanné par sa voiture d’équipe plus loin, et lâche près de deux minutes sur la ligne par rapport aux coureurs qui, au moment de l’incident, étaient derrière lui.
Décision du collège des commissaires UCI (indépendants de la direction de course): on donne à Chris Froome le temps de Bauke Mollema qui était avec lui au moment de la chute. Il conserve donc son maillot jaune.
Personnellement, je trouve cette décision excellente, car elle respecte des critères sportifs. Cette chute n’appartient pas à la catégorie « incidents de course » dûs à toutes sortes de circonstances (inattention des coureurs, accrochages au sein du peloton, les causes sont nombreuses) mais est bien d’une cause externe à la course. Dans ce contexte, Froome n’a pas à être pénalisé d’un incident dont il est totalement étranger.
La plupart des coureurs étaient d’ailleurs d’accord avec la décision des commissaires, en premier lieu Adam Yates qui a déclaré ne pas vouloir le maillot jaune de cette façon. Comme je le comprends! À une autre époque, Merckx avait lui aussi refusé d’endosser le maillot jaune suite à la chute d’Ocana dans le col de Mente sur le Tour 1971.
Rappelons au passage que la règle des trois kilomètres ne s’applique pas lors d’arrivées au sommet comme hier. La décision des commissaires est donc de nature exceptionnelle.
Chose certaine, c’est à un drôle de Tour de France que l’on assiste cette année: la bannière de la flamme rouge qui se dégonfle soudainement il y a quelques jours, une arrivée relocalisée en raison de vents violents, maintenant une chute due à une moto-télé, où la série s’arrêtera-t-elle? Une avalanche sur le peloton dans le prochain col de la Colombière? La série devient embarrassante pour ASO…
Le Tour des beaufs…
D’après ce qu’on comprend, la moto-télé aurait été stoppée net par une foule trop importante ayant réduit la route à rien du tout, obligeant le motard à mettre soudainement les freins.
On peut se poser la question: qui sont ces gens sur le bord des routes qui font tout et n’importe quoi? L’ami Patrick pose la question dans un commentaire laissé hier sur ce site.
J’ai eu quelques discussions familiales à l’occasion de mon récent séjour en France, sur la base d’une simple question: qui, aujourd’hui, se déplace sur les routes du Tour? Le Tour et le cyclisme, après des années d’affaires de dopage, est-ce ringard?
Sans pouvoir le prouver, la foule du bord des routes en 2016 n’est peut-être plus exactement la même que celle qu’on voyait dans les années 1950, 60, 70, 80 et 90.
Les passionnés de vélo ont été refroidis par des années de dopage, et ne se font plus d’illusion. Ils pratiquent certes le vélo plus que jamais – la popularité des cyclosportives l’atteste – mais pour eux, à leur rythme – en gardant un oeil détaché sur le cyclisme pro. On peut croire qu’ils sont moins nombreux à se déplacer pour voir passer des coureurs auxquels ils ne croient plus vraiment.
Aujourd’hui, il est probable que la vaste majorité des gens qui sont sur le bord des routes du Tour soient des gens qui ne connaissent que très peu le cyclisme ou les coureurs, mais qui désirent participer à une fête dont ils entendent de plus en plus parler grâce à l’omniprésence des médias.
En d’autres mots, il faut aller voir le Tour comme il faut aller un jour dans sa vie voir la Tour Eiffel, Time Square ou Ronaldo.
Du coup, le beauf, le jeune du lycée, le nouveau retraité se disent: allons voir le Tour! Ils ne se sont évidemment jamais déplacés sur une course cycliste auparavant.
C’est ainsi que les accidents avec la foule sont en augmentation: les gens font tout et n’importe quoi sur le bord des routes car n’ont aucune idée de la vitesse à laquelle les coureurs peuvent arriver, n’étant jamais eux-mêmes montés sur un vélo.
C’est donc une foule différente, peu connaissante des choses du vélo, qui est aujourd’hui sur le bord des routes selon moi. Il n’en a pas toujours été ainsi. Je suis toujours surpris de voir la surprise dans le visage des coureurs lors des GP de Québec ou Montréal lorsque je leur donne le temps de retard sur les coureurs devant, un réflexe pour moi! Ces choses se perdent.
Les enseignements du jour
Outre l’incident d’hier, l’étape a été riche en enseignements.
D’abord, superbe DeGendt qui confirme en quelque sorte sa victoire, il y a quelques années, au Stelvio sur le Giro: c’est un sacré teigneux, et un sacré coureur aussi car il a su parfaitement gérer son final, sans s’affoler devant les attaques et parfois le retour de ses deux adversaires, Pauwels et Navarro. Et du coup, il se relance dans la course au maillot à pois qu’il domine maintenant de 9 points sur Thibault Pinot! De Gendt faisait partie de mes favoris pour l’emporter hier.
Ensuite, Thibault Pinot justement: ce dernier a été inexistant hier, et on apprend qu’il souffrirait d’une bronchite. Il faudra voir s’il pourra s’en remettre à temps pour pouvoir être dans le coup dans les Alpes. Ce n’est jamais simple de guérir d’un tel truc sur un Tour de France où vous tapez dedans tous les jours. Chose certaine, il y a aussi un mal plus profond, qui s’appelle peut-être « grosse fatigue » (plusieurs d’entre vous l’avez écrit en commentaires au cours des derniers jours). C’est du moins ce qu’on apprend dans cet article.
On a aussi vu les limites de Nairo Quintana hier selon moi. S’il n’a pas bronché dans les Pyrénées, c’est qu’il ne pouvait probablement pas faire plus. S’il a essayé d’attaquer hier dans le Ventoux, il a rapidement été repris puis lâché par notamment un Bauke Mollema que je n’attendais pas à ce niveau. Hier, Mollema a été la surprise du jour, c’est clair. Son retour sur le duo Froome-Porte quelques instants avant l’incident ne peut mentir sur les jambes qu’il a en ce moment.
Fabio Aru semble aussi plafonner. Si j’avais à prédire aujourd’hui le podium de ce Tour, je dirais probablement Froome, Porte et Mollema!
Sagan aurait-il dû laisser gagner Bodnar avant-hier?
Vous êtes nombreux à avoir évoqué la question: ayant déjà remporté une étape, Sagan aurait-il dû offrir la victoire d’étape à son équipier Bodnar lors de l’étape avant-hier?
On a souvent vu ce geste de la part de leaders d’équipe dans certaines circonstances en effet.
Le problème hier, c’est que Froome a sprinté et que dans ce contexte, Sagan ne pouvait pas prendre le risque de voir la victoire échapper à l’équipe. Meilleur sprinter que Bodnar, il ne pouvait donc pas prendre le risque de faire passer Bodnar, car Froome aurait pu en profiter. Pas de faute à mon avis!
Nice
Petite pensée aujourd’hui pour les victimes de l’attentat de Nice hier, ainsi que pour leur famille. Quand cela s’arrêtera-t-il? Vous le savez, mais je le redis aujourd’hui: je suis français autant que québécois!