Chris Froome a confirmé hier qu’il sera au départ de la 101e édition du Tour d’Italie, dont le parcours a été dévoilé.
Autrement dit, il tente, en 2018, le doublé Giro-Tour.
Un tel doublé est-il encore possible dans le cyclisme d’aujourd’hui? Le dernier à avoir réalisé pareil exploit est Marco Pantani en 1998, dans des circonstances un peu particulières on le sait aujourd’hui (rappelez-vous, le Tour 1998 a été celui de l’Affaire Festina…).
Avant Pantani, Miguel Indurain avait lui aussi réalisé ce doublé en 1992 et 1993. Au total, dans l’histoire du cyclisme, et outre Indurain et Pantani, seuls cinq autres coureurs ont réalisé ce doublé, soit Stephen Roche une fois (1987), Bernard Hinault deux fois (1982 et 1985), Eddy Merckx trois fois (1970, 1972 et 1974), Jacques Anquetil une fois (1964) et Fausto Coppi deux fois (1949 et 1952). Des monstres!
On peut penser que Froome n’est pas inconscient et que son doublé Tour-Vuelta en 2017 lui aura servi de répétition générale, boostant sa confiance.
Je pense que Froome prend toutefois de gros risques.
D’une part, 2018 sera l’année de sa 5e victoire sur le Tour, ce qui lui assurerait une place unique dans l’histoire du cyclisme, rejoignant les Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain comme quintuple vainqueur de la Grande Boucle. En prenant le départ du Giro, il prend le risque d’y laisser beaucoup d’énergie AVANT son grand rendez-vous de la saison en juillet. En 2017, les risques étaient moindres: le Tour d’abord, et on verra bien ce qui reste pour la Vuelta, qui vient APRÈS le Tour… Ca avait bien marché, il avait encore du jus sur la Vuelta, mais les risques étaient moindres.
D’autre part, le parcours annoncé de ce Giro 2018 est très difficile. Un départ d’Israel, donc un long transfert à assurer après trois jours de course, et pas moins de huit arrivées au sommet, dont l’Etna, le Gran Sasso et le Zoncolan! Définitivement de quoi y laisser beaucoup de plumes, surtout si on se bat pour le maillot rose (Aru a déjà annoncé l’impasse sur le Tour, pour se concentrer sur le Giro…).
Le Giro intervient également plus tôt dans la saison, et la météo peut y être compliquée, davantage qu’en Espagne au début septembre. Pour être prêt au départ du Giro, Froome devra consentir à des efforts dès les mois de mars et avril, parfois dans des conditions moins optimales, ce qui coûte aussi de l’énergie.
Dans ce contexte, je me pose la question: que restera-t-il à Froome comme énergie au sortir du Giro le 27 mai prochain? En gros, six semaines le sépareront alors du départ du Tour, prévu le 7 juillet, pour se refaire la cerise. Suffisant?
Rappelons que plusieurs coureurs ces dernières années ont apparu cramé au Tour, après avoir disputé le Giro. Je pense notamment à un coureur ultra-talentueux comme Alberto Contador, qui s’est cassé les dents sur ce défi à plusieurs reprises au cours des dernières années. Just too much compte tenu des cadences de course, de la pression des médias, des sponsors, des enjeux et de la compétition féroce. Un Tom Dumoulin ne voudra pas faire que de la figuration sur ses grands défis en 2018…
Ajoutons à cela que les équipes ne comporteront plus que… huit coureurs sur les grands tours en 2018, rendant la course un peu plus difficile à contrôler pour les grands leaders. Froome devra également composer avec cette nouvelle donne l’an prochain, ce qui lui compliquera la tâche sans aucun doute. Tu perds deux équipiers en début d’épreuve et te voilà réduit à cinq coéquipiers pour assumer le boulot sur les deux dernières semaines… aie!
Chose certaine, s’il devait réussir, Froome prouverait à tout le monde le caractère exceptionnel de son talent, dans la lignée des grands exploits du cyclisme, je pense à ceux de Coppi, Anquetil, Merckx ou Hinault.
Les « marginal gains » seront-ils suffisants?!