Sous la flamme rouge dimanche, nous étions probablement nombreux à attendre la victoire quasi-certaine de Mark Cavendish.
Et puis non. C’est Alexander Kristoff, le Norvégien (non, il n’est pas russe…) chez Katusha qui s’est imposé au sprint.
Ceci étant, je suis d’avis que la victoire de Kristoff, c’est surtout celle de son équipier Luca Paolini qui a tout simplement été parfait pour lui préparer le terrain, tant dans le Poggio que dans les derniers hectomètres.
Cancellara termine 2e (pour Spartacus, il s’agit du 4e podium d’affilée sur Milan SanRemo, il était déjà 2e en 2011, 2e en 2012, 3e en 2013!), Swift surprenant 3e. Cavendish est 5e, Sagan 10e, Gilbert 13e Van Avermaet 25e. Le Québécois Hugo Houle est le dernier classé, en 114e position, à 18 minutes du vainqueur.
L’histoire de la course fut la météo difficile, pluie, vent et froid étant au rendez-vous. Apparemment, un bon petit vent de face soufflait dans le Poggio, rendant quasi-impossible de s’échapper. Peu de coureurs se sont d’ailleurs essayés, l’attaque la plus sérieuse venant peut-être de Philippe Gilbert, rapidement contrôlé cependant.
Le final a été surtout animé par Vicenzo Nibali, qui a le mérite d’avoir assuré le spectacle. J’apprécie, car derrière c’était plutôt course d’attente décevante pour plusieurs. Mais à quoi ont pensé les BMC dans le final nom de Dieu? Avec Gilbert et Van Avermaet, il fallait que l’un d’eux accompagne Nibali!
Quoi qu’il en soit, Milan SanRemo a encore réussi à un sprinter, comme ce fut souvent le cas au cours des dernières années.
Moins sélective
Tout indique que la sélection sur Milan SanRemo ne se fait plus. Malgré la météo, ils étaient encore nombreux dans le premier groupe à l’approche du Poggio. Pourquoi la sélection n’opère plus?
Le modèle d’affaire de Milan SanRemo, ça a toujours été la distance. 299 bornes à encaisser! Sur le Tour des Flandres, le modèle d’affaire c’est les monts pavés. Sur Paris-Roubaix, les secteurs pavés. Sur les Ardennaises, les bosses à gogo qui se répètent à tous les 5 kms. Sur le Tour de Lombardie, encore les bosses, plus longues. Chaque course a son modèle d’affaire, a été imaginée avec une caractéristique permettant une sélection. Permettant aux meilleurs de s’illustrer.
Encore une fois, Milan SanRemo, c’est la distance qui doit jouer ce rôle. N’est ce pas la plus longue des Classiques du calendrier?
Et après 280 kms, le Cipressa et le Poggio doivent permettre de départager les grands coureurs des autres. Le palmarès d’après-guerre de la course montre que ce fut souvent le cas, les grands champions inscrivant souvent leur nom au palmarès de cette course unique (Merckx à 7 reprises!). Bien sûr, il y a des exceptions, soit des coureurs plus moyens ayant parfois gagné au terme d’une course d’audace et d’une belle résistance au retour des favoris derrière. Le cyclisme n’est pas une science exacte.
Mais des sprinters, il y en avait peu qui gagnaient jusqu’au milieu des années 1990.
Aujourd’hui, c’est devenu la norme. Treize des vingt derniers vainqueurs peuvent être placés dans la catégorie des sprinters. Et parmi les 7 autres, la plupart se sont imposés au sprint, comme Gerrans il y a deux ans!
Pourquoi ce changement?
Je suis d’avis que c’est parce que la condition physique du peloton est devenue très homogène depuis 15 ou 20 ans. Du coup, la distance ne suffit plus pour départager les grands coureurs des autres. Du coup, les sprinters sont moins isolés dans le final, disposent d’équipiers pour faire rouler, et sont eux-mêmes plus souvent présents! Hier, Greipel est même revenu au pied de la descente du Poggio!
Ajoutez à cela les oreillettes pour contrôler les audacieux qui partent tôt, et vous avez le résultat d’une course promise aux sprinters. Gabrielle Colombo n’aurait jamais gagné Milan SanRemo en 1996 si les oreillettes avaient été répandues dans le peloton.
Bref, la distance qui devait provoquer la sélection ne la provoque plus aujourd’hui. Le modèle d’affaire de Milan SanRemo est à revoir si on veut préserver l’intérêt de cette grande Classique selon moi, et y conserver un palmarès de prestige faisant sa renommée.
En ce sens, je suis parfaitement d’accord avec la volonté des organisateurs de vouloir ajouter des difficultés l’an prochain dans le final, notamment la Manie ainsi que la Pompeiana. Cancellara a raison de déclarer que le parcours n’est pas assez dur, à la nuance que j’aurais dit « n’est plus assez dur » pour le cyclisme moderne.
La classique des sprinters n’est-elle pas Paris-Tours plutôt que Milan SanRemo?!